http://faqanarchiste.free.fr/secA2.php3#seca219A.2.19 Quelles sont les vues éthiques des anarchistes ?
Les points de vue anarchistes sur l'éthique varient fortement, bien que toutes et tous partagent la conviction commune que chaque individu doive développer son propre sens de l'éthique.
...
Le relativisme moral stipule qu'il n'y a pas de bon ou de mauvais à part ce qui convient à un individu tandis que l'absolutisme moral stipule que ce qui est vrai ou faux est indépendant de ce que pensent les individus.
On prétend souvent que la société moderne s'effondre à cause d'un « égoïsme » excessif ou d'un relativisme moral. C'est faux. Aller vers le relativisme moral éloigne de l'absolutisme moral. Ce-dernier est encouragé par divers moralistes et vrais croyants car il se base lui-même, subtilement certes, sur l'idée de la raison individuelle. Cependant, puisqu'il réfute l'existence (ou l'attraction) de l'éthique, le relativisme moral est tout sauf le reflet de ce contre quoi il se rebelle. Aucune des deux options (le relativisme et l'absolutisme moraux) ne renforce ou ne libère l'individu.
Par conséquent, ces deux attitudes sont extrêmement attirantes pour les autoritaires, en tant que population qui est incapable de forger sa propre opinion à propos des choses (et qui tolèreront n'importe quoi) et qui suit aveuglement les commandements d'une classe dirigeante. Les autoritaires sont bien entendus très précieux aux yeux de ceux qui sont au pouvoir. Les anarchistes rejettent les deux attitudes en faveur d'une approche évolutionniste de l'éthique basée sur la capacité humaine de développer les concepts éthiques et l'empathie pour généraliser ces concepts en attitudes éthiques au sein de la société autant que chez chaque individu. Une approche libertaire de l'éthique reprend donc l'enquête individuelle critique implicite au relativisme moral mais repose sur des sentiments communs de vrai et de faux.
...
La plupart des anarchistes adoptent le point de vue que les standards éthiques, comme la vie, sont en constante évolution. Cela les amène à rejeter les diverses notions de « Loi divine », « Loi naturelle » et autres, et à s'approprier la théorie du développement éthique basé sur l'idée que les individus sont entièrement habilités à mettre en doute et à évaluer le monde qui les entoure. En fait, ils réclament cette capacité pour être réellement libre. On ne peut pas être anarchiste et accepter aveuglement n'importe quoi !
...
Les anarchistes adoptent donc une approche essentiellement scientifique des problèmes. Ils et elles parviennent à des jugements éthiques sans s'appuyer sur la mythologie ou une quelconque aide spirituelle, mais sur les mérites de leur propre esprit. Tout cela grâce à la logique et à la raison, ce qui est une façon de résoudre les question morales bien meilleure que les systèmes obsolètes et autoritaires tels que la religion et certainement meilleure que l'habituel « il n'y a pas de vrai ou de faux » du relativisme moral.
...
En d'autres termes, la vie est à la base de l'éthique anarchiste. Ce qui signifie que, selon les anarchistes, les points de vue éthiques d'un individu proviennent principalement de trois sources :
de la société dans laquelle l'individu vit.
de l'évaluation critique de la part des individus des normes éthiques de la société.
des sentiments d'empathie
Ce dernier facteur est essentiel dans le développement d'un sens de l'éthique.
...
Ainsi, l'anarchisme est essentiellement basée sur la maxime morale « traite les autres comme tu voudrais être traité » Les anarchistes ne sont ni égoïstes ni altruistes quand il s'agit de parler positions morales, ils sont tous simplement humain(e)s.
...
Puisque le capitalisme et toutes les autres formes d'autorité affaiblissent l'imagination et réduisent le nombre d'exutoires pour exercer sa raison, à cause du poids mort de la hiérarchie et de la dislocation de la communauté, il n'est pas étonnant que la vie dans une société capitaliste soit marquée par un âpre mépris d'autrui et par un manque de comportement éthique.
À cela s'ajoute le rôle joué par l'inégalité au sein de notre société. Sans égalité, il ne peut y avoir de vraie éthique
...
Le capitalisme, comme toute société, reçoit les comportements éthiques qu'il mérite.
Au sein d'une société qui oscille entre le relativisme moral et l'absolutisme moral, rien d'étonnant à ce que l'égoïsme tende à se confondre avec l'égotisme. La société capitaliste s'assure un appauvrissement de l'individualité et de l'ego en affaiblissant les individus, c'est-à-dire en les empêchant de développer leurs propres idées éthiques et en les encourageant à l'obéissance aveugle envers l'autorité externe.
...
Ainsi, à proprement parler, l'anarchisme repose sur un référentiel égoïste — les idées éthiques doivent être l'expression de ce qui nous donne du plaisir en tant qu'individu entier (à la fois rationnel et émotionnel, c'est-à-dire utilisant la raison et l'empathie). Cela amène les anarchistes à rejeter la fausse division entre égoïsme et altruisme et à reconnaître que ce que beaucoup (comme par exemple, les capitalistes) appellent "égoïsme" est en fait l'auto-négation de l'individu et la diminution de ses intérêts personnels.
...
Donc l'anarchisme repose sur le rejet d'absolutisme moral (c'est-à-dire sur les « Loi divine », « Loi naturelle », « Nature humaine », et autres « A est A » [Principe d'identité d'Aristote, aussi énoncé comme « ce qui est est » et « ce qui n'est pas n'est pas », qui stipule qu'une chose est identique à elle-même.]) et de l'égotisme étroit dans lequel le relativisme moral se complaît si facilement. À la place, les anarchistes reconnaissent qu'il existe des concepts de vrai et de faux en dehors de l'évaluation de ses propres actes par un individu.
Cela est dû à la nature sociale de l'humanité. Les interactions entre individus se développent bien en une maxime sociale qui, selon Kropotkine, peut être résumée ainsi : « Est-ce utile à la société ? Alors c’est bon. — Est-ce nuisible ? Alors c’est mauvais. » Ce qui stipule, toutefois, que ce que les êtres humains pensent du bien et du mal n'est pas immuable et « l’appréciation de ce qui est utile ou nuisible... change, mais le fond reste immuable. » [Pierre Kropotkine, La Morale anarchiste, p. 12 et 13.]
Ce sens de l'empathie basée sur un esprit critique, est la base fondamentale de l'éthique sociale - le ’ce-qui-devrait-être’ peut être vu comme critère éthique de la veracité ou de la validité d'un ’ce-qui-est’ objectif. Donc, si ils/elles reconnaissent les racines naturelles de l'éthique, les anarchistes considèrent que l'éhique est fondamentalement une idée humaine — le produit de la vie, de la pensée et de l'évolution créé par les individus et généralisées au corps social et à la communauté.
Mais alors, qu'est-ce qu'un comportement immoral, pour les anarchistes ? Principalement tout ce qui renie les accomplissements les plus fondamentaux de l'Histoire : la liberté, l'unicité et la dignité de l'individu.
Les individus peuvent savoir quelles actions sont immorales grâce à l'empathie, qui leur permet de se mettre à la place de celui/celle ou ceux/celles qui souffrent (d'un comportement, d'une action, etc.). Les actions qui restreignent l'individualité peuvent être considérées comme immorales
...
L'attitude anarchiste à l'égard de l'autorité, de l'État, du capitalisme, de la propriété privée vient de notre croyance éthique que la liberté de l'individu prime sur le reste et de notre capacité à l'empathie (de notre égalité basique et de notre individualité commune, en d'autres termes).
Par conséquent l'anarchisme combine l'évaluation subjective de la part des individus d'une série donnée de circonstances et d'actions avec le fait de tirer des conclusions interpersonnelles objectives de ces évaluations basées sur des liens empathiques et des discussions entre individus égaux. L'anarchisme est basé sur une approche humaniste des idées éthiques, qui évolue avec la société et le développement individuel.
...