Dernièrement, à l'occasion d'un soirée-débat sur l'anarchosyndicalisme, un des participants (sympathisant ni anarchiste ni anarcho-syndicaliste) affirmait que nos contemporains disposaient de toutes les informations nécessaires pour juger leur époque et se forger une solide conscience politique. Cette affirmation faisait suite à une autre affirmation, celle d’un copain anarcho-syndicaliste, qui indiquait que la CNT-AIT devait avoir un rôle de transmission du savoir révolutionnaire.
Comment peut-on croire qu’aujourd’hui la majorité de la population maîtriserait les principes de l’anarchisme (pour ce qui nous intéresse, ne parlons même pas de l’anarcho-syndicalisme) ? A moins de ne fréquenter qu’un petit cercle de connaissances, un minimum cultivées ou ayant déjà côtoyé le mouvement, et en faire une généralité fausse, il paraît irrationnel de prétendre que les français, les normands, ou plus localement les caennais (qui ne sont pas différents des autres) maîtriseraient les principes de l’anarchisme ou de l’anarcho-syndicalisme, pas plus que ceux du communisme, du socialisme ou du libéralisme (nous pourrions tout aussi bien nous demander si les adhérents des différents mouvements maîtrisent ou non l’idéologie pour laquelle ils s’animent)…
Le monde contemporain nous inonde de beaucoup plus d’informations ? Peut-être, mais de quel type ? Principalement commerciales et médiatiques (dans la connotation négative du terme). La majorité des jeunes passent aujourd’hui le baccalauréat et certains vont à l’université (une sélection élitiste s’est déjà opérée) ? En quoi ce parcours permet-il de valider une connaissance des idéologies ? Notre présence sur l’université nous démontre que les étudiants ne maîtrisent guère plus que leurs parents les différents concepts (cela demande un travail d’apprentissage certain).
Nous connaissons toutes et tous l’image négative qu’a généralement l’anarchisme, connotation [à laquelle nous devons ajouter un constat]* les gens craignent tout bouleversement (« ces moutons effrayés par la liberté, sans allant voter par millions, pour l’ordre et la sécurité », disait la chanson).
Comme l’affirmait le copain, il me semble aussi que notre groupe, au-delà de l’ évidence de sa participation aux luttes de classe, doit s’attacher à faire connaître et diffuser la pensée qui nous anime. Nous pouvons être fiers de nos principes et outils : démocratie directe, autonomie populaire, action directe, fédéralisme… Comment ne pourraient-ils pas être bien perçus (et le constat est que nos propositions sont souvent appréciées dans les luttes) ?! Diffuser nos idées dans les luttes et ailleurs constitue la meilleure façon de consolider nos effectifs et surtout de répondre à l’une de nos conditions du changement, puisque « pour nous anarcho-syndicalistes, pour nous libertaires, aucun changement ne se fera sans adhésion massive, sans le concours volontaire et conscient de la majorité de la population… »
Pour que l’anarcho-syndicalisme ne stagne pas dans le « ghetto » où il se trouve depuis tant d’années, la diffusion massive de ses idées doit être autant notre priorité que la participation aux luttes.
* correction par l'auteur - 6/11/04