Que font les féministes ? Elles combattent les fascistEs
Si Sylvie François, l'égérie semi-virtuelle de l'apéro saucisson pinard s'était appelée Julien Souchard, les médias auraient-ils fait autant de buzz sur la question de son existence réelle ?
Probablement non, car tout le monde sait que les Julien Souchard existent, qu'il y a dans le 18ème arrondissement comme ailleurs, des militants racistes dont la principale activité consiste à tenter de démontrer que les Arabes, les Noirs et les jeunes sont des gens insupportables de par leur existence même, que le moindre de leurs gestes et de leurs activités, de leur démarche à leur religion en passant par leur soutien à une équipe de foot est une insulte à la mère patrie et une calamité pour la France.
De même prenons le cas d'un tenancier de librairie papeterie du Bourget: il est membre d'une association de commerçants qui s'oppose depuis des années à l'implantation de commerces considérés comme « allogènes », ( les commerces « allogènes » sont définis par ce monsieur et ses partisans comme tous les commerces sauf les charcuteries, les épiceries et les bars non tenus par des Arabes ). Il se bat contre la construction d'une mosquée, espionne les employés municipaux jusqu'à découvrir une salle de prières dans leurs locaux, donne des entretiens au Bloc Identitaire, publie sur son blog (1) des photos de son quartier ou la présence de gens de culture et de couleur différentes est censée à elle seule démontrer l'insécurité. Il a soutenu depuis des années un conseiller municipal de Debout la République.
Ce libraire commence à raconter qu'il est perpétuellement agressé par des individus basanés qui le menacent parce qu'il n'a pas le Coran en stock, par des femmes voilées qui tentent de le contraindre à les aider à régler leur réveil sur les heures de prière, qu'un soir les dits individus basanés sont venus avec les dites femmes voilées le séquestrer, puis le frapper violemment, et ce pendant que les mégères entonnaient des youyous ? Y-aura-t-il un journaliste d'un grand quotidien national, fut-il de droite pour en faire un article, sera-t-il interrogé sur France Info et ce alors même que la police de Seine Saint Denis, pourtant peu susceptible de complaisance en ces temps de karcherisation banalisée a classé sans suite la plupart de ces contes d'horreur ?
Certainement pas, mais lorsque le papetier est une papetière, le cas Marie Neige Sardin fait brusquement le tour du net et s'affiche dans le Figaro.
Comme celui de cette enseignante d'Amiens: comme beaucoup d'autres racistes dans ce pays, celle-ci ne se contente pas d'une loi qui interdit aux jeunes femmes portant un bout de tissu sur la tête d'aller à l'école, puisqu'elles peuvent encore passer des examens et notamment le bac. Mais aurait-elle eu le droit à une dépêche de presse (2) , cette anonyme défenseuse des droits des femmes à n'en avoir aucun, les journalistes n'auraient-il pas eu un léger malaise devant l'argumentation développée à savoir que l'oral de français nécessite « une expression et un engagement physique » incompatible avec les cheveux couverts, si l'enseignante avait été un homme ?
Sylvie François est donc l'exemple le plus abouti d'une stratégie de médiatisation des idées et des groupes néo-fascistes et réactionnaires: se servir du paternalisme sexiste intrinsèque au capitalisme patriarcal, en mettant en avant des femmes "fragiles" pour faire des passer des appels à la haine, à l'oppression et à la violence comme une défense des droits des femmes.
Que font les féministes, interrogent ensuite ironiquement et en choeur, les organisations d'extrême droite, mais aussi celles venues de l'extrême gauche raciste, comme Riposte Laique, et aussi les médias nationalistes et chauvins, du Figaro à Marianne2 ?
Exactement ce que nous avons toujours fait, nous considérer comme les égales des hommes, parce que nous le sommes.
Nous continuons à combattre les discours fascistes de la même manière , qu'ils sortent de la bouche d'un homme ou d'une femme.
Nous continuons à considérer qu'un individu qui exige la punition, la discrimination, et la mise au ban quotidienne d'une partie de la population, au prétexte que sa culture l'incommode n'est pas une victime mais un bourreau, et ce quel que soit son sexe.
Nous continuons à combattre l'oppression dont nous sommes victimes, celle qui est une réalité objective de chaque jour et pas un « sentiment » d'insécurité.
Et nos ennemies s'appellent aussi Sylvie et Marie Neige.
Ces femmes qui font l'apologie d'une culture française, patriarcale comme toutes les autres cultures issues du capitalisme.
Ces femmes qui prétendent nous libérer d'autres hommes en appelant à picoler massivement et en groupe, quand l'alcool contribue chaque jour à ce que certaines d'entre nous se fassent tabasser ou humilier un peu plus violemment encore que d'habitude.
Ces femmes qui s'en prennent seulement aux hommes d'autres cultures et toujours aux prolétaires: oui, nous subissons et combattons aussi le sexisme des nôtres, oui l'islam comme toutes les religions nous réduit au rôle d'objet et nous impose UNE apparence et UN comportement, oui il n'y a pas un milieu, fusse-t-il antifasciste ou nous ne soyons pas oppressées en permanence.
Mais ces menteuses ne sont pas des féministes: parce que les féministes savent que l'immense majorité des agressions sexuelles et des violences sexistes sont le fait d'un bourreau qui connaît sa victime, et pas d'un « étranger » croisé dans une rue sombre. Dans ces conditions, tout combat antisexiste qui n'est pas d'abord un combat contre les formes d'oppression de sa propre culture, tout combat qui ne stigmatise que le patriarcat des « autres » est une hypocrisie et une imposture
Ces menteuses ne sont pas des féministes, parce qu'elles ne s'attaquent qu'aux hommes du prolétariat et des minorités, ceux dont la petite domination ne fait que s'appuyer sur la grande.
Celle des lois françaises qui calculent les droits sociaux, RSA ou accès à la CMU, par exemple en fonction des ressources du foyer, et rendent les femmes pauvres dépendantes de leur marie.
Celle des lois racistes qui condamnent des centaines de milliers de femmes à la clandestinité, qui les livrent pieds et poings liés à leurs exploiteurs.
Celle des lois anti ouvrières qui autorisent les patrons à nous contraindre au temps partiel ou au travail de nuit.
Celle des lois qui détruisent notre accès à la santé, entravent notre droit à l'IVG, ou nous interdisent, faute de moyens d'aller voir un gynéco autant qu'il le faudrait.
Ces menteuses ne sont pas des féministes, parce qu'à travers leur combat contre les musulmanes , ce sont nos maigres libertés à toutes qu'elles foutent en l'air: celle d'aller à l'école, quelle que soit notre religion et surtout notre manière de nous habiller, celle de ne pas nous laisser imposer la taille de nos jupes, la manière de coiffer nos cheveux, ou le maquillage obligatoire.
Nous sommes féministes et matérialistes, nous nous positionnons à partir de la réalité objective de notre oppression.
C'est depuis la loi sur l'interdiction du voile que des proviseurs de lycée se lâchent et entendent désormais interdire dans certains établissements, le port des jupes trop courtes à leur goût.
C'est aussi beaucoup plus depuis la loi sur le voile que les règlements intérieurs se multiplient dans les entreprises, qui interdisent les signes religieux, mais aussi les « signes d'appartenance politique », et édictent des normes vestimentaires de plus en plus contraignantes, de la taille des boucles d'oreille, jusqu'au rouge à lèvres obligatoire.
Que font les féministes ?
Elles ne sont pas dupes des manipulations en cours.
Dans les mouvements réactionnaires et fascistes, les femmes ne sont rien: elles se doivent d'être mère et seulement mère, ne pas disposer de leur corps, produire des soldats dont les hommes feront l'éducation et des filles à qui l'on apprendra à être des productrices de soldats.
Dans les mouvements réactionnaires et fascistes, le seul discours politique qui nous est autorisé est le discours patriarcal sur nous même.Sylvie François, Marie Neige Sardin et toutes les autres n'auront jamais qu'un droit: celui de se présenter comme des victimes passives, faire valoir de leurs chefs masculins.
Les Sylvie François ne seront jamais autorisées qu'à pleurer en public pour mettre en valeur les hommes du Bloc Identitaire, et faire passer leurs manifestations racistes pour une défense chevaleresque et courageuse des pauvres dames fragiles menacées par les sarrasins arrogants.
Les Marie Neige Sardin ne seront jamais que les muses ridicules de journalistes du Figaro, qui font ainsi passer leurs diatribes sécuritaires pour la dénonciation courageuse des violences faites aux femmes.
Les femmes qui s'attaquent aux femmes voilées et à leur accès à l'éducation peuvent bien être profs de français, elles condamnent les générations de femmes prolétaires qui viennent à retourner aux cuisines et aux buanderies dont elles ne sont sorties, que grâce aux combats solidaires et métisses du mouvement ouvrier.
Que font les féministes ?
Elles sont antifascistes, elles sont anticapitalistes, et parce qu'elles sont antisexistes, elles ne reconnaissent à personne le droit de les dominer, pas même à d'autres femmes.
(1)
http://anonymouse.org/cgi-bin/anon-www. ... -blog.com/ (2)
http://www.lepost.fr/article/2010/06/19 ... e-bac.html