Il s'agit ici de mon premier message sur ce forum et je vais en profiter pour aborder un sujet qui me tiens à cœur: Pourquoi le communisme anarchiste?
J'ai rédigé un texte (qui se veut simple et accessible à ceux qui ne connaissent pas l'anarchie) sur le blog du groupe aveyronnais des Antifascistes Anarchistes Autonomes, dont je fais parti, et qui tente de répondre à cette question sur des bases biologiques et déterministes. Cet article est loin d'être complet ou exhaustif sur les arguments biologiques en faveur du communisme anarchiste mais je pense qu'il a le mérite de situer le débat sous un angle où on ne l'attend pas forcément, celui des sciences "dures".
Pourquoi le communisme?
« Le Communisme – qu’il faut se garder de confondre avec « le Parti Communiste » – est une doctrine sociale qui, basée sur l’abolition de la propriété individuelle et sur la mise en commun de tous les moyens de production et de tous les produits, tend à substituer au régime capitaliste actuel une forme de société égalitaire et fraternelle. Il y a deux sortes de communisme : le communisme autoritaire qui nécessite le maintien de l’État et des institutions qui en procèdent et le communisme libertaire qui en implique la disparition…
Le premier se confond avec le collectivisme [...], le second n’est autre – plus spécialement sur le terrain économique – que l’Anarchisme. » [1]
Nous traiterons ici du communisme anarchiste, dit libre, et c’est dans ce sens que nous comprendrons les termes de « communisme » et « communiste ».
Quel que soit le chemin philosophique qui nous mène au communisme, il traduit la volonté d’en finir avec les différents modèles de société basés sur les inégalités sociales, économiques, politiques et se traduit simplement par « Liberté, Égalité, Fraternité ». Et cette envie d’égalité s’accompagne forcément d’une aspiration à vivre librement. Comment pourrions-nous séparer égalité et liberté?
Seule une stricte égalité – dans le sens communiste du terme, « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » [2] – peut garantir à chacun d’être libre. Le même accès à la culture et au savoir empêche la domination du savant sur l’ignorant. Le même accès aux ressources alimentaires, via la suppression de la propriété privée, empêche le travailleur affamé de subir la loi de celui dont il rempli les greniers. Comment pourrions-nous prendre librement des décisions quand nous sommes soumis au bon vouloir de ceux qui possèdent ce dont nous avons besoin, quand les ressources sont réparties de manière arbitraire?
La nécessité d’en finir avec toute forme de pouvoir, d’autorité, vient aussi de sa réalité biologique. « Le pouvoir est une drogue » [3]. Le pouvoir rend dépendant, augmente le goût du risque et surtout, augmente la soif de pouvoir. « Les conséquences politiques sont claires : écraser autrui procure du plaisir, un plaisir addictif. »
Voici pourquoi, loin de tout dogmatisme, la notion d’autorité est néfaste et entre en conflit avec d’autres caractéristiques humaines telles que la volonté de perpétuer et préserver l’espèce, l’aptitude à nous entraider et l’aspiration au bonheur.
C’est aussi pour cela que la société capitaliste et autoritaire est cannibale, cynique et aliénante. C’est pour cette raison que les capitalistes amassent du capital sans soif au détriment des travailleurs qui, eux, produisent effectivement des ressources.
Un tel changement de société permettrait aussi de supprimer les principales causes d’apparition d’actes antisociaux. Par exemple, en supprimant la propriété privée et le besoin, vital ou social, c’est l’idée même de vol que nous attaquons. Puisqu’un individu est le fruit de son environnement, la destruction des comportements antisociaux passe nécessairement par la destruction de la société qui engendre ces mêmes comportements. Ainsi plus besoin d’État, de police ni de prisons pour limiter les effets destructeurs du capitalisme.
« Eh bien, messieurs, il n’y a plus de criminels à juger, mais les causes du crime a détruire. En créant les articles du Code, les législateurs ont oublié qu’ils n’attaquaient pas les causes mais simplement les effets, et qu’alors ils ne détruisaient aucunement le crime ; en vérité, les causes existant, toujours les effets en découleront. Toujours il y aura des criminels, car aujourd’hui vous en détruisez un, demain il y en aura dix qui naîtront. Que faut-il alors ? Détruire la misère, ce germe de crime, en assurant à chacun la satisfaction de tous les besoins ! Et combien cela est facile à réaliser ! Il suffirait d’établir la société sur de nouvelles bases où tout serait en commun, et où chacun, produisant selon ses aptitudes et ses forces, pourrait consommer selon ses besoins. » Ravachol [4]
Pour toutes ces raisons, le communisme est le modèle de société dans lequel nous devons évoluer si nous aspirons à vivre heureux, dans une société saine qui ne soit pas rongée par des contradictions internes et qui soit en accord avec notre condition d’être humain.
André Volt
[1] http://www.encyclopedie-anarchiste.org/ ... nisme.html
[2] Louis Blanc dans « Organisation du travail», 1839
[3] http://www.monde-libertaire.fr/sciences ... au-cerveau
[4] Ravachol lors de son procès: http://www.non-fides.fr/?Declaration-de-Ravachol-a-son
La vision matérialiste, scientifique et déterministe du raisonnement est un peu plus étoffée dans ce texte sur la liberté
De la liberté
La notion de liberté est assez difficile à définir quand on adopte une vision déterministe de l’être humain et qu’on balaye l’idée de libre arbitre, surtout grâce à une étude plus précise de sa psyché à travers la biologie comportementale et autres neurosciences.
La chimie apporte une dimension nouvelle au codage interne. Libérés par des neurones précis en des quantités qui dépendent du nombre d’impulsions, neurotransmetteurs et hormones prennent le relais à la fois du codage connexionnel et du codage par impulsions. Leur diffusion sur de grandes distances peut avoir lieu, mais, le plus souvent, reste confinée à l’espace synaptique. Ici le neurotransmetteur excitera, là il inhibera. Des calculs deviennent possibles, qui s’enchainent d’un neurone à l’autre. Cet ensemble d’observations et de réflexions conduit non seulement à prendre en compte les mécanismes internes du comportement, mais à adopter vis-à-vis d’eux un point de vue déterministe. Rien ne s’oppose plus désormais, sur le plan théorique, à ce que les conduites de l’homme soient décrites en termes d’activités neuronales.[1]
Pour répondre à ce problème, Henri Laborit donne une définition de la liberté qui me semble tout à fait cohérente. Il s’agit de la possibilité d’effectuer des actions gratifiantes sans entraves, ces dernières étant le moteur de tout être vivant et qui assurent sa survie.
Cependant nous pouvons acquérir une (très) relative “indépendance” vis à vis de ces déterminismes en prenant connaissance de leur existence et de l’impact de ces derniers sur notre conscience, et ce toujours dans l’optique de réaliser des actions gratifiantes et donc de préserver la continuité de l’individu et de l’espèce. Mais n’acquerrons pas pour autant de libre arbitre. La connaissance d’une partie de ces déterminismes ne nous permet pas de nous déterminer “librement” et par nous seuls et est elle-même déterminée.
En réalité, ce que l’on peut appeler ’liberté’, si vraiment nous tenons à conserver ce terme, c’est l’indépendance très relative que l’homme peut acquérir en découvrant, partiellement et progressivement, les lois du déterminisme universel. Il est alors capable, mais seulement alors, d’imaginer un moyen d’utiliser ces lois au mieux de sa survie, ce qui le fait pénétrer dans un autre déterminisme, d’un autre niveau d’organisation qu’il ignorait encore.[2]
Cette définition de la liberté entre-t-elle en contradiction avec ce à quoi aspirent les anarchistes? Pas du tout, même si certains s’accrochent désespérément à une vision idéaliste de la liberté, plaçant la conscience humaine au dessus de toute influence en ignorant les mécanismes qui la façonnent. Or, pas d’action efficace sur l’être humain sans connaitre ce qui fait l’être humain.
L’anarchie donc, n’est autre que cette société où tous ont accès au bonheur, à la réalisation d’actions gratifiantes et où la continuité de l’espèce, du genre humain, est assurée.
Elle est la plus haute expression de la liberté.
De la connaissance de nos déterminismes et du rôle de l’inconscient dans notre psyché à l’action de changement social, il n’y a qu’un pas.
Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change.[3]
Il s’agit d’influer sur les déterminismes des autres dans l’optique d’établir une société dans laquelle le plus possible d’individus puissent réaliser des actions gratifiantes.
Et c’est là le rôle que je donne à la propagande par le fait.[4] C’est à dire agir dans l’optique de « modifier à notre échelle leur rapport au monde », d’agir sur l’inconscient, ce qui fait la conscience des individus, pour modeler des consciences révolutionnaires.
C’est parce que nous pouvons prendre connaissance de ce qui nous détermine que l’action sociale de changement est possible.
André Volt
[1] Jean-Pierre Changeux, L’Homme Neuronal
[2] Henri Laborit, Éloge de la fuite
[3] Henri Laborit, dans Mon oncle d’Amérique
[4] http://aaa12.noblogs.org/post/2013/09/2 ... ujourdhui/
Il me semble très important de discuter de cette source biologique du communisme anarchiste car les applications de cette grille de lecture ont des conséquences très importantes sur les choix stratégiques mis en œuvre pour arriver à l'avènement de l'anarchie, comme sur les questions de "liberté d'expression" de nos ennemis politiques et de séduction de l'opinion publique.