De la biologie à l'anarchisme.

Les courants, les théoriciens, les actes...

De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar André Volt » Lundi 07 Avr 2014 15:00

Bonjour à tou(te)s.

Il s'agit ici de mon premier message sur ce forum et je vais en profiter pour aborder un sujet qui me tiens à cœur: Pourquoi le communisme anarchiste?
J'ai rédigé un texte (qui se veut simple et accessible à ceux qui ne connaissent pas l'anarchie) sur le blog du groupe aveyronnais des Antifascistes Anarchistes Autonomes, dont je fais parti, et qui tente de répondre à cette question sur des bases biologiques et déterministes. Cet article est loin d'être complet ou exhaustif sur les arguments biologiques en faveur du communisme anarchiste mais je pense qu'il a le mérite de situer le débat sous un angle où on ne l'attend pas forcément, celui des sciences "dures".

Pourquoi le communisme?

« Le Communisme – qu’il faut se garder de confondre avec « le Parti Communiste » – est une doctrine sociale qui, basée sur l’abolition de la propriété individuelle et sur la mise en commun de tous les moyens de production et de tous les produits, tend à substituer au régime capitaliste actuel une forme de société égalitaire et fraternelle. Il y a deux sortes de communisme : le communisme autoritaire qui nécessite le maintien de l’État et des institutions qui en procèdent et le communisme libertaire qui en implique la disparition…
Le premier se confond avec le collectivisme [...], le second n’est autre – plus spécialement sur le terrain économique – que l’Anarchisme. » [1]
Nous traiterons ici du communisme anarchiste, dit libre, et c’est dans ce sens que nous comprendrons les termes de « communisme » et « communiste ».

Quel que soit le chemin philosophique qui nous mène au communisme, il traduit la volonté d’en finir avec les différents modèles de société basés sur les inégalités sociales, économiques, politiques et se traduit simplement par « Liberté, Égalité, Fraternité ». Et cette envie d’égalité s’accompagne forcément d’une aspiration à vivre librement. Comment pourrions-nous séparer égalité et liberté?

Seule une stricte égalité – dans le sens communiste du terme, « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » [2] – peut garantir à chacun d’être libre. Le même accès à la culture et au savoir empêche la domination du savant sur l’ignorant. Le même accès aux ressources alimentaires, via la suppression de la propriété privée, empêche le travailleur affamé de subir la loi de celui dont il rempli les greniers. Comment pourrions-nous prendre librement des décisions quand nous sommes soumis au bon vouloir de ceux qui possèdent ce dont nous avons besoin, quand les ressources sont réparties de manière arbitraire?

La nécessité d’en finir avec toute forme de pouvoir, d’autorité, vient aussi de sa réalité biologique. « Le pouvoir est une drogue » [3]. Le pouvoir rend dépendant, augmente le goût du risque et surtout, augmente la soif de pouvoir. « Les conséquences politiques sont claires : écraser autrui procure du plaisir, un plaisir addictif. »
Voici pourquoi, loin de tout dogmatisme, la notion d’autorité est néfaste et entre en conflit avec d’autres caractéristiques humaines telles que la volonté de perpétuer et préserver l’espèce, l’aptitude à nous entraider et l’aspiration au bonheur.
C’est aussi pour cela que la société capitaliste et autoritaire est cannibale, cynique et aliénante. C’est pour cette raison que les capitalistes amassent du capital sans soif au détriment des travailleurs qui, eux, produisent effectivement des ressources.

Un tel changement de société permettrait aussi de supprimer les principales causes d’apparition d’actes antisociaux. Par exemple, en supprimant la propriété privée et le besoin, vital ou social, c’est l’idée même de vol que nous attaquons. Puisqu’un individu est le fruit de son environnement, la destruction des comportements antisociaux passe nécessairement par la destruction de la société qui engendre ces mêmes comportements. Ainsi plus besoin d’État, de police ni de prisons pour limiter les effets destructeurs du capitalisme.

« Eh bien, messieurs, il n’y a plus de criminels à juger, mais les causes du crime a détruire. En créant les articles du Code, les législateurs ont oublié qu’ils n’attaquaient pas les causes mais simplement les effets, et qu’alors ils ne détruisaient aucunement le crime ; en vérité, les causes existant, toujours les effets en découleront. Toujours il y aura des criminels, car aujourd’hui vous en détruisez un, demain il y en aura dix qui naîtront. Que faut-il alors ? Détruire la misère, ce germe de crime, en assurant à chacun la satisfaction de tous les besoins ! Et combien cela est facile à réaliser ! Il suffirait d’établir la société sur de nouvelles bases où tout serait en commun, et où chacun, produisant selon ses aptitudes et ses forces, pourrait consommer selon ses besoins. » Ravachol [4]

Pour toutes ces raisons, le communisme est le modèle de société dans lequel nous devons évoluer si nous aspirons à vivre heureux, dans une société saine qui ne soit pas rongée par des contradictions internes et qui soit en accord avec notre condition d’être humain.

André Volt

[1] http://www.encyclopedie-anarchiste.org/ ... nisme.html

[2] Louis Blanc dans « Organisation du travail», 1839

[3] http://www.monde-libertaire.fr/sciences ... au-cerveau

[4] Ravachol lors de son procès: http://www.non-fides.fr/?Declaration-de-Ravachol-a-son


La vision matérialiste, scientifique et déterministe du raisonnement est un peu plus étoffée dans ce texte sur la liberté

De la liberté

La notion de liberté est assez difficile à définir quand on adopte une vision déterministe de l’être humain et qu’on balaye l’idée de libre arbitre, surtout grâce à une étude plus précise de sa psyché à travers la biologie comportementale et autres neurosciences.

La chimie apporte une dimension nouvelle au codage interne. Libérés par des neurones précis en des quantités qui dépendent du nombre d’impulsions, neurotransmetteurs et hormones prennent le relais à la fois du codage connexionnel et du codage par impulsions. Leur diffusion sur de grandes distances peut avoir lieu, mais, le plus souvent, reste confinée à l’espace synaptique. Ici le neurotransmetteur excitera, là il inhibera. Des calculs deviennent possibles, qui s’enchainent d’un neurone à l’autre. Cet ensemble d’observations et de réflexions conduit non seulement à prendre en compte les mécanismes internes du comportement, mais à adopter vis-à-vis d’eux un point de vue déterministe. Rien ne s’oppose plus désormais, sur le plan théorique, à ce que les conduites de l’homme soient décrites en termes d’activités neuronales.[1]


Pour répondre à ce problème, Henri Laborit donne une définition de la liberté qui me semble tout à fait cohérente. Il s’agit de la possibilité d’effectuer des actions gratifiantes sans entraves, ces dernières étant le moteur de tout être vivant et qui assurent sa survie.

Cependant nous pouvons acquérir une (très) relative “indépendance” vis à vis de ces déterminismes en prenant connaissance de leur existence et de l’impact de ces derniers sur notre conscience, et ce toujours dans l’optique de réaliser des actions gratifiantes et donc de préserver la continuité de l’individu et de l’espèce. Mais n’acquerrons pas pour autant de libre arbitre. La connaissance d’une partie de ces déterminismes ne nous permet pas de nous déterminer “librement” et par nous seuls et est elle-même déterminée.

En réalité, ce que l’on peut appeler ’liberté’, si vraiment nous tenons à conserver ce terme, c’est l’indépendance très relative que l’homme peut acquérir en découvrant, partiellement et progressivement, les lois du déterminisme universel. Il est alors capable, mais seulement alors, d’imaginer un moyen d’utiliser ces lois au mieux de sa survie, ce qui le fait pénétrer dans un autre déterminisme, d’un autre niveau d’organisation qu’il ignorait encore.[2]


Cette définition de la liberté entre-t-elle en contradiction avec ce à quoi aspirent les anarchistes? Pas du tout, même si certains s’accrochent désespérément à une vision idéaliste de la liberté, plaçant la conscience humaine au dessus de toute influence en ignorant les mécanismes qui la façonnent. Or, pas d’action efficace sur l’être humain sans connaitre ce qui fait l’être humain.
L’anarchie donc, n’est autre que cette société où tous ont accès au bonheur, à la réalisation d’actions gratifiantes et où la continuité de l’espèce, du genre humain, est assurée.
Elle est la plus haute expression de la liberté.

De la connaissance de nos déterminismes et du rôle de l’inconscient dans notre psyché à l’action de changement social, il n’y a qu’un pas.

Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change.[3]


Il s’agit d’influer sur les déterminismes des autres dans l’optique d’établir une société dans laquelle le plus possible d’individus puissent réaliser des actions gratifiantes.
Et c’est là le rôle que je donne à la propagande par le fait.[4] C’est à dire agir dans l’optique de « modifier à notre échelle leur rapport au monde », d’agir sur l’inconscient, ce qui fait la conscience des individus, pour modeler des consciences révolutionnaires.

C’est parce que nous pouvons prendre connaissance de ce qui nous détermine que l’action sociale de changement est possible.

André Volt

[1] Jean-Pierre Changeux, L’Homme Neuronal

[2] Henri Laborit, Éloge de la fuite

[3] Henri Laborit, dans Mon oncle d’Amérique

[4] http://aaa12.noblogs.org/post/2013/09/2 ... ujourdhui/


Il me semble très important de discuter de cette source biologique du communisme anarchiste car les applications de cette grille de lecture ont des conséquences très importantes sur les choix stratégiques mis en œuvre pour arriver à l'avènement de l'anarchie, comme sur les questions de "liberté d'expression" de nos ennemis politiques et de séduction de l'opinion publique.
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar Lambros » Mardi 08 Avr 2014 13:20

Bienvenue ! j'aime bien votre site, on reprend des textes (notamment celui sur la liberté) sur le notre (anarsixtrois).

Je vais lire le texte sur la biologie plus attentivement.
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar André Volt » Mardi 08 Avr 2014 14:12

Merci pour l’accueil.
Ça se retrouvera très certainement dans le vocabulaire que j'utilise et dans mes références mais je tenais à préciser que cette vision de la politique, au sens noble, m'est très fortement inspirée par Henri Laborit et son analyse des comportements humains. Du moins dans son aspect biologique, je suis plus mitigé sur l'extension des lois cybernétiques à la société humaine. Peut-être à tord, mais j'avoue ne pas y piger grand chose dans ce domaine.
J'en profite donc pour vous livrer la contribution de Laborit au film Mon Oncle d'Amérique d'Alain Resnais.

La seule raison d’être d’un être c’est d’ETRE. C’est-à-dire de maintenir sa structure. C’est se maintenir en vie, sans cela il n’y aurait pas d’être. Remarquez que les plantes peuvent se maintenir en vie sans se déplacer, elles puisent leur nourriture directement dans le sol, à l’endroit où elles se trouvent. Et grâce à l’énergie du soleil, elles transforment cette matière inanimée qui est dans le sol en leur propre matière vivante.


Les animaux, eux, donc l’Homme qui est un animal, ne peuvent se maintenir en vie qu’en consommant cette énergie solaire déjà transformée par les plantes ; et cela exige de se déplacer. Ils sont forcés d’agir à l’intérieur d’un espace. Et pour se déplacer dans un espace, il faut un système nerveux. Et ce système nerveux va agir, va permettre d’agir sur l’environnement et dans l’environnement. Toujours pour la même raison, pour assurer la SURVIE.



Si l’action est efficace, il va en résulter une sensation de plaisir. Ainsi, une pulsion pousse les êtres vivants à maintenir leur équilibre biologique, leur structure vivante à se maintenir en vie, et cette pulsion va s’exprimer dans quatre comportements de base :

Un comportement de CONSOMMATION, c’est le plus simple, le plus banal, il assouvit un besoin fondamental : boire, manger, copuler,

Un comportement de FUITE,

Un comportement de LUTTE,
Un comportement d’INHIBITION.


Un cerveau, ça ne sert pas à penser, mais ça sert à AGIR.


L’évolution des espèces est conservatrice, et dans le cerveau des animaux, on trouve des formes très primitives.


Il y a un premier cerveau que Mac Lean a appelé le cerveau REPTILIEN, c’est celui des reptiles en effet, et qui déclenche des comportements de SURVIE IMMEDIATE, sans quoi l’animal ne pourrait survivre.


Boire et manger lui permettent de maintenir sa structure, et copuler lui permet de se reproduire.


Lorsqu’on arrive aux MAMMIFERES, un second cerveau s’ajoute au premier et d’habitude on dit (cf. Mac Lean) que c’est le cerveau de la MEMOIRE.


Sans mémoire de ce qui est agréable ou désagréable, il n’est pas question d’être heureux, triste, angoissé. Il n’est pas question d’être en colère ou amoureux, et on pourrait presque dire : «Qu’un être vivant est une mémoire qui agit».


Un troisième cerveau s’ajoute aux deux premiers : le CORTEX CEREBRAL. Chez l’Homme, il a pris un développement considérable, on l’appelle CORTEX ASSOCIATIF.


Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu’il associe les voies nerveuses sous-jacentes et qui ont gardé la trace des expériences passées et les associe d’une façon différente de celles dont elles ont été impressionnées par l’environnement, au moment même de l’expérience. C’est-à-dire que l’Homme va pouvoir CREER, réaliser un processus IMAGINAIRE.


Dans le cerveau de l’Homme, les trois cerveaux superposés existent toujours. Nos pulsions sont toujours celles très primitives du cerveau reptilien. Les trois étages du cerveau devront fonctionner ensemble, et pour ce faire, ils vont être reliés par des faisceaux. L’un s’appelle le faisceau de la RECOMPENSE. L’autre, celui de la PUNITION. C’est ce second faisceau qui va déboucher sur la FUITE ou la LUTTE, un autre encore va aboutir à l’INHIBITION de l’action.



Des exemples : la caresse d’une mère à son enfant, la décoration qui va flatter le narcissisme d’un guerrier, les applaudissements qui vont accompagner la tirade d’un acteur.
Tout cela libère des substances chimiques dans le faisceau de la RECOMPENSE et aboutira au PLAISIR de celui qui en est l’objet.


Mais j’ai parlé de la mémoire. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’au début de l’existence, le cerveau est IMMATURE. Dans les deux ou trois premières années de la vie d’un Homme, l’expérience qu’il aura du milieu qui l’entoure sera indélébile et constituera quelque chose de considérable pour l’évolution de son comportement dans toute son existence. Et finalement, nous devons nous rendre compte que ce qui pénètre dans notre système nerveux depuis la naissance et peut-être avant, in utero, les stimuli qui vont pénétrer dans notre système nerveux nous viennent essentiellement des autres, et que nous ne sommes que les AUTRES. Quand nous mourrons, ce sont les autres que nous avons intériorisés dans notre système nerveux, qui nous ont construits, qui ont construit notre cerveau, qui l’ont rempli, qui vont mourir.



Ainsi, nos trois cerveaux sont là, les deux premiers fonctionnent de façon INCONSCIENTE, nous ne savons pas ce qu’ils nous font FAIRE. Ce sont les pulsions instinctuelles, les automatismes culturels. Le troisième cerveau nous fournit un langage explicatif qui donne toujours une excuse, un alibi, au fonctionnement inconscient des deux premiers.

Il faut se représenter l’inconscient comme une mer profonde, le conscient comme l’écume qui naît, qui disparaît et renaît à la crête des vagues. C’est la partie très superficielle de cet océan écorché par le vent.

On peut donc distinguer quatre types principaux de comportement :



le premier est le comportement de CONSOMMATION, qui assouvit les besoins fondamentaux,

le deuxième est un comportement de GRATIFICATION, quand on a l’expérience d’une action qui aboutit au plaisir, on essaie de la renouveler,

le troisième est un comportement qui répond à la PUNITION, soit par la FUITE qui l’évite, soit par la LUTTE qui détruit le sujet de l’agression,

Le dernier est un comportement d’INHIBITION, on ne bouge plus, on attend en tension et on débouche sur l’angoisse. Et l’angoisse c’est l’impossibilité de dominer une situation.

Prenons un rat que l’on met dans une cage à deux compartiments, c’est-à-dire un espace séparé par une cloison dans laquelle se trouve une porte et dont le plancher est électrifié de manière intermittente. Avant que le courant électrique ne passe dans le grillage du plancher, un signal prévient l’animal que quatre secondes après le courant va passer. Au départ il ne le sait pas. Il s’en aperçoit très vite. Au début, il est inquiet et très rapidement, il s’aperçoit qu’il y a une porte ouverte et il passe dans l’autre pièce. La même chose va se reproduire quelques secondes après, et il apprendra aussi très vite qu’il peut éviter la punition du petit choc électrique dans les pattes, en passant dans le compartiment de la cage où il se trouvait au départ. Cet animal qui subit cette expérience pendant une dizaine de minutes par jour, pendant sept jours consécutifs, sera en parfait état, en parfaite santé à l’issue des sept jours. Sa tension est parfaite, pas d’hypertension artérielle, poil lisse. Par la fuite, il a évité la punition et a maintenu son intégrité biologique.

Ce qui est facile pour un rat en cage est beaucoup plus difficile pour un Homme en société. En particulier, certains besoins ont été créés par cette vie en société et cela, depuis son enfance. Il est rare qu’il puisse, pour assouvir ses besoins, aboutir à la LUTTE, lorsque la FUITE n’est pas efficace.



Quand deux individus ont des projets différents ou le même projet et qu’ils entrent en compétition pour la réalisation de ce projet, il y a un gagnant, un perdant. Il y a établissement d’une dominance de l’un des individus par rapport à l’autre. La recherche de la dominance, dans un espace qu’on peut appeler le TERRITOIRE, est la base fondamentale de tous les comportements humains, et cela en pleine inconscience des motivations.


Il n’y a donc pas d’instinct de PROPRIETE, il n’y a donc pas non plus d’instinct de DOMINANCE, il y a simplement l’apprentissage, par le système nerveux d’un individu, de la nécessité pour lui de conserver à sa disposition un objet ou un être qui est aussi désiré, envié par un autre être. Et il sait, par apprentissage, que dans cette compétition, s’il veut garder l’objet ou l’être à sa disposition, il devra DOMINER.


Nous avons déjà dit que nous n’étions que les AUTRES.


Un enfant sauvage abandonné loin des autres ne deviendra jamais un Homme. Il ne saura jamais marcher ni parler. Il se conduira comme un petit animal.


Grâce au langage, les Hommes ont pu transmettre, de générations en générations, toute l’expérience qui s’est faite au cours des millénaires du monde. Il ne peut plus maintenant et depuis longtemps déjà, assurer à lui seul sa SURVIE, il a besoin des autres pour vivre, il ne sait pas tout faire, il n’est pas POLYtechnicien.


Dès le plus jeune âge, la SURVIE du groupe est liée à l’apprentissage, chez le petit de l’Homme, de ce qui est nécessaire pour vivre heureux en société. On lui apprend à ne pas faire caca dans sa culotte, à faire pipi dans le pot. Et très rapidement, on lui apprend comment il doit se comporter pour que la cohésion du groupe puisse exister.


On lui apprend ce qui est beau, ce qui est bien, ce qui est mal, ce qui est laid. On lui dit ce qu’il doit faire et on le punit ou on le récompense quelque soit sa propre recherche du plaisir. Et on le punit et on le récompense suivant que son action est conforme à la SURVIE du groupe.


Le fonctionnement de notre système nerveux commence à peine à être compris. Depuis une vingtaine ou une trentaine d’années, nous sommes capables de comprendre comment, à partir de molécules chimiques qui constituent le cerveau, qui en forment la base, s’établissent les voies nerveuses qui vont être codées, imprégnées par l’apprentissage culturel et tout cela, dans un mécanisme inconscient ; c’est-à-dire que nos pulsions instinctuelles et nos automatismes culturels seront masqués par un langage, par un discours logique.



Le langage ne contribue ainsi qu’à cacher la cause des dominances, des mécanismes et les établissements de ces dominances et à faire croire à l’individu qu’en oeuvrant pour l’ensemble social, il va vivre son propre plaisir. Alors qu’il ne fait, en général, que maintenir des situations hiérarchiques qui se cachent sous des alibis langagiers, des alibis fournis par le langage qui lui servent, en quelque sorte, d’excuse.

Dans la seconde expérience sur le rat, la porte de communication entre les deux compartiments est fermée. Le rat ne peut pas fuir, il va donc être soumis à la punition à laquelle il ne peut pas échapper. Cette punition va provoquer chez lui un comportement d’INHIBITION. Il apprend que toute action est inefficace, qu’il ne peut ni FUIR, ni LUTTER, de fait il s’INHIBE.

Et cette inhibition s’accompagne d’ailleurs chez l’Homme de ce qu’on appelle l’angoisse et s’accompagne aussi, dans son organisme, de pulsions biologiques extrêmement profondes. Ainsi, si un microbe passe dans les environs, s’il en porte aussi sur lui-même, alors que normalement il aurait pu les faire disparaître, là ne pouvant pas, il fera une infection, s’il a une cellule cancéreuse qu’il aurait détruite, il va faire une évolution cancéreuse. Et ces troubles biologiques aboutissent à tout ce qu’on appelle les maladies de civilisation ou maladies psychosomatiques : les ulcères de l’estomac, les hypertensions artérielles, l’insomnie, la fatigue, le MAL ETRE.



Dans la troisième expérience sur le rat, le rat ne peut pas fuir, il va donc recevoir toutes les punitions, mais il sera en face d’un autre rat qui lui servira d’adversaire, et dans ce cas il va lutter. Cette lutte est absolument inefficace, elle ne lui permet pas d’éviter la punition, mais il AGIT. Un système nerveux ne sert qu’à AGIR. Ce rat ne fera AUCUN accident pathologique de ceux que nous avions rencontrés dans le cas précédent. Il sera en très bon état et pourtant il aura subi toutes les punitions.


Or, chez l’Homme, les lois sociales interdisent généralement cette violence défensive. L’ouvrier qui voit tous les jours son chef de chantier dont la tête ne lui revient pas, ne peut pas lui casser la figure, parce qu’on lui enverrait les agents. Il ne peut pas fuir car il serait au chômage et tous les jours de sa vie, toutes les semaines du mois, tous les mois de l’année, les années qui, quelquefois, se succèdent, il est en inhibition de l’action. L’Homme a plusieurs façons de lutter contre cette inhibition de l’action. Il peut le faire par l’agressivité. Elle n’est jamais gratuite, elle est toujours en réponse à une inhibition de l’action. Cela débouche sur une explosion agressive qui est rarement rentable mais qui, sur le plan du système nerveux, est parfaitement explicable.


Ainsi, répétons-le, cette situation dans laquelle un individu peut se trouver, d’inhibition dans son action, si elle se prolonge, commande à toute la pathologie. Les perturbations biologiques qui l’accompagnent vont déchaîner aussi bien l’apparition de maladies infectieuses que tous les comportements des maladies mentales.


Quand son agressivité ne peut plus s’exprimer sur les autres, elle peut encore s’exprimer sur lui-même de deux façons. Il SOMATISERA ; il dirigera son agressivité sur son estomac où il fera un trou, un ulcère, sur son cœur et ses vaisseaux, il fera de l’hypertension artérielle, quelquefois même des lésions aiguës qui aboutissent aux maladies cardiaques brutales, infarctus, maladies cérébrales ou des urticaires ou des crises d’asthme. Il pourra aussi orienter son agressivité contre lui-même d’une façon encore plus efficace, il peut se suicider. Et quand on ne peut pas être agressif envers les autres, on peut, par le suicide, être agressif encore, par rapport à soi.


L’inconscient constitue un instrument redoutable, non pas tellement par son contenu refoulé, il refoule (punition) parce que très douloureux à exprimer, il serait puni par la socioculture, mais par tout ce qui est, au contraire, autorisé (récompense) et quelquefois même récompensé par la socioculture qui a été placée dans son cerveau depuis sa naissance, dont il n’a pas conscience de la présence en lui. C’est pourtant ce qui guide ses actes. C’est cet inconscient-là qui n’est pas l’inconscient freudien qui est le plus dangereux. En effet, ce qu’on appelle la personnalité d’un Homme s’est établi sur un tel bric-à-brac de jugements de valeur, de préjugés, de lieux communs qui pèsent et qui, à mesure que son âge avance, deviennent de plus en plus rigides, de moins en moins remis en question. Et quand une seule pierre de cet édifice est ôtée, que tout l’édifice s’écroule et qu’il découvre l’angoisse, que cette angoisse ne reculera pour s’exprimer ni devant le meurtre pour l’individu, ni devant le génocide ou la guerre pour les groupes sociaux.


On commence à comprendre par quels mécanismes, pourquoi et comment, à travers l’histoire et dans le présent, se sont établies les échelles hiérarchiques de DOMINANCE.


Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les Hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent, tant qu’on n’aura pas dit que, jusqu’ici, c’est toujours pour DOMINER les autres, il y a peu de chance qu’il y ait quelque chose qui change.
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar Lambros » Jeudi 10 Avr 2014 12:38

You're welcome, de nada etc !

Je n'ai pas vu le film, mais ça ouvre des pistes en tout cas
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar lucien » Jeudi 10 Avr 2014 22:29

Salut André et bienvenue,
C'est pas super actif en ce moment mais ça devrait réagir sur tes contributions.
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar l autre » Vendredi 11 Avr 2014 15:06

suis un peu occupé en lecture; mais je partage pas l idée de biologisation des idéologies et de certains comportements, J y reviendrai.
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar André Volt » Vendredi 11 Avr 2014 16:25

Avant le développement je tiens à préciser qu'il s'agit de la démarche inverse. Il ne s'agit pas de "biologisation" d'une idéologie ou de comportements mais d'une idéologie basée sur la nature biologique des comportements humains, alias biologie comportementale.
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar l autre » Samedi 12 Avr 2014 10:40

si je comprend André l individu est la résultante bio-chimique; l individu se croit libre mais il ne fait que obéir a des lois physico-chimiques.

André tu confirmes et peux tu parler du rapport liberté et déterminé?
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar l autre » Samedi 12 Avr 2014 10:42

autre question la biologie comportementale est elle une reprise de la socio-biologie?
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar elquico » Samedi 12 Avr 2014 20:36

le début du texte,d'andré m'améne à des remarques
-le communisme serait la mise en commun des moyens de production
-le communisme libre ,c'est à dire l'anarchisme necessitant la destruction de l'état au contraire du communisme autoritaire qui le maintient
Ceci nous aménera à la liberté sur la base de "liberté ,égalité ,fraternité"
Les valeurs auxquelles tu te référes ne sont elles pas niées par la société même qui les revendiquent et donc trahies
A qui appartiennent les moyens de production?
la propriété n'est elle pas le vol?
Définir le communisme sur la base de la propriété fut elle commune,je le conteste
Je serai plus pour le définir sur la base d'une pratique où la propriété n'existe pas
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar André Volt » Dimanche 13 Avr 2014 0:00

@ l autre: Pour la première question, c'est tout à fait ça. Pour la seconde, la biologie comportementale ce n'est ni plus ni moins que la traduction biologique des comportements humains, ce qui comprend aussi (mais pas que) l'échelle sociologique.

@elquico: Si ,évidemment que la liberté, l'égalité et la fraternité sont reniées par la société qui les revendique puisque cette dernière n'est ni libertaire, ni égalitaire, ni fraternelle. Contrairement au communisme. Ensuite si on décide d'abolir les moyens de production et l’État, il n'y a pas de propriété possible, même collective. Aucun individu ou groupe d'individu, aussi grand soit-il, ne peut ne détenir le droit exclusif de jouir de ces moyens de production si on aspire à produire selon nos moyens et à consommer selon nos besoins. Les moyens de production ne sont donc plus que des outils de production à disposition de ceux qui entendent les utiliser. Ils n'appartiennent pas.
Si la propriété est collective, alors il s'agit de collectivisme.
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar l autre » Dimanche 13 Avr 2014 9:30

André veux tu dire que les comportements sont la conséquence d effets bio-chimiques ou l inverse? selon la réponse nous n avons pas les mêmes conséquences.
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar elquico » Dimanche 13 Avr 2014 10:37

nI les moyens ni les outils et encore moins l'idéologie qui va avec ne sont à même de répondre aux aspirations de production selon nos moyens et de consommation selon nos besoins
reste donc à mes yeux cette tâche immense voir les moyens dont nous disposons et définir nos besoins
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar André Volt » Dimanche 13 Avr 2014 14:49

@ l autre: Les comportements sont déterminés par des effets bio-chimiques résultants de notre patrimoine génétique et de notre rapport au monde (apprentissage, acquisition d'automatismes conceptuels, etc.). La biologie comportementale ne fait que répondre à la question de "pourquoi ces comportements ?" Pourquoi on aime, pourquoi on agresse, pourquoi on aspire à dominer, pourquoi on développe des névroses, etc. C'est la compréhension des mécaniques humaines.

@ elquico: Je ne suis pas sûr d'avoir compris, mais la socioculture qui détermine nos besoins actuels est propre au capitalisme et à la société autoritaire comme l'impératif de croissance économique, la montée des échelons hiérarchiques dans la société par la consommation et la possession, etc. Si on modifie cette socioculture et qu'on détermine d'autre besoins pour les individus, dans une société anti-autoritaire et communiste, nous avons très largement de quoi organiser une production économique qui puisse prendre en compte les moyens de chacun pour répondre à nos "nouveaux" besoins. C'est d'autant plus facile que nos avancées technologiques actuelles, une fois débarrassées de leur orientation capitaliste et de préservation de la dominance, nous permettent d'optimiser très efficacement la production dans de nombreux domaines.
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar l autre » Mardi 15 Avr 2014 16:21

donc les raisons et cause de nos comportements et émotions sont du fait de notre système bio-chimique incluant l ADN.
Question pourquoi l apprentissage qui est l acquisition par le culturel de comportements?
Question ce qui fait rire un et pleurer l autre tient il d un individualisme bio-chimique
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar André Volt » Mardi 15 Avr 2014 19:38

J'ai sauté une question plus haut sur la liberté et le déterminisme, j'en suis désolé. J'ai écrit un texte spécialement sur ce sujet: http://aaa12.noblogs.org/post/2014/03/23/de-la-liberte/

Sur l'apprentissage, je suis bien incapable d'expliquer dans les détails quelles protéines ou autres molécules jouent ce rôle dans notre cerveau mais je vais donner ce extrait de La Nouvelle Grille de Laborit qui, je l'espère, répondra à la question.

De l'apprentissage

Notre système nerveux naît immature. Les connexions interneuronales s'enrichissent au cours des premiers mois et des premières années de la vie extra-utérine. Puis le codage des automatismes mémorisés le fige dans une structure qui sera à la base de tous nos jugements de valeur et dont il sera pratiquement impossible ensuite de se dégager. Il s'agira une fois de plus d'une structure fermée qui restera sourde à toute information dont la place n'est pas préparée d'avance, incapable de s'ouvrir sur de plus grands ensembles neuronaux, figée dans ses automatismes conceptuels. Les premières années de la vie seront donc capitales, non pour enfourner dans la mémoire des habitudes, mais pour préparer une structure d'interrelations telle que son ouverture par la suite puisse se réaliser de façon pratiquement infinie.
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar l autre » Mercredi 16 Avr 2014 9:25

André Volt a écrit:J'ai sauté une question plus haut sur la liberté et le déterminisme, j'en suis désolé. J'ai écrit un texte spécialement sur ce sujet: http://aaa12.noblogs.org/post/2014/03/23/de-la-liberte/

Sur l'apprentissage, je suis bien incapable d'expliquer dans les détails quelles protéines ou autres molécules jouent ce rôle dans notre cerveau mais je vais donner ce extrait de La Nouvelle Grille de Laborit qui, je l'espère, répondra à la question.

De l'apprentissage

Notre système nerveux naît immature. Les connexions interneuronales s'enrichissent au cours des premiers mois et des premières années de la vie extra-utérine. Puis le codage des automatismes mémorisés le fige dans une structure qui sera à la base de tous nos jugements de valeur et dont il sera pratiquement impossible ensuite de se dégager. Il s'agira une fois de plus d'une structure fermée qui restera sourde à toute information dont la place n'est pas préparée d'avance, incapable de s'ouvrir sur de plus grands ensembles neuronaux, figée dans ses automatismes conceptuels. Les premières années de la vie seront donc capitales, non pour enfourner dans la mémoire des habitudes, mais pour préparer une structure d'interrelations telle que son ouverture par la suite puisse se réaliser de façon pratiquement infinie.


Cela m explique pas comment ou pourquoi la maturation neuronale ; soit par un logique interne programmée de type autogenèse ou épigenèse ? Soit le biologique s auto exprime par le fait du gène et l externe ne joue pas ou bien l externe ( l'environnement) intervient dans le processus . Dans le dernier cas les comportements ne sont pas innées ou déterminées par le simple biologique. Il est admit que le système nerveux centrale n est pas mature a la naissance et son agencement développement sont postes utérin et dépende aussi du rapport le monde externe. qu en penses tu André?
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar André Volt » Mercredi 16 Avr 2014 11:17

Pour le détail du fonctionnement cérébral il faut consulter des ouvrages de vulgarisation scientifique.
Il n'y a que "très peu" d'inné dans nos comportements car tous les automatismes conceptuels, l'empreinte culturelle, la socioculture sont acquis après la naissance. Le cerveau d'un nouveau né est en quelque sorte une boule d'argile brute qui ne prendra forme que dans son rapport au monde. Mais si cette socioculture n'est pas en phase avec notre condition biologique, si elle ne nous permet pas d'effectuer toutes les actions gratifiantes que l'on souhaite, elle conduit à des maladies civilisationnelles (ulcères, cancers, névroses, etc.) qui résultent de l'inhibition de l'action et de l'angoisse qu'elle provoque.
Les seuls comportements innés que l'on a seraient plutôt les pulsions reptiliennes qui nous poussent à manger, boire, copuler (en somme, réaliser des actions gratifiantes) et préserver notre intégrité. Tout le reste est plus de l'ordre de la construction sociale.
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar JeanGuy » Mercredi 16 Avr 2014 11:33

L'idée d'apporter les contributions de la biologie au débat sur le communisme libertaire est plutôt intéressante, mais j'attends que tu nous en dises un peu plus André pour me faire un avis. Je préfère rester prudent sur ce genre de propos et je pense qu'il est dangereux de vouloir réduire l'être humain à des règles biochimiques ou biophysiques. La biologie a sa place, mais dans le cadre d'une approche globale de l'être humain, qui peut inclure l'histoire, la sociologie, la psychologie et beaucoup d'autres choses.

Vouloir expliquer l'amour, la tristesse, le pouvoir selon des règles biologiques, pourquoi pas ? Comment expliquerais-tu cela du coup ? Est-ce Laborit dit des choses sur le sujet que tu n'a pas encore postées ? Je ne connais pas cet auteur, ce sera l'occasion de découvrir... En tout cas, ça m'intéresse ! Cela rejoint certaines évolutions actuelles de la médecine avec des rapprochements psychiatrie / neurologie, où l'on chercher à identifier des anomalies neurologiques et savoir si elles peuvent être liées à des pathologies psychiatriques. Pour l'instant, je n'ai entendu parler d'aucune conclusion vraiment significative.

Ensuite, je pense qu'il faudra poser la question de l'éthique : même si on peut tout expliquer par la biologie, est-ce que cela est souhaitable ? La réflexion anarchiste reste toujours liée à une éthique, à sa morale. C'est pour moi une question qu'on ne peut pas négliger dans ce genre de débat.
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Re: De la biologie à l'anarchisme.

Messagepar André Volt » Mercredi 16 Avr 2014 13:49

La biologie est l'étude du vivant, c'est le niveau d'organisation sous-jacent à toutes les macro-études de l'être humain, que ce soit la sociologie, l'histoire ou la psychologie. On ne peut pas réduire l'être humain au biologique puisque la biologie couvre tous les niveau d'étude de l'être humain. Au contraire, le réductionnisme serait de réduire la socio à la socio sans en expliquer les causes biologiques. On est donc tout à fait dans une approche globale de l'être humain.

Les questions de l'amour, de la tristesse et (surtout) du pouvoir sont traitées par Laborit (la totalité de nos affects ont une traduction biologique) dans La Nouvelle Grille et sa version plus abordable Éloge de la Fuite, ou encore dans l'extrait de sa participation au film Mon Oncle d'Amérique donné plus haut. On décortiquant les affects et comportements humains, à l'échelle biologique, chimique et microscopique on est plus à même de comprendre les conséquences qui en découlent à l'échelle sociale, macroscopique, comme le fait que l'exercice du pouvoir, la dominance, soit une action gratifiante et addictive ou que l'idée de propriété privée n'a rien de naturel et qu'elle est néfaste: « La propriété est comme les drogues, un toxique provocant l'accoutumance et la dépendance grâce à un mécanisme biochimique cérébral fort proche de la toxicomanie, puisque dans l'un et l'autre cas le processus s'accompagne de la synthèse de protéines cérébrales qui commande à la stabilisation de tout apprentissage. »

Il est assez difficile de relayer tout le contenu de l’œuvre de Laborit, déjà parce qu'elle est (injustement) méconnue, peu présente sur le net et que la totalité des citations que je fais sont recopiées à la main depuis La Nouvelle Grille, ce qui demande un effort assez important et me limite aux "conclusions" en sautant les études et expériences scientifiques utilisées comme support.

Je vais donc relayer quelques extraits des livres de Laborit et de Jean-Pierre Changeux (neurobiologiste et vulgarisateur) pour essayer d'apporter un peu plus de matière au débat:

I. « La chimie apporte une dimension nouvelle au codage interne. Libérés par des neurones précis en des quantités qui dépendent du nombre d'impulsions, neurotransmetteurs et hormones prennent le relais à la fois du codage connexionnel et du codage par impulsions. Leur diffusion sur de grandes distances peut avoir lieu, mais, le plus souvent, reste confinée à l'espace synaptique. Ici le neurotransmetteur excitera, là il inhibera. Des calculs deviennent possibles, qui s'enchainent d'un neurone à l'autre.

Cet ensemble d'observations et de réflexions conduit non seulement à prendre en compte les mécanismes internes du comportement, mais à adopter vis-à-vis d'eux un point de vue déterministe. Rien ne s'oppose plus désormais, sur le plan théorique, à ce que les conduites de l'homme soient décrites en termes d'activités neuronales. Il est grand temps que l'Homme Neuronal entre en scène. »

Jean-Pierre Changeux
L'Homme Neuronal


II. « L'encéphale de l'homme se présente à nous comme un gigantesque assemblage de dizaines de milliards de « toiles d'araignée » neuronales enchevêtrées les unes aux autres et dans lesquelles « crépitent » et se propagent des myriades d'impulsions électriques prises en relais ici et là par une riche palette de signaux chimiques. L'organisation anatomique et chimique de cette machine est d'une redoutable complexité, mais le simple fait que cette machine puisse se décomposer en « rouages-neurones » dont on puisse saisir les « mouvement-impulsions » justifie l'engagement téméraire des mécanistes du XVIIIe siècle.

« Tout ce qui se fait dans le corps de l'homme est aussi mécanique que ce qui se fait dans une montre », écrivait Leibniz. Certes, le cerveau humain n'indique pas l'heure, et en ce XXe siècle finissant, l'image de la montre peut paraître naïve et beaucoup trop réductrice. On lui préfère souvent celle de l'ordinateur, aux performances plus spectaculaires. Elle ne lui est pas supérieure : dans l'un et l'autre cas, il s'agit de machines, là est l'essentiel. Mais chacune d'elles possède des propriétés bien à elle, radicalement différentes de celles de la machine cérébrale.[...]

D'autre part, il est évident que le cerveau de l'homme est capable de développer des stratégies de manière autonome. Anticipant les évènements, il construit ses propres programmes. Cette faculté d'auto-organisation constitue un des traits les plus saillants de la machine cérébrale humaine, dont le produit suprême est la pensée. »

Jean-Pierre Changeux
L'Homme Neuronal


III. De l'agressivité

« En d'autres termes, l'explosion non contrôlée du comportement agressif est un moyen de se soustraire à l'angoisse résultant de l'impossibilité de réaliser un comportement gratifiant. Elle peut être provoquée expérimentalement par la stimulation du PVS*, inhibée par celle du MFB*. L'agressivité est une façon simpliste de résoudre le conflit entre les pulsions hypothalamiques et et les interdits socioculturels résultants de l'apprentissage. Les dominants ne sont plus agressifs lorsqu'ils ont établi leur dominance puisque grâce à elle ils peuvent satisfaire à leur recherche du plaisir. Le dosage des catécholamines urinaires et de leurs matébolites, de même que celui des corticoïdes surrénaliens, montre la faible stimulation de leur système neuro-endocrinien comparée aux perturbations profondes de celui-ci chez les animaux dominés (Welch et Welch, 1971). Inversement, comme nous l'avons laissé prévoir, l'animal dominant dont la lutte a donc été triomphante possède comme caractéristique biochimique cérébrale une surcharge en catécholamines dont nous avons signalé le rôle prédominant dans le fonctionnement du MFB.

Nous sommes donc obligés, par l'étude expérimentale du comportement agressif, de nous élever contre l'interprétation largement diffusée au cours de ces dernières années, de l'implacabilité génétique de l'agressivité chez l'homme. »

H.Laborit, La Nouvelle Grille

* PVS pour PeriVentricular System et MFB pour Medial Forebrain Bundle. Le premier s'occupe de la fuite et de la lutte, le second de la récompense.


IV. « Quel rapport entre ce comportement de survie immédiate et l'agressivité humaine? Il y a le rapport entre le comportement instinctif assurant l'assouvissement des besoins fondamentaux sans lesquels la vie n'est plus possible, et l'apprentissage d'environnements dangereux pour la survie, générateurs de souffrance que l'on ne peut éviter que par la fuite ou la lutte. L'apprentissage aussi de « valeurs » sociales, variables avec l'époque et le lieu, automatisées dès l'enfance au sein des systèmes nerveux humains et dont la finalité n'est la protection ni de l'individu ni de l'espèce, mais d'une organisation sociale, d'un type de hiérarchie où toujours existent des dominants et des dominés. Or, comme il serait peu probable que ce soit les dominés qui tentent d'eux-même d'assurer la stabilité d'un système hiérarchique, il faut bien que les dominants installent très tôt dans le système nerveux des individus du groupe, un type d'automatismes socioculturels, de jugements de valeurs favorables à leur dominance, donc de l'organisation hiérarchique du groupe. La propagation de l'idée d'une agressivité innée de l'espèce humaine que nous tiendrions des espèces animales nous ayant précédées dans le phylum fait partie sans doute de cet apprentissage.

En effet, en créant un automatisme conceptuel concernant l'origine animalière de notre agressivité, on ne peut que pousser l'homme, qui se veut si distinct de l'animal, à contrôler son agressivité et en conséquence à respecter les hiérarchies de valeur. On peut dire que tout l'apprentissage socioculturel a pour but de créer des automatismes de soumission à l'égard des hiérarchies et de faire disparaitre une agressivité qui n'a rien d'animalier mais qui résulte de l'impossibilité pour l'individu de réaliser un comportement gratifiant. »

H.Laborit, La Nouvelle Grille


Il y a aussi cet article très intéressant du Monde Libertaire sur le pouvoir et sa réalité biologique:

Ce que le pouvoir fait au cerveau

Le pouvoir est une drogue. Ceci n’est pas une métaphore, mais une constatation médicale. Le pouvoir entraîne accoutumance et dépendance, comme l’héroïne, comme la cocaïne. Le pouvoir, réalité sociale, modifie la réalité biologique, hormonale et neuronale des personnes qui en ont.

Une personne dépendante a sans cesse besoin de ce dont elle dépend. Peu à peu, la quantité ou l’intensité de ce dont elle dépend doit augmenter pour retrouver le même plaisir. Il faut donc de plus en plus de pouvoir à la personne qui dépend du plaisir procuré par le pouvoir.

La victoire déclenche la même accoutumance que le pouvoir. Gagner déclenche de puissantes décharges de testostérone et de dopamine. Les conséquences politiques sont claires : écraser autrui procure du plaisir, un plaisir addictif.

« L’un des plus grands dangers menaçant le monde vient de ce jaillissement de testostérone dans le sang d’un dirigeant à haut besoin de pouvoir lorsqu’il gagne. Ce jaillissement hormonal est enivrant. Comme l’alpiniste qui cherche la satisfaction du pic suivant, plus dangereux, le politicien dépendant du pouvoir trouve difficile de se satisfaire du train-train de la politique quotidienne : il se languit du flash chimique que la victoire déclenche en lui. Hélas, comme tous les flashes de ce type, il faut que le stimulus suivant soit plus puissant, pour obtenir un effet égal »

http://www.monde-libertaire.fr/sciences ... au-cerveau



Sur la question de l'éthique, je ne vois pas vraiment de problème. La mienne est parfaitement illustrée par les vers de Charles d'Avray dans Le Triomphe de l'Anarchie: « Avec la science il faut te concilier[...] Entends réponds mais ne sois pas sectaire, Ton avenir est dans la vérité »
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