concernant la division du travail :
http://kropot.free.fr/Kropotkine-pain.htm#DIVISION%20DU%20TRAVAILL'Economie politique s'est toujours bornée à constater les faits qu'elle voyait se produire dans la société et à les justifier dans l'intérêt de la classe dominante. Elle en agit de même pour la division du travail créée par l'industrie ; l'ayant trouvée avantageuse pour les capitalistes, elle l'a érigée en principe.
Voyez ce forgeron de village, disait Adam Smith, le père de l'économie politique moderne. S'il n'a jamais été habitué à faire des clous il n'arrivera qu'avec peine à en fabriquer deux ou trois cents par jour : encore seront-ils mauvais. Mais si ce même forgeron n'a jamais fait que des clous, il en livrera facilement jusqu'à deux mille trois cents, dans le cours d'une journée. Et Smith s'empressait d'en conclure : " Divisons le travail, spécialisons, spécialisons toujours ; ayons des forgerons qui ne sauront faire que des têtes ou des pointes de clous, et de cette façon nous produirons davantage. Nous nous enrichirons. "
Quant à savoir si le forgeron, qui aura été condamné à faire des têtes de clous toute sa vie, ne perdra pas tout intérêt au travail ; s'il ne sera pas entièrement à la merci du patron avec ce métier limité ; s'il ne chômera pas quatre mois sur douze ; si son salaire ne baissera pas lorsqu'on pourra aisément le remplacer par un apprenti, Smith n'y pensait guère quand il s'écriait : " Vive la division du travail ! Voilà la vraie mine d'or pour enrichir la nation ! " Et tous de crier comme lui.
Et lors même qu'un Sismondi, ou un J.-B. Say s'apercevaient plus tard que la division du travail, au lieu d'enrichir la nation, n'enrichissait que les riches, et que le travailleur, réduit à faire toute sa vie la dix-huitième partie d'une épingle, s'abrutissait et tombait dans la misère, - que proposaient les économistes officiels ? - Rien ! - Ils ne se disaient pas qu'en s'appliquant ainsi toute la vie à un seul travail machinal, l'ouvrier perdrait son intelligence et son esprit inventif
Après avoir énuméré les bienfaits de la division du travail, les économistes prétendent que cette division exige que les uns s'appliquent à l'agriculture et les autres à l'industrie manufacturière. Les agriculteurs produisant tant, les manufactures tant, l'échange se faisant de telle façon, ils analysent la vente, le bénéfice, le produit net on la plus-value, le salaire, l'impôt, la banque et ainsi de suite.
Mais, après les avoir suivis jusque-là, nous ne sommes pas plus avancés, et si nous leur demandons : " Comment se fait-il que tant de millions d'êtres humains manquent de pain, tandis que chaque famille pourrait cependant produire du blé pour nourrir dix, vingt, et même cent personnes par an ? " ils nous répondent en recommençant la même antienne : division du travail, salaire, plus-value, capital, etc., aboutissant à cette conclusion que la production est insuffisante pour satisfaire à tous les besoins : conclusion qui, alors même qu'elle serait vraie, ne répond nullement à la question : " L'homme peut-il, ou ne peut-il pas, en travaillant, produire le pain qu'il lui faut ? Et s'il ne le peut pas - qu'est-ce qui l'en empêche ? "
la question est de savoir sur quoi est basé l'organisation sociale, sur une société hiérachique ou égalitaire, sur le capitalisme ou le communisme ? le texte "l'illusion cooperativiste" y répond bien.