La France est tout de même un drôle de pays ! Il s’en passe des bonnes et des moins bonnes. On rigole toujours autant, mais jaune.
On y brûle les voitures, les entreprises, les parkings, les bus, les entrepôts, les handicapés. On y tabasse à mort un homme venu prendre des photos, on arrose d’essence une femme handicapée et un chauffeur de bus. Rien de plus normal. Dire le contraire est déjà un acte courageux.
On pourrait s’attendre à un front populaire qui se dresserait contre les casseurs-assassins. On peut toujours attendre. Personne n’ose la ramener. Et quant à ceux qui trouvent cela plutôt chouette, on peut se demander si leur santé mentale n’est pas en péril.
Certes, le gouvernement est dans la panade et pas qu’un peu. Le Président, totalement absent. Le Ministre de l’ascenseur social est redescendu à pied en fin de semaine et on n’est pas prêt de l’entendre, quant au Ministre du Culte et accessoirement de l’Intérieur, il n’est plus certain qu’il rêve aux plus hautes fonctions en se rasant. L’opposition devrait remercier le ciel de ne pas être aux commandes du pays en ces temps troubles. Surtout qu’il n’y a pas de quoi pavoiser. Les évènements qui se déroulent en ce moment étaient annoncés depuis belle lurette par nombre de personnes, qu’elles soient spécialistes de la chose ou non. Et d’autres n’ont pas vraiment fait leur boulot du temps où ils dirigeaient le pays. Mais gageons que ces évènements feront au moins quelques heureux en librairie, notamment le nombre incalculable de sociologues dont notre pays est doté.
Le populo, lui, ferme sa gueule. Pendant que ceux qui nous dirigent pensent à lui interdire de fumer dans les lieux publics alors que d’autres fument ses lieux publics, il ne reste plus au bout du compte qu’à s’abrutir devant les journaux de 13 et 20 heures. S’il lui reste un peu de courage après une journée de labeur ou de chômage, il peut toujours se suicider devant son poste de télévision devenu un formidable outil de décérébration.
C’est que le populo n’a pas intérêt à la ramener devant la caméra s’il ne veut pas que sa bagnole crame. Pourtant, il n’hésite pas quand les caméras sont éteintes à exprimer son ras le bol, sa peine, et à dire qu’il ne se sent plus en sécurité. Ah mais ça, faut pas le dire. Ca pourrait concourir à stigmatiser.
Certains camarades de gauche et d’extrême gauche n’hésitent pas, quant à eux, à rêver de la révolution qu’ils n’ont jamais eu le courage de faire, si ce n’est dans leurs rêves. Et les voilà qui s’embrasent à leur tour. Le nouveau prolétaire, à leurs yeux, est le « djeune » de banlieue. Celui-là même qui se la joue en Nike et en Sergio Tacchini et dont le seul rêve est de rouler en Merco.
Ca c’est du prolétaire ma bonne dame !
Non pas celui bûche pour réussir à l’école, pas celui qui veut sortir de l’image pourrie des banlieues, non, le nouveau prolétaire des camarades est l’émeutier. Le roi de la casse d’abri-bus et de feu de local à poubelles.
Il faut dire que depuis la fuite à l’extrême droite ou de l’abstention de l’électorat d’une partie de la gauche et de l’extrême gauche, y’avait plus grand monde aux meetings. Et voilà nos camarades qui se prennent au jeu du paternalisme suintant et puant. On aurait pu espérer que les dirigeants aillent rechercher leur électorat perdu en lançant un vaste programme de réflexion intégrant la jeunesse. Ben non. Ils ont préféré renouveler le cheptel et abandonner leurs anciens électeurs.
Les voilà, un beau matin, athées convaincus pour la plupart, partis à la conquête de l’électorat musulman. Et ce n’est pas le camarade Tariq Ramadan qui s’en plaindra. Lui, le prolétaire de Genève, vendeur vedette de cassettes et de livres sur les marchés. Ah les temps changent. La camarade voilée qui hurle : « un voile, une voix » est la nouvelle égérie de l’extrême gauche.
Les temps changent
Bien avant le camarade émeutier, certains observateurs avaient pu assister, dubitatifs, à la naissance du camarade barbu. L’indigène qui devait se révolter contre le pouvoir colonialiste et dont le salut se trouvait dans la religion. Bien que certains camarades aient été gênés aux entournures, ils ne pipèrent mot. Après tout, ça ne se bousculait pas trop aux portes de la révolution et la famille ne demandait qu’à s’agrandir. Certains nés musulmans avaient également rappelé aux camarades que l’opium du peuple n’était pas leur tasse de thé mais ils ne furent pas entendus, pire, ils furent virés.
Après moult tractations, le camarade barbu s’étant installé partout où le camarade révolutionnaire lui avait fait une place, on ne l’entendait plus, il travaillait. A quoi ? A la révolution prolétarienne et religieuse. Oui, je sais, c’est un peu bizarre comme concept, mais vous vous y habituerez très vite. D’ailleurs, vous n’avez pas trop le choix. La dernière fête de l’Huma ne consacrait-elle pas cette nouvelle forme de révolution en proposant aux camarades une paëlla hallal ? A quand la prochaine fête de l’Huma arrosée aux jus de fruits et aux discours de Qaradawi ?
D’ailleurs, pourquoi les camarades se priveraient de hallaliser la lutte prolétarienne ? Le collège de Bussy de Seine St Denis ne vient il pas de repousser illégalement la rentrée des classes à lundi pour cause de fin de ramadan ? Tout va bien dans ce pays qui, rappelons le, est un pays laïque.
Mais voilà que les choses se gâtent. Le camarade émeutier est un tantinet plus gênant que le camarade barbu plus assidu au travail. Surtout, il est plus chahuteur et moins enclin à rentrer dans les rangs. Et je promets des nervous break down à ceux qui vont s’y essayer. Le camarade émeutier, en effet, n’en a rien à cirer de la lutte des classes. D’ailleurs, la plupart du temps, il ignore tout simplement que cela a existé et existe encore. Son ennemi, c’est l’autre, celui qui ne lui ressemble pas ou ne veut pas lui ressembler. Il se fout de la gueule du bobo du coin qui vient lui causer révolution prolétarienne, il rêve de consommer. Il écoute parfois d’une oreille distraite si le bobo vient lui chanter lutte avec le camarade-martyr palestinien victime du complot planétaire américano-sioniste.
Il y a bien des voix qui s’élèvent, timidement, pour alerter. Attention, les émeutiers n’ont rien de révolutionnaires, ils cassent pour le plaisir de casser. Ce serait un ramassis de délinquants ! Non ? ? ? Mais ce n’est pas possible. Le camarade émeutier casse parce qu’il a conscience d’appartenir à la communauté indigène brimée par le pouvoir colonialiste. C’est pourtant simple. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre, tas de bourgeois indécrottables !
Du côté des instances musulmanes, on fait de la récupération. On appelle au calme, on rappelle les règles musulmanes de civisme et d’amour de son prochain. Tiens, comment se fait il que le Mrap ne fasse pas de communiqué sur le comportement islamophobe avéré des instances musulmanes ? Car enfin, faire passer les camarades émeutiers pour des musulmans mérite un procès. Mais que fait la HALDE contre cet intolérable état de fait ?
Quoi qu’il en soit, on attend bientôt le soutien de Fidel Castro à la lutte prolétarienne des camarades émeutiers de banlieue, voire celle de Maradona, nouveau leader de la lutte argentine.
Pour ma part, je soutiens le camarade soldat du feu qui risque sa vie pour éteindre les incendies provoqués par des trous du cul. Lui mérite tout notre soutien. Il ne se plaint pas et fait son boulot avec courage.
Et je ne confonds pas révolte des paysans sans terre avec casseurs abrutis. Certains feraient bien d’y réfléchir à deux fois avant de mélanger des gens qui luttent pour une cause avec ceux qui cassent parce qu’ils n’ont rien trouvé de mieux à faire. On a toujours le choix. Et ceux qui ont fait le choix de ne pas casser vont payer pour les autres. Mais ça, les camarades n’en n’ont rien à faire, on pourrait même dire que ça les arrange. Hop tout le monde dans le même sac. Ca fera plus de monde dans les prochaines réunions. C’est toujours ça de pris. Je ne peux que leur souhaiter de se faire cramer leur bagnole ou de se prendre un pain dans la gueule en attendant qu’ils comprennent quelque chose.
Les casseurs, quant à eux, n’ont sûrement pas conscience des répercussions de leurs actes et de la récupération dont ils sont l’enjeu.
Révolution, mon cul !
Véronique de SÁ ROSAS