Offensive antifasciste ?

Pour relier les luttes entre elles et les étendre...

Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar wiecha » Dimanche 31 Jan 2010 20:45

Sinon, voyant venir inéluctablement le débat de 58 pages, me suis dit que des "bilans d'étape" un peu réguliers ne seraient pas de trop, pour ceux qui participent déjà comme pour ceux qui arriveraient en cours de route ( leçon tirée des 28 pages de Sabotages et ultra gauche", ou retrouver quelque chose de précis est épuisant ...)

Au départ de la discussion, deux débats sur des évènements récents

- une émeute fasciste dans le Sud de l’Italie, réaction d’une partie de la population à une révolte autonome de travailleurs saisonniers, victimes d’une exploitation éhontée, mais aussi d’agressions racistes violentes à répétition

ICI : viewtopic.php?f=20&t=6066

- l’annonce d’un débat sur le « Nouvel Ordre Mondial » dans un squat toulousain , avec en invités des membres identifiés de la mouvance fasciste conspirationniste, et un contenu sans ambiguités. Soirée finalement annulée par les animateurs du squat,

ICI : viewtopic.php?f=25&t=6063


Questions évoquées jusqu’ici

- analyse de la méthode conspirationniste, et des causes externes de son succès
- interrogation sur le sens et l’opportunité du mot « fascisme » appliqué aux mouvements actuels extra parlementaires.
- Rapport dynamique entre ces groupes et les pouvoirs en place : comment qualifier la politique actuelle du gouvernement et les discours ouvertement racistes de ses ministres ? L’antifascisme formel est-il une manière de masquer un fascisme réel déjà installé ?
- Légitimité , validité et utilité des comparaisons entre les discours du pouvoir et l’idéologie nazie.

- Retour sur les pratiques et les discours de l’extrême gauche et de ce qui est appelé par facilité « mouvement social » : perméabilité des concepts ( mythologie de l’émeute révolutionnaire en soi, opposition du « militantisme rationnel et stérile » à la « passion pure », syndicalisme révolutionnaire, nationalisme de gauche, relativisme et hyper critique.

- Retour sur l’ « expression » et la « liberté » à l’heure de l’internet : défendre le droit de tout dire, ou prendre le discours comme un acte à part entière ?

- Rôle et ambiguités de l’Etat républicain face aux mouvements fascistes

- L’antifascisme, ce qu’il est, ce qu’il pourrait être : un mode d’organisation spécifique , une dimension théorique et pratique à intégrer à l’existant ? Un piège, une nécessité face au « danger » ? Les expériences tentées dans le passé, notamment l’alliance avec des révolutionnaires communistes est-elle une absurdité dangereuses, un pari à ne faire qu’en dernier ressort, une possibilité immédiate et qui pourrait faire sens ?


Deux discussions spécifiques ont été ouvertes au cours du débat

- l’une sur le concept de nation, arme du camp adverse par nature, ou au contraire, à partir d’un texte revenant sur le processus révolutionnaire ouvert en 1789 ?

viewtopic.php?f=8&t=6090

- l’autre à partir du slogan d’un mouvement de sans papiers « qui est ici, est d’ici », sur les notions de territoire, d’appartenance. Que portent nos choix organisationnels quotidiens, en termes de prise de parti objective sur ces concepts ?

ICI :http://cnt.ait.caen.free.fr/forum/viewtopic.php?f=8&t=6094


Ressources internes et externes évoqués dans le débat

Discussions précédentes dans le forum

-relativisme, hypercritique, « appellisme » , syndicalisme révolutionnaire

POINT DE VUE SUR DE RECENTES EVOLUTIONS / NOUS OU ILS
viewtopic.php?f=1&t=3754

LA NOTION DE CLASSE
viewtopic.php?f=1&t=3793&hilit=notion+de+classe


quelques débats plus anciens et ponctuels…
Georges Orwell, De la Guerre Civile Espagnole à 1984
viewtopic.php?f=8&t=4877&p=38197&hilit=fascisme#p3819


Quand Soral traitait d’inculte son colistier Dieudonné

viewtopic.php?f=8&t=4877&start=0&hilit=fascisme


La honte ! La Cgt Valéo et Marine le Pen…
viewtopic.php?f=25&t=4753&p=37629&hilit=fascisme#p37626
[Brochure] L’Anarchisme contre l’antifascisme

viewtopic.php?f=1&t=5992&p=40676&hilit=fascisme#p40676


Ressources externes

Sur le net :

Cahier de l'Anarchosyndicalisme N°21, Fascisme et travail, qui fournit de bonne bases historiques sur la question
http://cnt.ait.caen.free.fr/cas.htm

http://luftmenschen.over-blog.com/


Revue Ni Patrie Ni frontières
http://www.mondialisme.org/spip.php?article2

et notamment le numéro suivant
Marxistes et anarchistes face à la « question juive » et au sionisme
Antisémitisme, judéophobie, négationnisme, antisionisme : Convergences possibles et divergences fondamentales
Mai 2004
Forum antifasciste l'offensive métisse et populaire!
http://forum.actionantifasciste.fr/


Bouquins

Daniel Goldhagen Les bourreaux volontaires de Hitler
http://www.scienceshumaines.com/index.p ... icle=13046

Daniel Goldhagen
Le devoir de morale : Le rôle de l'église catholique dans l'holocauste et son devoir non rempli de repentance


http://www.amazon.fr/devoir-morale-cath ... 2846710988


Bernard lazare , l’antisémitisme, son histoire et ses causes
http://kropot.free.fr/Lazare-antisemcauses.htm


“Nous ne savions pas”
Les Allemands et la Solution finale - 1933-1945
de Peter Longerich
http://www.evene.fr/livres/livre/peter- ... -34137.php


Les marches de la mort- Daniel Blatman
http://www.bibliosurf.com/Les-marches-de-la-mort

Primo Levi La trève

Zeev Sternhell La Droite Révolutionnaire ( 1885-1914 ), les origines françaises du fascisme
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar anarced » Lundi 01 Fév 2010 11:50

L'enjeu d'un débat comme celui-ci, sur un forum public est, à mon avis, de mieux démasquer dans les luttes existantes les manipulations du pouvoir ou de l'extrême-droite. De mieux comprendre quelles sont les stratégies qui se développent contre les mouvements sociaux. En fait, c'est peut-être plus une contre-offensive qu'une offensive qu'il s'agit de penser.
Je ne pense pas qu'il s'agisse d'envoyer des "chefs anarchistes" organiser des plans avec les chefs des partis de gauche et des syndicats. Je pense qu'une contre-offensive commune ne peut s'organiser que dans des AG avec des propositions qui rassemblent. Cela suppose des AG où tout le monde peut s'exprimer et où des factions ne tentent pas d'imposer aux autres leur point de vue particulier sans rien entendre à ce qu'on leur oppose (forcément en vain et avec comme seul résultat l'explosion du mouvement en plein vol).
Pour ne viser personne, je citerai encore Voltaire:
"les grandes compagnies n'ont presque jamais pris de bons conseils dans les troubles civils, parce que les factieux y sont hardis, et que les gens de bien y sont timides pour l'ordinaire."

Une solution serait peut-être la multiplication des AG avec peut-être un nombre maximum de participants pour chacune et un mode de coordination où chaque AG est considérée comme égale.
Je pense qu'une telle organisation serait beaucoup plus difficile à manipuler, aussi bien par des conspirationnistes que par des experts politiques ou syndicaux, beaucoup plus compliquée aussi à surveillée par les flics et permettrait donc d'envisager la lutte plus sereinement.
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar wiecha » Lundi 01 Fév 2010 16:12

L'enjeu d'un débat comme celui-ci, sur un forum public est, à mon avis, de mieux démasquer dans les luttes existantes les manipulations du pouvoir ou de l'extrême-droite. De mieux comprendre quelles sont les stratégies qui se développent contre les mouvements sociaux. En fait, c'est peut-être plus une contre-offensive qu'une offensive qu'il s'agit de penser.


Je ne sais pas. Si, justement, on veut éviter les travers de l'antifascisme classique, qui finit souvent en dénonciation perpétuelle et répétée de telle ou telle affaire, de tel ou tel groupe, en actions toujours ponctuelles et réactives, je crois bien qu'il faut justement parler d'offensive ou d'initiative. Quand Nosotros parle de valeurs communes à remettre en avant, ou quand Douddu propose cette réflexion sur le concept de "nation", je pense qu'on est dans le vrai, au moins dans la démarche.

Quant à la question du forum public, il me semble justement que les questions d'organisation, de positionnement, les différentes stratégies envisageables, doivent être posées publiquement. Et qu'au moins internet serve à ça , c'est une bonne chose. Ici, c'est le forum de la CNT-Caen, et bien je trouve que ce qu'il est devenu est aussi une réponse à ces interrogations sur la notion de territoire: comment l'initiative d'un syndicat local, que nous sommes nombreux à n'avoir jamais croisé à abouti à un espace de débat, de réflexion et de savoir concret sur des luttes nationales et internationales.

Evidemment que dans les AG, ceci peut et doit se discuter. Il va sans dire, que c'est parce que le problème du fascisme , de la manipulation des mouvements sociaux se pose dans mes réalités collectives locales , que je viens le poser ici. Et que ce sont des débats antérieurs, qui m'amènent à le faire, parce qu'une complicité, une "camaraderie" de fait s'est constituée, quand bien même nous ne nous croisons pas forcément tous les jours.

Les fascistes ont réussi à établir des rapports sociaux sur le net qui créent et modèlent les individus dans leur sens. Ici, comme ailleurs, le contraire se produit aussi, personnellement, je prends les discussions ici autant au sérieux que si elles se tenaient "en vrai". Je ne viens pas chercher la ligne du Parti Anarchiste pour la retranscrire en AG, mais en tant qu'anarchiste dans la lutte des classes avec des gens qui ne le sont pas, ce qui me semble nécessaire, c'est de confronter, et de faire mes choix, avec l'apport du regard de ceux qui me sont proches idéologiquement. Qu'émergent éventuellement, des propositions, des idées de stratégies antifascistes. Ca veut pas dire "ensuite, on va créer le truc ensemble entre "anarchistes", ou aller créer un groupe qui s'alliera avec d'autres.

Quant à la surveillance des flics et des fascistes, et bien, c'est sûrement fataliste, mais la leçon de ces dernières années, c'est que ceux qui s'en sont le plus préoccupés et en ont fait un critère de restriction du contenu des débats publics, n'ont pas été moins surveillés que les autres. Pour être cachées, leur stratégies n'en ont pas moins été absolument transparentes aux yeux du pouvoir, contrairement à d'autres, tout à fait publiques mais moins aisément compréhensibles et déjouables concrètement.
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar wiecha » Lundi 01 Fév 2010 16:34

Sinon, à la rubrique factuelle "manipulations": il y a un groupe " Alliance Anarchiste Oppositionnelle" qui prend en ce moment contact avec différents collectifs de lutte, les met en lien sur leur nouveau site, évidemment sans autorisation. Il s'agit d'un groupe ancien, révisionniste et antisémite, se définissant comme national anarchiste, et toléré sur des forums bizarre comme Wardance.

Un groupuscule parmi les groupuscules, mais qui essaie concrètement de tisser de nouveaux liens, et pourrait bien y arriver dans le contexte actuel, et notamment avec la stratégie des liens, difficilement déjouable: je mets en lien des vrais trucs de lutte, puis je fais la pub de mon groupe sur des forums, et j'arrive à attirer ainsi des gens sincères qui pensent rencontrer des "anarchistes" en lien avec d'autres mouvements.
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar AnarSonore » Mardi 02 Fév 2010 9:35

Nous allions oublier l'indispensable travail de Karim Landais dans son "Anarchisme nation identité culture - régionalisme, nationalisme et anarcho indépendantisme" publié aux Editions Orphéo, 184 pages 8 euros. Pour toute commande écrire à yvescoleman@wanadoo.fr

Chapitre
Culture, nation, ethnie, nationalisme : du flou et du moins flou de quelques définitions
:arrow: http://anarsonore.free.fr/spip.php?breve186
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar NOSOTROS » Mardi 02 Fév 2010 17:23

Wiecha

l'AOA c'est meme pqs un groupuscule : c'est un connqrd, du nom de Hqns CANY (il laisse trainer son nom partout), qui défrayait déjà la chronique du milieu qnqrcopunk des années 80-90 pour ses délires antisémites et néo nazi. APrès un passage dans les franges les plus pourries de l'extrême droite (comme il le dit lui même sur son site) qui a finit par le jetter tellement il est stupoide, il refait surface en essayant d' utiliser en effet les outils internet pour essayer de ratisser dans une jeunesse qui ne connait pas ses faits d' armes passés . A mon avis son coup fera longfeu. PAr ailleurs ce qui l'intersse,plus que de construire quelaue chose politiquement, c'est qu'on pqrle de lui - quitte à fqire dqns lq provoc lq plus minqble - donc j'arrête ici.

Pour Wardance, pour ,oi les choses sont cqlries c'est dqns le cqmps adverse. (rien que le titre déjà ... ça sent bon son néo paien ...)

Enfin pour la politique des liens en effet on peut tous se fqire coller en lien sur un site sans qu' on le souhaite. En ce qui nous concerne, chaque fois aue ca nous est arrivé on a tiré les choses au clair, et publiquement de préférence, de façon en effet à ne pas laisser planer d' ambiguités.
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar wiecha » Mardi 02 Fév 2010 22:07

Pour Wardance, pour ,oi les choses sont cqlries c'est dqns le cqmps adverse. (rien que le titre déjà ... ça sent bon son néo paien ...)


C'est là qu'échanger précisément est utile, même si c'est les citer. Parce qu'en ce qui me concerne, Wardance, je suis tombée dessus plein de fois ces dernières années, parce que des gens reprennent sur un fil des articles chômage/précarité. Et je n'ai vu de loin, qu'un forum de musique punk et autres , je ne suis même jamais allée sur la page d'accueil qui est assez claire, tout simplement parce que ce n'est pas ma culture musicale, que ça m'intéresse pas tellement, et que tu visites pas tous les sites qui t'intéressent pas.

Sûrement que ça paraitra dingue aux gens qui sont dans cette culture ou qui connaissent déjà le truc évidemment.

Sur la clarté, oui bien sûr, quand tu t'en rends compte déjà. Et le souci, c'est que ça devient très compliqué pour les gens en lutte sur des thèmes spécifiques et porteurs, quand les sites comportent par exemple des témoignages individuels, des guides pratiques et juridiques sur telle ou telle question, c'est repris par plein, plein de sites et de blogs en tous genres, et ça peut vite devenir très lourd à gérer.

Et tu penses au début, naivement, que poster des textes antifasciste, ou UNE réaction à une reprise va suffire, que les les ordures ne vont pas te faire de la pub. Mais ils s'en foutent royalement, la plupart du temps, parce que leur objectif, c'est la confusion.

Bref, je ne dis pas que la tâche est impossible, bien au contraire, mais la tactique fait en tout cas partie de leurs points forts. Sans compter qu'entre les sites fascistes qui reprennent des textes du mouvement, et les sites du mouvement qui reprennent par complicité idéologique consciente ou pas des articles de sites fascistes, la différence devient vraiment ténue. Et quand, en plus, les sites "portail" avec uniquement des fils RSS se multiplient...

Dans la série, je dis des choses honteuses face à l'urgence, des fois, la propriété intellectuelle, si t'avais le pognon, et bien... Bon bien sûr, la règle du jeu, c'est que les fachos ont le pognon et pas toi...
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar NOSOTROS » Jeudi 04 Fév 2010 1:24

Je me lance sans filet dans une tentative d'analyse ... en plus il est tard. Bon nous verrons.

A mon sens, si on essaie de rechercher quand le dérapage a commencé, il faut le chercher notamment du côté de l'évolution de l'extrême gauche post 68.

Avec l'effondrement des derniers feux de 68, à la fin des années 70 et l'effondrement de l'autonomie, le résidu de mouvement révolutionnaire était pas mal déboussolé. Il était en panne de sujet révolutionnaire : après l'ouvrier, l'ouvrier masse, la femme, le jeune, ... quoi ?

Il me semble que le jeune d'origine immigré est alors devenu le sujet révolutionnaire après lequel ont couru tous les groupes politiques gauchistes.

On a vu alors les trotskystes anglais du SWP plaquer une analyse orthodoxe marxiste sur le sujet : ces gens sont colonisés, ils faut dans un premier temps les aider à réaliser leur "lutte de libération nationale", ou plutôt culturelle. Dès lors au lieu de s'adresser à eux sur des bases révolutionnaires, ils les ont approché sur des bases "culturalistes". (lire les textes traduits par Coleman sur le sujet sur http://mondialisme.org c'est plus détaillé et moins raccourci, par exemple : http://www.mondialisme.org/spip.php?article136)

Cette approche anglosaxonne n'est apparue en France que très récemment dans le trotskysme : on la voit poindre avec la tentative d'implantation en France des trotsakards anglais (socialisme internationale, puis JRE, puis pour finir par socialsme par en bas, lesquels sont maintenant intégré dans la LCR devenue NPA et dans lesquels ils font des campagnes intensives de propagandes pour leurs thèse islamo-gauchistes. Ils sont les principaux vecteurs de cette position)

En Grande Bretagne, pays où il n'y a pas de séparation entre Etat et Eglise et où le rapport à la religion n'est pas vécu aussi négativement que ici, cette approche s'est clairement faite sur une base religieuse. Le SWP s'est allié avec un groupe islamique pour même former une seule et même structure, "Respect".

En France, du fait d'un rejet assez largement répandu dans la population de la religion, il était plus difficile d'attaquer sous cet angle. On verrait assez mal la LCR de Krivine faire des manifs pour demander la construction de mosquée ... Ca ne passerait pas chez les militants. Par contre en France, il y a un rapport aux guerres coloniales que n'ont pas eu les anglais. On ne s'en rend peut être pas compte mais la guerre d'Algérie est quelque chose de structurant dans la société française, y compris à l'extreme gauche ! (C'est pendant la guerre d'algérie que les différences doctrinales entre les différents groupes trotskystes se cristallisent, et qu'on observe leur renouveau militant, qui explosera ensuite en 68. )


La Palestine est donc le terreau sur lequel ils vont tous pouvoir s'appuyer. Le soutien aux palestiniens sert de vecteur d'identification qui doit permettre de ratisser large. Les révolutionnaires, au lieu d'avoir une approche révolutionnaire justement, ont plaqué leur schéma gradualiste nationaliste - le même que pendant la guerre d'Algérie ou du Vietnam - sur la situation palestinienne.

Un autre des grands avantages que présente la cause palestinienne comme vecteur pour tenter de pénétrer les populations de banlieue est qu'il permet d'afficher une solidarité de principe sans avoir à habiter dans les quartiers populaires. Pas la peine de galérer dans une cité pourrie pour affirmer "nous sommes tous des palestiniens" ... Dans la "politique de masse" qui les caractérise ("aller aux masses") ils auraient pu choisir un autre angle d'attaque, un moyen d'identification tout aussi commun - et même plus encore - aux habitants des quartiers populaires tel que la précarité. Seulement voilà, c' est moins crédible e dire "nous sommes tous des précaires" et cela demande quelques efforts ou sacrifices personnels ...(2)

Dès lors qu'ils encouragent l'identification sur des bases nationalistes (ou plus précisément ethniques ...), le chemin était ouvert pour que ceux dont c'est le fond de commerce s'engouffrent dans la brêche ! C est évident avec la manf a laquelle s est pointé soral et cie avec des drapeaux français : leur argument - imparable - était de dire "vous venez avec des drapeaux nationaux palestiniens il est normal que nous venions avec des drapeaux nationaux français" ...

Et ce d'autant plus que les mouvements palestiniens ont changé de figure depuis les années 70 : ce ne sont plus vraiment les mouvements nationalistes mais révolutionnaires, plus ou moins inspirés de marxisme et laic qui ont le vent en poupe, mais la frange la plus réactionnaire des islamistes... Or le moins qu'on puisse dire c'est qu'on cherche encore une expression de la mise à distance du Hezbollah ou du Hamas ... dont les signes sont tolérés sans problème dans les manifs !

Ce qui est tragique c'est que les trotskards n'ont pas tiré les enseignements de leur engagement au côté des nationalistes algériens, vietnamiens, ou cambodgiens ... (il faut dire que dans leur mystique, les luttes de libérations nationales sont vécues comme globalement positives ...) . Ni non plus de la révolution iranienne et de comment les mollahs ont pendus les marxistes après s'être appuyé sur eux pour prendre le pouvoir. Pas plus que - toute proportion gardée - nos trotskystes français ne semblent non avoir regardé où en est la coalition Respect aujourd'hui ... ils vont être, une fois de plus, les cocus de l'histoire.

Pendant ce temps qu'on fait les anars ? Là encore ils ont rejoué la guerre d'Algérie : pendant que les uns couraient après les trotskystes, les autres - parce quíls n'avaient pas d'outils d'analyse pour comprendre - considéraient en bon shaddocks qu'il n'y avait pas de problème circulez y a rien à voir (et sont retorunés écouter Ferré beugler yena pasunsurcent ....). L'écroulement de cette dernière tendance assez récemment fait que pour ne pas paraitre complètement hors jeu, ils se sont alignés sur les premiers, c'est à dire en dernier ressort sur les trotskystes ... Et aujourd'h ui pas un libertaire qui ne soutienne "la cause nationale palestinienne" ...



Pourtant une politique révolutionnaire est possible. Elle consiste à ne pas être dans la démagogie. A poser clairement les questions et à dire aux gens à qui ont s'adresse les choses telles qu'on les pense, quitte à être désagréable. Et si on n'est pas d'accord, au moins on saura pourquoi.

Idem pour la palestine, il y a un moyen de dégonfler la baudruche en prenant le contre pied des positions nationalistes, c'est à dire en soutenant dans chacune des parties les tendances révolutionnaires - dans le sens où elles sont en ruptures avec l'ordre dominant de leur propre société. C'est pourquoi, sur cette analyse politique, nous avons été parmi les premiers à traduire des textes des anarchistes contre le mur en israel. Parce que précisement ils prennent à contre pied tous les discours identitaires qui tendent à mettre chacun dans des petites cases désignées d'avance. Ce qui est tout de même rassurant c'est que d'autres nous ont emboité le pas, donnant plus d'ampleur. Et qu'on observe dans ce mouvement des alliances objectives de fait, avec des gens avec lesquels on a pourtant de lourds contentieux ... C'est plutôt encourageant pour la suite je trouve, si on est capable politiquement de se retrouver sur des choses fondamentales (même si on n'ose pas encore se le dire mutuellement ;-) )

Etre révolutionnaire c'est aller à CONTRE COURANT ...


(2) à noter que les illégalistes individualistes ont essayé d'utiliser un autre vecteur de pénétration dans les quartiers populaires qui est la haine de la police et le "nous sommes tous des délinquants", qui présentent aussi l'avantage de pouvoir être lancés de l'extérieur. Sauf que d'une part pas sur que tout le monde - même dans le public visé - ne goutte cette affirmation qui ne fait que reprendre les clichés de l'extrême droite. Et d'autre part io ne s'agit pas d'une revendication identitaire unifiants mais au contraire segmentante. De plus pathétique car elle ne peut être perçue que comme un cri de bouffon par ceux qui en sont vraiment et pour qui ce n'est pas un jeu.
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar wiecha » Jeudi 04 Fév 2010 23:27

Salut,

Je suis plutôt d'accord sur l'ensemble, et sur les réelles motivations qui se cachent derrière la "solidarité" avec "la" Palestine".

Et aussi avec le caractère structurant de la guerre d'Algérie, dans le mouvement français.
Mais je crois qu'il y a aussi, spécifiquement chez nous, une volonté pas forcément consciente de "refaire " l'histoire de la colonisation. Et que cette dérive vers l'antisémitisme est une forme d'expiation de beaucoup de choses.
Il y a comme un rêve chez l'extrême gauche française qui a été parmi les plus chauvines sur la question coloniale, et bien avant, sur la question" juive", dès la fin du 19ème siècle: faire l'impasse sur toutes ses dérives racistes en offrant symboliquement le Juif comme réparation, à des immigrés et issus de l'immigration, qu'ils imaginent prêts à s'en satisfaire.

D'ou le succès de l'antisionisme, et des thèses conspirationnistes: si les "sionistes " sont les maitres du monde, alors rien n'est vraiment notre faute. On s'absout à la fois des dérives antisémites , puisque les "juifs " finalement sont en partie coupables, mais aussi des campagnes "achetons français", mais aussi des discours sur les "SA " qui agressent les gentils militants dans les manifs.

Dieudonné a vraiment bien compris ça avec sa rhétorique sur l'esclavage qui aurait été le fait des Juifs, de la colonisation qui aurait aussi été le fait des Grands Juifs infiltrés dans les structures dirigeantes.

L'aplatissement devant l'islam politique correspond aussi à ça: le soutien au Hamas , c'est toujours " on ne peut rien dire sur leurs actes, parce qu'ils ont le droit de se venger", et c'est la même chose avec les délires des Indigènes " avec ce qu'ils ont vécu, c'est normal qu'ils soient en colère". Il y a derrière le pseudo respect, toujours la même condescendance raciste: un Arabe, on ne le raisonne pas, il a le sang chaud, on ne parle pas politique avec lui, on le soutient "inconditionnellement", parce qu'on n'a pas le choix. Ce qui est vraiment comique, c'est d'ailleurs que tout ce blabla cache une absence de contacts réels, au niveau international. La direction du Hezbollah a reçu les dirigeants du Parti antisioniste de Dieudonné, le président iranien aussi, mais les gauchistes peuvent se brosser, et sont déjà tout contents quand ils sont invités à un forum social au Liban avec des sous fifres.

De la même manière, Ramadan à mon avis, n'a pas du aller à la moitié des invitations du mouvement "social" qu'il a reçues ces dernières années, il a fait la tribune de trois mille trucs d'extrême gauche, mais il n'a jamais renvoyé l'ascencseur. Et aujourd'hui, les pontes de L'uoif n'hésitent pas pour certains, à s'afficher avec Soral, à la place.

Bref, offrir le Juif comme bouc émissaire n'aura pas servi à grand chose , finalement. L'islamo gauchisme reste une imposture, quand les structures religieuses décident d'interdire les drapeaux rouges et les autocollants dans une manif, le gauchiste penaud range son drapeau.

Et ce alors même que beaucoup de prolétaires musulmans n'ont guère apprécié ceux du Hezbollah dans les manifs Palestine, en témoigne la désaffection progressive en pleine offensive sur Gaza dans les manifs, les premières ont été les plus suivies, et ce n'est pas que question de lassitude. A force de nous identifier au "jeune de moins de vingt ans prêt pour le djihad", ils oublient aussi qu'on n'a pas tous quinze ans, qu'on n'est pas tous musulmans, et surtout qu'ici comme ailleurs pas mal de gens savent quand même ce qu'est la récupération politique de leur solidarité et de leur colère, par Martine Aubry ou par Nasrallah.
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar NOSOTROS » Vendredi 05 Fév 2010 12:02

Oui, très juste !
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar SOLIDARITE » Samedi 13 Fév 2010 2:08

L'offensive fasciste ne date pas d'hier. Je publie ici (plutot qu'a la suite du message sur Chomsky car je pense que c'est une meilleure contribution au débat ici) un texte qui avait été écrit il y a dix ans à propos de l'offensive négationniste en milieu révolutionnaire.

Il y avait déjà une tentative d'analyse. Je retiens nu argument qui mériterait d'être creusé : et si les retournements qu'on observe aujourd'hiu venaient d'un pourissement de l'anti-fascisme des années 90 ? La lutte anti FN a été le point central des mobilisations militantes tout le long des années 90. Le "complot FN" était le plus petit dénominateur commun. On peut imagner que les individus qui se sont investis dans cette lutte, en en faisant leur centralité, avec le déclin dans les années 2000 de l'epouvantail, la duplicité de Mitterand qui a su utiliser le FN pour ses manoeuvres, la révélation de sa décoration de la francisque ... tout ceci n'a t il pas contribué à créer une sorte de syndrome de Stoskholm et par une sorte de réaction en miroir, à faire que celui qui était combattu la veille devenait soudain la victime à défendre ? A suivre ...

==================

Dossier négationnisme
par J. Valjak et M. Argery

L'Affranchi no 16 (printemps-été 1999)

________________________________________

Voici un dossier consacré à un sujet pour le moins scabreux. Nous avons posé notre regard sur le curieux phénomène du négationnisme << de gauche ou libertaire >>. Cette aberration est particulièrement pénible, car si l'on comprend pourquoi l'extrême-droite essaie de nier ou de minimiser le génocide des Juifs durant la deuxième guerre mondiale, il semble invraisemblable que des gens du camp adverse défendent de pareilles idées.

Même s'il est tout à fait marginal dans nos milieux, le révisionnisme ou négationnisme 1 y a une tradition, qui date, nous le verrons, des années cinquante. Inventé par un esprit dérangé, celui de Paul Rassinier, ce négationnisme << de gauche >> a rapidement attiré l'attention d'authentiques nazis qui ont su l'utiliser à leur profit. Ainsi, aujourd'hui encore, dans quelque officine borgne, de vieux crétins osent se prétendre anarchistes, alors qu'ils diffusent, entre quelques citations des classiques, des écrits racistes et antisémites parfaitement répugnants.

Cette triste engeance serait peut-être tombée dans l'oubli si les thèses de Rassinier ne s'étaient pas refaites une nouvelle jeunesse dans les années soixante-dix, grâce à des individus issus du marxisme et jouissant, pour certains, d'une petite réputation dans le monde littéraire. Là non plus, il ne s'agit pas d'un mouvement important, ni même d'un groupe significatif, mais de quelques personnes qui ont su se faire une réputation sulfureuse et attirer l'attention des médias.

Ces gens ne mériteraient sans doute pas beaucoup d'attention, s'ils n'étaient pas au centre d'une polémique qui divise profondément le mouvement antifasciste français. Les échos de cette affaire qui sont parvenus jusqu'à nous, nous ont profondément troublés. Le traitement désinvolte qu'en a fait Le Monde libertaire, dans un article signé Jean-Marc Raynaud, n'a pas apaisé notre inquiétude. Ce n'est pas en renvoyant dos à dos les individus qui essaient de cacher sous le tapis leur passé négationniste (Gilles Dauvé et Serge Quadruppani) et ceux qui les dénoncent (Didier Daeninckx, Alain Bihr, Thierry Maricourt, etc.), en les traitant au passage de << petits bourgeois néo-réformistes >> et en les accusant << de jeter l'opprobre sur (...) un mouvement libertaire ontologiquement insoupçonnable de toute complaisance envers la vérole révisionniste... >> 2, qu'on va résoudre le problème. Le fait de rappeler les nombreuses victimes libertaires du fascisme ou de déclarer qu'il y a beaucoup plus de fascistes camouflés au sein des autres courants politiques de droite et de gauche, ne nous dispense pas non plus de faire le ménage chez nous.

Or, la petite étude nécessairement incomplète que nous avons réalisée, montre que la pénétration dont certaines organisations libertaires ont été victimes ne peut être considérée comme un << épiphénomène >> négligeable. Le savoir, expliquer précisément ce qui s'est passé dans tel ou tel cas, n'est pas un aveu de faiblesse, mais constitue, à nos yeux, un avertissement pour l'avenir.

Parce que nous refusons les explications simplistes du genre : << les extrêmes se rejoignent >>, ou << c'est une manipulation des réformistes pour affaiblir les révolutionnaires >>, nous avons essayé de comprendre ce qui a bien pu se passer. Comprendre pour nous ne signifie évidemment pas accepter ou partager, mais expliquer. Un raisonnement, fut-il aberrant, a sa logique qui peut séduire certains, notamment des << intellectuels >> anticonformistes à la recherche d'idées << inédites >>. En << déconstruisant >> un discours, en écoutant comment certains, avec le recul, essaient de justifier leur dérive, on se fait une idée de ce qui a pu leur arriver.

Il y a sans doute des leçons à tirer de cette lamentable histoire. D'abord que certaines sectes << gauchistes >> ou << libertaires >> ont tendance à vivre dans un monde imaginaire. Leurs membres essaient certes d'échapper à l'idéologie dominante, aux idées reçues, aux mensonges de la presse et de l'histoire officielle... mais ces efforts ne les empêchent pas de tomber dans un univers de chimères où la parole d'un chef, d'un maître à penser, remplace le libre arbitre et la recherche de la vérité.

Il n'y a pas de recette miracle permettant d'éviter les aberrations que nous allons décrire. Mais savoir comment de telles dérives furent possible devrait, nous l'espérons, rendre nos lecteurs attentifs et méfiants vis-à-vis des explications trop faciles et prétendument << ultra-subversives >> que certains charlatans de la pensée essayeront certainement, une fois ou l'autre, de leur vendre.

Notes :

1 Le qualificatif de négationniste convient mieux à ceux qui nient la réalité de l'extermination des juifs d'Europe durant la deuxième guerre mondiale, que celui de révisionniste dont ils s'affublent. Ces gens-là prétendent que les historiens révisent périodiquement leurs théories, ce qui est vrai : de nouvelles interprétations du passé sont fréquentes, des éléments nouveaux peuvent aussi modifier notre vision des choses, mais cela ne signifie pas que l'on puisse nier les faits avérés et raconter n'importe quoi.

2 J.-M. Raynaud, Révisionnisme, négationnisme... Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ! in Le Monde libertaire no 1091 du 11 au 17 septembre 1997.

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Paul Rassinier, le père du << révisionnisme >>

A l'origine du courant << négationniste >> on trouve un personnage sur lequel il faut s'arrêter : Paul Rassinier. Pacifiste intégral, militant communiste, socialiste, puis anarchiste, Rassinier allait mener une double vie, dans les années cinquante-soixante, en écrivant aussi bien dans des journaux de gauche, pacifistes et anarchistes que dans des publications d'extrême-droite. Cette double identité l'accompagna jusque dans sa mort, en juillet 1967, à l'occasion de laquelle il y eut deux oraisons funèbres : l'une fut prononcée à Paris par l'écrivain fasciste Maurice Bardèche devant un parterre d'extrême-droite ; l'autre, lue au cimetière de Brémont (Territoire de Belfort), était de la plume du vieux camarade pacifiste Emile Bauchet qui s'exprimait << au nom de ses amis socialistes et pacifistes >> 1.

Lorsque nous nous sommes penchés sur le cas Rassinier, nous avons surtout consulté Comment l'idée vint à M. Rassinier de Florent Brayard. Nous étions déjà étonnés de voir qu'un ouvrage aussi détaillé ait été réalisé sur les livres, les articles et la correspondance de ce vaniteux 2 qui, malgré ou à cause de son expérience de la déportation, s'était enfoncé dans l'erreur... dans l'abjection négationniste. Ainsi, nous sommes encore plus surpris de découvrir, au moment d'achever ce dossier, qu'une seconde biographie de Rassinier vient de paraître. L'ouvrage de Nadine Fresco, que nous n'avons fait que survoler, apparaît comme un monument d'érudition. Plutôt que d'étudier à fond son << oeuvre >>, comme l'a fait Brayard, Fresco s'est efforcée de comprendre le contexte qui a permis la Fabrication d'un antisémite. Elle a consulté de très nombreux témoins et nous ne pouvons que conseiller la lecture de son ouvrage 3. Pourtant, nous sommes restés sur notre faim sur un point précis qui reste en partie à résoudre : comment la dérive de Rassinier a pu se poursuivre et faire des émules, sans qu'une réaction rapide, forte et surtout définitive ne se manifeste dans les courants pacifistes et libertaires qu'il fréquentait.

Résistant non-violent, Rassinier fut arrêté par la Gestapo en novembre 1943, torturé (il eut un rein éclaté et fut déclaré invalide à la libération), il fut déporté à Buchenwald puis à Dora où il passa 14 mois. Son séjour en camp de concentration fut particulier, atypique, car Rassinier allait y passer plusieurs mois à l'infirmerie : une chance rarissime due semble-t-il à la compassion d'un médecin hollandais. Il paraît avoir aussi bénéficié d'une << planque >> comme ordonnance d'un officier SS. Faut-il parler à son propos de << syndrome de Stockholm >> 4 ? En tout état de cause quand, à partir de 1949, il se met à écrire des livres sur son expérience de la déportation, il tend à minimiser la responsabilité des nazis, en faisant reposer l'essentiel des horreurs des camps sur les Kapos 5, notamment les Kapos membres du parti communiste.

Rassinier était-il aveuglé par son expérience personnelle des camps ? 6 Etait-il victime de son anticommunisme viscéral ? Exclu du PC en 1932, il devint alors socialiste. Elu à la deuxième Constituante de 1946 pour la Fédération socialiste du Territoire de Belfort, il fut battu, lors de l'élection suivante, par le radical Pierre Dreyfus-Schmidt allié aux communistes... D'un autre côté, le pacifiste Rassinier considérait comme une attitude belliciste le fait d'accabler l'Allemagne. Il pensait que la situation était semblable à celle qui avait suivi la guerre de 14-18 et qu'il fallait tourner la page pour éviter un nouveau conflit mondial.

Les doutes que Rassinier manifeste vis-à-vis des chambres à gaz jouent un rôle mineur dans ses premiers écrits. D'abord, il ne nie pas leur existence, il minimise : << Mon opinion sur les chambres à Gaz ? Il y en eut : pas tant qu'on le croit. Des exterminations, il y en eut aussi : pas tant qu'on ne l'a dit >> 7. Il pensait aussi que le massacre n'avait pas été ordonné d'en-haut, mais plutôt par << un ou deux fous parmi les SS >>, aidés de quelques Kapos...

L'affaire va prendre de l'ampleur avec la préface de son deuxième livre, Le Mensonge d'Ulysse (1950), pour laquelle il fait appel à une sorte de pamphlétaire provocateur : Albert Paraz, dont la principale préoccupation était alors de faire réhabiliter l'écrivain Céline 8. Paraz repère tout de suite la dimension iconoclaste des propos de Rassinier ; il proclame : << Seul un extraordinaire masochiste peut s'aviser d'écrire, maintenant, que les témoignages sur les chambres à gaz ne sont pas tout à fait assez concluants, pour son goût [...]. C'est de la dynamite. >> 9

Sans la préface de Paraz, le livre de Rassinier aurait encore pu paraître relativement anodin, un témoignage partiel 10 et partial, une analyse subjective des camps. Avec cette préface, la mise en scène d'un Rassinier brisant le << mythe >> des chambres à gaz est déjà en place. Le piège allait se refermer suite à un incident à l'Assemblée Nationale où l'on débattait d'un projet d'amnistie concernant les << épurés >>.

Un député, évoquant le compte-rendu du Mensonge d'Ulysse trouvé dans une revue d'extrême-droite lança la phrase fatidique : << Il paraît, mes chers collègues, qu'il n'y a jamais eu de chambres à gaz dans les camps de concentration ! >> 11

L'hypothèse de la prétendue inexistence des chambres à gaz selon Rassinier était devenue une affaire d'Etat. Pour ne pas se dédire, Rassinier allait poursuivre ses << recherches >> en étudiant uniquement les éléments pouvant aller dans ce sens. Dans les livres qu'il écrivit par la suite, il se mit à débusquer les contradictions des témoignages sur les camps. Il discuta des chiffres comme un épicier, affirmant, par exemple, que la surface des salles de gazage ne correspondait pas au nombre de personnes qui y avaient été assassinées, etc. Les seules << preuves >> acceptables à ses yeux auraient été une lettre écrite de la main du Führer ordonnant l'anéantissement des juifs, ou peut-être une victime revenue à la vie... Mais de telles preuves n'existent pas 12.

L'engagement de Rassinier sur la pente fatale du négationnisme allait être grandement facilitée par ses nouveaux amis. Nous avons vu le cas de Paraz, il y en eut d'autres. En 1950, Rassinier entre en contact avec Maurice Bardèche. Attaché à réhabiliter son beau-frère Robert Brasillach fusillé à la libération, Bardèche a pris la défense de la collaboration et du régime de Vichy contre la résistance << criminelle >>. Son livre Nuremberg ou la terre promise (1948) est une sorte de plaidoyer en faveur de l'Allemagne nazie présentée comme un rempart contre le communisme. Dans le second volume de Nuremberg 13, il va longuement citer les propos de Rassinier, dont il fait un portrait élogieux. Rassinier était doublement victime, prétendait Bardèche, des camps et de son honnêteté. Extrêmement sensible à la flatterie, peut-être est-ce sous l'influence de Bardèche que Rassinier va tenir des propos de plus en plus négationnistes ? Il faut aussi évoquer la figure de Henri Coston, un nazi de première catégorie, véritable activiste, éditeur avant guerre du Protocole des sages de Sion 14, associé aux services secrets de propagande allemands sous Vichy, condamné comme collaborateur aux travaux forcés à perpétuité en 1947, mais libéré au début des années cinquante. Coston qui va rééditer Le mensonge d'Ulysse de Rassinier en 1955, aura sur ce dernier une influence certaine. Le Parlement aux mains des banques de Rassinier, publié en octobre 1955 dans un numéro spécial de << la petite revue anarcho-pacifiste A contre courant >> 15 est très largement inspiré par Les financiers qui mènent le monde de Coston. A partir de là, Rassinier va également adopter des postures antisémites, et chacun des nouveaux livres de ce vieil homme malade au sens propre comme au sens figuré constituera un pas de plus vers les thèses de l'extrême-droite 16. Dans ces milieux, il était le déporté << providentiel >>. Par exemple, en 1960, quand il fut sollicité par son éditeur allemand pour faire une tournée de conférences, il enchanta des parterres de nazis non repentis, bienheureux de voir un ancien déporté leur expliquer qu'ils avaient été moins criminels qu'ils ne le pensaient.

Peu de temps avant sa mort, Rassinier se trouvera un disciple en la personne de Robert Faurisson. Cet individu aux idées d'extrême-droite, professeur de littérature, est l'inventeur d'une méthode d'analyse littéraire à même le texte << sans aucun recours à la biographie, (...) sans l'aide de considérations historiques, sans se soucier des déclarations de l'intéressé sur son oeuvre... >> 17. Après la disparition de Rassinier, Faurisson va prendre le relais et continuer, avec sa méthode d'analyse littéraire, la << recherche >> visant à prouver l'inexistence des chambres à gaz dans les camps nazis, << oeuvre >> qu'il poursuit de nos jours.


Rassinier chez les libertaires

Voyons maintenant brièvement la carrière libertaire de Paul Rassinier. En 1950, dans Le libertaire du 11 novembre, paraît une critique acerbe du livre Le mensonge d'Ulysse réalisée par un autre déporté René Michel (Robert Meignez) qui refuse de dédouaner les SS de leurs crimes en accablant les Kapos. Mais on y apprend aussi que le livre de Rassinier est << en vente au << Libertaire >> >>. Une polémique va s'engager dans les numéros suivants, dans le cadre de laquelle Rassinier défendra son point de vue 18.

Exclu du parti socialiste SFIO en 1951, Rassinier devait rejoindre la Fédération anarchiste (FA) dans le courant des années cinquante. Il fut membre du groupe Elisée-Reclus de Nice vers 1957-1959, puis du groupe local de la FA d'Asnières jusqu'au début des années soixante. Les journaux pacifistes et libertaires de ces années-là (le Monde libertaire, la Voie de la Paix, Contre-Courant, Défense de l'homme) contiennent un certain nombre de ses articles, notamment sur des questions économiques. Mais une fois au moins, il y exprima certaines de ses idées fascistoïdes et << révisionnistes >>. En 1953, Rassinier écrivait dans le journal pacifiste de Louis Lecoin Défense de l'homme << A propos du procès de Nuremberg et de ceux qui lui ont fait cortège, ces gens qui se prétendent de gauche ont laissé à Maurice Bardèche le soin de reprendre, sur la guerre, les idées qui au lendemain de celle de 1914-1918, furent si brillamment illustrées par Mathias Mohrardt, Michel Alexandre, Romain Rolland, Marcel Martinet, etc. Et à propos d'Oradour, ils ont laissé à un curé, l'archevêque Rastouil, de Limoges, le beau geste qui a consisté à refuser d'aller témoigner pour le compte de l'accusation, en invoquant la charité chrétienne qui lui interdisait de participer de quelque façon que ce soit à cette abominable campagne d'excitation à la haine... >>. Dans le même article, à propos des expériences << médicales >> pratiquées par les nazis sur les détenus dans le camp alsacien du Struthof, il recherche les contradictions des témoins pour conclure << Alors, je pose à nouveau la question que je posais déjà dans Le Passage de la Ligne et Le Mensonge d'Ulysse : si on ne peut mettre que 87 morts au compte des expériences médicales, comment et pourquoi sont morts les autres ? >> 19

Aux alentours de 1959-1960, Rassinier semble avoir joué un rôle significatif au sein de la Fédération anarchiste. On trouve plusieurs de ses textes dans les bulletins internes de cette organisation. Dans le numéro d'avril 1960, par exemple, est reproduite une importante correspondance entre Rassinier et Maurice Fayolle sur le thème << révolte et révolution >> 20. A l'occasion du Congrès de Trélazé des 4, 5 et 6 juin 1960, une lettre de Rassinier, absent, est lue à l'assemblée. A la suite de quoi, les congressistes débattent de certains de ses arguments 21.

L'histoire veut que Rassinier ait été démasqué en 1961 par Maurice Laisant, le secrétaire de la FA, qui l'aurait fait demander à la rédaction de la revue d'extrême-droite Rivarol où il écrivait sous un faux nom 22.

En fait, la FA avait été interpellée par des libertaires allemands qui eux avaient su lire et comprendre le véritable sens du Mensonge d'Ulysse. Dans le courrier adressé au congrès de la FA de Monluçon 1961, et publié dans le Bulletin intérieur de la FA, ils demandaient tout d'abord << s'il y a une parenté quelconque entre P. Rassinier qui fréquente les milieux anarchistes français et l'écrivain qui vient de se faire éditer outre Rhin sous l'égide du néo fasciste SS Karl Heinst Priester >> 23. En quelques lignes, les anarchistes allemands relèvent ce qui fait l'absurdité du livre de Rassinier : ses doutes sur les chambres à gaz, le fait qu'il fait reposer la responsabilité des horreurs sur les détenus eux-même... Ils se demandent si les conditions de détention qu'il a connues au camp de Dora ont pu l'aveugler au point de ne pas voir les souffrances qui l'entouraient. Ils soulignent combien la démarche de ce << témoin capital >> qui prétend << prouver que ce ne sont pas les assassins qui ont tort,... mais les assassinés >> peut être utile à un éditeur nazi. Et ils concluent en revendiquant haut et fort leur droit de dénoncer ce qu'il dit << comme un mensonge infâme et une tentative pour blanchir les criminels SS >>.

A la suite de ce texte accusateur, figure une lettre d'explication de Rassinier dans laquelle il fait preuve d'un culot certain. Il rappelle que Le Mensonge d'Ulysse publié en Allemagne est exactement le même livre << qui a été soutenu en son temps par la Fédération anarchiste et Le Libertaire >> et affirme que les << soi-disant anarchistes allemands sont comme cul et chemise avec les communistes >>. Il apporte certaines précisions sur les chambres à gaz en déclarant notamment qu'il n'y avait jamais eu de chambrez à gaz sur le territoire de ce que le National-Socialisme appelait le << Grand Reich >> 24. Il nie le fait que son éditeur allemand soit un ancien SS, mais dit aussi que peu lui importe, car Julliard l'éditeur de Mendès-France a aussi édité des pétainistes. Concernant les quatorze conférences faites en Allemagne, il dit y avoir invité << les singuliers anarchistes >> qui l'accusent et qu'<< ils ont décliné l'offre !!>> (Les points d'exclamation sont d'origine). Enfin le journal (d'extrême-droite) allemand dans lequel se trouve une interview de lui << publie intégralement ce qu'on lui dit, ce qui n'est pas le cas du Monde libertaire... >>

Nous ne savons pas précisément comment les militants de la FA résolurent le problème qui leur était posé. En 1964, Le Monde libertaire fit paraître une brève << mise au point >> précisant que << depuis 1961 il [Rassinier] n'appartient plus à notre organisation >> 25. Mais la rupture ne paraît pas avoir été claire et nette pour tous. C'est en tout cas ce qu'on est en droit de penser en voyant comment, en 1987, dans les colonnes du Monde libertaire, le militant historique Maurice Joyeux se remémore son ancien camarade. Selon Joyeux, l'erreur du déporté Rassinier est d'avoir dit toute la vérité sur les camps et d'avoir refusé, à la différence d'autres, d'être utilisé par les politiciens. Joyeux qui proclame que Rassinier a été son ami, affirme n'avoir << jamais mis en question le Mensonge d'Ulysse [qu'il] considère comme le meilleur, le plus mesuré et par sa nature même, le plus crédible de tous les livres écrits sur les camps de la mort >>. Signalant pourtant le bon accueil qu'ils ont eu dans les milieux d'extrême droite, Joyeux affirme que les ouvrages de Rassinier << n'atténuent en rien la barbarie nazie >>. Si à un moment donné Rassinier a été rejeté par certains libertaires, c'est parce qu'on ne lui pardonnait pas ses origines politiques. Et << lorsqu'il s'éloignera la séparation se fera sans accrocs. Ce qui ne l'empêchera pas de conserver des relations amicales avec un certain nombre de militants dont Lecoin, Louvet, Prudhommaux et quelques autres >>. Sans nier l'existence des chambres à gaz, Joyeux verse malheureusement de l'eau au moulin du négationnisme en écrivant : << En vérité des millions d'hommes de toutes races, de toutes nationalités, de toutes confessions ont disparu. De quelle manière ? On en discutera encore longtemps ; aussi longtemps qu'il existera des politiciens ayant intérêt à battre monnaie sur des cadavres >>. 26

C'est peut-être par ses côtés provocateurs que Rassinier était parvenu à séduire certaines franges du mouvement libertaire. Les différents procès en diffamation qui l'opposaient à d'anciens déportés devenus députés lui faisaient une réputation sulfureuse. Et puis, tous les libertaires n'étaient pas sortis grandis de la guerre. Il y avait eu des résistants bien sûr, mais d'autres étaient restés attentistes ou avaient même collaboré, pensant que tout, même une paix fasciste, valait mieux que la guerre. Les arguments d'un Rassinier, ancien résistant, les confortaient dans leurs choix passés. Il faut dire à leur décharge que Rassinier avait aussi ses défenseurs dans d'autres milieux réputés de gauche. Georges Lefranc, historien du socialisme et du syndicalisme 27, saluait régulièrement les publications de Rassinier et de Coston dans La République libre 28 de Paul Faure.

Rassinier perdit finalement presque tous ses soutiens en milieu libertaire et pacifiste en 1964, quand il intenta un procès à la Ligue internationale contre l'antisémitisme qui l'avait traité d'<< agent de l'Internationale nazie >>. Il venait en effet d'être refoulé d'Allemagne à cause de ses fameuses conférences dans les milieux d'extrême-droite. Rassinier non seulement perdit son procès, mais ses mésaventures allemandes et sa collaboration à Rivarol firent la une des journaux. Pourtant, il parvint encore à tromper un petit groupe libertaire, l'Alliance ouvrière anarchiste (AOA) qui, par manque d'information ou par amitié, l'accueillit dans ses rangs.

Des << anarchistes >> providentiellement négationnistes

L'AOA est à l'origine le produit d'une scission de la Fédération anarchiste. Elle s'est constituée le 25 novembre 1956 à Bruxelles. Dans son texte fondateur, elle se présente comme une coordination qui << se REFUSE A ORGANISER, c'est-à-dire à réglementer l'idée commune de la liberté >>. Ce refus implique notamment le rejet de tout système de vote. Par ailleurs l'AOA considère que la lutte des classes << est à présent dépassée >>. Pour l'AOA, l'ennemi c'est la hiérarchie, << y compris la hiérarchie des valeurs et la soi-disant compétence >>. A l'origine, l'AOA regroupait des gens qui avaient été échaudés par les différentes prises de pouvoir qui s'étaient manifestées dans la Fédération anarchiste pendant cette période particulièrement trouble de son histoire. Ils reprochaient aux dirigeants de la FA d'être des bourgeois et surtout des francs-maçons.

Nous ignorons pratiquement tout de l'histoire de l'AOA, qui semble avoir végété jusqu'à nos jours. Ce qui est clair, c'est qu'à un moment donné le collectif (comment appeler un groupe qui refuse toute forme d'organisation ?) s'est transformé en une officine négationniste. A partir de la fin des années quatre-vingt, son périodique L'Anarchie, journal de l'ordre, s'est mis à servir à hautes doses à ses lecteurs les thèses de Rassinier et de Faurisson. L'hostilité vis-à-vis des francs-maçons s'est transformée en lutte contre les Juifs et les francs-maçons... le tout enrobé de quelques déclarations de principes anarchistes et de propos plus ou moins délirants sur les malheurs du monde. Par exemple, on trouve sur la première page du no 214 de L'Anarchie, deux éditoriaux aux titres évocateurs. Le premier << Paul Rassinier avait raison >> est signé Raymond Beaulaton, le second << Halte au fascisme judéo-capitaliste des Etats-Unis >> porte la signature de R.J. Souriant. D'après Georges Fontenis, Beaulaton et Souriant étaient une seule et même personne 29 et ses lumineux articles où l'on lit, par exemple, que les << judéo-capitalistes américains (...) ont créé LEUR racisme en voulant faire accroire qu'ils en étaient eux les victimes >> seront les derniers qu'il écrira, puisqu'il est décédé le mois même de leur publication (octobre 1994).

Il reste à comprendre comment Beaulaton, ce cheminot << fils et petit-fils de militants socialistes... qui fonda le 12 juillet 1940 l'un des premiers groupes de << résistance antinazi >> de l'Ouest... fondateur de la CNT française en 1947... Membre de la Fédération anarchiste dès la reconstitution en 1944... >> 30 et bien sûr membre fondateur de l'AOA a pu connaître une telle dérive. La réponse se trouve peut-être du côté de L'Homme libre de Saint-Etienne qui avec d'autres feuilles telles que Libre examen de Didier Pomares (Perpignan), Kontestation anarchiste (Caen) ou C'est un rêve (Marseille), appartient au même réseau << anarcho-fasciste >>. Nous ne reviendrons pas sur le contenu de ce trimestriel particulièrement répugnant dont nous avions déjà parlé en 1995 dans L'Affranchi no 10. Mais il n'est pas inutile de savoir que la dérive fasciste et antisémite de L'Homme libre qui date de 1967-1968 est antérieure à celle de L'Anarchie. Son directeur, Marcel Renoulet, et Serge Ninn, un des collaborateurs, ont appartenu au mouvement libertaire (et à l'AOA pour Renoulet), mais on ne peut pas en dire autant d'autres plumitifs de ce journal : Robert Dun est un ancien membre de la Waffen SS, quant à Bernard Lanza (qui écrivait aussi parfois dans L'Anarchie), il collabore à diverses publications d'extrême-droite et il est considéré comme l'un des théoriciens des Faisceaux nationalistes européens, un groupe qui organise chaque année, le 20 avril, un banquet pour commémorer la naissance d'Adolf Hitler 31.

Le fait d'avoir côtoyé Rassinier a pu favoriser la dérive de quelques vieux anars isolés, enfermés dans leur sectarisme et ayant perdu tout ancrage dans le présent. Mais on peut craindre aussi qu'ils furent bien aidés par quelques authentiques nazis, intéressés à avoir avec eux de ces libertaires providentiels 32 à la Rassinier pour donner un peu de substance et de piquant à leurs discours puants...

De l'affaire Faurisson à La Guerre sociale

Les thèses de Rassinier refont surface à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, à la suite de ce qu'on a appelé l'<< affaire Faurisson >>.

En 1978, Faurisson publie dans le journal Le Monde, un texte intitulé Le problème des << chambres à gaz >> ou la << rumeur d'Auschwitz >>. Des historiens vont répondre à cet article par une déclaration 33 dans laquelle ils écrivent qu'il ne saurait y avoir de débat sur l'existence des chambres à gaz. A partir de là, deux camps vont apparaître mettant face à face ceux qui soutiennent Faurisson et ceux qui s'y opposent. Le front du soutien n'est pas uni et va de ceux qui partagent les idées de Faurisson à ceux qui défendent uniquement son droit à les exprimer, en passant par la position intermédiaire de ceux qui se disent << troublés >> par ses thèses. Ce front n'est pas, non plus, idéologiquement uniforme. Aux côtés des négationnistes d'extrême-droite de toujours qui travaillent à réhabiliter le régime national-socialiste allemand, se trouvent des individus classés à gauche. C'est le cas de Noam Chomsky, sommité universitaire américaine, proche des idées libertaires, qui manifeste un soutien de principe au nom de la liberté d'expression. Après quoi, un de ses textes va servir de préface à un livre de Faurisson 34. Nous ne nous arrêterons pas sur les péripéties qui émailleront cette affaire dans l'affaire 35. Remarquons juste qu'à cette occasion Chomsky s'est avéré fort utile aux négationnistes, surtout médiatiquement, démontrant la capacité de ces derniers à faire feu de tout bois lorsqu'il s'agit de faire parler d'eux-mêmes et de leurs idées.

A la même époque, un soutien autrement plus prononcé aux thèses négationnistes va se manifester dans certains milieux révolutionnaires parisiens, notamment autour de Pierre Guillaume. Ce personnage qui tire prestige de son rôle d'ancien animateur de la librairie La Vieille Taupe (1965 à 1973), alors point de ralliement de tout un courant ultra-gauche 36, va amener cette question au premier plan des préoccupations d'une partie de ce milieu 37.

Au départ, Guillaume couvre son action du paravent révolutionnaire, mais à partir du milieu des années quatre-vingt, le soutien et la promotion active des idées négationnistes, côte à côte avec des néo-nazis, deviendront sa principale occupation éditoriale et militante avec, par exemple, la publication du livre de Roger Garaudy Les Mythes fondateurs de la politique israélienne. Peu de ses anciens amis le suivront jusque là. Néanmoins, l'intérêt pour le négationnisme aura occupé pendant plusieurs années certains groupes et individus du milieu ultra-gauche.

Les gens dont nous allons parler maintenant ne sont pas devenus des néo-nazis, mais ils ont trouvés dans les idées négationnistes un renfort inespéré pour valider leur vision de l'histoire de la seconde guerre mondiale. << C'est la revue La Guerre sociale qui porta le débat dans toute l'ultra-gauche >> 38, par la publication de textes comme De l'exploitation dans les camps de concentration à l'exploitation des camps, daté de juin 1979. Dans La Guerre sociale, on étale complaisamment les thèses de Rassinier minimisant l'ampleur du génocide (il avançait le chiffre d'un million et demi de morts juifs) et on nie la volonté nazie d'extermination des Juifs, parce que cela rend crédible une théorie qui affirme que la guerre de 1939-1945 avait pour objectif de résoudre les contradictions du capitalisme et que le fascisme était l'arme de la bourgeoisie pour soumettre le prolétariat.

Ces théories essaient de faire << entrer >> les événements de 1939-1945 dans un schéma marxiste. Elles ne sont pas nouvelles et hantent une partie de la gauche communiste au moins depuis la publication en 1960 du texte bordiguiste 39 Auschwitz ou le grand alibi. Dans ce texte fondateur, on trouve la base théorique à laquelle les << révisionnistes de gauche >> vont intégrer les thèses négationnistes.

La Guerre sociale reprend à son compte des passages entiers du texte bordiguiste, lorsqu'il s'agit de présenter son explication du génocide des Juifs. On y lit : << la petite bourgeoisie a << inventé >> l'antisémitisme. Non pas tant, comme disent les métaphysiciens, pour expliquer les malheurs qui la frappaient, que pour tenter de s'en préserver en les concentrant sur un de ses groupes. A l'horrible pression économique, à la menace de destruction diffuse qui rendaient incertaine l'existence de chacun de ses membres, la petite bourgeoisie a réagi en sacrifiant une de ses parties, espérant ainsi sauver et assurer l'existence des autres. L'antisémitisme ne provient pas plus d'un plan << machiavélique >> que d'<< idées perverses >> : il résulte directement de la contrainte économique. La haine des Juifs, loin d'être la raison a priori de leur destruction, n'est que l'expression de ce désir de délimiter et de concentrer sur eux la destruction >> 40. Si on suit ce raisonnement, considérer l'anéantissement de la population juive comme le résultat d'<< une volonté consciente, d'une préméditation et même d'une programmation, c'est renverser la réalité >> 41. Pour les auteurs de cet article, l'Etat nazi n'était que le << simple gestionnaire du capital >>. Dans cette perspective, les prétendues << découvertes >> sur les chambres à gaz de Rassinier et de Faurisson apportaient la << preuve >> de la non-spécificité de l'État nazi et permettaient aux << théoriciens >> de La Guerre sociale de déduire que les démocraties ne sont pas très différentes du régime nazi.

Dans cette affaire, l'ultra-gauche n'a pas << travaillé >>, à la façon de Rassinier ou de Faurisson, sur la question du génocide et des chambres à gaz. Elle s'est contentée d'utiliser les travaux de ces derniers. Ce n'est pas la négation du génocide en tant que tel, qui semble avoir intéressé ces prétendus << révolutionnaires de gauche >> en priorité. Mais le fait que cette négation permettait de fabriquer une << réalité >> qui s'accordait avec leur théorie. Ce qui est surprenant, c'est que ceux-ci aient montré un pareil enthousiasme à s'emparer d'une thèse dont ils savaient qu'elle était l'un des chevaux de bataille de l'extrême-droite française : ils savaient que les écrits de Rassinier avaient été publiés par des éditeurs d'extrême-droite. Avec leur << astuce >> coutumière, ils déclarent, dans De l'exploitation... que ceux qui tirent argument de ce fait << sont ceux qui auraient voulu qu'il ne soit jamais publié >>. Ils manifesteront la même complaisance à l'égard de Faurisson et de ses amis nazis.

Le << résultat >> obtenu par La Guerre sociale n'a pas été de ruiner la << version officielle >> de la seconde guerre mondiale, comme ils l'imaginaient, mais de sortir les idées négationnistes du ghetto des nostalgiques du Troisième Reich, pour les offrir à un nouveau public, tout en apportant une caution << gauchiste >>. Si, au départ, le public n'est que de quelques dizaines de personnes, le relais assuré par les médias (Le Monde, Libération, Golias, etc.), attirés par le << scoop >> que constitue cette variante négationniste de gauche, va largement élargir cette audience via un beau succès de scandale qui est, aujourd'hui encore, exploité par les négationnistes, notamment sur leurs sites Internet. Dans toute cette opération, ces derniers, et plus largement l'extrême-droite dans son entier, sont les seuls qui retirent de véritables bénéfices : leurs théories ont été propulsées sur le devant de la scène et ont permis de semer la confusion dans les rangs de l'extrême-gauche.
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar SOLIDARITE » Samedi 13 Fév 2010 2:09

L'offensive fasciste ne date pas d'hier. Je publie ici (plutot qu'a la suite du message sur Chomsky car je pense que c'est une meilleure contribution au débat ici) un texte qui avait été écrit il y a dix ans à propos de l'offensive négationniste en milieu révolutionnaire.

Il y avait déjà une tentative d'analyse. Je retiens nu argument qui mériterait d'être creusé : et si les retournements qu'on observe aujourd'hiu venaient d'un pourissement de l'anti-fascisme des années 90 ? La lutte anti FN a été le point central des mobilisations militantes tout le long des années 90. Le "complot FN" était le plus petit dénominateur commun. On peut imagner que les individus qui se sont investis dans cette lutte, en en faisant leur centralité, avec le déclin dans les années 2000 de l'epouvantail, la duplicité de Mitterand qui a su utiliser le FN pour ses manoeuvres, la révélation de sa décoration de la francisque ... tout ceci n'a t il pas contribué à créer une sorte de syndrome de Stoskholm et par une sorte de réaction en miroir, à faire que celui qui était combattu la veille devenait soudain la victime à défendre ? A suivre ...

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Dossier négationnisme
par J. Valjak et M. Argery

L'Affranchi no 16 (printemps-été 1999)

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Voici un dossier consacré à un sujet pour le moins scabreux. Nous avons posé notre regard sur le curieux phénomène du négationnisme << de gauche ou libertaire >>. Cette aberration est particulièrement pénible, car si l'on comprend pourquoi l'extrême-droite essaie de nier ou de minimiser le génocide des Juifs durant la deuxième guerre mondiale, il semble invraisemblable que des gens du camp adverse défendent de pareilles idées.

Même s'il est tout à fait marginal dans nos milieux, le révisionnisme ou négationnisme 1 y a une tradition, qui date, nous le verrons, des années cinquante. Inventé par un esprit dérangé, celui de Paul Rassinier, ce négationnisme << de gauche >> a rapidement attiré l'attention d'authentiques nazis qui ont su l'utiliser à leur profit. Ainsi, aujourd'hui encore, dans quelque officine borgne, de vieux crétins osent se prétendre anarchistes, alors qu'ils diffusent, entre quelques citations des classiques, des écrits racistes et antisémites parfaitement répugnants.

Cette triste engeance serait peut-être tombée dans l'oubli si les thèses de Rassinier ne s'étaient pas refaites une nouvelle jeunesse dans les années soixante-dix, grâce à des individus issus du marxisme et jouissant, pour certains, d'une petite réputation dans le monde littéraire. Là non plus, il ne s'agit pas d'un mouvement important, ni même d'un groupe significatif, mais de quelques personnes qui ont su se faire une réputation sulfureuse et attirer l'attention des médias.

Ces gens ne mériteraient sans doute pas beaucoup d'attention, s'ils n'étaient pas au centre d'une polémique qui divise profondément le mouvement antifasciste français. Les échos de cette affaire qui sont parvenus jusqu'à nous, nous ont profondément troublés. Le traitement désinvolte qu'en a fait Le Monde libertaire, dans un article signé Jean-Marc Raynaud, n'a pas apaisé notre inquiétude. Ce n'est pas en renvoyant dos à dos les individus qui essaient de cacher sous le tapis leur passé négationniste (Gilles Dauvé et Serge Quadruppani) et ceux qui les dénoncent (Didier Daeninckx, Alain Bihr, Thierry Maricourt, etc.), en les traitant au passage de << petits bourgeois néo-réformistes >> et en les accusant << de jeter l'opprobre sur (...) un mouvement libertaire ontologiquement insoupçonnable de toute complaisance envers la vérole révisionniste... >> 2, qu'on va résoudre le problème. Le fait de rappeler les nombreuses victimes libertaires du fascisme ou de déclarer qu'il y a beaucoup plus de fascistes camouflés au sein des autres courants politiques de droite et de gauche, ne nous dispense pas non plus de faire le ménage chez nous.

Or, la petite étude nécessairement incomplète que nous avons réalisée, montre que la pénétration dont certaines organisations libertaires ont été victimes ne peut être considérée comme un << épiphénomène >> négligeable. Le savoir, expliquer précisément ce qui s'est passé dans tel ou tel cas, n'est pas un aveu de faiblesse, mais constitue, à nos yeux, un avertissement pour l'avenir.

Parce que nous refusons les explications simplistes du genre : << les extrêmes se rejoignent >>, ou << c'est une manipulation des réformistes pour affaiblir les révolutionnaires >>, nous avons essayé de comprendre ce qui a bien pu se passer. Comprendre pour nous ne signifie évidemment pas accepter ou partager, mais expliquer. Un raisonnement, fut-il aberrant, a sa logique qui peut séduire certains, notamment des << intellectuels >> anticonformistes à la recherche d'idées << inédites >>. En << déconstruisant >> un discours, en écoutant comment certains, avec le recul, essaient de justifier leur dérive, on se fait une idée de ce qui a pu leur arriver.

Il y a sans doute des leçons à tirer de cette lamentable histoire. D'abord que certaines sectes << gauchistes >> ou << libertaires >> ont tendance à vivre dans un monde imaginaire. Leurs membres essaient certes d'échapper à l'idéologie dominante, aux idées reçues, aux mensonges de la presse et de l'histoire officielle... mais ces efforts ne les empêchent pas de tomber dans un univers de chimères où la parole d'un chef, d'un maître à penser, remplace le libre arbitre et la recherche de la vérité.

Il n'y a pas de recette miracle permettant d'éviter les aberrations que nous allons décrire. Mais savoir comment de telles dérives furent possible devrait, nous l'espérons, rendre nos lecteurs attentifs et méfiants vis-à-vis des explications trop faciles et prétendument << ultra-subversives >> que certains charlatans de la pensée essayeront certainement, une fois ou l'autre, de leur vendre.

Notes :

1 Le qualificatif de négationniste convient mieux à ceux qui nient la réalité de l'extermination des juifs d'Europe durant la deuxième guerre mondiale, que celui de révisionniste dont ils s'affublent. Ces gens-là prétendent que les historiens révisent périodiquement leurs théories, ce qui est vrai : de nouvelles interprétations du passé sont fréquentes, des éléments nouveaux peuvent aussi modifier notre vision des choses, mais cela ne signifie pas que l'on puisse nier les faits avérés et raconter n'importe quoi.

2 J.-M. Raynaud, Révisionnisme, négationnisme... Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage ! in Le Monde libertaire no 1091 du 11 au 17 septembre 1997.

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Paul Rassinier, le père du << révisionnisme >>

A l'origine du courant << négationniste >> on trouve un personnage sur lequel il faut s'arrêter : Paul Rassinier. Pacifiste intégral, militant communiste, socialiste, puis anarchiste, Rassinier allait mener une double vie, dans les années cinquante-soixante, en écrivant aussi bien dans des journaux de gauche, pacifistes et anarchistes que dans des publications d'extrême-droite. Cette double identité l'accompagna jusque dans sa mort, en juillet 1967, à l'occasion de laquelle il y eut deux oraisons funèbres : l'une fut prononcée à Paris par l'écrivain fasciste Maurice Bardèche devant un parterre d'extrême-droite ; l'autre, lue au cimetière de Brémont (Territoire de Belfort), était de la plume du vieux camarade pacifiste Emile Bauchet qui s'exprimait << au nom de ses amis socialistes et pacifistes >> 1.

Lorsque nous nous sommes penchés sur le cas Rassinier, nous avons surtout consulté Comment l'idée vint à M. Rassinier de Florent Brayard. Nous étions déjà étonnés de voir qu'un ouvrage aussi détaillé ait été réalisé sur les livres, les articles et la correspondance de ce vaniteux 2 qui, malgré ou à cause de son expérience de la déportation, s'était enfoncé dans l'erreur... dans l'abjection négationniste. Ainsi, nous sommes encore plus surpris de découvrir, au moment d'achever ce dossier, qu'une seconde biographie de Rassinier vient de paraître. L'ouvrage de Nadine Fresco, que nous n'avons fait que survoler, apparaît comme un monument d'érudition. Plutôt que d'étudier à fond son << oeuvre >>, comme l'a fait Brayard, Fresco s'est efforcée de comprendre le contexte qui a permis la Fabrication d'un antisémite. Elle a consulté de très nombreux témoins et nous ne pouvons que conseiller la lecture de son ouvrage 3. Pourtant, nous sommes restés sur notre faim sur un point précis qui reste en partie à résoudre : comment la dérive de Rassinier a pu se poursuivre et faire des émules, sans qu'une réaction rapide, forte et surtout définitive ne se manifeste dans les courants pacifistes et libertaires qu'il fréquentait.

Résistant non-violent, Rassinier fut arrêté par la Gestapo en novembre 1943, torturé (il eut un rein éclaté et fut déclaré invalide à la libération), il fut déporté à Buchenwald puis à Dora où il passa 14 mois. Son séjour en camp de concentration fut particulier, atypique, car Rassinier allait y passer plusieurs mois à l'infirmerie : une chance rarissime due semble-t-il à la compassion d'un médecin hollandais. Il paraît avoir aussi bénéficié d'une << planque >> comme ordonnance d'un officier SS. Faut-il parler à son propos de << syndrome de Stockholm >> 4 ? En tout état de cause quand, à partir de 1949, il se met à écrire des livres sur son expérience de la déportation, il tend à minimiser la responsabilité des nazis, en faisant reposer l'essentiel des horreurs des camps sur les Kapos 5, notamment les Kapos membres du parti communiste.

Rassinier était-il aveuglé par son expérience personnelle des camps ? 6 Etait-il victime de son anticommunisme viscéral ? Exclu du PC en 1932, il devint alors socialiste. Elu à la deuxième Constituante de 1946 pour la Fédération socialiste du Territoire de Belfort, il fut battu, lors de l'élection suivante, par le radical Pierre Dreyfus-Schmidt allié aux communistes... D'un autre côté, le pacifiste Rassinier considérait comme une attitude belliciste le fait d'accabler l'Allemagne. Il pensait que la situation était semblable à celle qui avait suivi la guerre de 14-18 et qu'il fallait tourner la page pour éviter un nouveau conflit mondial.

Les doutes que Rassinier manifeste vis-à-vis des chambres à gaz jouent un rôle mineur dans ses premiers écrits. D'abord, il ne nie pas leur existence, il minimise : << Mon opinion sur les chambres à Gaz ? Il y en eut : pas tant qu'on le croit. Des exterminations, il y en eut aussi : pas tant qu'on ne l'a dit >> 7. Il pensait aussi que le massacre n'avait pas été ordonné d'en-haut, mais plutôt par << un ou deux fous parmi les SS >>, aidés de quelques Kapos...

L'affaire va prendre de l'ampleur avec la préface de son deuxième livre, Le Mensonge d'Ulysse (1950), pour laquelle il fait appel à une sorte de pamphlétaire provocateur : Albert Paraz, dont la principale préoccupation était alors de faire réhabiliter l'écrivain Céline 8. Paraz repère tout de suite la dimension iconoclaste des propos de Rassinier ; il proclame : << Seul un extraordinaire masochiste peut s'aviser d'écrire, maintenant, que les témoignages sur les chambres à gaz ne sont pas tout à fait assez concluants, pour son goût [...]. C'est de la dynamite. >> 9

Sans la préface de Paraz, le livre de Rassinier aurait encore pu paraître relativement anodin, un témoignage partiel 10 et partial, une analyse subjective des camps. Avec cette préface, la mise en scène d'un Rassinier brisant le << mythe >> des chambres à gaz est déjà en place. Le piège allait se refermer suite à un incident à l'Assemblée Nationale où l'on débattait d'un projet d'amnistie concernant les << épurés >>.

Un député, évoquant le compte-rendu du Mensonge d'Ulysse trouvé dans une revue d'extrême-droite lança la phrase fatidique : << Il paraît, mes chers collègues, qu'il n'y a jamais eu de chambres à gaz dans les camps de concentration ! >> 11

L'hypothèse de la prétendue inexistence des chambres à gaz selon Rassinier était devenue une affaire d'Etat. Pour ne pas se dédire, Rassinier allait poursuivre ses << recherches >> en étudiant uniquement les éléments pouvant aller dans ce sens. Dans les livres qu'il écrivit par la suite, il se mit à débusquer les contradictions des témoignages sur les camps. Il discuta des chiffres comme un épicier, affirmant, par exemple, que la surface des salles de gazage ne correspondait pas au nombre de personnes qui y avaient été assassinées, etc. Les seules << preuves >> acceptables à ses yeux auraient été une lettre écrite de la main du Führer ordonnant l'anéantissement des juifs, ou peut-être une victime revenue à la vie... Mais de telles preuves n'existent pas 12.

L'engagement de Rassinier sur la pente fatale du négationnisme allait être grandement facilitée par ses nouveaux amis. Nous avons vu le cas de Paraz, il y en eut d'autres. En 1950, Rassinier entre en contact avec Maurice Bardèche. Attaché à réhabiliter son beau-frère Robert Brasillach fusillé à la libération, Bardèche a pris la défense de la collaboration et du régime de Vichy contre la résistance << criminelle >>. Son livre Nuremberg ou la terre promise (1948) est une sorte de plaidoyer en faveur de l'Allemagne nazie présentée comme un rempart contre le communisme. Dans le second volume de Nuremberg 13, il va longuement citer les propos de Rassinier, dont il fait un portrait élogieux. Rassinier était doublement victime, prétendait Bardèche, des camps et de son honnêteté. Extrêmement sensible à la flatterie, peut-être est-ce sous l'influence de Bardèche que Rassinier va tenir des propos de plus en plus négationnistes ? Il faut aussi évoquer la figure de Henri Coston, un nazi de première catégorie, véritable activiste, éditeur avant guerre du Protocole des sages de Sion 14, associé aux services secrets de propagande allemands sous Vichy, condamné comme collaborateur aux travaux forcés à perpétuité en 1947, mais libéré au début des années cinquante. Coston qui va rééditer Le mensonge d'Ulysse de Rassinier en 1955, aura sur ce dernier une influence certaine. Le Parlement aux mains des banques de Rassinier, publié en octobre 1955 dans un numéro spécial de << la petite revue anarcho-pacifiste A contre courant >> 15 est très largement inspiré par Les financiers qui mènent le monde de Coston. A partir de là, Rassinier va également adopter des postures antisémites, et chacun des nouveaux livres de ce vieil homme malade au sens propre comme au sens figuré constituera un pas de plus vers les thèses de l'extrême-droite 16. Dans ces milieux, il était le déporté << providentiel >>. Par exemple, en 1960, quand il fut sollicité par son éditeur allemand pour faire une tournée de conférences, il enchanta des parterres de nazis non repentis, bienheureux de voir un ancien déporté leur expliquer qu'ils avaient été moins criminels qu'ils ne le pensaient.

Peu de temps avant sa mort, Rassinier se trouvera un disciple en la personne de Robert Faurisson. Cet individu aux idées d'extrême-droite, professeur de littérature, est l'inventeur d'une méthode d'analyse littéraire à même le texte << sans aucun recours à la biographie, (...) sans l'aide de considérations historiques, sans se soucier des déclarations de l'intéressé sur son oeuvre... >> 17. Après la disparition de Rassinier, Faurisson va prendre le relais et continuer, avec sa méthode d'analyse littéraire, la << recherche >> visant à prouver l'inexistence des chambres à gaz dans les camps nazis, << oeuvre >> qu'il poursuit de nos jours.


Rassinier chez les libertaires

Voyons maintenant brièvement la carrière libertaire de Paul Rassinier. En 1950, dans Le libertaire du 11 novembre, paraît une critique acerbe du livre Le mensonge d'Ulysse réalisée par un autre déporté René Michel (Robert Meignez) qui refuse de dédouaner les SS de leurs crimes en accablant les Kapos. Mais on y apprend aussi que le livre de Rassinier est << en vente au << Libertaire >> >>. Une polémique va s'engager dans les numéros suivants, dans le cadre de laquelle Rassinier défendra son point de vue 18.

Exclu du parti socialiste SFIO en 1951, Rassinier devait rejoindre la Fédération anarchiste (FA) dans le courant des années cinquante. Il fut membre du groupe Elisée-Reclus de Nice vers 1957-1959, puis du groupe local de la FA d'Asnières jusqu'au début des années soixante. Les journaux pacifistes et libertaires de ces années-là (le Monde libertaire, la Voie de la Paix, Contre-Courant, Défense de l'homme) contiennent un certain nombre de ses articles, notamment sur des questions économiques. Mais une fois au moins, il y exprima certaines de ses idées fascistoïdes et << révisionnistes >>. En 1953, Rassinier écrivait dans le journal pacifiste de Louis Lecoin Défense de l'homme << A propos du procès de Nuremberg et de ceux qui lui ont fait cortège, ces gens qui se prétendent de gauche ont laissé à Maurice Bardèche le soin de reprendre, sur la guerre, les idées qui au lendemain de celle de 1914-1918, furent si brillamment illustrées par Mathias Mohrardt, Michel Alexandre, Romain Rolland, Marcel Martinet, etc. Et à propos d'Oradour, ils ont laissé à un curé, l'archevêque Rastouil, de Limoges, le beau geste qui a consisté à refuser d'aller témoigner pour le compte de l'accusation, en invoquant la charité chrétienne qui lui interdisait de participer de quelque façon que ce soit à cette abominable campagne d'excitation à la haine... >>. Dans le même article, à propos des expériences << médicales >> pratiquées par les nazis sur les détenus dans le camp alsacien du Struthof, il recherche les contradictions des témoins pour conclure << Alors, je pose à nouveau la question que je posais déjà dans Le Passage de la Ligne et Le Mensonge d'Ulysse : si on ne peut mettre que 87 morts au compte des expériences médicales, comment et pourquoi sont morts les autres ? >> 19

Aux alentours de 1959-1960, Rassinier semble avoir joué un rôle significatif au sein de la Fédération anarchiste. On trouve plusieurs de ses textes dans les bulletins internes de cette organisation. Dans le numéro d'avril 1960, par exemple, est reproduite une importante correspondance entre Rassinier et Maurice Fayolle sur le thème << révolte et révolution >> 20. A l'occasion du Congrès de Trélazé des 4, 5 et 6 juin 1960, une lettre de Rassinier, absent, est lue à l'assemblée. A la suite de quoi, les congressistes débattent de certains de ses arguments 21.

L'histoire veut que Rassinier ait été démasqué en 1961 par Maurice Laisant, le secrétaire de la FA, qui l'aurait fait demander à la rédaction de la revue d'extrême-droite Rivarol où il écrivait sous un faux nom 22.

En fait, la FA avait été interpellée par des libertaires allemands qui eux avaient su lire et comprendre le véritable sens du Mensonge d'Ulysse. Dans le courrier adressé au congrès de la FA de Monluçon 1961, et publié dans le Bulletin intérieur de la FA, ils demandaient tout d'abord << s'il y a une parenté quelconque entre P. Rassinier qui fréquente les milieux anarchistes français et l'écrivain qui vient de se faire éditer outre Rhin sous l'égide du néo fasciste SS Karl Heinst Priester >> 23. En quelques lignes, les anarchistes allemands relèvent ce qui fait l'absurdité du livre de Rassinier : ses doutes sur les chambres à gaz, le fait qu'il fait reposer la responsabilité des horreurs sur les détenus eux-même... Ils se demandent si les conditions de détention qu'il a connues au camp de Dora ont pu l'aveugler au point de ne pas voir les souffrances qui l'entouraient. Ils soulignent combien la démarche de ce << témoin capital >> qui prétend << prouver que ce ne sont pas les assassins qui ont tort,... mais les assassinés >> peut être utile à un éditeur nazi. Et ils concluent en revendiquant haut et fort leur droit de dénoncer ce qu'il dit << comme un mensonge infâme et une tentative pour blanchir les criminels SS >>.

A la suite de ce texte accusateur, figure une lettre d'explication de Rassinier dans laquelle il fait preuve d'un culot certain. Il rappelle que Le Mensonge d'Ulysse publié en Allemagne est exactement le même livre << qui a été soutenu en son temps par la Fédération anarchiste et Le Libertaire >> et affirme que les << soi-disant anarchistes allemands sont comme cul et chemise avec les communistes >>. Il apporte certaines précisions sur les chambres à gaz en déclarant notamment qu'il n'y avait jamais eu de chambrez à gaz sur le territoire de ce que le National-Socialisme appelait le << Grand Reich >> 24. Il nie le fait que son éditeur allemand soit un ancien SS, mais dit aussi que peu lui importe, car Julliard l'éditeur de Mendès-France a aussi édité des pétainistes. Concernant les quatorze conférences faites en Allemagne, il dit y avoir invité << les singuliers anarchistes >> qui l'accusent et qu'<< ils ont décliné l'offre !!>> (Les points d'exclamation sont d'origine). Enfin le journal (d'extrême-droite) allemand dans lequel se trouve une interview de lui << publie intégralement ce qu'on lui dit, ce qui n'est pas le cas du Monde libertaire... >>

Nous ne savons pas précisément comment les militants de la FA résolurent le problème qui leur était posé. En 1964, Le Monde libertaire fit paraître une brève << mise au point >> précisant que << depuis 1961 il [Rassinier] n'appartient plus à notre organisation >> 25. Mais la rupture ne paraît pas avoir été claire et nette pour tous. C'est en tout cas ce qu'on est en droit de penser en voyant comment, en 1987, dans les colonnes du Monde libertaire, le militant historique Maurice Joyeux se remémore son ancien camarade. Selon Joyeux, l'erreur du déporté Rassinier est d'avoir dit toute la vérité sur les camps et d'avoir refusé, à la différence d'autres, d'être utilisé par les politiciens. Joyeux qui proclame que Rassinier a été son ami, affirme n'avoir << jamais mis en question le Mensonge d'Ulysse [qu'il] considère comme le meilleur, le plus mesuré et par sa nature même, le plus crédible de tous les livres écrits sur les camps de la mort >>. Signalant pourtant le bon accueil qu'ils ont eu dans les milieux d'extrême droite, Joyeux affirme que les ouvrages de Rassinier << n'atténuent en rien la barbarie nazie >>. Si à un moment donné Rassinier a été rejeté par certains libertaires, c'est parce qu'on ne lui pardonnait pas ses origines politiques. Et << lorsqu'il s'éloignera la séparation se fera sans accrocs. Ce qui ne l'empêchera pas de conserver des relations amicales avec un certain nombre de militants dont Lecoin, Louvet, Prudhommaux et quelques autres >>. Sans nier l'existence des chambres à gaz, Joyeux verse malheureusement de l'eau au moulin du négationnisme en écrivant : << En vérité des millions d'hommes de toutes races, de toutes nationalités, de toutes confessions ont disparu. De quelle manière ? On en discutera encore longtemps ; aussi longtemps qu'il existera des politiciens ayant intérêt à battre monnaie sur des cadavres >>. 26

C'est peut-être par ses côtés provocateurs que Rassinier était parvenu à séduire certaines franges du mouvement libertaire. Les différents procès en diffamation qui l'opposaient à d'anciens déportés devenus députés lui faisaient une réputation sulfureuse. Et puis, tous les libertaires n'étaient pas sortis grandis de la guerre. Il y avait eu des résistants bien sûr, mais d'autres étaient restés attentistes ou avaient même collaboré, pensant que tout, même une paix fasciste, valait mieux que la guerre. Les arguments d'un Rassinier, ancien résistant, les confortaient dans leurs choix passés. Il faut dire à leur décharge que Rassinier avait aussi ses défenseurs dans d'autres milieux réputés de gauche. Georges Lefranc, historien du socialisme et du syndicalisme 27, saluait régulièrement les publications de Rassinier et de Coston dans La République libre 28 de Paul Faure.

Rassinier perdit finalement presque tous ses soutiens en milieu libertaire et pacifiste en 1964, quand il intenta un procès à la Ligue internationale contre l'antisémitisme qui l'avait traité d'<< agent de l'Internationale nazie >>. Il venait en effet d'être refoulé d'Allemagne à cause de ses fameuses conférences dans les milieux d'extrême-droite. Rassinier non seulement perdit son procès, mais ses mésaventures allemandes et sa collaboration à Rivarol firent la une des journaux. Pourtant, il parvint encore à tromper un petit groupe libertaire, l'Alliance ouvrière anarchiste (AOA) qui, par manque d'information ou par amitié, l'accueillit dans ses rangs.

Des << anarchistes >> providentiellement négationnistes

L'AOA est à l'origine le produit d'une scission de la Fédération anarchiste. Elle s'est constituée le 25 novembre 1956 à Bruxelles. Dans son texte fondateur, elle se présente comme une coordination qui << se REFUSE A ORGANISER, c'est-à-dire à réglementer l'idée commune de la liberté >>. Ce refus implique notamment le rejet de tout système de vote. Par ailleurs l'AOA considère que la lutte des classes << est à présent dépassée >>. Pour l'AOA, l'ennemi c'est la hiérarchie, << y compris la hiérarchie des valeurs et la soi-disant compétence >>. A l'origine, l'AOA regroupait des gens qui avaient été échaudés par les différentes prises de pouvoir qui s'étaient manifestées dans la Fédération anarchiste pendant cette période particulièrement trouble de son histoire. Ils reprochaient aux dirigeants de la FA d'être des bourgeois et surtout des francs-maçons.

Nous ignorons pratiquement tout de l'histoire de l'AOA, qui semble avoir végété jusqu'à nos jours. Ce qui est clair, c'est qu'à un moment donné le collectif (comment appeler un groupe qui refuse toute forme d'organisation ?) s'est transformé en une officine négationniste. A partir de la fin des années quatre-vingt, son périodique L'Anarchie, journal de l'ordre, s'est mis à servir à hautes doses à ses lecteurs les thèses de Rassinier et de Faurisson. L'hostilité vis-à-vis des francs-maçons s'est transformée en lutte contre les Juifs et les francs-maçons... le tout enrobé de quelques déclarations de principes anarchistes et de propos plus ou moins délirants sur les malheurs du monde. Par exemple, on trouve sur la première page du no 214 de L'Anarchie, deux éditoriaux aux titres évocateurs. Le premier << Paul Rassinier avait raison >> est signé Raymond Beaulaton, le second << Halte au fascisme judéo-capitaliste des Etats-Unis >> porte la signature de R.J. Souriant. D'après Georges Fontenis, Beaulaton et Souriant étaient une seule et même personne 29 et ses lumineux articles où l'on lit, par exemple, que les << judéo-capitalistes américains (...) ont créé LEUR racisme en voulant faire accroire qu'ils en étaient eux les victimes >> seront les derniers qu'il écrira, puisqu'il est décédé le mois même de leur publication (octobre 1994).

Il reste à comprendre comment Beaulaton, ce cheminot << fils et petit-fils de militants socialistes... qui fonda le 12 juillet 1940 l'un des premiers groupes de << résistance antinazi >> de l'Ouest... fondateur de la CNT française en 1947... Membre de la Fédération anarchiste dès la reconstitution en 1944... >> 30 et bien sûr membre fondateur de l'AOA a pu connaître une telle dérive. La réponse se trouve peut-être du côté de L'Homme libre de Saint-Etienne qui avec d'autres feuilles telles que Libre examen de Didier Pomares (Perpignan), Kontestation anarchiste (Caen) ou C'est un rêve (Marseille), appartient au même réseau << anarcho-fasciste >>. Nous ne reviendrons pas sur le contenu de ce trimestriel particulièrement répugnant dont nous avions déjà parlé en 1995 dans L'Affranchi no 10. Mais il n'est pas inutile de savoir que la dérive fasciste et antisémite de L'Homme libre qui date de 1967-1968 est antérieure à celle de L'Anarchie. Son directeur, Marcel Renoulet, et Serge Ninn, un des collaborateurs, ont appartenu au mouvement libertaire (et à l'AOA pour Renoulet), mais on ne peut pas en dire autant d'autres plumitifs de ce journal : Robert Dun est un ancien membre de la Waffen SS, quant à Bernard Lanza (qui écrivait aussi parfois dans L'Anarchie), il collabore à diverses publications d'extrême-droite et il est considéré comme l'un des théoriciens des Faisceaux nationalistes européens, un groupe qui organise chaque année, le 20 avril, un banquet pour commémorer la naissance d'Adolf Hitler 31.

Le fait d'avoir côtoyé Rassinier a pu favoriser la dérive de quelques vieux anars isolés, enfermés dans leur sectarisme et ayant perdu tout ancrage dans le présent. Mais on peut craindre aussi qu'ils furent bien aidés par quelques authentiques nazis, intéressés à avoir avec eux de ces libertaires providentiels 32 à la Rassinier pour donner un peu de substance et de piquant à leurs discours puants...

De l'affaire Faurisson à La Guerre sociale

Les thèses de Rassinier refont surface à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, à la suite de ce qu'on a appelé l'<< affaire Faurisson >>.

En 1978, Faurisson publie dans le journal Le Monde, un texte intitulé Le problème des << chambres à gaz >> ou la << rumeur d'Auschwitz >>. Des historiens vont répondre à cet article par une déclaration 33 dans laquelle ils écrivent qu'il ne saurait y avoir de débat sur l'existence des chambres à gaz. A partir de là, deux camps vont apparaître mettant face à face ceux qui soutiennent Faurisson et ceux qui s'y opposent. Le front du soutien n'est pas uni et va de ceux qui partagent les idées de Faurisson à ceux qui défendent uniquement son droit à les exprimer, en passant par la position intermédiaire de ceux qui se disent << troublés >> par ses thèses. Ce front n'est pas, non plus, idéologiquement uniforme. Aux côtés des négationnistes d'extrême-droite de toujours qui travaillent à réhabiliter le régime national-socialiste allemand, se trouvent des individus classés à gauche. C'est le cas de Noam Chomsky, sommité universitaire américaine, proche des idées libertaires, qui manifeste un soutien de principe au nom de la liberté d'expression. Après quoi, un de ses textes va servir de préface à un livre de Faurisson 34. Nous ne nous arrêterons pas sur les péripéties qui émailleront cette affaire dans l'affaire 35. Remarquons juste qu'à cette occasion Chomsky s'est avéré fort utile aux négationnistes, surtout médiatiquement, démontrant la capacité de ces derniers à faire feu de tout bois lorsqu'il s'agit de faire parler d'eux-mêmes et de leurs idées.

A la même époque, un soutien autrement plus prononcé aux thèses négationnistes va se manifester dans certains milieux révolutionnaires parisiens, notamment autour de Pierre Guillaume. Ce personnage qui tire prestige de son rôle d'ancien animateur de la librairie La Vieille Taupe (1965 à 1973), alors point de ralliement de tout un courant ultra-gauche 36, va amener cette question au premier plan des préoccupations d'une partie de ce milieu 37.

Au départ, Guillaume couvre son action du paravent révolutionnaire, mais à partir du milieu des années quatre-vingt, le soutien et la promotion active des idées négationnistes, côte à côte avec des néo-nazis, deviendront sa principale occupation éditoriale et militante avec, par exemple, la publication du livre de Roger Garaudy Les Mythes fondateurs de la politique israélienne. Peu de ses anciens amis le suivront jusque là. Néanmoins, l'intérêt pour le négationnisme aura occupé pendant plusieurs années certains groupes et individus du milieu ultra-gauche.

Les gens dont nous allons parler maintenant ne sont pas devenus des néo-nazis, mais ils ont trouvés dans les idées négationnistes un renfort inespéré pour valider leur vision de l'histoire de la seconde guerre mondiale. << C'est la revue La Guerre sociale qui porta le débat dans toute l'ultra-gauche >> 38, par la publication de textes comme De l'exploitation dans les camps de concentration à l'exploitation des camps, daté de juin 1979. Dans La Guerre sociale, on étale complaisamment les thèses de Rassinier minimisant l'ampleur du génocide (il avançait le chiffre d'un million et demi de morts juifs) et on nie la volonté nazie d'extermination des Juifs, parce que cela rend crédible une théorie qui affirme que la guerre de 1939-1945 avait pour objectif de résoudre les contradictions du capitalisme et que le fascisme était l'arme de la bourgeoisie pour soumettre le prolétariat.

Ces théories essaient de faire << entrer >> les événements de 1939-1945 dans un schéma marxiste. Elles ne sont pas nouvelles et hantent une partie de la gauche communiste au moins depuis la publication en 1960 du texte bordiguiste 39 Auschwitz ou le grand alibi. Dans ce texte fondateur, on trouve la base théorique à laquelle les << révisionnistes de gauche >> vont intégrer les thèses négationnistes.

La Guerre sociale reprend à son compte des passages entiers du texte bordiguiste, lorsqu'il s'agit de présenter son explication du génocide des Juifs. On y lit : << la petite bourgeoisie a << inventé >> l'antisémitisme. Non pas tant, comme disent les métaphysiciens, pour expliquer les malheurs qui la frappaient, que pour tenter de s'en préserver en les concentrant sur un de ses groupes. A l'horrible pression économique, à la menace de destruction diffuse qui rendaient incertaine l'existence de chacun de ses membres, la petite bourgeoisie a réagi en sacrifiant une de ses parties, espérant ainsi sauver et assurer l'existence des autres. L'antisémitisme ne provient pas plus d'un plan << machiavélique >> que d'<< idées perverses >> : il résulte directement de la contrainte économique. La haine des Juifs, loin d'être la raison a priori de leur destruction, n'est que l'expression de ce désir de délimiter et de concentrer sur eux la destruction >> 40. Si on suit ce raisonnement, considérer l'anéantissement de la population juive comme le résultat d'<< une volonté consciente, d'une préméditation et même d'une programmation, c'est renverser la réalité >> 41. Pour les auteurs de cet article, l'Etat nazi n'était que le << simple gestionnaire du capital >>. Dans cette perspective, les prétendues << découvertes >> sur les chambres à gaz de Rassinier et de Faurisson apportaient la << preuve >> de la non-spécificité de l'État nazi et permettaient aux << théoriciens >> de La Guerre sociale de déduire que les démocraties ne sont pas très différentes du régime nazi.

Dans cette affaire, l'ultra-gauche n'a pas << travaillé >>, à la façon de Rassinier ou de Faurisson, sur la question du génocide et des chambres à gaz. Elle s'est contentée d'utiliser les travaux de ces derniers. Ce n'est pas la négation du génocide en tant que tel, qui semble avoir intéressé ces prétendus << révolutionnaires de gauche >> en priorité. Mais le fait que cette négation permettait de fabriquer une << réalité >> qui s'accordait avec leur théorie. Ce qui est surprenant, c'est que ceux-ci aient montré un pareil enthousiasme à s'emparer d'une thèse dont ils savaient qu'elle était l'un des chevaux de bataille de l'extrême-droite française : ils savaient que les écrits de Rassinier avaient été publiés par des éditeurs d'extrême-droite. Avec leur << astuce >> coutumière, ils déclarent, dans De l'exploitation... que ceux qui tirent argument de ce fait << sont ceux qui auraient voulu qu'il ne soit jamais publié >>. Ils manifesteront la même complaisance à l'égard de Faurisson et de ses amis nazis.

Le << résultat >> obtenu par La Guerre sociale n'a pas été de ruiner la << version officielle >> de la seconde guerre mondiale, comme ils l'imaginaient, mais de sortir les idées négationnistes du ghetto des nostalgiques du Troisième Reich, pour les offrir à un nouveau public, tout en apportant une caution << gauchiste >>. Si, au départ, le public n'est que de quelques dizaines de personnes, le relais assuré par les médias (Le Monde, Libération, Golias, etc.), attirés par le << scoop >> que constitue cette variante négationniste de gauche, va largement élargir cette audience via un beau succès de scandale qui est, aujourd'hui encore, exploité par les négationnistes, notamment sur leurs sites Internet. Dans toute cette opération, ces derniers, et plus largement l'extrême-droite dans son entier, sont les seuls qui retirent de véritables bénéfices : leurs théories ont été propulsées sur le devant de la scène et ont permis de semer la confusion dans les rangs de l'extrême-gauche.
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar SOLIDARITE » Samedi 13 Fév 2010 2:09

SUITE



Libertaires et ultra-gauche... ou quand Reflex sème la confusion

En 1996, Reflex, maison d'édition antifasciste radicale, publie Libertaires et ultra-gauche contre le négationnisme. Ce livre va relancer la polémique. Selon ce qu'on peut lire dans sa postface, il se propose de << comprendre ce qui a entraîné, à la fin des années soixante-dix, d'autres camarades à sombrer dans le négationnisme et l'antisémitisme plus ou moins avoués [...] pour porter la critique à la racine des conceptions politiques et théoriques de cette dérive >> 42.

A l'examen, l'ouvrage pose plusieurs problèmes au lecteur. Tout d'abord, son titre n'a pas grand chose à voir avec son contenu. En fait, le livre est, pour l'essentiel, une entreprise de justification réalisée par deux personnes mises en cause pour leur participation à La Guerre sociale et à une autre revue intitulée La Banquise. Ces personnes signent deux des trois textes du recueil : Serge Quadruppani est l'auteur de Quelques éclaircissements sur La Banquise et Gilles Dauvé, celui de Bilan et Contre-Bilan. Ces textes se veulent une critique du << schématisme marxeux >>, dont nous avons vu un échantillon avec le texte De l'exploitation dans les camps de concentration à l'exploitation des camps, qui devait conduire des << ultra-gauche >> à embrasser les thèses négationnistes. Mais cette critique ne va pas sans de graves contradictions, omissions et demi-vérités dans les propos tenus et sur le rôle de ces auteurs dans cette dérive.

Quand Serge Quadruppani parle de sa rupture avec La Guerre sociale dès 1980, il ne dit pas qu'en 1979, lors de la publication dans le no 3 de l'article De l'exploitation... il en faisait encore partie et ne semblait pas marquer de désaccord concernant l'intérêt puissant et nullement critique de la revue pour les thèses de Faurisson 43. Il précise qu'alors, il n'avait pas lu Rassinier. Faut-il croire qu'il ne savait pas de quoi parlait le texte publié par la revue dont il était un des principaux animateurs ? N'avait-il pas lu les passages de De l'exploitation... faisant état de la << rumeur des chambres à gaz [qui] se développe à l'intérieur des camps de concentration >> ? Ignorait-il qu'à la question : << Pourquoi tant [de juifs] sont morts ? >>, La Guerre sociale répondait : << parce qu'ils ont péri de faim, de mauvais traitements, et aussi parce qu'on les a exécutés. Mais les preuves d'un massacre délibéré sont plus que sujettes à caution >>.

Concernant La Banquise, Quadruppani se félicite que ses rédacteurs aient été << parmi les premiers, dans le micro-milieu << ultra-gauche >> à [s'] être opposés à la dérive négationniste >>. Est-ce à dire que toute l'ultra-gauche était << contaminée >> ? Certainement pas : Jacques Baynac, un des créateurs de la première Vieille Taupe, qu'il quitta dès 1969 pour désaccord avec Guillaume, dénonce << << la camelote nazie >> d'une certaine ultra-gauche dans Libération du 25 octobre 1980 >> 44.


Sur la Banquise

Le premier numéro de La Banquise date de 1983. Il est vrai que le propos de cette revue s'éloigne lentement de celui de La Guerre sociale. Ainsi, on n'y présente plus les idées de Rassinier, reprises par Faurisson, comme de grandes découvertes révolutionnaires. On reconnaît qu'<< il y a eu massacre d'un grand nombre de Juifs parce que Juifs >> et, << après avoir [enfin ? ndlr] examiné de plus près le travail scientifique de Faurisson >>, on n'est << plus si sûrs >> de l'exactitude de l'affirmation de Faurisson : << Hitler n'a[it] jamais ordonné l'exécution d'un seul Juif par le seul fait qu'il fût Juif >> 45. Mais la rupture n'est pas nette et la fausse question des chambres à gaz continue d'être servie par les rédacteurs de la revue : << que les chambres à gaz aient eu ou non une existence concrète nous importe peu. Elles existent aujourd'hui, comme elles ont existé au minimum pour les déportés, c'est-à-dire comme image issue d'une horrible réalité >>. Sur ce point précis, La Banquise tente de régler le problème en l'évitant : selon ses rédacteurs, le mode d'élimination ne compte pas, car il ne change rien à une horreur telle qu'elle a pu << au minimum >> créer une image qui s'est imposée << avec tant de force à tant de gens >>.

Quadruppani parle maintenant, à ce propos, d'un << manque de compréhension historique >> qui les a conduit à passer à côté du fait << que l'aspect froidement technique et administratif des chambres à gaz introduisait une nouveauté radicale >>. Parler d'aveuglement et de mensonge serait plus exact. Il met cette << erreur >> sur le compte du << mauvais usage de deux bons principes : la méfiance à l'égard des experts officiels et la confiance accordée aux amis (en l'occurrence, P. Guillaume) >>. Outre le fait que l'on peut se demander à quoi peuvent servir de << bons principes >> dont on peut faire un usage aussi désastreux, cela excuse-t-il d'avoir ignoré des faits historiques connus et d'avoir attaché de l'importance aux conclusions de << l'expert non-officiel >>, qu'était Faurisson ? En fait, Quadruppani estime qu'il aurait suffit dans La Banquise << d'un paragraphe pour dire que Faurisson était un hurluberlu dangereux qui développait une argumentation antisémite [et] l'affaire aurait été réglée >>. Mais visiblement, il était loin de penser cela, à l'époque. En effet, Faurisson le passionnait encore tant, qu'il ira jusqu'à publier des pages entières des lettres inédites de celui-ci dans son livre Catalogue du prêt à penser depuis 68 46 en annexe à un texte consacré aux idées du personnage.

Quadruppani explique cette << rupture molle >> par le fait qu'à La Banquise << on prenait [...] son temps pour traiter de toutes sortes de questions, en utilisant le savoir de spécialistes >>. Pourtant, tout dans leur attitude de l'époque montre qu'ils ont méprisé le savoir des historiens. D'ailleurs, Quadruppani se contredit dans la suite du texte, lorsqu'il reconnaît qu'un << effort documentaire minime [leur] aurait montré ce qu['ils ont] depuis pris le temps de vérifier, à savoir que sur ce sujet-là comme sur le reste, Faurisson est un faussaire >>. Quant à ce qui est de << prendre son temps >>, Quadruppani et son équipe l'ont visiblement largement pris puisque les cinq années écoulées entre le début de l'affaire Faurisson en 1978 et le numéro 2 de La Banquise de 1983 ne leur ont pas suffit pour trouver une vérité connue de tous !

Du génocide... à la sécurité sociale

Quand Dauvé revient en 1996, dans Bilan, contre-bilan, sur le texte bordiguiste Auschwitz ou le grand alibi dont nous avons vu le rôle dans la constitution de la théorie que va développer La Guerre sociale sur la seconde guerre mondiale il ne défend plus ce texte qu'il estime << borné >>, mais il refuse d'y voir << l'origine des dérives négationnistes ultra-gauches >>, car, écrit-il, ce texte << ne nie nullement l'antisémitisme systématique des nazis >>. C'est une façon de jouer sur les mots. En effet, ce texte explique l'extermination des Juifs par la volonté de la petite bourgeoisie allemande menacée de disparition à cause de la crise économique et de la concentration du capital de se sauver en supprimant la petite bourgeoisie juive. Alors, << La haine des juifs, loin d'être la raison a priori de leur destruction, n'est que l'expression [du] désir de délimiter et de concentrer sur eux la destruction >>. Dans ce schéma, les nazis ne sont plus que les exécutants d'une nécessité historique résultant << directement de la contrainte économique >> et les Juifs ne sont pas exterminés parce que Juifs. On voit que si cette conception n'est pas négationniste, elle prépare bien le terrain au discours faurissonien sur les chambres à gaz, en niant l'importance de l'antisémitisme dans l'idéologie nationale-socialiste et la volonté nazie d'extermination des Juifs.

Il est, par ailleurs, assez cocasse de voir Dauvé railler << les bordiguistes [qui] ont brodé pendant des dizaines d'années >> sur ce thème, alors que lui-même a publié Auschwitz... au début des années septante dans son bulletin Le Mouvement communiste et que l'influence de ce texte est encore massivement présente dans la prétendue réflexion qu'il mènera, avec Quadruppani, dans La Banquise. En atteste la formule de l'article L'Horreur est humaine : << Mis en fiches et cartes par la Sécurité sociale et tous les organismes étatiques et para-étatiques, l'homme moderne juge particulièrement barbare le numéro tatoué sur le bras des déportés. Il est pourtant plus facile de s'arracher un lambeau de peau que de détruire un ordinateur >> 47 qui rappelle directement le passage suivant extrait d'Auschwitz ou le grand alibi : << Si on montre les abat-jour en peau d'homme, c'est pour faire oublier que le capitalisme a transformé l'homme vivant en abat-jour. Les montagnes de cheveux, les dents en or, le corps de l'homme mort devenu marchandise doivent faire oublier que le capitalisme a fait de l'homme vivant une marchandise >>.

Concernant L'Horreur est humaine, Quadruppani reconnaît que cet article << peut choquer >> par son << arrogance et [son] goût polémique >>. C'est un peu court pour le passage que nous venons de citer. La comparaison est hallucinante : comment peut-on comparer l'horreur infligée aux Juifs à l'attribution d'un numéro de sécurité sociale ? Le tatouage d'un numéro sur le bras des Juifs faisait partie d'un processus devant conduire à leur élimination physique, ce qui n'est pas le cas pour l'assuré social ! Tenter d'excuser ces propos au nom d'un mauvais goût << si présent en milieu radical >> n'est pas acceptable ; pas plus que de les justifier, comme le fait Quadruppani, en prétendant qu'il s'agissait, à l'époque, de nier << qu'il puisse y avoir une horreur absolue, plus horrible que toutes les autres >> 48. Ce n'est pas du tout le sens de ce passage qui empêche toute définition de ce qu'est une horreur en classant sous ce terme des choses totalement différentes. A la fin, on en arrive à la conclusion délirante que tout se vaut, la condition des Juifs victimes du génocide et celle de l'assuré social, au prétexte que tout le mal est dans le capitalisme.

La vérité n'est pas au rendez-vous

On le voit, sur des points essentiels, la vérité est loin d'être au rendez-vous. A la place de réelles explications, sont présentées des excuses censées diminuer les responsabilités, comme ce désir de choquer, d'être infréquentable, dont nous venons de parler et qui revient sous la plume de tous les auteurs du livre Libertaires et ultra-gauche contre le négationnisme. C'est là-dessus que Gilles Perrault base sa préface de l'ouvrage en relevant que << l'ultra-gauche ne brille pas toujours par le bon goût >> et possède << l'amour du paradoxe propre aux minorités infimes >>. De plus, Perrault minimise l'importance de << la formule choc, sinon chic >> au prétexte qu'elle << n'épatera que les cinq cents lecteurs d'une publication aussi éphémère que confidentielle >>. Quadruppani insiste, lui aussi, sur << la diffusion extrêmement confidentielle >> de sa revue La Banquise.

En gros, on nous laisse entendre qu'au fond tout ce qui pouvait bien s'écrire dans ces revues n'est pas vraiment à prendre au pied de la lettre, ni trop au sérieux, venant d'un milieu où la << place [tenue par] l'amitié, le goût des farces de potache et les beuveries [est] énorme >> 49. Lavacquerie le troisième auteur de Libertaires et ultra-gauche... souligne un laisser-aller de rigueur dans des groupes dont << l'activité révisionniste [...] se résumait à 2 % de théorie et 98 % de conversations de bistrots et de querelles sémantiques >>. Comme si cela ne suffisait pas, ce dernier n'hésite pas à parler d'<< une grande niaiserie >> chez ces << radicaux, tributaires de leurs schémas mécanistes et hyper rationalistes [qui] écrivirent tant de bêtises dogmatiques sur la question des camps >>. Voilà brossé un portrait peu reluisant de l'ultra-gauche par certains de ses membres-mêmes. Ce qui ne les empêche nullement, après s'être employés à se disqualifier de pareille manière, d'affirmer, comme Quadruppani le fait crânement, avoir << sur l'essentiel [...] vu juste >> !

De même, l'<< avocat de la défense >> Lavacquerie invite à la lecture de << l'article passionnant de La Banquise no 2 qui explique très bien la genèse de l'embrouille >>, alors que nous avons vu quel pénible exercice de désembourbement était cet article. Il faut dire qu'à son tour, Lavacquerie n'hésite pas à présenter, dans le corps même de son plaidoyer, des théories catégoriques frappées au coin de l'approximation. En effet, il renvoie dos à dos << les révisionnistes et les tenants de la Shoah Business >> qui ont << réussi à faire de cette question une question maudite et sont les piliers d'une idéologie biface où il faut croire au mensonge juif ou à l'antisémitisme naturel des goyim >>. Peut-on accepter de voir présentés comme les deux faces d'une même idéologie la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) et les négationnistes ? Certainement pas, parce que l'action des premiers, quoi qu'on puisse en penser, se base sur le génocide réel des Juifs, alors que celle des seconds s'appuie sur un mensonge absolu. De toute façon, on voit mal ce que vient faire ce procès à la LICRA accusée d'une << attitude totalitaire >> qui permettrait aux négationnistes << de prétendre qu'on les persécute >> dans un texte censé éclaircir les raisons de la dérive négationniste d'une partie de l'ultra-gauche. Comme on peut rester pensif devant le besoin de parler à propos de l'action de la LICRA << de véritable détournement de cadavres >>.

Ce livre a entraîné une vive polémique et cela n'est guère étonnant après la brève analyse que nous venons d'en faire. En effet, cet ouvrage n'est ni rigoureux, ni précis, ni très honnête. Sous un titre qui entraîne dans la sombre affaire du négationnisme ni plus ni moins que deux courants politiques, on ne découvre que les explications tordues d'individus qui essayent de solder un passé bien encombrant, sans vraiment tout liquider. A ce petit jeu, Gilles Dauvé est carrément sidérant et présente un étrange cas de dédoublement de la personnalité. Tout au long de son Bilan, contre-bilan, il stigmatise l'attitude de << ces curieux révolutionnaires >> qui << se voulaient détenteurs d'une vérité enfin utile >> et soutenaient un Faurisson << dont il n'est nul besoin d'être chasseur de nazi professionnel pour discerner l'antisémitisme flagrant >>, sans jamais dire qu'il a été un de ces << révolutionnaires >> et qu'il a soutenu Faurisson !

Au fond, que ces deux personnages aient été peu ou prou et plus ou moins longtemps révisionnistes n'intéresse certainement pas tous les lecteurs qui, comme nous, ont fait l'acquisition de ce livre à cause de son titre. Si ces deux-là se retrouvent sous les feux de la rampe, c'est qu'ils s'y sont eux-mêmes placés. Ce qui surprend le plus c'est que Reflex, groupe anti-fasciste radical, se soit fait l'éditeur d'un livre leur donnant la parole sur un sujet aussi brûlant, sans autres précautions : vérifications des dires, avertissement au lecteur, éléments pour comprendre une affaire déjà datée 50. De plus, il aurait fallu faire un choix : soit donner l'occasion à Quadruppani et Dauvé d'une véritable autocritique, soit présenter le point de vue des libertaires et de l'ultra-gauche sur le sujet, qui est, rappelons-le tout de même ! pour l'essentiel d'entre-eux, de s'être toujours opposés au délire négationniste.


L'opinion de Louis Janover

Louis Janover a écrit un livre, Nuit et brouillard du négationnisme, pour rappeler que l'ultra-gauche, à laquelle il se rattache, ne s'est jamais compromise avec des idées d'extrême-droite, dans lequel il regrette que << deux suspects n'aient pas hésité pour se défendre à faire croire que tout le milieu avait été contaminé avec eux >>. Pour lui, des << petits malins >> en mauvaise posture n'ont pas hésité, pour s'en sortir, à mettre tout le monde dans le bain. En l'occurrence, Reflex aurait été l'instrument idéal, à cause de son label antifascite, avec la publication d'un livre se situant << au coeur [d'un] dispositif d'autojustification >>.

On peut le suivre lorsqu'il écrit que l'ultra-gauche tentée par le négationnisme, constituée de << rescapés du gauchisme soixante-huitard >> et du << VRP gauchiste de la Vieille Taupe >>, n'est pas la même que la << mouvance ultra-gauche traditionnelle >> qui a toujours été antifasciste. Toutefois, il n'existe pas, à notre connaissance, de réelle frontière entre les deux. En témoigne, le tract Les ennemis de nos ennemis ne sont pas forcément nos amis 51, que Janover signait, en 1992, avec deux des auteurs des textes du livre Libertaires et ultra-gauche... leur servant avec les autres signataires << de caution >>. Ne serait-ce qu'à cause de cela, Janover ne devrait pas considérer, comme il le fait, << dérisoire >> les textes incriminés et parler à leur sujet de << palimpsestes depuis longtemps racornis ou même tombés en poussière >>, et il devrait saisir cette occasion pour s'interroger sur << les faiblesses propres au milieu ultra-gauche >>, évoquées, ironie ! dans le tract Les ennemis... qui utilisait justement ces faiblesses pour couvrir les écrits passés de certains des signataires !

Janover préfère constater << l'effet dévastateur de cette polémique >> sur les milieux libertaires et ultra-gauche. Car, dit-il, ce cafouillage est une merveilleuse occasion donnée aux << démocrates bien-pensants >> de laisser entendre que toute critique de la démocratie parlementaire et de l'antifascisme est suspecte, comme, donc, toute pensée libertaire et ultra-gauche porteuse de cette critique. Sans cela, il n'y aurait eu, selon lui, << aucune raison de s'attarder sur ce mauvais polar >>. L'exploitation qui a été faite de cette affaire, par exemple complaisamment étalée dans Le Monde, est réelle. Mais le << mauvais polar >> dont parle Janover a bien été << écrit >> par un milieu incapable de repérer et de régler lui-même ses problèmes.

Dans ce << procès >> fait à l'ultra-gauche, Janover prête le rôle d'accusateur à l'écrivain de roman policier Didier Daeninckx, qui a consacré plusieurs ouvrages à ce sujet.

L'intervention de Didier Daeninckx

C'est tout d'abord, en tant qu'écrivain de polars que Daeninckx va intervenir en se renseignant sur Dauvé, à la demande du directeur de la collection Le Poulpe, à qui un manuscrit de celui-ci avait été donné par Quadruppani pour publication. Son << enquête >> l'a amené à découvrir les éléments démontrant les activités révisionnistes de Dauvé, et conséquemment de Quadruppani, et à souligner l'ambiguïté de leurs explications récentes et leurs omissions. Toute cette affaire va agiter les milieux antifascistes et le milieu du polar (Quadruppani est aussi auteur de polars). Dés lors, cette histoire prendra une dimension << microcosmique >> avec rumeurs, lettres << privées >> largement rendues publiques, pétitions lancées pour soutenir Quadruppani, menaces de cassage de gueule à l'endroit de Daeninckx, etc.

Certains vont refuser à Daeninckx le droit de s'exprimer sur ce sujet, au prétexte qu'un ex-membre du Parti communiste français, toujours sympathisant, n'aurait de leçon à donner à personne ; il se verra accuser de mener un procès stalinien. On peut certes se poser des questions sur les motivations et la légitimité de Daeninckx à jouer le rôle de << justicier >> qui est le sien dans cette affaire, mais cela n'annule pas la véracité de l'essentiel de ses affirmations qui sont accablantes pour les auteurs de Libertaires et ultra-gauche... Ceci dit, les livres de Daeninckx ne sont pas sans défauts. Ainsi, s'il s'est livré à un travail ultra-détaillé concernant les personnalités de Dauvé et Quadruppani, il ne s'est guère exprimé sur le sens à donner à leur dérive révisionniste. On perçoit pourtant la thèse de Daeninckx qui est que l'ultra-gauche abriterait des fascistes en son sein, des gens qui auraient tout intérêt à semer la confusion. Mais cela n'est jamais clairement dit, ni prouvé : Daeninckx laisse entendre plus qu'il n'affirme. De plus Daeninckx, dans sa démonstration, fait mention de documents qui n'ont pas été publiés, comme par exemple des brouillons de textes, pour porter certaines de ses accusations. Son action est apparue comme une sorte de croisade qui prenait, parfois, une drôle d'allure. Ainsi, dans le livre collectif, Négationnistes : les chiffonniers de l'histoire, qu'il a dirigé, on trouve un texte ébouriffant du directeur de la revue catholique Golias dont l'article La Bête et son nombre tente de démontrer une sorte de sous-bassement satanique au négationnisme au prétexte, entre autres, que certains négationnistes ou supposés tels << écrivent le mot Dieu avec une minuscule << pour rabaisser le caquet de l'Enflure céleste >>.

L'antifascisme dans la tourmente

Dans toute cette affaire, Didier Daeninckx n'est pas un enquêteur neutre, à la fois à cause de sa profession d'écrivain et de son appartenance politique. Louis Janover voit en lui un de ces antifascistes << bien-pensants >> représentant du << nouveau discours consensuel fondé sur le devoir de mémoire antifasciste >> 52 et dans son action une volonté de faire place nette de tout antifascisme s'inscrivant dans une remise en cause générale de la société. Cette hypothèse n'est pas absurde. Depuis l'émergence du Front national, la question de l'antifascisme en France est venue, à point nommé, boucher les trous de l'idéologie d'une gauche singulièrement épuisée. L'épouvantail frontiste a été très utile pour faire avaler de nombreuses couleuvres au << peuple de gauche >> français (répression contre les sans-papiers, politiques sécuritaires, etc.) et aider une gauche en déroute à se définir, même si c'est en << négatif >>. Cette affaire du négationnisme de gauche prend donc place dans le contexte plus large de l'antifascisme français et doit aussi être comprise comme un moyen dans les combats qui s'y mènent. Rien d'étonnant à ce que Daeninckx, très proche du parti communiste et membre éminent de Ras l'front, s'y trouve mêlé. D'ailleurs il a, dans le fil de cette affaire, fait paraître un plaidoyer pour la loi Gayssot 53 qui punit les écrits et les propos racistes. Cet antifascisme qui s'impose par la loi est celui qui est prôné par le parti communiste français, dont fait partie Jean-Claude Gayssot, initiateur de la loi qui porte son nom.

Mais il faut croire que Daeninckx est aussi animé par une réelle volonté de dénicher la vérité derrière des apparences parfois trompeuses. Pour preuve, on doit relever qu'il s'efforce aussi de mettre à jour le rôle joué par des personnes censées appartenir au même camp que lui. C'est le cas de l'écrivain Gilles Perrault auquel Daeninckx s'est intéressé après qu'il ait préfacé Libertaires et ultra-gauche contre le négationnisme. Cela l'a amené à porter de très graves accusations contre Perrault, regroupées dans Le Goût de la vérité : réponse à Gilles Perrault 54. Le contenu de ce livre n'est certes pas fait pour cimenter le bloc des antifascistes << bon teint >>, alors qu'il sépare, pour longtemps, Daeninckx et Perrault qui étaient amis jusque là le premier admirant même grandement le second , naviguaient dans les mêmes eaux politiques 55, et se côtoyaient à Ras l'front.

La frontière séparant deux antifascismes, l'un radical, l'autre << démocratique >>, n'est pas la seule, et elle n'est pas non plus tout à fait rectiligne. En témoigne le rôle joué par Gilles Perrault qui se retrouve préfacier du livre édité par Reflex, alors qu'il personnifie, comme le dit Janover, << la quintessence de l'idéologie flexible de l'intelligentsia de gauche >>. Est-ce justement cette caution-là que sont allés chercher les auteurs de Libertaires et ultra-gauche contre le négationnisme, soudain avides de << respectabilité >> ? Perrault espérait-il oeuvrer pour son camp en participant, comme le dit Janover, à une entreprise de démolition de la pensée antifasciste révolutionnaire ? Ou ce dernier n'a-t-il jamais abandonné, comme le laisse entendre Daeninckx, ses premiers amours idéologiques d'extrême-droite ?

On le voit, beaucoup de questions restent encore sans réponse. S'il n'est pas possible de maîtriser les interventions extérieures, qu'elles soient le fait d'adversaires politiques ou de provocateurs, on est en droit par contre d'attendre des groupes libertaires, antifascistes... un peu plus de rigueur. Celle-ci passe tout d'abord par l'information et c'est le sens de ce dossier mais aussi par une attitude personnelle et collective plus critique vis-à-vis d'un certain nombre de personnalités << vedettes >> dont la notoriété ne doit pas remplacer la cohérence et surtout l'honnêteté qu'on est en droit d'attendre de chacune et chacun.


Notes :

1 <<Paul Rassinier>>, Lectures Françaises 124-125, août-sept. 1967, cité in Florent Brayard, Comment l'idée vint à M. Rassinier. Naissance du révisionnisme, Paris, Fayard, 1997.
2 Sur la personnalité de P. Rassinier on peut lire aussi le témoignage de Guy Bourgeois, <<Rassinier et le mouvement libertaire>> in Georges Fontenis, L'autre communisme, Mauléon, Acratie, 1990.
3 Nadine Fresco, Fabrication d'un antisémite, Paris, Seuil, 1999.
4 Le syndrome de Stockholm est le processus par lequel certaines victimes adoptent le point de vue de leurs agresseurs.
5 Les Kapos étaient des déportés chargés, par l'administration des camps, d'encadrer les autres prisonniers.
6 Selon des témoins retrouvés par Nadine Fresco, Rassinier aurait fait le clown à l'infirmerie du camp pour s'attirer la sympathie des infirmiers; il aurait aussi dérobé des conserves à d'autres détenus. Sans porter de jugement moral sur ces éléments, elle considère que son <<révisionnisme>> fut au départ une <<autorévision>>, une façon d'enjoliver son propre parcours dans l'univers concentrationnaire.
7 Le mensonge d'Ulysse, cité in Florent Brayard, op. cit., p. 98.
8 Sur Céline, lire notamment Michel Bounan, L'Art de Céline et son temps, Paris, Allia, 1997 ; Hans-Erich Kaminski, Céline en chemise brune (1938), Paris, les mille et une nuits, 1997 ; Jean-Pierre Martin, Contre Céline, Paris, José Corti, 1997.
9 Introduction de Paraz au Mensonge d'Ulysse, cité in Florent Brayard, op. cit., p. 119.
10 Rassinier avait séjourné dans des camps de concentration qui étaient des camps de travail où l'on mourrait surtout d'épuisement et de malnutrition et non des camps d'extermination comme Auschwitz ou Treblinka.
11 Journal officiel, compte rendu des débats, séance du 2 novembre 1950. Cité in Florent Brayard, op. cit., p. 159.
12 Pour en savoir plus sur le génocide des Juifs (et des Tsiganes, des homosexuels, etc.) par les nazis, on peut se référer, entre autres, à l'ouvrage de Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de la mémoire, Paris, La Découverte, 1987, qui répond point par point aux << arguments >> des négationnistes.
13 Nuremberg II ou les faux-monnayeurs, 1950.
14 Le Protocole des sages de Sion est un pamphlet antisémite, confectionné au début du siècle par les services secrets du Tsar et << révélant >> un soi-disant complot juif. Pour en savoir plus, on peut consulter Roberto Finzi, L'antisémitisme du préjugé au génocide, Casterman-Giunti, Florence, 1997, chap. 4.
15 Florent Brayard, op. cit., p. 244
16 Convaincu par Coston de la réalité d'un complot juif mondial contre la paix, Rassinier poursuivra son << oeuvre >> dans une quête éperdue des preuves de ce complot. Ses derniers écrits présentent la Shoah comme une imposture inventée par les juifs après la guerre.
17 Florent Brayard, op. cit., p. 434.
18 Dans Le Libertaire no 247, 15 déc. 1950.
19 Défense de l'homme no 53, fév.-mars 1953, pp. 8-9.
20 Roland Biard qui évoque ce débat dans son Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Paris, Galilée, 1976, ne donne pas d'indications sur la personnalité de Rassinier.
21 Bulletin intérieur de la FA, décembre 1960.
22 C'est ce qu'écrit notamment Georges Fontenis, L'étrange parcours de Paul Rassinier, in Négationnistes : les chiffonniers de l'histoire, Golias Syllepse, 1997, p. 132.
23 Cette citation et celles qui suivent sont tirées du Bulletin intérieur de la FA, octobre 1961. Qui reprend lui-même des articles parus dans Informations, organe du groupe anarchiste de Hambourg.
24 Ce que Rassinier disait-là était une sorte de demi-vérité. En effet les six camps d'extermination nazis (Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Auschwitz et Maïdanek) se trouvaient tous situés sur le territoire de la Pologne de 1939. Cependant des gazages ponctuels ont aussi été pratiqués dans des camps de concentration << classiques >>, notamment à Mauthausen en Autriche. Cf. François Bédarida, Le nazisme et le génocide, Paris, Nathan, 1989, p. 39.
25 Le Monde libertaire, no 106, novembre 1964, cité par Nadine Fresco, op. cit., p. 562.
26 Maurice Joyeux, << Parlons un peu de Paul Rassinier >> Le Monde libertaire no 664 du 21 mai 1987, p. 7. A la décharge de la FA, il faut signaler que trois semaines plus tard (dans Le Monde libertaire, no 667, 11 juin 1987), un article signé Jacques Grégoire, faisait le point sur la personnalité de Rassinier en expliquant que ses écrits n'avaient d'autre objet que de nier la réalité du génocide et de réhabiliter le nazisme. Mais comme le veut une tradition de la FA, l'article de Grégoire n'attaquait pas de front le texte de Maurice Joyeux. Et l'introduction du comité de rédaction prétendait uniquement << apporter quelques précisions sur la dérive >> de Rassinier. Il est des cas où l'intention, à première vue charitable, d'épargner un vieux camarade peut sérieusement entamer la crédibilité d'une organisation.
27 Selon Nadine Fresco, op. cit., pp. 12-14, un autre historien du socialisme fort connu, Maurice Dommanget, spécialiste de Babeuf et de Blanqui, faisait lui-aussi régulièrement l'éloge des livres de Rassinier, notamment dans la revue L'Ecole émancipée. S'il est bien difficile d'expliquer l'aveuglement de certains libertaire vis-à-vis de Rassinier, le mystère s'épaissit encore pour des historiens consacrés.
28 Selon Florent Brayard, op. cit., p. 374.
29 Georges Fontenis, L'autre communisme, op. cit. p. 385.
30 Selon la rubrique qui lui est consacrée dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, J. Maitron dir., Paris, éditions ouvrières, 1982.
31 Voir Tierry Maricourt, Les nouvelles passerelles de l'extrême-droite, Levallois, Manya, 1993, pp. 117-121. Du même, Les curieux appuis libertaires du nihilisme brun, in Négationnistes : les chiffonniers de l'histoire, op. cit., pp. 141 et s.
32 Nous craignons qu'il faille compter parmi ceux-ci Felix Alvarez Ferreras, directeur de Cenit, publication réalisée en France par d'anciens exilés de la CNT d'Espagne, qui fait de temps à autre de la publicité pour L'Homme libre. Voir Cenit no 723 du 7 avril 98 et no 763 du 9 février 99.
L'Homme libre no 155, avril-juin 98, ayant publié une note nécrologique pour la compagne d'Alvarez Ferreras, on peut imaginer que ses rédacteurs aient exploité son désarroi... Mais cela montre aussi que les fascistes sont très habiles pour pénétrer et utiliser les institutions déclinantes.
33 Le Monde, 21 février 1979.
34 Mémoire en défense contre ceux qui m'accusent de falsifier l'histoire. La question juive des chambres à gaz, Paris, La Vieille Taupe, 1980.
35 Sur ce sujet, voir l'appendice De Faurisson et de Chomsky qu'y consacre Pierre Vidal-Naquet dans son livre Un Eichmann de Papier in Les Juifs, la mémoire et le présent, Esprit, 1981 et les Réponses inédites à mes détracteurs parisiens de Noam Chomsky, Paris, Spartakus, 1984.
36 Au départ, se trouvent rassemblés sous ce nom des organisations se réclamant de la Gauche italienne bordiguiste et du Conseillisme, mouvement marxiste anti-autoritaire, issu du socialisme allemand des années vingt représenté par Rosa Luxembourg, P. Mattick, Pannekoek, etc., qui préconisent le pouvoir des conseils ouvriers. Aujourd'hui, on a tendance à classer sous cette appellation toute une galaxie de groupes radicaux puisant dans cette tradition, mais aussi influencés par certains penseurs libertaires (Stirner) ou des mouvements comme l'Internationale situationniste. En gros, il s'agit de tout ce qui est à gauche de l'extrême-gauche et qui n'est pas anarchiste. On ne peut pas réellement parler de courant politique, car les divers groupes dits << ultra-gauche >> ne s'apprécient pas forcément entre eux, ni ne se reconnaissent comme faisant partie d'un même ensemble. D'après le Dictionnaire de l'extrême-gauche de 1945 à nos jours de Roland Biard, Belfond, 1978.
37 Cet intérêt pour Rassinier n'est pas nouveau chez Guillaume qui, déjà à la fin des années soixante, dit à qui veut l'entendre tout le bien qu'il pense de cet auteur.
38 François-Georges Lavacquerie, L'ultra-gauche dans la tourmente révisionniste in Libertaires et ultra-gauche contre le négationnisme, Paris, Reflex, 1996.
39 Tendance bordiguiste ou Gauche italienne : << tendance marxiste se référant aux thèses d'Amadeo Bordiga >>. Ce dernier fut le chef de file d'une fraction minoritaire au sein du Parti socialiste italien, puis du Parti communiste italien. Pour lui, le << Programme communiste >> dont est dépositaire le Parti, a été élaboré une fois pour toutes par Marx dans le Manifeste. Sa dénonciation de la mainmise de l'Internationale Communiste sur les partis communistes européen et son soutien à Trotski en 1930, lui vaudront d'être exclu de l'Internationale et du Parti. Malgré le retrait politique de Bordiga jusqu'en 1945, un courant bordiguiste important va se développer dans de nombreux pays entre les deux guerres. << Figée sur des positions immuables, [...] la gauche italienne attend des masses la reformation du Parti Communiste authentique >>. D'après le Dictionnaire de l'extrême-gauche de 1945 à nos jours de Roland Biard, Belfond, 1978. Les citations sont extraites de ce livre.
40 De l'exploitation dans les camp de concentration à l'exploitation des camps, op. cit.
41 De l'exploitation dans les camp de concentration à l'exploitation des camps, op. cit.
42 Table rase de la confusion, in Libertaires et ultra-gauche..., op. cit.
43 Comme l'atteste un texte interne à La Guerre sociale, publié dans La Banquise, no 2, 1983.
44 Cité par Didier Daeninckx, Le Jeune Poulpe contre la vieille taupe, Paris, Bérénice, 1997.
45 Cité dans Le Roman de nos origines, in La Banquise, no 2, 1983.
46 Paris, Balland, 1983.
47 La Banquise, no 1, 1983.
48 Libertaires et ultra-gauche contre le négationnisme, op. cit.
49 François-Georges Lavacquerie, L'Ultra-gauche dans la tourmente révisionniste, in Libertaires et ultra-gauche..., op. cit.
50 En effet, l'énorme partie des lecteurs pensons aux jeunes ou aux provinciaux se retrouvent devant un livre qui parle de revues qu'ils ne pouvaient avoir lu et qu'ils ne pouvaient quasiment pas se procurer.
51 Tract qui marquait un refus net du négationnisme jugé comme << une extravagante variante d'antisémitisme >>.
52 Louis Janover, Nuit et brouillard du négationnisme, Paris, Paris-Méditerranée, 1996.
53 Didier Daeninckx, Valère Staraselski, Au nom de la loi, Paris, Bérénice, 1998.
54 Dans cet ouvrage, publié par Verdier en 1997, Daeninckx s'attache à éclairer les zones d'ombres de la biographie de Gilles Perrault : sa sympathie pour les idées d'extrême-droite qui le pousseront à s'engager dans les parachutistes pendant la Guerre d'Algérie et dont on trouve traces dans ses premiers livres, ses liens avec les services secrets français qui << alimentent >> son oeuvre littéraire, etc. Nous ne traiterons pas ici du contenu de ce livre qui ne fait pas directement partie de notre problèmatique.
55 Ils sont tous les deux membres de la Société des Amis de l'Humanité, quotidien du Parti communiste français.
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar SOLIDARITE » Samedi 13 Fév 2010 2:14

L'anarchisme est-il soluble dans l'extrême-droite ?
par Ariane

L'Affranchi no 10 (printemps 1995)

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L'Affranchi poursuit son travail d'investigation sur l'extrême-droite avec un dossier constitué par cet article, un texte de Claude Cantini sur la situation de l'extrême-droite en Suisse et une information sur la secte Nouvelle Acropole. Ce premier article s'intéresse au phénomène dit des "passerelles"1, c'est-à-dire des groupes qui prétendent réunir dans le même camp les idéologies d'extrême-droite et d'extrême-gauche, le nationalisme et l'anarchisme.

Chacun connaît les thèmes habituels de l'extrême-droite : défense de la patrie, des hiérarchies, de l'autorité, lutte contre l'immigration... A côté des défenseurs de l'ordre moral, il existe une autre tradition plus "subversive", celle des véritables fascistes qui sont en train de "renouveler" leur credo en donnant, dans certains cas, une coloration véritablement révolutionnaire et anticapitaliste à leurs discours.

Pour ces gens, il paraît que les extrêmes se rejoignent ! Qu'il faut abandonner le clivage droite-gauche pour lui préférer la notion d'un «centre» et d'une «périphérie» : le premier étant constitué par «l'idéologie dominante, la seconde regroupant tous ceux qui n'acceptent pas cette idéologie». Cette idée est exprimée par Alain de Benoist, le principal penseur de la Nouvelle Droite française2. Cet intellectuel inspire un courant qui participe à la revitalisation de l'extrême-droite : le national-bolchévisme dont l'organisation française Nouvelle Résistance dispose d'une boîte aux lettres dans le canton de Genève.

Issue d'une scission de l'organisation Troisième Voie en 1991, Nouvelle Résistance se déclare favorable à un large front anti-système réunissant les anticapitalistes, les anti-impérialistes, les écologistes, les anarchistes... Ces révolutionnaires en chemises brunes semblent bien décidés à marcher sur les plates-bandes de pas mal de gens. Exploiter la confusion, pénétrer des groupes ou mouvements appartenant à d'autres idéologies, se servir de l'image des autres... voici leurs méthodes. En 1992, ils ont infiltré l'organisation de jeunesse des Verts d'Antoine Waechter. Ils créent des comités de lutte contre Mc Donald's, se vantent de participer aux mobilisations contre le tunnel du Somport, prennent la défense des minorités nationales (Bretons, Basques, Corses ou Croates...), publient des articles de solidarité avec Marc Rudin, ce militant suisse de la lutte palestinienne emprisonné au Danemark... Dans leur périodique Lutte du peuple, ils se présentent mêmes comme libertaires : «il ne fait pas de doute que nous revendiquons l'héritage de la tradition libertaire, en particulier celui du socialisme français d'inspiration proudhonienne ou blanquiste»3, et prennent comme référence un Comité central socialiste révolutionnaire, scission du parti blanquiste datant 1889(!), dont les fondateurs furent les compagnons de lutte du boulangisme et de l'écrivain nationaliste français Maurice Barrès. Le "socialisme national" ou national-socialisme a comme on le voit une longue histoire...

Il est assez intéressant de découvrir comment s'articule, chez les néo-fascistes, la liaison entre l'écologie et la défense des différentes cultures. Voici l'argumentation de madame Alika Lindbergh du Cercle national pour la défense de la vie, de la nature et de l'animal, une organisation proche du Front National en France : «Ce sont les enseignements de l'éthologie qui nous font condamner le métissage, destructeur de toute les grande races. Il produit une véritable bouillie, où, sans racines, sans traditions, plus personne ne se sent plus attaché à rien. C'est pour cela que les métis brésiliens -- le mélange de races le plus abominable que je connaisse -- sont incapables de défendre la forêt amazonienne.»4. Voici comment on établit un pont entre la défense de la bio-diversité dans la nature et celle de la pureté raciale. A Nouvelle Résistance on est plus fin, ce sont les cultures plutôt que les races qui ne doivent pas se mélanger; ils se battent contre le "cosmopolitisme". S'ils combattent l'impérialisme américain, par exemple, c'est parce qu'il est le produit d'un mélange de cultures. Pour eux, la guerre dans l'ex-Yougoslavie apparaît comme un événement favorable, permettant de renforcer les identités (et la pureté) de chacune des communautés, qu'elle soit serbe, bosniaque ou croate. Leur idéal de société est le modèle d'un grand empire -- antérieur au christianisme jugé trop égalitariste -- qui s'appuierait sur des petites communautés fermées sur elles-mêmes.

Dans un autre registre, nous avons évoqué dans l'Affranchi n°9, l'existence de pseudo-anarchistes authentiquement nazis d'une Alliance Ouvrière Anarchiste (AOA) elle-même liée à un mystérieux Mouvement anarchiste mondial. Cette engeance propage, entre autres, les thèses dites "révisionnistes" niant la réalité de l'holocauste nazi. Nous avions signalé une feuille particulièrement puante L'anarchie publiée au Mans. Son rédacteur, un certain Raymond Beaulaton, vient de décéder, ce n'est pas une grande perte... mais il semble avoir fait des petits, en particulier à Caen où se publie une Kontestation anarchiste 5 [publiée déjà par Hans KANY, qui essaye de refaire surface ces derniers temps, après avoir été membre de différents groupuscules d'extreme droite dans la lignée de Nouvelle Resistance / les Identitaires, en essayant de se refaire une virginté sur les réseau sociaux type Facebook. IL na rien renié de ses convictions nationalistes et doit être considéré comme une ennemi cherchant à semer la confusion] . S'agit-il de cette «structure révolutionnaire libertaire liée à l'Organisation Ouvrière Anarchiste [qui] s'est déclarée publiquement favorable au Front Uni Anti-système tandis que quelques-uns de ses membres rejoignaient Nouvelle Résistance ?»6 Sans doute, puisque sur une feuille de l'AOA, Lutte du peuple est présentée comme appartenant à la "presse amie".

Ces liens entre nationaux-bolchéviques et "anarcho-fascistes" ont de quoi surprendre. Les premiers évitent toute référence à l'individu car la "communauté" constitue pour eux le principe de base de la nation. Au contraire, les membres de l'AOA se présentent comme des individualistes forcenés. Opposés à toute organisation, ils préconisent la révolution individuelle : «celle des esprits». Considérant que «la masse est réactionnaire», ils se déclarent «désintéressés des agitations grégaires» n'ayant «ni l'intention, ni la possibilité, d'intervenir dans la marche du troupeau humain vers le suicide»7. Le rapprochement entre ces deux groupes peut-il être expliqué autrement que par une adhésion aux mêmes valeurs, au même principes nazis ?

Un périodique répugnant : l'Homme libre

René Bianco de Marseille a eu la gentillesse de nous envoyer la fiche consacrée à l'Homme libre dans sa thèse sur la presse anarchiste d'expression française8. Voici un extrait de son étude : «Bien que cette revue continue de revendiquer l'étiquette anarchiste, (...) il ne fait aucun doute qu'une majorité d'articles, depuis les années 1967-1968, reprennent les thèmes traditionnels de l'extrême-droite antisémite». Créé en 1960, l'Homme libre est le plus ancien et le plus conséquent (en nombre de pages) des feuilles "anarcho-fascistes". Son rédacteur, un certain Marcel Renoulet, né en 1920, aurait roulé sa bosse dans le mouvement libertaire (normal) de St.-Étienne pendant une partie de sa vie9.

En tout état de cause, dans l'Homme libre, la volonté confusionniste est claire. Un article sur le film Un autre futur (documentaire sur les anarchistes dans la révolution espagnole) voisine avec un compte rendu d'une pièce de théâtre à la gloire du maréchal Pétain ! On y trouve pèle mêle des articles pour l'écologie et la défense des animaux (avec Brigitte Bardot), contre les immigrés, pour les médecines douces, contre les droits de l'homme, pour la liberté d'expression des "révisionnistes"...

L'idée qui prédomine est parfaitement réactionnaire, c'est celle d'un nécessaire retour au passé, à l'ordre primitif du cosmos, aux valeurs éternelles... ou à l'époque des gaulois, des celtes... car la civilisation moderne est décadente. Voici une citation choisie : «Enfermé dans le matérialiste, le sentimentalisme, le scientisme, l'Homme a perdu le contact avec l'Univers auquel il était originellement lié et était partie prenante (...). La spiritualité a quasiment disparu de la sphère occidentale et ne survivent que de pâles ersatz (par exemple, l'Église Catholique n'est rien par rapport à ce qu'elle a pu représenter au moyen-âge). Les grands penseurs d'autrefois ont disparu...»10

Au risque d'attrister le copain qui a écrit Une tentative de récupérer Stirner dans l'Affranchi n°9, il faut signaler qu'un plumitif de l'Homme libre s'amuse également a "interpréter" son auteur favori. Encore une citation : «Louis XIV, stirnérien ? Ce serait anachronique. Mais Stirner louis-quatorzien, reprenant à son compte le royal "L'État, c'est moi", pour congédier pape, princes et gouvernements afin de garder, seul, les clés du royaume de sa propre existence et celle du château de ses pensées, voilà l'image qui me séduit.»11 Malhonnêteté intellectuelle ? Et alors ! Il se trouvera peut-être quelqu'un pour mordre à l'hameçon et accepter un débat. Dans ce cas, le provocateur devient interlocuteur... Le texte dont la citation qui précède est tirée aurait dû être discuté -- selon son auteur -- à l'Atelier de création libertaire (ACL) de Lyon, si les copains de l'ACL n'y avaient pas mis le holà. Cet incident montre que des fascistes, travestis en anarchistes, cherchent le contact et la reconnaissance de certaines structures du mouvement libertaire.
* *
*
Alors les extrêmes se rejoignent-ils ? Tout rejet du système actuel est-il nécessairement totalitaire ? Les démocrates qui défendent ce point de vue doivent être assez surpris de voir qu'il a été adopté par les néo-fascistes. En ce qui nous concerne, nous continuons à penser que nos idées de liberté, d'égalité, d'auto-organisation des gens à la base... sont aux antipodes de la purée mentale des vieux et nouveaux fascistes de tout poil. Cela dit, il faut être vigilants, les membres de l'AOA semblent peu nombreux, mais leur structure pourrait être "revitalisée" par des gens qui veulent augmenter la confusion dans le mouvement libertaire, que ce soit Nouvelle Résistance ou d'autres.

La majorité des penseurs anarchistes auxquels nous nous référons ont vécu au XIXe siècle. Il ne faut pas prendre au pied de la lettre tout ce qu'ils ont écrit, mais essayer d'en restituer l'esprit qui n'est pas archaïque, mais résolument moderne. Confrontés au développement du capitalisme et à la constitution des États modernes, ils se sont efforcés de les combattre par la critique et en imaginant des alternatives. Certains, mais pas tous, ont cru au mythe de la "bonne société", naturelle, spontanée. Aujourd'hui, nous savons qu'il n'y a jamais eu de société bonne par nature, que toute société humaine est une construction sociale et qu'une meilleure société ne peut se construire que par la volonté collective des hommes et des femmes qui la composent. C'est pourquoi dans nos organisations et dans les luttes des exploités auxquelles nous participons, nous essayons de fonctionner de la même manière que nous le ferions dans la société libertaire que nous imaginons. Mais ce principe de base est loin de se suffire à lui-même. Il faut aussi se réapproprier collectivement et prolonger les réflexions qui ont été menées par les penseurs anarchistes du passé. C'est un gros boulot, mais il faut s'y mettre sérieusement si l'on ne veut pas que des mystificateurs exploitent notre image, nos références, pour défendre des idéaux et des valeurs exactement à l'opposé des nôtres.

1 Voir à ce sujet le livre de Tierry Maricourt, Les nouvelles passerelles de l'extrême-droite, Ed. Manya, 1993.
2 Cité in Réflex n°37, été 1992.
3 Lutte du Peuple n°14, avril 93. Il est juste de classer Louis Auguste Blanqui (1805-1881) parmi les socialistes français, mais non parmi les libertaires. Ses projets d'insurrection menée par une minorité armée ainsi que son idée d'établir une dictature et un régime de transition vers le communisme en font plutôt un précurseur de Lénine.
4 Citée in Jos Vander Velpen, Les voilà qui arrivent ! L'extrême droite et l'Europe, Epo-Reflex, 1993, p. 93.
5 Autres torchons rattachés à l'AOA : Libre examen à Perpignan, C'est un rêve à Marseille, Complot d'indifférence au Mans et l'Homme libre à St.-Étienne dont nous parlerons plus loin.
6 Lutte du Peuple n°23, sept.-oct.1994.
7 L'Homme libre n°127, avril-juin 1991.
8 Un siècle de presse anarchiste d'expression française dans le monde, Aix- en -Provence, 1988, 7 vol., 3503p.
9 Selon l'Ere nouvelle, mars-avril 1989.
10 Alain Clerc, l'Homme libre n°130, janv.-mars 1992.
11 Serge Ninn, l'Homme libre n°142, janv. 1995.

L'extrême-droite suisse
Par Claude Cantini
L'Affranchi - no 10 (printemps 1995)

________________________________________

Afin de mieux connaître l'extrême-droite de ce pays, nous avons demandé à Claude Cantini. auteur de plusieurs livres sur le sujet, de répondre à un certain nombre de nos questions.

-- Dans ton livre «Les ultras» tu distingues les organisations réactionnaires, les groupements antidémocratiques et les mouvements clairement fascistes. Peux-tu brièvement expliquer où se situent les différences ? S'agit-il de divergences idéologiques ou est-ce avant tout les moyens d'action qui diffèrent ?

-- Le fascisme ne tombe pas du ciel, il est le résultat de l'évolution d'une mouvance réactionnaire et nationaliste. En ce qui me concerne, j'aime affirmer que tout nationa-lisme est un fascisme en puissance, même si les politologues puristes trouvent cette affirmation par trop péremptoire.

Au niveau du système démocratique, il est clair aussi que le rapport de forces grippe toujours plus son fonctionnement : à cause surtout de l'intervention lourde de groupes de pression (économiques et politiques) qui disposent des moyens nécessaires pour «former» l'opinion publique, selon leurs intérêts. C'est le premier échelon : celui que le professeur Erich Gruner appelle «démocratie réduite». Le deuxième échelon, caractérisé par la «démocratie autoritaire», est représenté par toute une série de mouvements politiques qui ont comme dénominateur commun -- nonobstant les adjectifs trompeurs dont ils s'affublent -- l'antidémocratisme. La gamme idéologique de ces mouvements est suffisamment large pour nous autoriser à parler, pour certains d'entre-eux du moins, de groupements à la limite du fascisme.

Un esprit réactionnaire de base unit toutes les nuances de l'extrême-droite. A partir de quoi, par un effet de synergie, elles jouent les unes par rapport aux autres le rôle de courroies de transmission, provoquant ainsi, tout naturellement, une escalade idéologique, plus ou moins rapide suivant les circonstances sociales, qui mène vers l'extrême-droite musclée : c'est l'échelon terminal. De la pensée à l'action en quelque sorte : d'où la responsabilité écrasante (trop souvent niée, sous le prétexte de légitimes positions théoriques) d'une certaine catégorie d'intellectuels. C'est dans ce sens que Roger Francillon a écrit récemment (à propos de Gonzague de Reynold) : «L'opposition entre dictature totalitaire et droite autoritaire est certes justifiée, mais on peut se demander si, une fois le doigt mis dans l'engrenage de l'autoritarisme, la tentation totalitaire ne suit pas forcément».

-- Tu montres aussi qu'il y a de nombreux liens entre certains groupes «ultras» et les partis gouvernementaux de droite. Pourrais-tu rappeler la nature de ces liens ? Comment les expliquer ?

-- Étant donné que les partis gouvernementaux de droite sont par excellence le relais parlementaire des intérêts signalés plus haut, il me semble tout à fait normal que des liens personnels se développent entre partis bourgeois traditionnels et groupes plus ou moins extrémistes. Du reste, chaque parti de droite a sa frange «ultra» qui permet de faire aisément le joint : les exemples fournis par une Geneviève Aubry (radicale), par un Christoph Blocher (démocrate du centre), par une Suzette Sandoz (libérale) et par un René Berthod (démocrate-chrétien) ne sont pas uniques. En ce qui concerne les mouvements «à la limite», l'exemple de la Ligue vaudoise est aussi significatif : elle a représenté la première école idéologique de plusieurs frontistes des années 30 et 40.

Du reste, toute l'histoire politique le prouve, si une partie de la troupe des mouvements philofascistes et philonazis a été fournie par des sous-prolétaires et autres travailleurs en crise, le gros et surtout les cadres moyens et supérieurs provenaient presque sans exception des partis de droite; vers lesquels, ces nationalistes fiévreux sont souvent retournés après l'échec de leurs tentatives totalitaires. En Suisse romande, le parti libéral a été particulièrement entraîné dans ce va et vient idéologique, comme dans certains cantons, le parti catholique-conservateur, devenu démocrate-chrétien.

-- Dans «Les ultras», tu as fait un panorama général des groupes d'extrême-droite en Suisse jusqu'en 1991. Peux-tu nous décrire brièvement les groupes qui sont les plus actifs actuellement ?

-- Depuis 1945, vingt-cinq ou vingt-six mouvements nazis/fascistes ont vu le jour en Suisse. Jusqu'en 1950, ce sont les nostalgiques d'avant-guerre qui se manifestent. La période 1950-1960 est caractérisée par le foisonnement des officines «anticommunistes» et des mouvements religieux réactionnaires. A partir de 1960, surgissent les groupements nationaux-intellectuels et depuis 1975, ceux à caractère national-populiste (renforcés ces dernières années par les mouvements formés de marginaux comme le naziskins).

De tous ces groupes, une demi-douzaine subsistent aujourd'hui et sont plus ou moins actifs (le plus important, le Front Patriotique de Marcel Strebel, 350 membres, s'est sabordé en 1993).

Le Nouvel Ordre Européen a été fondé à Zurich en 1951. Parmi les membres fondateurs, nous trouvons le lausannois Gaston-Armand Amaudruz qui en est encore le secrétaire général et qui publie, depuis 1952, le bulletin mensuel «Le courrier du Continent» (tirage mille exemplaires). La section suisse de ce mouvement compte une centaine de membres et diffuse, par correspondance, la littérature nazie interdite partout ailleurs, ou presque, en Europe.

L'Eidgenössische demokratische Union (Union démocratique confédérale), une dissidence du Republikanische Bewegung (Mouvement républicain) de James Schwarzenbach, a été fondée à Winterthour en 1975 par Max Wahl. Elle a récupéré d'anciens frontistes ainsi que des membres de l'Action nationale. Les seules sections actives se situent en Suisse alémanique, celle du canton de Vaud, créée en 1987, périclite depuis lors. Son organe de presse (officiellement jusqu'en 1981) est «Eidgenoss» (tirage vingt mille exemplaires). Il est interdit en Allemagne depuis 1985, l'éditeur a été condamné en 1990 pour «agitation et incitation à la haine raciale». «Eidgenoss» a été sabordé par son éditeur-rédacteur en décembre 1994.

Le Neue Nationale Front est né en Argovie en 1985, comme résultat de la politisation des groupes «skinheads» de Suisse alémanique. Il a publié «Der Wehrvolf» (1985-1987) et «Totenkopt» (1991-1993). Ajoutons que dans la région lausannoise -- ou G.-A. Amaudruz donne à son domicile des cours d'idéologie raciste à leur intention -- les naziskins vaudois ont édité, à Echallens, un bulletin interne intitulé «Guillaume Tell».

En 1989, s'est constituée à Schaffhouse une branche autonome du Neue Front (dissous depuis) qui a pris le nom de National-Revolutionäre partei der Schweiz et compte encore une petite vingtaine de membres.

Toujours en 1989, a été lancée en Suisse alémanique une section du Cercle Thulé de Genève (animé par l'avocat Pascal Junod, également promoteur de la librairie néonazie «Excalibur») qui elle a pris le nom d'Avalon. Malgré l'allure «fasciste en cravate», typique de la Nouvelle Droite française, de ces trois à cinq cents membres et sympathisants, cette section a admis en son sein le gros des militants de la Wiking Jugend (Jeunesse Viking) auto-dissoute en 1991. Rappelons que c'est ce même mouvement qui avait organisé la rencontre néofasciste de Vaulion en 1988.

Un autre mouvement néonazi, le Parti Nationaliste Suisse et Européen a été créé en 1991 à La Chaux-de-Fonds et a publié depuis «Vehrvolf», tandis que sa section vaudoise publiait «Helvétie blanche». La trentaine de membres actifs du début semble avoir progressivement fondu, malgré le soutien du Nouvel Ordre Européen et du Cercle Thulé genevois. Le Parti Nationaliste Suisse et Européen s'est sabordé en octobre 1994, suite à l'acceptation de la loi contre le racisme.

L'organisation genevoise Troisième Voie, en veilleuse depuis quelques années, vient de resurgir en 1993 sous le nom de Nouvelle Résistance, section suisse du Front européen de Libération, un mouvement national-révolutionnaire qui fonctionne, depuis la France, comme coordinateur en vue de la constitution d'un véritable parti.

Enfin, au printemps 1994, un obscur Neo-faschistische Front a organisé dans la région de Berne une Deuxième rencontre internationale «skin»

Comme l'a écrit Jürg Frischknecht «Les groupes d'extrême-droite déclarés comptent entre cinquante et cent activistes autour desquels se trouve un cercle de sympathisants qui sont entre cinq cent et mille. Leur force réside dans le fait qu'ils sont en bonne liaison les uns avec les autres et surtout parce que les gens qui regardent ouvertement avec sympathie les actions de ces groupes sont bien plus nombreux. Les actes de violence contre les étrangers ne seraient, par exemple, pas pensables si les coupables ne se sentaient pas comme des poissons dans l'eau».

D'autant plus quand la police et la justice «ne voient pas de l'oeil droit», ce qui se traduit trop souvent -- même en laissant de côté les cas, malgré tout extrêmes, de policiers membres d'organisations xénophobes -- par un refus presque systématique d'accorder aux affaires traitées une motivation politique. Combien de fois l'abus d'alcool n'a-t-il pas été utilisé comme facile et unique explication ?

-- Durant l'année 1994, l'extrême-droite a connu un revers avec l'échec du référendum contre la loi anti-raciste. D'autre part, on a moins parlé d'attentats contre des centres de réfugiés. Peut-on dire pour autant qu'elle est en perte de vitesse ?

-- L'échec de l'extrême-droite, suite à l'approbation de la loi antiraciste en septembre dernier, est tout relatif. Le 55% de oui doit être comparé au maigre 45% de votants, ce qui veut dire en clair que -- confronté à un sujet d'une telle gravité -- plus de la moitié du corps électoral a choisi de ne pas se prononcer. Quant au 45% (du 45%) qui a voté contre la loi, les premières analyses estiment qu'au moins le quart provient, sinon toujours de racistes politiquement engagés (qui représenteraient «seulement» 10% des non), de gens sensibles aux arguments de l'extrême-droite.

Certes, les attaques contre les lieux d'hébergement de requérants d'asile ont diminué, (septante-et-un en 1991, quarante-deux en 1992, neuf en 1993, trois en 1994). Cela signifie-t-il pour autant que les racistes ont baissé les bras ou sont en diminution ? La seule diminution dont on est sûr est celle concernant le nombre de réfugiés; suffisante, à mon avis, à expliquer les chiffres qui précèdent. A cela il faut ajouter un autre élément : le discours de plus en plus populiste -- non seulement des trois formations politiques parlementaires d'extrême-droite : Démocrates suisses (ex-Action nationale), Parti de la Liberté (ex-Parti des automobilistes) et Lega Ticinese -- mais aussi de la part de l'aile extrémiste et probablement majoritaire de l'Union démocratique du centre. En effet, face à la réaction négative de la majorité de l'opinion publique à l'encontre des actes de violence, a eu lieu, de la part de politiciens plus «sages» (pour le moment), la récupération (ou du moins la neutralisation) d'une partie des groupes qui prônent le racisme «actif» de type nazi.

-- Certains groupes «ultras» ne seraient-ils pas une sorte de vivier, une antichambre, dans laquelle certains jeunes militants se feraient la main avant de devenir «raisonnables» et de rejoindre un parti de la droite classique ?

-- Cette question rejoint logiquement la conclusion de ma réponse précédente. Il reste à voir si la «raison» de ceux qui rentrent en quelque sorte au bercail sera durable. Particulièrement en ce qui concerne les «skins» organisés; au delà d'une utilisation ponctuelle possible, l'approche des milieux bourgeois me semble sujet à caution, vu leur empreinte sociologique tout de même fort différente.

-- Nous n'avons pas en Suisse un grand parti d'extrême-droite, comme le Front national en France, le parti de Haider en Autriche ou l'«Alleanza Nazionale» en Italie. Pourquoi ? Penses-tu qu'un tel parti puisse se constituer à l'avenir ?

-- Pas dans l'immédiat en tout cas, l'histoire politique de la Suisse n'étant pas du tout comparable à celles qui ont marqué des pays comme la France, l'Allemagne et l'Italie. Le conservatisme helvétique n'a jamais connu de positions extrêmes (dans son ensemble s'entend) et la bourgeoisie a pu jouer bien davantage qu'ailleurs sur le consensus social; illusoire dans la pratique bien évidemment, mais qui pèse aujourd'hui encore sur les mentalités. La faiblesse de la gauche et la malléabilité des travailleurs (du reste assez éloignés, à la suite d'une forte mobilité sociale favorisée par une émigration importante, d'une conscience «ouvrière») ne peuvent pour le moment que tranquilliser la classe possédante et l'éloigner de ce fait de toute tentation pour des aventures plus ou moins totalitaires.

-- Malgré les nombreuses divisions qui existent au sein de l'extrême-droite, il y a en Suisse une coordination qui fonctionne entre un certain nombre de groupes. Que sais-tu de ce sujet ?

-- Cette question me donne la possibilité de relativiser un peu l'optimisme manifesté dans la réponse qui précède.

Effectivement, sur l'initiative, entre autres de G.-A. Amaudruz, s'est constituée en 1982 une Coordination nationale qui a organisé depuis, à raison de trois à quatre fois par année, des réunions; elles se sont déroulées tout d'abord à Olten et ont lieu depuis 1987 à Fribourg (très exactement au Café de l'Espérance, rue du Progrès). Ces réunions rassemblent entre trente et quarante délégués des mouvements nazis/fascistes suisses, ainsi que des membres de l'ex-Action nationale et de ce qui reste (à Genève) de Vigilance. A l'assemblée générale de mars 1990, la Nationale Koordination s'est dotée d'un nouveau comité Elie Berset (Bâle) est resté à la présidence, Jean-Pierre Farjon (Gland) a remplacé Amaudruz à la vice-présidence et Martine Boimond (Carouge) a pris la place du lausannois Sylvain Collaud à la trésorerie. Il faut aussi insister sur le fait que les groupes suisses d'extrême-droite entretiennent des contacts suivis avec leurs camarades de l'étranger. A titre d'exemple, avec le Front national de Jean-Marie Le Pen, avec le mouvement social européen fondé par Maurice Bardèche (beau-frère de Brasillach) et, naturellement, avec les nombreux groupements néo-nazis allemands.

-- Avec l'augmentation du chômage, les difficultés économiques et la crise d'identité des Helvètes (plus ou moins liée au problème Suisse-Europe), de nombreuses personnes sont séduites par les arguments des racistes et autres démagogues. Dans ce contexte, comment faire pour lutter contre l'influence de l'extrême-droite ?

-- J'ai toujours pensé qu'il est plus facile d'être antiracistes et xénophiles quand on habite une villa à Jouxtens-Mézery ou à Collogny que si l'on doit partager avec d'autres (étrangers de tout horizon de surcroît) un triste HLM. Cela veut dire que pour contrer efficacement les «arguments» simplistes, voire mensongers de l'extrême-droite, il faut de façon impérative se pencher en premier lieu, bien au-delà de tout angélisme, sur les problèmes réels, car quotidiens, qui accablent justement les couches sociales les moins favorisées (ceux qu'on appelait autrefois le peuple) : travailleurs non ou mal qualifiés, chômeurs bien entendu, personnes âgées à bas revenu et plus ou moins atteintes dans leur santé, locataires. Problèmes qui se répercutent dangereusement sur l'esprit des jeunes et des moins jeunes.

Même nos si paisibles sociaux-démocrates en conviennent, eux qui écrivaient récemment : «Une véritable politique antiraciste passe aussi par une politique sociale». Il ne suffit pas en effet de faire appel aux seuls bons sentiments.

Puisque -- comme le rappelait avec force Brecht -- «le ventre de la Bête est toujours prêt à être fécondé», lorsque l'angoisse pour le lendemain s'ajoute à l'irrationnel et que les deux tiennent lieu de réflexion, le fascisme, sous toutes ses formes, n'est jamais loin.
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar Nico37 » Dimanche 14 Fév 2010 13:28

Des éléments sur : Galaxie extrême droite
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar AnarSonore » Mardi 02 Mar 2010 23:39

Les Identitaires : honte d’être fiers d’être fascistes ?
:arrow: http://luftmenschen.over-blog.com/artic ... 16255.html

"Good night, white pride"
Vieux proverbe morvandiaux


A force de construire des mensonges, on finit par y croire.

Ainsi en est il du « français de souche », mythe de l’identitaire moyen : il y aurait , hors des métropoles métisses, envahies par la racaille fertile et sans racines , une France profonde, et ses habitants non pollués par le cosmopolitisme destructeur.

Une terre de villages et de clochers, ou les traditions seraient restées intactes, surtout les plus débiles et les plus réactionnaires.

Une terre de braves semeurs de blé et de courageux éleveurs de cochons trop occupés à faire le boudin, le soir à la lueur de l’âtre, pour aller voir sur internet ce que les fascistes peuvent bien y tramer.

Ce paradis mythique, quelques identitaires ont décidé de le rejoindre, et de s’en aller fonder une communauté gauloise au fin fond de nos campagnes, une sorte de Tarnac, mais version Vichy , en quelque sorte.

Au fond des bois, au creux des collines, ou déjà leurs aïeux traquaient le sanglier d’un œil torve, certes, ils ne s’attendaient pas à trouver d’antifascistes.

D’ailleurs ils l’auraient grillé tout de suite, l’antifasciste a au choix, ou tout ensemble, le nez crochu, les cheveux crépus, ou des docs à lacets rouges.

Ayant de leur côté retiré les lacets blancs de leurs chaussures et fait risette à leurs voisins, les Identitaires en campagne comptaient installer leur camp retranché de sauvetage de la « civilisation blanche » en toute tranquillité, et n’en parler au « français de souche » qu’ après, parce qu’on ne sait jamais …

Mais, les antifascistes sont partout chez eux, et les fascistes ne seront jamais bienvenus nulle part.

C’est pour ça que : http://ladesouchiere-degage.over-blog.com/
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar douddu » Mardi 13 Avr 2010 9:39

lien intéréssant , dénonçant la confusion de certains libertaires ce qui permet l'infiltration des identitaires sur des thémes fondamentaux
http://www.actionantifasciste.fr/forum/ ... f=4&t=2240
douddu
 

Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar wiecha » Lundi 24 Mai 2010 13:53

Il n’est pas inutile de souligner l’utilité objective des apéros facebook. Quiconque connaît le fonctionnement de l’état français sait qu’il ne repose pas sur la légitimité populaire mais précisément l’inverse, le contrôle du peuple par une élite formée et dévouée. C’est la base du jacobinisme. Aussi, culturellement, l’état français craint la société civile et toute activité n’étant pas encadrée à un degré ou un autre par l’état. C’est la raison pour laquelle d’innombrables associations sont financées par l’état, afin de régimenter toute initiative provenant de la base. Si l’apéritif facebook représente la déchéance à l’état pur sur le plan moral, il traduit aussi l’irruption des technologies de l’information comme instrument de mobilisation décentralisée. C’est précisément parce que l’état l’a compris qu’il tente d’encadrer la dynamique actuelle. Tout le monde comprendra bien que ce qui fonctionne pour un apéro peut fonctionner pour une grève spontanée ou une mobilisation politique ou subversive. L’état français ne dispose que de 8000 hommes pour maintenir l’ordre (CRS – Gardes Mobiles). Si ces derniers sont débordés, c’est l’armée qui est le dernier recours. Par ailleurs, l’état français est dans un état de délabrement moral et idéologique tel qu’il est incapable de faire face à une situation de crise durable. C’est pourquoi il doit consacrer tout ses efforts à neutraliser le plus durement et rapidement possible tout début de mouvement de masse. Car après, il sait qu’il n’aura pas les moyens de contrôler les choses.

Signe très positif: avec internet et l’effondrement des grandes structures, l’état est incapable de prévenir l’évènement. Il a donc perdu l’initiative. C’est la raison pour laquelle il finance syndicats, partis et médias. Mais le lieu du mouvement ne s’y trouve plus. Ce ne sont plus que des digues. Le mouvement est désormais ailleurs. Les apéros “facebook” répondent aux méthodes des “réseaux intéractifs”: aucun chef, aucun centre décisionnel, un message est émis à des récepteurs qui décident de répondre et d’agir. C’est la terreur des pouvoirs publics. Il s’agit là de l’avenir de nos méthodes.

L’état est l’incarnation de l’ère de l’instance. Le temps qui vient sera celui de la substance. On peut comparer cette évolution à la glace qui fond sous l’influence de la chaleur solaire. C’est là une conséquence des évolutions en Occident à tous les niveaux (individualisme, crise de légitimité, instantanéité). L’état ne peut qu’essayer de contenir, de ralentir les mutations en tenant de structurer a posteriori. Mais ces efforts sont vains. Aussi ce qui fait la force de l’état sont tout ce qui lui permet d’utiliser le pouvoir de ses instances: justice, police, partis, syndicats, médias officiels, écoles. Jouer le combat frontal lui permet de jouer sur son terrain avec la totalité de ses moyens. Nous en déduisons que l’on doit affronter l’état là ou il est faible, c’est à dire là ou ses lois et institutions lui sont inutiles.

Face à un état doté des plus grands moyens technologiques, la désertion technologique est la clef du succès sur le plan tactique et local, tandis que l’exploitation des moyens modernes sera essentielle dans le domaine de la guerre d’information. La logique qui doit prévaloir est la constitution de petits réseaux indépendants qui pourront, plus tard, s’unir si les conditions le permettent.

Il ne faut jamais oublier quelques éléments de base de la gouvernance française:

-L’état a peur du peuple.

-L’état insiste contre quelques uns, cède contre beaucoup.

-L’état n’accorde aucune importance à ses lois, il l’utilise si elles lui servent, l’ignore si elles le desservent.

-L’état français est ontologiquement fragile et masque cette fragilité par tout moyen susceptible de donner une impression de puissance.

-L’état français ne défend que ses intérêts, pas ceux des populations qui le financent.






Ce texte est en fait issu du site Le projet Juif, un des plus démentiels au niveau de la haine antisémite, et je pense qu'il peut servir à ailementer la discussion commencée ici sur le fonds du renouveau fasciste, car soyons honnêtes il ressemble trait pour trait, à ce que avons pulire dans "notre" camp pendant des années et porte lui aussi le "rêve" spontanéiste de l'émuete...mais fasciste.




Parallèlement Novopress, un des médias identitaires relaie une intitiative du Bloc, un appel à "apéro sauciflard et pinard" à la Goutte d'Or, à l'heure de prière . Pour l'instant un groupe facebook de six cent inscrits , pas de date et donc plutôt une opération de communication, qui pourrait réussir, comme d'autres du Bloc qui pompe une bonne part de sa stratégie actuelle sur le mouvementisme classique ( dernière action en date, l'occupation du siège de la banque Goldam et Sachs).Ce qui est significatif, c'est que le média identitaire affirme que c'est Riposte Laique qui a lancé la première un appel du même type sur Facebook. avant de se dégonfler. Pas improbable puisque c'est Riposte Laique, cette asso férquemment invitée sur Radio Libertaire depuis des années qui alancée cette campagne raciste contre les prières dans la rue dans le 18ème arrondissement. Depuis Riposte Laique a également répondu à l'invitation d'une conférence dans les locaux de Batskin, dans le 15ème.
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Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar douddu » Mardi 25 Mai 2010 8:05

tout a fait ,
l'ED nous obige a un éclaircissement sur les tactiques, stratégies et finalitées

Les tactiques peuvent être les mêmes et les stratégies obéir aux mêmes principes , en l'occurence ici il s'agit d'une relecture de la guerre psychologique au travers de l'utisation des nouvelles techno , on notera l'émergence a ce sujet du terme de réseau

c'est pourquoi il est important d'être clairs sur les principes idéologiques qui nous différencient ,

sur ce sujet émergent j'ai posté deux articles
sur l'émergence d'initiatives populaires en 2010 , et effectivement on peut y inclure les apéros , on pourrait certes observer cela d'une façon péjorative mais on peut aussi se souvenir du rôle mobilisateur des banquets républicains sen 1848 .........

viewtopic.php?f=25&t=6060&start=0
viewtopic.php?f=1&t=6168
douddu
 

Re: Offensive antifasciste ?

Messagepar Lambros » Mardi 25 Mai 2010 13:11

Les Identitaires ne fonctionnent que comme ça: ils/elles font des actions simples, rapides et plutôt efficace, les filment et créent un buzz sur internet. Leur président, Fabrice Robert, ancien musicien de RAC (Rock Against Communism, du punk nazillon-le vice président, Phillipe Vardon était aussi dans le groupe...) l'a dit "Chaque militant est un média". Et ça marche plutôt bien (on l'a vu à Clermont). Tout est de la com' maintenant, en tout cas pour toutes celles et ceux qui participent au grandes joies du capitalisme et de la prise du pouvoir: du NPA et Besancenot chez Drucker, la CGT et son expulsion des sans paps de la Bourse du Travail, les Identitaires donc, et évidemment Sarko.

Quant aux apéros géants, je trouve ça débile un truc de bôf(c'est pour ça que ça marche non?). D'ailleurs je déteste Facebook et son patron milliardaire qui a fait que de la merde. Un groupe Facebook qui appellerait à un rassemblement pour les sans paps y'aurait personne. Pour se bourrer la gueule y'a du monde, et y compris des anarchistes.

Sinon comment ça se fait que Radio Libertaire invite Riposte Laïque???
L'émancipation des chrétien-ne-s sera l'œuvre de Dieu lui même.
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