Feu à toutes les prisons.

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Feu à toutes les prisons.

Messagepar Lambros » Mercredi 13 Mar 2013 17:26

Bon on l'a évoqué dans un autre fil.

Personnellement, et c'est aussi la position du syndicat auquel je suis adhérent, nous sommes abolitionnistes (je parle là des prisons et toutes leurs variantes : HP, CRA, goulags, Ecoles :D ).

Nous avons même organisé un Son Contre les Prisons en octobre 2013. Pour lancer le débat, je vous joint l'interview de Jann-Marc Rouillan réalisée à cette occasion (et avant que certain-es personnes hurlent, je précise qu'il est aujourd'hui communiste de gauche, nous sommes donc opposé-es au niveau idéologique. L'interview ne porte donc que sur la question carcérale, car à ce niveau là nous sommes en accord complet).

http://anarsonore.free.fr/spip.php?article550
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar lucien » Samedi 16 Mar 2013 0:36

elquico a écrit:PAR EXEMPLE quand tu dis que l'enfermement est parfois un mal necessaire,franchement ,je me demande quelle position tu défends,certainement pas celle de quelqu'un qui le vit et donc se situant en observateur et idéologue,adopte un discours justement parcequ'il ne vit pas cette situation ,est ce que tu me comprends?
Quid des atteintes psychiatriques pouvant rendre des individus dangereux pour eux-mêmes et pour les autres ? Ce ne sont pas des inventions du système contre lequel nous luttons et, quand bien même elles en étaient strictement un des effets, tant que nous ne vivrons pas dans un monde parfait (ce qui est à mon avis un illusion), il faudra bien les protéger et nous protéger. Je ne suis pas spécialiste et n'ai pas de solution à proposer et c'est justement pour cela qu'il faut que les libertaires s'interrogent avant d'ouvrir, en cas de grand soir, toutes les portes sans en mesurer les conséquences, ce qui serait justement l'aboutissement d'un [autre] discours politique.

On peut aussi se demander comment les révolutionnaires se protégeront, toujours après le grand soir, des réactionnaires prêts voire ayant déjà assassiné leurs compagnons : par le dialogue, le débat ou par l'élimination physique pure et simple (ce qui est actuellement puni par la loi !) puisque s'opposant à l'enfermement ?

J'en profite pour préciser que le débat dont parlait Jean-Guy dans un autre fil n'a pas eu lieu dans le cadre d'une AG d'UL mais d'une soirée-débat entre militants et sympathisants.
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar JeanGuy » Samedi 16 Mar 2013 9:28

Pour te répondre sur ce fil elquico :

PAR EXEMPLE quand tu dis que l'enfermement est parfois un mal necessaire,franchement ,je me demande quelle position tu défends,certainement pas celle de quelqu'un qui le vit et donc se situant en observateur et idéologue,adopte un discours justement parcequ'il ne vit pas cette situation ,est ce que tu me comprends?


Je comprend effectivement mieux ce que tu voulais dire à présent : toute personne n'ayant pas vécu elle-même une situation mais ayant tout de même des idées, un avis, une opinion sur cette situation tient un discours politique, ce qui a l'air de te déranger visiblement.

Je pense que oui, on est dans le discours politique, comme pour tous les enjeux sociaux naissant de la vie en collectivité. Les discussions sur la démocratie, sur le système économique, sur les moyens déployés par la collectivité pour assurer l'éducation, la santé des membres de cette collectivité sont toutes politiques puisque, si je me souviens bien, le mot politique désigne ce qui traite de la " vie de la cité ". Je ne vois donc pas comment on peut sortir du discours politique sur ce sujet. Ou alors si, vu ton post, je pense voir quelle est ta solution pour cela : réserver le débat aux seules personnes ayant vécu, d'une façon ou d'une autre, l'enfermement. Il est évident qu'aujourd'hui les personnes subissant l'enfermement n'ont pas voix au chapitre et cela est intolérable. Cependant, doit-on statuer sur l'enfermement juste en recueillant l'avis de ces personnes ? Après tout, moi qui suis aujourd'hui dehors, demain pour une raison X ou Y je peux me retrouver dedans, pourquoi je n'aurais pas le droit de donner mon avis, pourquoi je n'aurais le droit de m'exprimer ?! Est-ce que, en m'empêchant de tenir mon discours "politique", tu ne veux pas m'enfermer toi aussi ?!

Je ne reviens pas sur certains enjeux comme la protection des personnes fragiles ou dangereuses et son rôle dans la collectivité, le post de lucien est suffisamment clair et explicite sur ces sujets là.
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar anarced » Samedi 16 Mar 2013 11:39

Je pense que cette idée d'enfermer l'autre pour se protéger soi-même est déjà largement présente dans la société et qu'il n'est absolument pas besoin que les anarchistes en rajoute une couche.
Il faut être conscient que la société, quelle qu'elle soit, ne s'exprime jamais d'une seule voix. Que lorsqu'une position est affirmée, généralement la position contraire l'est aussi.
Ce n'est pas parce que les anarchistes demanderont l'ouverture de toutes les portes que toutes les portes s'ouvriront!
Il ne s'agit donc pas de déterminer précisément le nombre de portes qui doivent être ouvertes et le nombre de portes qui doivent rester fermées mais de déterminer quel rôle on veut jouer dans la société: est-ce qu'on veut ouvrir les portes vers plus de liberté ou est-ce qu'on veut les fermer pour plus de tyrannie?
Je pense que les anarchistes ont suffisamment d'opposants pour ne pas avoir besoin de jouer à s'opposer à eux-mêmes!
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar JeanGuy » Dimanche 17 Mar 2013 10:32

Ou comment se débarrasser du débat en faisant assumer aux autres une position qui te dérange. En gros, "c'est vrai que peut être on ne peut pas ouvrir les portes des prisons et HP sous peines de gros problèmes sociaux mais comme moi je me veux être un gentil nanar pour la liberté je préfère prétendre le contraire".
C'est clair que c'est plutôt confortable, mais je ne trouve pas que cela fasse avancer le schmilblick.

Il n'empêche que si l'on désire vraiment la Révolution sociale dont les anarchistes parlent tant, il faudra bien un jour ou l'autre se poser ces questions et sortir de certaines idées qui ne sont que des postures un peu abstraites.
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar anarced » Dimanche 17 Mar 2013 11:42

Je ne suis pas d'accord avec toi. Choisir de se poser du côté de la liberté et donc contre l'enfermement n'est pas une posture abstraite, c'est au contraire applicable concrètement dans n'importe quelle société et dans n'importe quelle société, jusqu'à preuve du contraire, nous aurons des opposants.
Ce qui est abstrait, c'est de parler d'une hypothétique révolution sociale dans laquelle les anarchistes seraient les maîtres et devraient décider du sort de chacun: toi, tu es dangereux pour la société, il faut t'enfermer, toi, au contraire, tu peux rester libre.
C'est vrai que j'évite la question mais ce n'est pas par facilité. C'est parce que je ne pense pas que les anarchistes aient vocation à diriger la société et à décider du sort de chacun, même après une hypothétique révolution sociale.
Le pouvoir est maudit, il n'existe pas d'exercice du pouvoir compatible avec l'idée de justice. Le problème que tu poses n'en est qu'une illustration.
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar lucien » Dimanche 17 Mar 2013 23:30

anarced a écrit:Je ne suis pas d'accord avec toi. Choisir de se poser du côté de la liberté et donc contre l'enfermement n'est pas une posture abstraite [...]
Abstraite, peut-être pas, dogmatique, oui ! Et qu'est-ce que l'enfermement quand on ne peut définir la matière ? :mrgreen:

Plus sérieusement, si les anars ne doivent aborder que les sujets faciles ou sur lesquels ils sont globalement d'accord, le débat est inutile : on préfère une question pouvant facilement venir malmener notre éthique ou nos positions.

S'il s'agit de prendre positon ou de vouloir quelque chose dans la société actuelle, les enjeux du débat sont à la hauteur de l'influence des anars dans ladite société, c'est à dire actuellement des plus limitées (et effectivement, on peut dans ce cas clore la discussion). Je rappelle que les débat que nous menons sur Caen sont toujours axés dans la perspective d'un début de rupture ou de société communiste, non pas dans laquelle les anarchistes domineraient le monde (interprétation toute particulière d'anarced) mais dans laquelle, comme les autres, ils auraient à prendre position collectivement sur de telles questions. Tenter d'y répondre aujourd'hui (et c'est d'ailleurs ce qui a amené ces débats), c'est aussi se montrer plus convaincants face à nos opposants ou aux curieux, qui voient en nous de doux rêveurs dans le meilleur des cas, plutôt que de leur répondre que cela sera étudié le moment venu.

JeanGuy a écrit:Il est évident qu'aujourd'hui les personnes subissant l'enfermement n'ont pas voix au chapitre et cela est intolérable. Cependant, doit-on statuer sur l'enfermement juste en recueillant l'avis de ces personnes ?
A noter que certains schizophrènes semblent n'avoir aucune conscience de leur dangerosité avérée et ne seraient pas en mesure de comprendre pourquoi on se penche sur leur cas.

En débattre ne signifie pas atténuer notre critique du carcéralisme.
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar anarced » Lundi 18 Mar 2013 0:42

lucien a écrit:
anarced a écrit:Je ne suis pas d'accord avec toi. Choisir de se poser du côté de la liberté et donc contre l'enfermement n'est pas une posture abstraite [...]
Abstraite, peut-être pas, dogmatique, oui ! Et qu'est-ce que l'enfermement quand on ne peut définir la matière ? :mrgreen:


Je ne suis toujours pas d'accord! L'anti-carcéralisme est nécessairement subséquent au carcéralisme, c'est donc le carcéralisme qui doit être vu comme dogmatique et l'anti-carcéralisme comme une critique de ce dogme.
Il n'y a pas besoin de définir ce qu'est la matière pour définir ce dogme de l'enfermement (surtout si l'on adopte une posture anti-dogmatique et donc non-matérialiste :mrgreen: ) par contre il faut se poser de nombreuses questions sur l'origine de cette idée, ses causes, ses conséquences. Mais là, c'est un très long débat...
A noter que l'enfermement est le principal levier du pouvoir, c'est le moyen par lequel l'Etat soumet ses sujets à sa loi, et qu'il en est une des manifestation des plus brutales. Enfermer l'autre, c'est exercer un plein pouvoir sur cet autre, c'est pourquoi se placer dans la position de devoir décider de l'enfermement ou non d'un groupe de personnes, c'est nécessairement se placer dans une situation de plein pouvoir sur ces personnes. Avant de se poser la question de la nécessité d'enfermer ces personnes, il faut donc se poser la question de la légitimité du plein pouvoir que l'on prétend exercer sur elles.
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar JeanGuy » Lundi 18 Mar 2013 16:06

Je passe sur les questions de dogmatismes, non- matérialisme et autres... Peut être que je manque de ressources intellectuelles, en tout cas je n'y ai pas compris grand chose et je ne vois pas trop ce que cela vient faire là. A moins que tu ne m'expliques un peu plus précisément ce que tu voulais dire par là anarced, je suis preneur !

A noter que l'enfermement est le principal levier du pouvoir, c'est le moyen par lequel l'Etat soumet ses sujets à sa loi, et qu'il en est une des manifestation des plus brutales. Enfermer l'autre, c'est exercer un plein pouvoir sur cet autre, c'est pourquoi se placer dans la position de devoir décider de l'enfermement ou non d'un groupe de personnes, c'est nécessairement se placer dans une situation de plein pouvoir sur ces personnes. Avant de se poser la question de la nécessité d'enfermer ces personnes, il faut donc se poser la question de la légitimité du plein pouvoir que l'on prétend exercer sur elles.


Je pense que l’État et le pouvoir ne sont pas la même chose : le pouvoir existe et existera dans n'importe quel type de société puisque la vie en collectivité impose nécessairement des règles et que ces règles ne prennent leur valeur que si un pouvoir est en mesure d'assurer leur respect par tous les membres de la collectivité ; alors que l’État n'est qu'une forme particulière de pouvoir ( selon la plupart des anarchistes, le pouvoir d'une minorité sur la majorité, ou le pouvoir d'une classe sociale sur une autre ). La question n'est donc pas le pouvoir en soi mais qui le détient ? Qui l'exerce ? Quels moyens de contrôle pour éviter que le pouvoir ne soit concentré, accaparé par un petit nombre de personnes ?

Deuxièmement, priver de leur liberté certaines personnes ( temporairement ou définitivement ) ne signifie pas avoir le plein pouvoir sur elles : aujourd'hui, en théorie du moins, on n'a pas le droit ni le pouvoir de violer, tuer, torturer un détenu. A fortiori, j'imagine mal les anarchistes en question s'octroyer de tels pouvoirs.

La question de ce débat, à mon avis, est de trouver l'équilibre entre les droits de la personne enfermée et les droits de la collectivité à se protéger des individus qui menacent son équilibre. Essayer de réduire au minimum l'enfermement pour respecter la liberté, la dignité de l'individu mais savoir y recourir lorsque celui-ci menace ses pairs, en somme. Comme le rappelait lucien, dans certaines affections psychiatriques telles que les psychoses, on retrouve des idées délirantes, des hallucinations qui entrainent un décrochage plus ou moins important avec la réalité, avec généralement une altération des capacités de raisonnement, de jugement pour les personnes touchées. Peut être que le jour où cette personne voudra s'en prendre à ta vie dans le cadre de son délire, tu reverras un peu tes principes :)
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar anarced » Lundi 18 Mar 2013 18:11

Ce n'est pas moi qui ai commencé à parler de matérialisme. Je ne faisais que répondre à une boutade par une autre.
Je n'ai pas dit non plus que l'état et le pouvoir était une seule et même chose. Mais les anarchistes ne se limitent pas à la critique du pouvoir exercé par l'Etat mais critiquent plus généralement toute sorte de pouvoir exercée sans légitimité, comme le pouvoir des patrons par exemple...
Enfermer une personne, c'est exercer une domination totale sur cette personne. C'est Goffman qui parle "d'institution totale" pour décrire ces univers clos. (Foucault parle d'institution disciplinaire.) Quoi qu'il en soit, c'est une relation de domination dans laquelle l'enfermé subit totalement l'acte de celui qui l'enferme. Si on lui accorde quelques droits dans son lieu d'enfermement tant mieux, mais il subit dans tous les cas la volonté de celui qui l'enferme, il est traité en objet. Il est à mon avis impossible de parler "d'équilibre" dans une telle relation et il faut au contraire sans cesse interroger la légitimité d'une telle domination, dans tous les cas.
Je pense que j'ai plus de chance d'être victime d'une bavure policière que de subir le délire d'un psychotique. Mais admettons! Ce que je viens de dire ne signifie pas que je considère qu'il faut se laisser faire, bien sûr qu'il faut se défendre et prendre des mesures mais cela n'empêche pas de s'interroger sur la légitimité de ce que l'on fait! Et cela n'impose pas de prétendre que ce que l'on fait est forcément entièrement juste.
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar JeanGuy » Lundi 18 Mar 2013 21:35

Il est à mon avis impossible de parler "d'équilibre" dans une telle relation et il faut au contraire sans cesse interroger la légitimité d'une telle domination, dans tous les cas.


Je te rejoins sur la critique du pouvoir et la nécessité d'interroger sans cesse sa légitimité. Si j'ai bien compris ton raisonnement, il n'y a donc aucune légitimité possible pour enfermer quelqu'un ( prison ou HP ) qu'elle que soit les circonstances ?

Ce que je viens de dire ne signifie pas que je considère qu'il faut se laisser faire, bien sûr qu'il faut se défendre et prendre des mesures mais cela n'empêche pas de s'interroger sur la légitimité de ce que l'on fait! Et cela n'impose pas de prétendre que ce que l'on fait est forcément entièrement juste.


Bien sûr que priver quelqu'un de sa liberté n'est pas entièrement juste, et ne sera toujours qu'une politique du moindre mal. Nous ne vivons pas dans un monde idéal, et le crime, la déraison persisteront même après une hypothétique Révolution sociale.
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar lucien » Mardi 19 Mar 2013 0:21

JeanGuy a écrit:Je passe sur les questions de dogmatismes, non- matérialisme et autres...
C'est de ma faute : j'ai fait un lien entre cette discussion et un autre fil plus ancien que tu n'as peut-être pas suivi.
anarced a écrit:
lucien a écrit:
anarced a écrit:Je ne suis pas d'accord avec toi. Choisir de se poser du côté de la liberté et donc contre l'enfermement n'est pas une posture abstraite [...]
Abstraite, peut-être pas, dogmatique, oui ! Et qu'est-ce que l'enfermement quand on ne peut définir la matière ? :mrgreen:


Je ne suis toujours pas d'accord! L'anti-carcéralisme est nécessairement subséquent au carcéralisme, c'est donc le carcéralisme qui doit être vu comme dogmatique et l'anti-carcéralisme comme une critique de ce dogme.
Pas certain que la critique d'un dogme ne se base pas elle aussi sur un autre dogme mais, ce que je voulais montrer, c'est ta posture dogmatique sur la liberté (qui en soit ne me pose évidemment pas de problème mais nous ramène à ton rejet des dogmes) !

La légitimité - valeur toute relative - se construira sur le constat d'une réalité bien objective. anarced reste dans sa réalité présente quand nous tentons des hypothèses et l'élaboration d'un futur que nous espérons possible : cet écart fausse un peu le débat. Alors pour aborder encore différemment les choses, projetons-nous dans le passé ! Face à la réaction meurtrière de l'Espagne 36, fallait-il ne pas prendre les armes et laisser les fascistes en liberté (c'est vrai quoi : quelle légitimité les républicains avaient-ils pour les enfermer - dans le meilleur des cas ?) ? Berneri, écrivant à Montseny, exhorte à la libération des incontrolados et à la guerre révolutionnaire : pas certain qu'il en aurait appelé, aussi, à la libération des prisonniers fascistes... Que penses-tu de la guerre ? Peut-on répondre à une telle question sans contextualiser afin de légitimer ou délégitimer ?
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar anarced » Mardi 19 Mar 2013 13:53

Je n'ai pas de posture dogmatique sur la liberté mais une posture anti-dogmatique, c'est à dire critique vis à vis de tout dogme (ici, le carcéralisme). Si l'anti-dogmatisme était un dogme, alors il serait auto-critique, ce qui n'est pas une mauvaise chose. Mais le but n'est pas de constituer un nouveau dogme, il est de détruire tous les dogmes existants car ils sont créateurs d'injustices.
La justice ne dépend d'aucun dogme, elle est innée, immanente à l'âme humaine et, de ce fait, elle ne peut que s'opposer à tout dogme et exiger sa destruction.
Cependant, il faut bien distinguer cette idée de justice immanente avec le droit. Dans "La guerre et la paix", Proudhon montre que la légitimité en droit se fonde en premier lieu par la force. Pour définir le droit sur un territoire ,il faut être maître de ce territoire, capable d'user de son droit de la force pour y faire respecter le droit (dans toutes ses déclinaisons).
Les fascistes en Espagne en 1936 ont usé de ce droit de la force contre leurs opposants, les opposants ont tenté de faire de même, c'est la guerre qui a tranché en faveur des premiers. Le soutien apporté à Franco par Hitler (la Luftwaffe) et les autres puissances fascistes, le non-soutien des pays dits "démocratiques" au camp dit "républicain" et sa division ont conduit à la victoire des fascistes. Quelques années après, lorsque les pays dits "démocratiques" sont entrés dans le conflit au niveau mondial, le rapport de force s'est inversé et c'est les fascistes qui ont été écrasés.
A noter que, dans les deux cas, c'est par la force et contre le suffrage universel que le droit s'est établi puisque les élections avaient été remportées par les républicains en Espagne et par Hitler en Allemagne. Ce qui prouve bien que la légitimité en droit s'établit d'abord par la force et non sur des abstractions.
Ce qui compte avant tout est donc de gagner la guerre pour affirmer son droit. Ce n'est que dans un deuxième temps que celui qui peut affirmer son droit tente de décliner celui-ci conformément à la justice. Mais cette étape reste toujours une approximation, plus ou moins bonne, qui génère des injustices. Les victimes de ces injustices peuvent donc à leur tour contester le droit établi et déclarer une nouvelle guerre pour tenter d'établir par la force un nouveau droit qui se voudra plus juste. Et ainsi de suite...
Les guerres sont donc nécessaires à l'établissement de la justice et sans l'établissement de la justice la paix est impossible. Pas de justice, pas de paix!
En 1936, les républicains devaient donc gagner la guerre que les fascistes avaient déclaré, avant tout autre préoccupation abstraite. Pour cela éliminer les fascistes par tous les moyens. Ce sont ces moyens qui ont fait défaut.
Avec le recul, on peut se dire que, stratégiquement, il aurait peut-être préférable de tout faire pour décaler cette guerre de quelques années dans le temps, d'attendre un contexte international plus favorable, par exemple, en s'abstenant de voter aux élections de 1936, quitte à laisser la droite au pouvoir.
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar JeanGuy » Mardi 19 Mar 2013 20:14

La justice ne dépend d'aucun dogme, elle est innée, immanente à l'âme humaine et, de ce fait, elle ne peut que s'opposer à tout dogme et exiger sa destruction.


Quand tu affirmes cela, est-ce que cela veut dire qu'il y aurait comme " un instinct de justice " chez l'être humain ?

J'ai un peu de mal à concevoir cette idée : pour moi, la notion de justice renvoie à la morale et à la notion du bien ; et j'aurais plutôt tendance à penser que la morale est de l'ordre de l'acquis plutôt que de l'inné, qu'elle est une sorte de synthèse de règles permettant une vie harmonieuse en société ( en théorie ). La justice ne se conçoit que dans le cadre de la collectivité non ? Si c'est le cas, comment la justice pourrait être " immanente à l'âme humaine " ?
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar anarced » Mercredi 20 Mar 2013 9:55

Ce que je veux dire, c'est que la justice est gravée dans nos coeurs, comme disait Voltaire, que cette justice ne dépend pas de telle ou telle collectivité particulière mais qu'elle englobe toute l'humanité, qu'elle est une loi naturelle indiquée dans tous les temps à tous les hommes. Cette justice n'a donc rien à voir (ou très peu) avec les "justices" des tribunaux qui ne sont en réalité que des applications de droits particuliers dans des collectivités particulières.
Je pense que la morale existe aussi par elle-même, indépendamment de tout dogme, ne relevant d'aucun principe, dominant toute doctrine, toute théorie: une morale juste, universelle qu'il ne faut donc pas confondre avec les "morales" des religions et de tous les moralistes.

Proudhon a écrit:La conscience est chez l'homme la puissance supérieure à laquelle les autres servent d'instruments et d'acolytes. De même que ce n'est pas la religion qui fait l'homme, ni le système politique qui fait le citoyen, mais bien au contraire l'homme qui fait sa religion et le citoyen qui fait son gouvernement; de même ce n'est pas d'une métaphysique, d'un idéal ou d'une théodicée que vous devez déduire les règles de votre vie et de votre sociabilité: c'est au contraire d'après votre conscience que vous devez régler votre entendement, c'est dans le commandement de cette conscience qu'il vous faut chercher la garantie de vos idées et jusqu'au gage de votre certitude.
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar apar » Mercredi 20 Mar 2013 13:04

anarced a écrit:Je pense que la morale existe aussi par elle-même, indépendamment de tout dogme, ne relevant d'aucun principe, dominant toute doctrine, toute théorie: une morale juste, universelle


tu idealises beaucoup... et matérialises peu. tu idealises la morale, mais tu contredis en ajoutant à la suite "juste", ce qui énonce qu'il y a une morale injuste !? la morale est une construction humaine, donc sociale, elle existe de par les rapports sociaux (idées / matériels), l'histoire, et ce qui en ressort. Et en effet, il existe des rapports sociaux juste ou injustes, qui sont le fait de relations sociales ou materielles, se basant sur des principes (hierarchistes par exemple). Pour les uns ce sera juste pour les autres non. La morale est le moyen pour justifier ces propres choix. Les anarchistes défendent la justice sociale, qui n'a rien d'idéaliste.

Quant au pouvoir à exercer sur les autres, c'est comme la morale, il y a le juste et l'injuste. toute societe à ses "déviants" nuisibles (ou ceux d'autres societes), même dans une societe libertaire (des exemples ont déjà été donnés). Après il y a des déviants qui ont aucune nuisance sur les autres, donc no problemo, mais dans une societe, quelqu'elle soit, une personne qui est déviante (qui n'a pas conscience ou ne peut avoir conscience de ses actes) et nuisible pour les autres, ou pour elle même, doit être, si le dialogue est impossible, neutralisé ou mis dans un lieu protégé, afin que ces actes ne puissent plus nuire ni à d'autres, ni à sa propre personne (par des actes de vengeance par exemple...). l'autodéfense est un pouvoir légitime quoiqu'il en soit, après il s'agit de savoir sur quoi on se base, sur quelle justice ? Justice bourgeoise (qui défend la propriété privée) ? Justice sociale ? Justice impériale ?
Et quels sont les moyens pour mener vers une societe juste (même avec des schizos...), et qui ne doivent pas être divergents de la visée et pratique sociale recherchée.
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar apar » Mercredi 20 Mar 2013 13:34

anarced a écrit:Je n'ai pas de posture dogmatique sur la liberté mais une posture anti-dogmatique, c'est à dire critique vis à vis de tout dogme (ici, le carcéralisme). Si l'anti-dogmatisme était un dogme, alors il serait auto-critique, ce qui n'est pas une mauvaise chose. Mais le but n'est pas de constituer un nouveau dogme, il est de détruire tous les dogmes existants car ils sont créateurs d'injustices. La justice ne dépend d'aucun dogme, elle est innée, immanente à l'âme humaine et, de ce fait, elle ne peut que s'opposer à tout dogme et exiger sa destruction.


Excuses moi, mais là, de "la justice", tu en fais un dogme naturaliste ! Pour un antidogmatique, ça manque son but non ? Si, d'après toi, la justice ne peut que s'opposer à tout dogme et en exiger sa destruction, je remarque que ça n'existe pas en vrai, et que tout ça c'est du blabla j'en déduis que c'est surtout une volonté idéologique universalorelativiste... Enfin c'est comme ça que je le comprend...
L'anarchisme ou l'anarchosyndicalisme sont ils des dogmes ?
le dogmatisme naturel est il un dogme ?

quoiqu'il en soit les prisons sont une institution à abattre. ça ne resolvera pas tout, mais ce serait déjà une ignominie en moins. la solution est de toute manière globale. révolution sociale pour la justice sociale.
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar anarced » Mercredi 20 Mar 2013 15:22

Je ne suis pas d'accord avec ce que tu dis. Je n'idéalise rien, ni ne matérialise rien. Je ne me contredis pas non plus au sujet de la morale. Je me contente de dire qu'elle existe indépendamment de tous les dogmes et religions et qu'il ne faut pas la confondre avec les "morales" issues de ces dogmes et religions, de la même façon qu'il existe une justice universelle et qu'il ne faut pas la confondre avec les "justices" des tribunaux.
Si je parle de morale juste, c'est uniquement pour faire ce parallèle et non pour idéaliser quoi que ce soit. Oui il y a des morales injustes, même immorales, ce sont les morales issues de dogmes ou religions.
Je suis d'accord que la morale n'est pas innée sinon nous n'aurions pas inventé toutes les religions et les croyances censées nous dire ce qu'elle est. Je pense qu'elle existe pour la même raison mais je ne prétends pas la connaître et encore moins être capable de l'enseigner mieux qu'un autre.
Proudhon l'explique plus précisément dans "la guerre et la paix", c'est la Guerre qui nous enseigne la morale, en distribuant le droit du côté du vainqueur et le non-droit du côté du vaincu et ainsi la moralité d'un côté, l'immoralité de l'autre. On est donc d'accord qu'il s'agit d'une longue construction humaine, sociale, historique... mais qui reste toujours à construire.
Là où je ne suis pas du tout d'accord, c'est quand tu dis: "La morale est le moyen pour justifier ces propres choix." Je pense au contraire que nos choix sont dictés par notre conscience et que ce sont ces choix, à condition de pouvoir les affirmer, par la force, qui définissent la morale. Ainsi, la morale apparaît comme une construction humaine.
Pour ce qui est du concept de "personnes nuisibles pour les autres", je remarque qu'il est très relatif. Est-ce que ce ne sont pas les autres qui sont nuisibles à ces personnes? Par exemple, les grévistes sont-ils nuisibles aux patrons ou l'inverse? On voit très bien ici le rapport de force: sera considéré comme nuisibles les moins forts et comme non-nuisibles les plus forts. Les vaincus, c'est à dire "les nuisibles" n'ont aucun droit (si ce n'est ceux concédés par le vainqueur, par charité). Pour en conquérir, il doivent se battre, faire la guerre et s'imposer. C'est le cycle par lequel la moralité se construit.

Ma vision de la justice n'est pas plus dogmatique que celle de la morale, pour la même raison. Je dis qu'elle existe certes mais je ne prétends pas la connaître ni pouvoir l'enseigner mieux qu'un autre. Je dis qu'elle en nous, qu'elle fait partie de notre humanité, qu'elle est gravée dans nos coeurs.
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar apar » Jeudi 21 Mar 2013 12:22

anarced a écrit: Je n'idéalise rien ... Je me contente de dire qu'elle existe indépendamment de tous les dogmes et religions et qu'il ne faut pas la confondre avec les "morales" issues de ces dogmes et religions, de la même façon qu'il existe une justice universelle et qu'il ne faut pas la confondre avec les "justices" des tribunaux.


C'est de l'idéalisme... Mais pour être concret et clair, c'est quoi "la morale" et "la justice" dont tu parles ? Quels sont ses critères qui la définissent ?

Pour les anarchistes, la morale, la justice est lié à la societe ou elle se produit, avec l'histoire, les conditions de vie des sociétés, etc, c'est une idée lié à une réalité (la prison actuelle est lié aussi à une idée de justice, mais dans le capitalisme autant mettre un pansement sur une jambe de bois). On peut voir des idéaux, des utopies de societees futures, ou des projets revolutionnaires qui auraient telle ou telle morale/justice, mais c'est lié à des projections idealo-materielles. Maintenant, croire à une morale/ justice universelle qui serait supérieure, ok, mais il faudrait faire la liste de ce qu'est concrètement cette "morale", cette "justice"... Car c'est bien de dire qu'une chose existe, mais il faut la prouver, c'est pas parce que quelqu'un déclare que dieu existe et qu'il est partout et nulle part, que c'est vrai, ce serait trop facile. Je vais moi aussi inventer un principe premier supérieur à tout et ainsi le débat est clos, rien ne pourra atteindre ce principe premier, car ne pouvant en parler puisque c'est ainsi, c'est gravé, point final. Poser LA justice ou LA morale partout sans voir les rapports sociaux, risque de mener à la posture du doux reveur sans prise sur la realité.

Et si LES morales des dogmes et religions s'inspiraient de LA morale dont tu parles ?

anarced a écrit:
Là où je ne suis pas du tout d'accord, c'est quand tu dis: "La morale est le moyen pour justifier ces propres choix." Je pense au contraire que nos choix sont dictés par notre conscience.


Et "notre" conscience est dicté par ? Ça tourne en rond...

anarced a écrit: Pour ce qui est du concept de "personnes nuisibles pour les autres", je remarque qu'il est très relatif.


Comme LA morale et LA justice.
En tant qu'anarchiste ou anarchosyndicaliste, on sait quelle justice et quelle morale on defend... Et on sait contre qui/quoi on lutte...

anarced a écrit: Ma vision de la justice n'est pas plus dogmatique que celle de la morale, pour la même raison. Je dis qu'elle existe certes mais je ne prétends pas la connaître ni pouvoir l'enseigner mieux qu'un autre. Je dis qu'elle en nous, qu'elle fait partie de notre humanité, qu'elle est gravée dans nos coeurs.


Admettons, Et après ? Quelle est là réalité de cet antidogmatisme pour lutter contre les prisons ? Un néolibéral pourrait être d'accord avec cet antidogmatisme ideel, non ? Être anti-prison, ok, mais être pro-quoi ? Quelles sont les suites si ce n'est un projet global de societe debarassé des chaines ? Quel est ce projet ?
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Re: Feu à toutes les prisons.

Messagepar anarced » Jeudi 21 Mar 2013 15:18

apar a écrit:
anarced a écrit: Je n'idéalise rien ... Je me contente de dire qu'elle existe indépendamment de tous les dogmes et religions et qu'il ne faut pas la confondre avec les "morales" issues de ces dogmes et religions, de la même façon qu'il existe une justice universelle et qu'il ne faut pas la confondre avec les "justices" des tribunaux.


C'est de l'idéalisme... Mais pour être concret et clair, c'est quoi "la morale" et "la justice" dont tu parles ? Quels sont ses critères qui la définissent ?


A quoi cela servirait de définir une morale et une justice selon des critères précis, si ce n'est pour tenter d'imposer cette morale et cette justice aux autres? Définir une morale et une justice selon des critères précis, c'est nécessairement sombrer dans le dogmatisme (ou l'utopisme si tu préfères mais c'est la même chose). Le problème est que le dogmatisme conduit au totalitarisme: celui qui prétend définir un monde idéal, prétend surtout imposer son monde idéal aux autres.
Quand tu dis: "En tant qu'anarchiste ou anarchosyndicaliste, on sait quelle justice et quelle morale on défend... ", j'ai l'impression que tu tombes dans ce travers, de vouloir imposer une vision de la justice et de la morale, qui ne peut qu'être imparfaite et donc génératrice d'injustices. C'est, je l'ai expliqué, le processus selon lequel se construit le droit et la morale humaine. Donc je ne le condamne pas, il est nécessaire et jusqu'ici, aucune révolution n'a dépassé ce processus qui consiste à remplacer un gouvernement par un autre au nom d'une vision de la justice et de la morale supposée meilleure que celle du pouvoir remplacé.

En fait, la véritable question est: voulons nous gouverner? Voulons nous participer à ce processus d'élaboration de la justice (il faudrait plutôt dire du droit) et de la morale en y apportant notre version? Bien sûr que l'on pourrait certainement faire mieux que ce qui existe mais est-ce vraiment là le rôle des anarchistes?

Ce processus sera sans fin si personne ne l'arrête. Chaque fois une guerre amènera un nouveau droit et une nouvelle morale qui généreront des injustices appelant une nouvelle guerre avec un nouveau droit, etc... Bref, la guerre, la guerre et encore la guerre.

Proudhon, dans le même ouvrage, émet l'hypothèse que l'humanité ne veut pas la guerre et je pense qu'il a raison. Autrement dit, ce cycle doit cesser. Et pour cela, il faut accepter qu'il est impossible de faire la liste de ce qu'est concrètement cette "morale" et cette "justice", il faut sortir du dogmatisme.

La morale dont je parle est une construction humaine qui résulte des rapports de force des hommes entre eux, il suffit de s'en instruire pour la connaître mais tant qu'il y a des guerres et des rapports de force, cette morale continue de se construire. Elle n'est donc pas figée et ne peut être définie comme telle.

La justice est dans nos coeurs. Ni dans le mien, ni dans le tien, ni dans celui de personne. Elle appartient à l'humanité.

Ma conscience, c'est moi et personne d'autre. Il faut bien donner une place à l'individu dans la société.

apar a écrit:Admettons, Et après ? Quelle est là réalité de cet antidogmatisme pour lutter contre les prisons ?


Les prisons résultent d'un ensemble de dogmes qui ont imposé l'idée qu'il fallait y enfermer des gens. En détruisant ces dogmes, on détruit ces prisons!

apar a écrit: Un néolibéral pourrait être d'accord avec cet antidogmatisme ideel, non ?


J'en doute fort! Il ne pourrait pas amasser autant d'argent si on ne mettait pas autant de monde en prison. Personne n'accepterait une telle répartition des richesses.

apar a écrit:Être anti-prison, ok, mais être pro-quoi ? Quelles sont les suites si ce n'est un projet global de societe debarassé des chaines ? Quel est ce projet ?


Je pense que la liberté, l'égalité, la fraternité sont des valeurs assez universelles pour être portées s'il faut à tout prix être pro-quelque chose. Je pense que le projet des anarchistes doit être de sortir de cette guerre perpétuelle où les gouvernements et leurs dogmes se succèdent. Nous voulons la paix, nous ne voulons plus de gouvernements, plus de dogmes.
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