Salut compagnon (1) et bienvenu !
A mon sens, il y a un problème de révisonnisme avec Chomsky et il est bien plus grave que celui de la préface au livre de Faurisson (2). Il s'agit de son révisionnisme de l'anarchisme !
Sur l'affaire Faurisson, Chomsky a eu l'occasion de s'expliquer et de dire qu'il s'était fait abuser. On peut trouver la défense faiblarde, mais elle est surement réelle (on ne peut pas taxer Chomsky de négationniste, ce serait ridicule et faux). En tout cas elle peut donner l'objet à des discussions sans fin qui ne seront jamais tranchées.
Parce que la polémique ne porte jamais à mon sens sur la vraie nature du problème. Si il y a eu des discussions sans fin pour savoir si Chomsky ci ou ça, assez curieusement on ne parle jamais du processus qui a amené Chomsky à signer ce texte ! Chomsky lui même n'a jamais vraiment fait sérieusement cette autocritique du processus. Plutôt curieux pour quelqu'un spécialiste de l'analyse de la fabrique de l'opinion !
Pourquoi Chomsky au fond a t il signé ce texte ? Parce qu'il a fait confiance les yeux fermés à des gens qu'il pensait être si ce n'est des amis, au moins avoir un proximité intellectuelle si ce n'est politique (Guillaume et sa bande de l'époque n'était pas encore connu pour être des fiéffés salauds, ils n'avaient comme faits d'armes que leurs bagages d'ultra-gauche. Quant à Faurisson, ses textes de l'époque était beaucoup moins transparent que ceux d'aujourd'hui. Ils pouvaient encore prêter à confusion à l'époque, du moins pour quelqu'un qui ne prend pas la peine de les lire avec attention)
Or il se passe en ce moment exactement la même chose autour de Chomsky : il est devenu LA référence (du moins dans un certain milieu), l'étalon à l'aune (pour ne pas dire l'ombre ...) duquel il faut penser. Bref , tout ce que dit Chomsky c'est bon et beau. Chomsky est intouchable, incritiquable.
Or à la fin des années 90, il a finit d'abandonner tout simplement la défroque anarchiste pour endosser celle du réformisme le plus plat. C'est son fameux cri du coeur "élargir le plafond de la cellule", où il renonce à toute perspective révolutionnaire émancipatrice au profit d'un possibilisme creux. Dès lors qu'il abandonne le Nord de la révolution, pas étonnant qu'il se vautre de plus en plus, pour finir cet été par aller cirer les rangers de Chavez !
Tout ceci était prévisible ... Cf par exemple (ci après) un article que nous avions écrit en 2002 (il y a 8 ans ...) pour justement mettre en garde ceux qui voulaient faire de Chomsky un compagnon ...
Car au delà de ce cas là, c'est un processus commun dans le mouvement libertaire (voire plus ?) actuel : tout ce que peut écrire un tel qui a une
visibilité médiatique est "formidable" sur la seule foi de sa signature, et par contre tout ce que produit tel autre est forcément nul ... Bref il n'y a plus d'esprit critique, que des moutons. Dès lors il n'est pas étonnant qu'ils se fassent mener en bateau par le premier jouer de pipeau venu ...
Et pourquoi une grande partie du mouvement libertaire s'est empressé de s'engouffrer dans les pas de Chomsky : tout simplement parce qu'il leur apporte la
reconnaissance qu'au fond d'eux même ils recherchent ! On est ici bien loin des principes anarchistes de refus de la représentation et de la représentativité, cheval de bataille de bien de nos "libertaires modernes". Ce qui compte c'est d'afficher son petit drapeau rouge et noir à la télé, et tant pis pour le reste.
En tout cas je pense que c'est salutaire - en ces temps de grande confusion - de remettre les pendules à l'heure, comme tu l'as fait. Et je pense que cela aura encore plus de force si on attaque le problème à la racine et non seulement sur ses manifestations périphériques. Car du mouton à l'idiot utile il n'y a pas loin ...
Si Chomsky avait une conviction anarchiste fermement ancrée, pas plus en 70 qu'aujourd'hui il ne se serait fourvoyé.
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http://cnt-ait.info/article.php3?id_article=265LIBRES OPINION : IMPRESSION D’UN SANS GRADE
A propos des soit disant élites intellectuelles
lundi 1er avril 2002
Nous connaissons l’importance des médias dans la véhiculation des idées. Surtout en milieu militant. Bourdieu, après les nouveaux philosophes et après Sartre... Le Diplo, Charlie, après Libération et après Combat. Tous ont ce point commun qu’il s’agit du point de vue de l’élite intellectuelle, qui n’est jamais en faute de se tromper. Le recul est cruel. Ainsi, il y a des paroles, un temps à la mode, qui vivent ce que vivent les roses. Rappelons simplement l’article "Septembre rouge" dans lequel "Le Monde Diplomatique" prévoyait une flambée de luttes sociales pour la rentrée 1996 ...
Cette tendance à se tromper avec son maître, nous devrions en être vacciné, nous qui ne connaissons pas de chef.
Ce que dit tel militant vaut, en effet, ce que dit tel autre et doit être passé au tamis de notre libre arbitre, au travers de la discussion et du débat collectif. C’est souvent une très bonne protection contre les idées reçues et les idéologies dominantes.
Comme cela a été vérifié dans notre fonctionnement, cette démarche nous a permis historiquement de résister au fascisme, de ne pas nous laisser séduire par les nationalismes, bolchevisme, religions, mysticisme et autres dogmes. Voilà pourquoi les titres universitaires, les décorations, les fonctions, les honneurs.... la vie a pu nous en affliger, mais c’est au vestiaire du syndicat que nous devons les laisser. Or, il est fréquent dans les milieux libertaires que, par une espèce de perversion, la soif de connaissance se transforme en appétit de reconnaissance. On devient alors universitaire-libertaire, chercheur-en-anarchie, docteur-es-syndicalisme... Rien de plus ridicule et de plus dangereux.
Car passer de la connaissance à la reconnaissance, est une attitude qui à toujours conduit le mouvement révolutionnaire à des déboires. " Ce sont toujours les hommes à casquettes qui meurent sur les barricades et ceux en chapeaux qui en profitent ", disait-on autrefois. Quand ces derniers ne trahissent pas purement et simplement !
Aujourd’hui, on peut constater que cet état d’esprit où la flagornerie côtoie la prétention, pour finir en ridicule, a parfois cours dans notre propre organisation... Untel a eu un prix en linguistique, un autre a écrit un livre bateau ou réalisé un film, un troisième descend d’un compagnon illustre, et les voilà propulsés sur le devant de nos publications avec titres honorifiques à la clé. Les Vignoles, en leur temps, ont eu le ridicule d’annoncer en première page de leur journal l’adhésion d’un auteur de romans policiers de série Z [fajardie] et d’un dessinateur très moyen de Charlie Hebdo [Luz]. Comme si ces adhésions avaient plus d’importance que d’autres.
Pour ma part, même s’ils s’étaient appelés Michel Ange ou Victor Hugo, j’aurais trouvé cela déplacé dans une organisation qui réclame l’égalité.
Maintenant, ce sont Halimi ou Chomsky que certains d’entre nous transforment en adhérants virtuels, voire en porte-parole de l’anarcho-syndicalisme. Si respectables soient-ils, ces hommes n’en sont pas moins, comme nous tous, imparfaits, et il est dangereux de les investir d’un pouvoir intellectuel par délégation. Cela est d’autant plus étonnant que cette absence d’esprit critique vis-à-vis des gens, qui somme toute ne sont pas des compagnons et qui ne participent donc pas à la vie confédérale (et à ses vicissitudes), se double à l’égard des compagnons militants, qui eux paient de leur personne, d’accusations de prise de pouvoir... par domination intellectuelle.
Pense-t-on réellement qu’après avoir bien écrit que Chomsky ou Halimi sont des anarcho-syndicalistes, qu’après les avoir bien flattés, ils attendront pour s’exprimer publiquement le mandat d’un congrès, d’un C.C.N. ou d’une simple assemblée de militants ? Non, car ce sont des intellectuels professionnels qui par essence, et cela est leur droit, sont indépendants de toute pensée collective, et qui bien souvent, hélas, auront une trop haute idée d’eux-mêmes pour s’y confronter.
Le danger est là : en nous réclamant d’eux, nous nous lions à leurs actes. Ils auront toujours les moyens de faire et dire ce que nous pensons, certes, mais ils auront aussi quelquefois celui de faire et dire ce que nous ne pensons pas. Rien de plus éloigné du pacte associatif qui est le nôtre.
La C.N.T. à parfois souffert par le passé de ce type de dérives où le culte de la personnalité prenait le pas sur la défense des idées mais, cette fois, ce n est pas dans des circonstances exceptionnelles, comme une révolution ou un coup d’état fasciste, que cela se passe. Nous vivons au contraire à une époque dans laquelle nous pouvons agir avec un minimum de cohérence.
La C.N.T. doit choisir sa voie entre une organisation de masse libertaire et égalitaire ou un cénacle de sociologues byzantins, d’étudiants éternels et d’exégètes de bouquins à la mode.
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(1) laissons le mot camarade, qui a laissé de mauvais souvenirs à ceux qui ont connus l'autre versant du rideau de fer (cheitanov ...) aux marxistes (et aux militaires) ... Ici, on se donne plutôt du compagnon, comme il sied entre anarchistes
(2) Au delà de la pétition, c'est une préface du livre de Faurisson qu'a signé Chomsky... Ce qui à mon sens est encore plus grave ! Ceci étant c'est bien le problème des pétitions : tu ne sais pas à côté de qui tu vas te retrouver à signer ... Du point de vue des principes il est préférable de n'en pas signer ....