Ukraine: la police lance l'assaut contre le Maïdan, au moins 25 morts à KievLes troupes antiémeute ukrainiennes ont lancé un nouvel assaut mercredi au petit matin contre les manifestants réunis sur la place centrale de Kiev occupée depuis trois mois, dans une recrudescence des violences qui ont fait au moins 25 morts.
Les policiers ont avancé et pris position autour du monument qui se trouve au milieu du Maïdan, peu après 4h du matin heure locale après une pluie de grenades lacrymogènes et assourdissantes, a constaté mercredi un journaliste de l'AFP. Les tentes situées autour du monument ont pris feu les unes après les autres.
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Vingt-cinq personnes sont mortes dans les violents affrontements qui ont éclaté à Kiev entre manifestants et policiers, a indiqué mercredi matin le ministère de la santé dans un communiqué. Quelques 241 personnes ont été hospitalisées, parmi lesquelles 79 policiers et cinq journalistes, a ajouté le ministère.
La tribune de BHL : "Faire la grève des Jeux tant que le sang coulera sur le Maïdan"
Les manifestants ripostaient en jetant des pavés
Pour se protéger des forces de l'ordre, les contestataires ont dressé un mur de feu. Derrière ce rideau de flammes, des opposants, casqués, équipés de gourdins et de boucliers en métal semblables à ceux des policiers, formaient une première ligne de défense.
"Le centre de Kiev, le coeur de l'Ukraine est en flammes! Arrêtez-vous", a lancé un opposant aux policiers depuis la scène dressée sur le Maïdan, haut lieu de la contestation née de la volte-face pro-russe des autorités fin novembre au détriment d'un rapprochement avec l'Union européenne et qui s'est transformée en un rejet du régime du président Viktor Ianoukovitch.
Malgré les condamnations qui se sont multipliées sur la scène internationale, le président Viktor Ianoukovitch a refusé d'arrêter l'assaut et exigé que les manifestants évacuent la place du Maïdan, ont déclaré les leaders de l'opposition après l'avoir rencontré mardi soir.
Au moins quatre manifestants "ont été tués lors du ratissage du Maïdan", a déclaré à l'AFP Sviatoslav Khanenko, responsable des services médicaux de l'opposition. Le précédent bilan officiel, publié avant l'assaut, faisait état de cinq civils et sept policiers tués dans des affrontements qui embrasent Kiev depuis mardi matin.
Plusieurs étages de la Maison des Syndicats, transformée en QG des manifestants donnant sur le Maïdan, étaient en feu, a constaté un journaliste de l'AFP. Des opposants quittaient ce bâtiment et certains ont été évacués sur des brancards.
Équipés de porte-voix, les policiers avaient auparavant demandé aux femmes et aux enfants de quitter les lieux, évoquant le déclenchement d'une "opération antiterroriste". Mais plusieurs milliers de contestataires ont refusé de bouger et ont alors entonné l'hymne national ukrainien.
"Le président nous a proposé de nous rendre. Nous resterons ici avec les manifestants", a déclaré l'un des leaders de l'opposition, Arseni Iatseniouk, à la télévision Kanal 5.
"C'est un îlot de liberté", a promis à la foule l'un des leaders de l'opposition, Vitali Klitschko. "Le pouvoir a déclenché une guerre contre son propre peuple", a asséné l'ancien champion de boxe.
Résumé de la journée de mardi :
Assaut à Lviv
Même des soutiens traditionnels du régime, comme l'oligarque Rinat Akhmetov, l'homme le plus riche d'Ukraine et le principal parrain du parti de Ianoukovitch, ont critiqué les événements en cours.
"Les victimes humaines du côté des manifestants et des forces de l'ordre sont un prix inacceptable pour des erreurs politiques", a déclaré Akhmetov dans un communiqué, appelant à "cesser l'effusion de sang".
L'un des civils tués est un employé du Parti des régions du président Ianoukovitch, dont le corps a été retrouvé au siège de cette formation politique, pris d'assaut et brièvement contrôlé par les contestataires, qui l'ont partiellement incendié.
Les violences menacent de s'étendre au reste de l'Ukraine
A Lviv, un bastion de la contestation dans l'ouest, les manifestants ont pris d'assaut les sièges de l'administration régionale et de la police, ainsi que de bâtiments militaires. A l'issue d'affrontements, quelque 5.000 manifestants ont pris le contrôle des dépôts d'armes.
Le procureur général Viktor Pchonka a promis mardi soir "les peines les plus sévères" pour les responsables et les instigateurs des violences.
Le pouvoir a aussi imposé une sorte d'état d'urgence qui ne dit pas son nom: le métro de Kiev a été fermé et les autorités ont annoncé que le trafic routier en direction de la capitale serait "limité" à partir de minuit, afin d'éviter "l'escalade des violences".
L'Occident inquiet
La Russie a aussitôt condamné ce regain de violences, qu'elle a attribué à la politique des Occidentaux, qui "ferment les yeux sur les actes agressifs des forces radicales en Ukraine".
Après avoir poussé Kiev à renoncer à un accord d'association avec l'UE, Moscou a octroyé à Kiev en décembre un crédit de 15 milliards de dollars dont elle a déjà versé 3 milliards et un rabais sur le prix du gaz. Elle a promis "cette semaine" une nouvelle tranche de 2 milliards de dollars à l'Ukraine au bord d'un défaut de paiements.
De son côté, le vice-président des Etats-Unis Joe Biden a appelé Viktor Ianoukovitch à retirer les forces de l'ordre des rues de Kiev et "à faire preuve de la plus grande retenue", soulignant "l'urgence d'un dialogue immédiat" avec les dirigeants de l'opposition.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon s'est dit lui "extrêmement inquiet". Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a brandi la menace de "sanctions" de l'Union européenne contre des dirigeants ukrainiens. Le département d'Etat américain a par ailleurs déconseillé mardi soir aux citoyens américains de voyager en Ukraine et a recommandé à ceux qui sont sur place d'éviter de s'approcher des lieux de manifestation.
Les manifestants occupent les administrations d'une ville de l'ouest
Des manifestants ont pris d'assaut dans la nuit de mardi à mercredi plusieurs bâtiments publics dans l'ouest de l'Ukraine, dont le siège de la police et des services spéciaux à Lviv, et se sont emparés d'armes dans une unité militaire.
A Lviv, bastion nationaliste près de la frontière polonaise, quelque 500 opposants ont jeté des pierres mardi soir en direction de l'administration régionale puis y sont entrés sans rencontrer de résistance. Une centaine de manifestants a ensuite pris d'assaut le siège de la police régionale.
Les manifestants ont commencé à ériger une barricade devant le siège de la police et ont incendié des meubles qu'ils avaient sortis du bâtiment.
Ils ont ensuite occupé le siège local du SBU (services spéciaux) avant d'y mettre le feu et de démolir plusieurs véhicules dans le garage du SBU. Ils ont ensuite brûlé des documents dans la cour.
Une centaine de manifestants ont également pris d'assaut le service fiscal sans rencontrer de résistance.
Dans la région de Ternopil (ouest), les manifestants ont jeté des cocktails molotov sur le siège régional de la police qui a pris feu, a indiqué la police locale.
A Ivano-Frankivsk, également à l'ouest, quelque 50 manifestants encagoulés ont pris d'assaut l'administration régionale avant de l'occuper.
Les autorités ont ouvert une enquête pour "prise d'assaut de bâtiments publics" qui prévoit des peines allant jusqu'à six ans de prison, a indiqué la police régionale.
Les contestataires avaient pris fin janvier le contrôle de la plupart des administrations des gouverneurs régionaux, nommés par le président Viktor Ianoukovitch, dans l'ouest du pays en grande partie acquis à l'opposition. Comme pour la mairie de Kiev, ils avaient libéré les lieux ces derniers jours pour permettre l'application d'une loi d'amnistie des manifestants.
Ianoukovitch accuse l'opposition de "tentative de prise de pouvoir"
L'opposition a "franchi les limites" en espérant arriver au pouvoir grâce à la rue et les coupables seront jugés, a déclaré mercredi le président ukrainien Viktor Ianoukovitch.
"Les leaders de l'opposition ont négligé le principe de la démocratie selon lequel on obtient le pouvoir à l'issue des élections et non dans la rue (...) Ils ont franchi les limites en appelant les gens à prendre des armes", a déclaré le président dans une adresse à la nation? alors que l'assaut était en cours contre les manifestants dans le centre de Kiev. "C'est une violation criante de la loi et les coupables comparaîtront devant la justice", a-t-il poursuivi.
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