A PROPOS DES EMEUTES HORS SOL (A PARTIR DU CAS DE ST NAZAIRE

Les courants, les théoriciens, les actes...

A PROPOS DES EMEUTES HORS SOL (A PARTIR DU CAS DE ST NAZAIRE

Messagepar NOSOTROS » Dimanche 19 Avr 2009 22:12

Saint-Nazaire : Quelle stratégie de la colère ?

La dynamique contre la répression du mouvement social présentée dans Courant Alternatif de mars s’enracine à Saint-Nazaire, que certains n’hésitent pas à qualifier de laboratoire de l’instrumentalisation judiciaire. Cependant, des problèmes de stratégie autour des affrontements en fin de manifestation méritent d’être débattus, et interpellent bien au delà de la situation locale.

La manifestation du 7 mars 2009

« Contre la répression du mouvement social, défendons nos libertés ». C’est sous ce mot d’ordre que 6 à 700 personnes ont manifesté dans les rues nazairiennes le samedi 7 mars, derrière la banderole du Codelib [1] qui affirmait : « fichés - réprimés - bâillonnés NON ! » A l’issue du défilé, une délégation fut reçue par le sous-préfet en personne, qui réitérait son discours sur la bonne gestion du maintien de l’ordre par ses troupes le 29 janvier face à des hordes de casseurs, qu’il était bien le seul à avoir vu ce jour là. Le soir, un débat regroupait plus de 80 personnes autour de témoignages de collectifs de lutte contre la répression, et l’intervention d’une magistrate de la LDH, Evelyne Sire-Marin, qui livrait un certains nombre d’éléments confirmant la pertinence du combat pour les libertés, au regard des statistiques policières et du durcissement de l’arsenal juridique.

Ces initiatives ont suscité un débat public, notamment dans la presse locale, sur le recul des libertés, la criminalisation des luttes sociales, l’instrumentalisation de la justice et de la police par un pouvoir politique aux abois. Que ce débat soit porté par un panel associatif, syndical, et politique très large, de la gauche la plus molle aux anars, en passant par la CFDT ou les syndicats les plus déterminés de la CGT, lui assure une audience au delà des seuls cercles militants habituels. Et cela permet, entre autre, d’assumer politiquement le choix de l’affrontement contre les « forces de l’ordre » quand celles ci agresse délibérément une manifestation [2], et d’agréger du monde pour combattre un pouvoir de plus en plus ouvertement autoritaire


Les procès du 10 mars.

Le 10 mars, 4 manifestants interpellés à l’issue des affrontements contre la police du 29 janvier comparaissaient en correctionnelle. Nouveau rassemblement devant le tribunal avec près de 400 personnes. La Procureure devait reconnaître que ce procès s’inscrivait dans un contexte ou il était question de la liberté de manifestation et d’expression, ce qu’elle réfutait. Il s’agissait « de juger au regard des faits délictueux, et non de l’action politique et sociale » selon elle. Ainsi, ses réquisitoires furent plutôt modérés, elle renonçait notamment aux poursuites pour délit d’offense au chef de l’état retenu initialement contre un ouvrier portuaire soutenu en nombre par la CGT. De même il ne fut pas ou peu question d’outrage à agent, ou de rébellion lors des arrestations, comme lors des procès en comparutions immédiates du 2 février. Les avocats plaidaient la relaxe devant le vide et le bricolage des dossiers. Le tribunal après un très court délibéré provoquait la stupeur et la colère avec des peines de prison avec sursis : L’ouvrier du port autonome écopait de 2 mois avec sursis pour des violences qu’il nie, alors qu’il reconnaissait les insultes au chef de l’Etat qui n’ont finalement pas été retenues... Un soudeur ramassait 4 mois avec sursis et 500 euros de dédommagement pour une voiture abîmée alors qu’elle forçait la manifestation ! Un marin de 23 ans et un lycéen de 20 ans prenaient 4 mois avec sursis quand le réquisitoire était d’un mois avec sursis ! Le lycéen a décidé de faire appel. Le tribunal de Saint-Nazaire devient familier des peines plus lourdes que les réquisitoires : c’était déjà le cas avec un lycéen poursuivit pour refus d’ADN. Nous sommes en pleine mise en scène : un Ministère public qui finalement apparaît relativement modéré, et un Tribunal qui matraque selon des décisions déjà arrêtées, au mépris des plaidoiries, des arguments juridiques, et des situations personnelles.

La manifestation du 19 mars

La manifestation s’annonçait tendue. L’intersyndicale 44 qui cherche à tout prix à garder la mainmise sur les mobilisations, s’était affublée d’un communiqué ubuesque du genre « hors du syndicat point de salut, les partis et les non salariés à la fin des cortèges et discrets ». Elle se trouve en effet débordée par les secteurs en lutte, par exemple les étudiants nantais (cf. encart), et s’inquiète de voir se profiler une politisation des luttes par l’entrée des politiques dans les cortèges [3].

Sur Saint-Nazaire, la crainte de nouvelles violences influait sur un nouveau tracé de parcours qui évitait soigneusement la sous- préfecture et le contact avec des forces de l’ordre, gardes mobiles en l’occurrence, venues en nombre cette fois comme promis par le sous- préfet. L’intersyndicale devait refuser une prise de parole du Codelib sur la répression et la solidarité avec les emprisonnés et les militants poursuivis. Les quêtes de solidarité furent néanmoins un succès financier.

Après un défilé massif, plus de 20 000 personnes, l’appel à la dispersion des syndicats fut cependant ignoré par des petits groupes de manifestants décidé à en découdre, et qui choisirent de retourner à la sous-préfecture, pour défier les forces de l’ordre. C’était reparti pour deux heures de baston, mais dans des conditions cette fois bien différentes du 29 janvier : nous n’étions plus dans une réaction face à une agression policière, mais face au choix de quelques centaines de personnes de s’en prendre aux flics.


L’Emeute hors sol.

Cette fin de manif mérite qu’on s’y attarde. Les violences policières du 29 janvier, le blessé grave, les condamnations inadmissibles des personnes arrêtées ont attisé la colère, et l’idée d’une revanche contre les flics et l’Etat était dans bien des têtes, et se discutait informellement, ici ou là. Cependant, le passage à l’acte posait problème : infériorité militaire du rapport de force prévisible, légitimité d’une telle réaction peu convaincante, tactique d’affrontements potentiellement contre-productive en termes d’opinion, avec le risque d’un réveil des partisans de l’ordre sécuritaire, sur de nouvelles violences habilement exploité par le pouvoir… Ces éléments, analysés et débattus localement avaient conduit à des appels au calme, plutôt qu’à l’expression virulente de la colère, qui quoique parfaitement légitime, ne présentait pas d’autres objectifs qu’une revanche symbolique, dont la portée était pour le moins hypothétique. C’était compter sans les projections activistes importées. Un texte d’inspiration « insurrectionaliste » circulait depuis plusieurs jours sur Indymédias Nantes, donnant rendez vous à Saint-Nazaire à ceux et celles que « la police n’effraie pas ». Quelques personnes venaient donc cette fois pour la baston, équipés en conséquences.

Cette stratégie « insurrectionaliste » mérite d’être discuté. L’intervention extérieure pose question. Non sur une problématique d’appropriation d’un espace géographique réservé, mais parce que le déplacement de petit groupes spécialisé dans l’affrontement, évoque une sorte de nouvelle avant-garde armée du prolétariat, qui importe sa bonne parole et sa violence exemplaires indépendamment des contextes locaux, au mépris, par méconnaissance ou par suffisance, des dynamiques et des luttes qui s’y déroulent.

Ensuite, il semble que le plus souvent, la baston avec les flics devienne une fin en soi, légitimée par un statut auto consacré d’exploité en révolte contre son aliénation, qui décidé de s’attaquer de front à l’appareil d’Etat indépendamment d’une appréciation du rapport de force présent et à construire.

Cette baston comme moyen et comme fin, repose sur une mystique de la violence révolutionnaire, l’apologie des martyrs de la cause, la symbolique de la cagoule et du cok., l’invocation de l’avènement de l’insurrection finale… Tout cela est séduisant pour un certain nombre, mais tient pour beaucoup du culte de l’imagerie radicale, qu’il convient d’afficher à coup d’appel à l’émeute sur internet, puis de récits exaltants de ses soirées émeutières. Et l’on peut se demander si le narcissisme ne devient pas le paravent de l’impuissance à peser réellement sur le cours des choses. Il est en effet plus simple d’utiliser une rhétorique radicale médiatisée pour reconnaître à n’importe quelle action le fait d’exister spectaculairement, que de se consacrer au travail de subversion politique et sociale qui s’apparente à celui de la vieille taupe qui creuse inlassablement et discrètement pour provoquer l’effondrement

Il est fréquent de voire s’opposer des arguments du type « faire pour faire » plutôt que « ne rien faire ». Ces fausses oppositions occultent le plus souvent le « faire pour quoi » ? Il ne faudrait pas oublier que poser un acte politique, implique de mesurer et d’analyser le contexte dans lequel il s’établit, ce pour quoi on le fait, et quelles seront ces conséquences. Omettre ces questions fondamentales, c’est passer à côté du politique.

Il ne s’agit donc pas de condamner ceux et celles qui choisissent l’affrontement direct : leurs choix leurs appartiennent. Mais peut- être de les questionner sur leurs classiques, et ne pas oublier que « la force d’une insurrection provient de son caractère social, non de son degré de militarisation. Le mètre étalon pour évaluer l’importance d’une révolte généralisée n’est pas le conflit armé, mais plutôt son amplitude et sa propension à rendre opérante la paralysie de l’économie et de la normalité ». [4]

A Saint-Nazaire, nos « révolté du 29 » on manifestement perdu de vue cet aspect de leur stratégie. Et s’il peuvent s’enorgueillir d’avoir rallier 200 à 300 personnes dans leur émeute hors sol, ils doivent aussi s’interroger sur le fait que leur texte était un des éléments à charge figurant au dossier de chacun des inculpés, prolos nazairiens condamnés pour avoir été là, et bien loin de la théorisation de l’émeute ! [5]

Car c’est aussi une des réalité de la nature de classe de la répression : ce ne sont pas de jeunes lettrés au fait des débats stratégiques autour de la violence révolutionnaire qui subissent le plus la violence sociale, dont la répression n’est qu’un des aspects. Et sur cette question, la réponse « ils savaient bien ce qu’il faisaient n’est vraiment pas convaincante, surtout lorsque l’on assiste aux audiences des comparutions immédiates.

Quelles suites ?

Autant la violence des manifestants du 29 janvier était perçue majoritairement comme légitime, autant celle du 19 mars redore le blason des forces de l’ordre, en opérant un tri entre casseurs et manifestants, entre actions légales et menés révolutionnaires inconsidérées. Bien que les manifestants aient évité le piège grossier que leur tendait la police en les renvoyant vers le centre commercial qui aurait pu être ruiné, l’épouvantail sécuritaire fonctionne, et le pouvoir sait parfaitement instrumentaliser les actions violentes pour effrayer le plus grand nombre sur le registre « nous ou le chaos ». Il ne s’agit pas de déterminer une action en fonction des réponses possibles de l’ennemi, mais au moins d’intégrer = cela comme une donnée à prendre en compte dans le combat politique, notamment sur nos capacités à y faire face.

Car la violence ne crée pas toujours des clivages, entre la population et l’Etat, mais aussi entre les manifestants eux-mêmes, ce qui n’est pas sans conséquence sur le travail de solidarité avec les nouvelles personnes condamnées, comme pour celles qui l’étaient dèja ou qui le seront dans les prochains procès.

Les actions engagées par le Codelib devront surmonter ces difficultés. Le succès concert de soutien aux militants poursuivis, prévu le 17 avril, nous en donnera une idée. Le débat nécessaire permettra peut-être de partager les camps entre partisans de l’ordre et partisans du changement, même incertain. En souhaitant que les seconds soient plus nombreux que les premiers, ce qui est loin d’être une certitude à cette heure, malgré une indéniable remontée de la politisation et de la combativité sociale. Car si l’on vise au basculement révolutionnaire, on ne peut éviter la question du ralliement du plus grand nombre, sauf à prétendre faire le bonheur du peuple à son insu.

OCL St-nazaire

25 mars 2009.


Source :
http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article543

Notes

[1] comité de défense des libertés fondamentales contre les dérives
sécuritaires, cf. CA 188, ou le site du codelib

[2] Voir l’intervention du début de manifestation

[3] Il faut dissiper le brouillard de l’imprévision et tenter de redonner confiance (…) pour des syndicats qui ne pourrons pas canaliser éternellement un mouvement boule de neige sans lui donner d’autres perspectives que la manif suivante (…) s’inquiète l’éditorial de Ouest France du 25 mars, signé Michel Urvoy !

[4] Notes sur l’anarchisme insurrectionaliste, p. 4. Brochure disponible sur le site infokiosque.net

[5] Sur les procès en comparution immédiates après le 19 mars lire ici
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Re: A PROPOS DES EMEUTES HORS SOL (A PARTIR DU CAS DE ST NAZAIRE

Messagepar wiecha » Mardi 19 Mai 2009 17:07

Je n'avais pas encore lu ce texte.

Je ne pensais pas qu'on en était déjà revenus là, de manière aussi assumée dans une partie du mouvement "libertaire" et décidément je comprends mieux l'attrait pour ce que d'aucuns appellent l'"insuurectionnalisme", quand je vois ce que le mouvement offre d'autre.

« Contre la répression du mouvement social, défendons nos libertés ». C’est sous ce mot d’ordre que 6 à 700 personnes ont manifesté dans les rues nazairiennes le samedi 7 mars, derrière la banderole du Codelib [1] qui affirmait : « fichés - réprimés - bâillonnés NON ! » A l’issue du défilé, une délégation fut reçue par le sous-préfet en personne, qui réitérait son discours sur la bonne gestion du maintien de l’ordre par ses troupes le 29 janvier face à des hordes de casseurs, qu’il était bien le seul à avoir vu ce jour là. Le soir, un débat regroupait plus de 80 personnes autour de témoignages de collectifs de lutte contre la répression, et l’intervention d’une magistrate de la LDH, Evelyne Sire-Marin, qui livrait un certains nombre d’éléments confirmant la pertinence du combat pour les libertés, au regard des statistiques policières et du durcissement de l’arsenal juridique.

Ces initiatives ont suscité un débat public, notamment dans la presse locale, sur le recul des libertés, la criminalisation des luttes sociales, l’instrumentalisation de la justice et de la police par un pouvoir politique aux abois. Que ce débat soit porté par un panel associatif, syndical, et politique très large, de la gauche la plus molle aux anars, en passant par la CFDT ou les syndicats les plus déterminés de la CGT, lui assure une audience au delà des seuls cercles militants habituels. Et cela permet, entre autre, d’assumer politiquement le choix de l’affrontement contre les « forces de l’ordre » quand celles ci agresse délibérément une manifestation [2], et d’agréger du monde pour combattre un pouvoir de plus en plus ouvertement autoritaire


Ce texte aurait pu être écrit par une section de "Désirs d'Avenirs".

On n'est plus seulement dans l'alliance avec la gauche et les syndicats les plus collabos, que cette stratégie plaise ou non.

Désormais donc, on peut être libertaire et contester au sous préfet uniquement "sa bonne gestion du maintien de l'ordre", en défilant aux côtés d'une magistrate, qui elle incarne donc cette bonne gestion.

Désormais donc on peut être libertaire et déplorer que la police et la justice soient instrumentalisées par "le pouvoir politique", car chacun sait que la vraie République c'est la séparation des pouvoirs.

Et tout cela assurerait "une audience au delà des cercles militants".

Une audience pour dire quoi ? La même chose que la gauche républicaine ? Au moment ou celle-ci n'a jamais été moins écoutée ?

Agréger du monde pour combattre "un pouvoir de plus en plus ouvertement autoritaire " ? Et renforcer les autres , de gauche ou syndicaux qui le sont un un peu moins ouvertement ? Je dis "un peu" parce qu'aujourd'hui les services d'ordre syndicaux tabassent et balancent ouvertement, que la CFDT n'hésite pas à porter plainte , et pas pour un affrontement direct mais pour de simples rassemblements devant son siège.

La seconde partie du texte sur la stratégie et l'inanité d'un certain mythe de la cagoule et de la violence pourrait être intéressante.

L'appel à se concentrer sur le travail de "subversion sociale et politique" n'est pas idiot. Seulement quand ceci est précédé de l'explication de ce travail, la collaboration avec les pourritures politiques qui combattent cette subversion de l'intérieur du mouvement, et bien on comprend que toute personne encore un peu vivante préfère l'appel ç l'émeute même hors sol, si elle a le sentiment de n'avoir que cette alternative.
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Re: A PROPOS DES EMEUTES HORS SOL (A PARTIR DU CAS DE ST NAZAIRE

Messagepar NOSOTROS » Mercredi 20 Mai 2009 23:30

Oui enfin le probleme c'est que l'émeute hors sol ou le possibilisme sont les deux faces de la meme pieces :

dans les deux cas, c'est l'expression d'une résignation, la perte de tout espoir d'une rupture revolutionnaire, de la possibilité d'un autre chose de collectif et massif.


(cf Cracher dans la soupe et mordre la main qui nourrit


http://209.85.229.132/search?q=cache:hU ... clnk&gl=fr

ne se donner à choisir, comme nos contradicteurs le font, qu’entre deux solutions caricaturales, est une façon, probablement inconsciente, de justifier un mauvais choix. En effet, contrairement au discours qui sous-tend leur position, le choix n’est pas entre soit d’observer une éthique rigoureuse de tous les instants soit de s’asseoir définitivement sur cette même éthique sous prétexte d’être pragmatique. Il est clair, que vivant dans une société qui met l’individu sous pression, le premier choix est, dans la réalité, pratiquement intenable : je me sers (même à minima) de l’électricité fournie par EDF, alors que je suis anti-nucléaire ; je pars au travail, alors que je suis contre le salariat ; je paye des impôts indirects sur tout ce que j’achète alors que je suis contre l’État,... Bref, au quotidien, mon éthique en prend un coup. Mais l’autre choix, celui qui consiste à jeter l’éthique par-dessus bord sous prétexte qu’on ne peut pas la mettre en pratique à 100 % est tout simplement, pour des révolutionnaires, suicidaire. Il revient à renoncer progressivement à toute résistance et à faire sien "le mode d’emploi de la révolte" fourni par le pouvoir, à se rendre dépendant de ses procédures et institutions. On garde le silence sur les mœurs d’un patron qui nous prête ses salles un jour, on se présente aux élections professionnelles un autre, on s’allie aux autoritaires plus ou moins ponctuellement un troisième, ... on prend progressivement le chemin de tous ces anciens 68ards qui ont intégré le système et en sont souvent devenus les meilleurs défenseurs.

Quand ceux qui nous critiquent posent le problème de façon aussi tranchée, aussi sectaire, en ne laissant comme seule solution finalement que de se lancer le jour même dans une révolution totale ou de se trahir soi-même, ils se précipitent dans une impasse.
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Re: A PROPOS DES EMEUTES HORS SOL (A PARTIR DU CAS DE ST NAZAIRE

Messagepar wiecha » Jeudi 21 Mai 2009 13:24

Je ne sais pas.

Evidemment, je trouve affreusement tristes ces trucs de fin de manif, ou quel que soit l'enflammé du discours, on part perdant et on le sait.

Mais le discours de l'OCL ne peut que favoriser ça, à mon avis. Il y a un tas de choses que je peux envisager localement, à la limite, l'alliance avec un syndicat de base dans telle ou telle boite, par exemple.

Ici ce qui me semble symptomatique à ce sujet, c'est qu'il n'y a pas d'indication précise mais "la CFDT" et "les syndicats de la CGT", "les plus déterminés" , ça ne veut rien dire.

Mais c'est surtout ce glissement sémantique et pratique, inviter une magistrate, parler de bonne ou de mauvaise gestion du maintien de l'ordre...

Il y a un énorme pas entre la résignation et la collaboration active. Tu peux ne plus croire à la rupture révolutionnaire, et décider d'aller faire un jardin bio dans un coin paumé, ou devenir écrivain de science fiction, ou faire du syndicalisme de base dans ta boite, définitivement ou en attendant de retrouver un espoir plus vaste.

Personnellement, il m'est arrivé de passer pas mal de temps uniquement à faire des activités de permanence sans chercher à leur donner un sens plus profond que l'autodéfense sociale.

Mais ça n'a rien à voir avec se revendiquer "communiste libertaire " et aller défendre globalement l'idée et la pratique d'une alliance avec la gauche, avec ses relais , comme étant une solution globale et rupturiste. Là tu crées de la confusion, de la perte de sens et du desespoir, tu accrédites l'idée qu'à part l'affrontement ephémère et sans cesse répété, il n'y a rien que la lente corruption militante.
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Re: A PROPOS DES EMEUTES HORS SOL (A PARTIR DU CAS DE ST NAZAIRE

Messagepar NOSOTROS » Jeudi 21 Mai 2009 20:04

En fit pour eclaircir ce que je voulais dire, mon post n'était pas du tout en défense de la position de l'OCL de St nazaire. En effet s'ils posent dans ce texte des questions pertinentes, les réponses qu'ils apportent - au moins a St Nazaire - me semblent en effet sombrer dans l'autre face de la médaille qu'est la résignation et le faux-pragmatisme en faisant l'unité avec la gauche.

C'est en effet surprenant venant de l'OCL, organisation qui nous avait habitué a tenir le cap contre vent et marées et ne cédant pas facilement aux sirenes unitaires. Cependant il se peut aussi que les heros soient fatigues, apres tout c'est humain ...
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Messagepar eleftheria » Jeudi 21 Mai 2009 21:01

La meilleure des choses est de leur poser la question tout bonnement, leur site le permet! :)

Sinon, bonsoir!
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Re: A PROPOS DES EMEUTES HORS SOL (A PARTIR DU CAS DE ST NAZAIRE

Messagepar NOSOTROS » Jeudi 21 Mai 2009 23:34

Merci de l'info, en effet (mais il me semble qu il y a eu deja des commentaires et des echanges sur le sujet sur leur site, oú le debat est toujours interessant et de bonne tenue : http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article543)

(Sans compter les echnages directs entre militants sur place ...)

Je redonne l'adresse de leur site :

http://oclibertaire.free.fr/
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Re: A PROPOS DES EMEUTES HORS SOL (A PARTIR DU CAS DE ST NAZAIRE

Messagepar eleftheria » Mardi 23 Juin 2009 10:22

C'est quand meme important que le débat ai lieu sur ce qui peux se passer dans une manif, que penser de groupes qui ont prévu à l'avance de faire ci ou ça, quelle portée ça a, est ce qu'on a que le choix entre le cortège syndical ou dominical tout mou et l'émeute, est ce que c'est pas couper court à toute créativité collective imprévue? Si une manif ça se limite à montrer ses muscles et non pas chercher à élaborer une réelle capacité de changement??
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Re: A PROPOS DES EMEUTES HORS SOL (A PARTIR DU CAS DE ST NAZAIRE

Messagepar NOSOTROS » Mardi 23 Juin 2009 20:54

Oui, le débat est important !

Ne serait ce que pour trouver une voie médiane entre la démonstration spectaculaire (mais en fait surtout de notre faiblesse) et la résignation de suivre les cortèges funèbres ...

Il reste à inventer un nouvel espace, de nouvelles méthodes.
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Re: A PROPOS DES EMEUTES HORS SOL (A PARTIR DU CAS DE ST NAZAIRE

Messagepar eleftheria » Mercredi 24 Juin 2009 8:02

Ca dépend aussi comment on voit le truc, est ce que la manif n'est pas un lieu où on se retrouve, où on parle de nos situations où on casse l'isolement alors c'est clair s'enfermer entre 3 banderoles d'1m50 ou éparpillé autour d'un camion sono qui rend impossible toute discussion, vlà le choix
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Re: A PROPOS DES EMEUTES HORS SOL (A PARTIR DU CAS DE ST NAZAIRE

Messagepar Nico37 » Lundi 03 Aoû 2009 15:09

À propos des noyaux autonomes de base

Ce texte fait partie d’un ensemble de traductions réalisées par nos soins pour le prochain numéro de la revue "Ni patrie ni frontières". C’est notamment parce que nous avons des désaccords profonds avec les théories de "l’insurrectionisme" (théories dont on retrouve des bribes et des fragments dans d’autres courants radicaux spontanéistes ou gauchistes postmodernes) que, conformément à l’objectif de cette revue, nous traduisons ces textes fortement inspirés par ceux d’Alfredo Maria Bonanno, militant anarchiste, condamné à 18 mois de prison pour sa brochure « La Joie armée » et à 6 ans de prison en 2004 pour une prétendue participation à bande armée..... Ni patrie ni frontières.

Les structures de base, les noyaux autonomes de base sont l’élément liant l’organisation anarchiste informelle spécifique aux luttes sociales. Le noyau autonome de base n’est pas une forme de lutte entièrement nouvelle. Des tentatives ont été faites pour développer ces structures, en Italie au cours des dix dernières années. La plus notable d’entre elles a été le Mouvement autonome des cheminots de Turin (l), et les ligues autogérées contre la construction de la base de missiles de croisière à Comiso (2).

Nous croyons que la lutte révolutionnaire ne peut être qu’une lutte de masse. Il nous faut donc construire des structures capables d’organiser le plus grand nombre de groupes d’exploités possible. Nous avons toujours considéré, de façon critique, la perspective syndicaliste, à la fois en raison de ses limites en tant qu’un instrument, et en raison de sa tragique involution historique qu’aucune nouvelle couche de peinture anarchiste ne pourra dissimuler. Donc, nous sommes parvenus à l’hypothèse de la construction de ces noyaux autonomes de base qui n’ont pas les caractéristiques de mini-structures syndicalistes, car ils ont d’autres objectifs et d’autres relations organisationnelles.

Un mur de réticence et d’incompréhension

Grâce à ces structures une tentative a été faite de lier le mouvement anarchiste spécifique aux luttes sociales. Un mur de réticence et d’incompréhension est apparu entre les camarades et a constitué un obstacle pour mettre en place cette méthode d’organisation. C’est dans les moments d’action que les différences apparaissent entre les individus qui sont tous d’accord en principe avec la propagande anarchiste, la lutte contre l’État, l’autogestion et l’action directe. Lorsque nous passons à la phase d’organisation, cependant, il nous faut développer un projet en contact avec le niveau actuel de l’affrontement entre les classes. Nous pensons que, en raison des transformations sociales profondes que nous vivons, il est impensable pour une seule structure d’essayer de contenir toutes les luttes sociales et économiques en son sein. En tout cas, pourquoi les exploités devraient-ils faire partie d’une organisation anarchiste spécifique afin de mener à bien leur lutte ?

Nous ne pourrons changer radicalement la société que par une révolution. C’est pourquoi nous essayons d’intervenir avec un projet insurrectionnel. Les combats de demain ne pourront avoir une issue positive que si la relation entre la structure anarchiste informelle spécifique et la structure de masse des noyaux autonomes de base est clarifiée et mise en œuvre. L’objectif principal du noyau autonome de base n’est pas d’abolir l’Etat ou le Capital, qui sont pratiquement inattaquables tant qu’ils restent un concept général. L’objectif de ce noyau est de lutter et d’attaquer l’État et le Capital dans leurs structures les plus petites et les plus accessibles , en ayant recours à une méthode insurrectionnelle. Les groupes autonomes de base sont des structures de masse et constituent le point de rencontre entre l’organisation anarchiste informelle et les luttes sociales.

L’organisation à l’intérieur du noyau se distingue par les caractéristiques suivantes :

1. l’autonomie par rapport à toute force politique ou syndicale existante ;

2. la conflictualité permanente (une lutte constante et efficace pour les objectifs qui sont décidés, et non pas des interventions sporadiques et occasionnelles) ;

3. l’attaque (le refus du compromis, de la médiation ou des accommodements qui mettent en question l’attaque sur l’objectif choisi). En ce qui concerne les objectifs, ceux-ci sont décidés et réalisés par des attaques contre les structures répressives, militaires et productives, etc. Il est fondamental que la conflictualité et l’attaque soient permanentes.

L’objectif du noyau autonome de base est de lutter contre l’État et le Capital dans les structures les plus petites et les plus accessibles possible Ces attaques sont organisées par les noyaux en collaboration avec les structures anarchistes spécifiques qui offrent le soutien théorique et pratique, recherchent les moyens nécessaires pour l’action en identifiant les structures et les personnes responsables de la répression, et en offrant un minimum de défense contre les tentatives de récupération politique ou idéologique par le pouvoir, ou contre la répression pure et simple. À première vue, la relation entre l’organisation anarchiste spécifique et le noyau autonome de base pourrait sembler contradictoire. La structure anarchiste spécifique résulte d’une perspective insurrectionnelle, alors que le noyau autonome de base semble se situer dans une tout autre dimension, celle des luttes intermédiaires. Mais cette lutte ne se déroule de cette façon qu’à ses débuts. Si l’analyse sur laquelle est fondée le projet coïncide avec les intérêts des exploités dans la situation où ils se trouvent, alors une issue insurrectionnelle de la lutte est possible. Bien entendu, ce résultat n’est pas certain. Il ne peut être garanti par quiconque.

Cette méthode a été accusée d’être incomplète et de ne pas prendre en compte le fait que l’attaque contre une ou plusieurs structures finit toujours par être réprimée. Les camarades peuvent réfléchir à ces accusations. Nous pensons qu’il n’est jamais possible de prévoir le résultat d’une lutte. Même un petit combat peut avoir les conséquences les plus inattendues. En tout cas, aucune procédure ne peut garantir à l’avance le passage des différentes insurrections, limitées et circonscrites, à la révolution. Nous avançons en faisant des tentatives et des erreurs, et disons à celui qui a une meilleure méthode de continuer, lui aussi, son chemin. o.v.

(1) Cf. la brochure Workers’ Autonomy publiée notamment par Bratach Dubh. (2) Cf. la revue Insurrection n° 0 1.

Traduit par Ni patrie ni frontières
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Re: A PROPOS DES EMEUTES HORS SOL (A PARTIR DU CAS DE ST NAZAIRE

Messagepar NOSOTROS » Lundi 03 Aoû 2009 22:18

Dans ce texte il y a des choses très contestables :

par exemple la relation qu'il entrevoie entre groupes autonomes et organisation anarchiste "spécifique". Ce vocabulaire (organisation anarchiste spécifique) est issue de la tradition la plus confusioniste du mouvement anarchiste, qui est marqué - quelques soient les tendances (plateformistes ou synthésistes) - par une vision de l'organisation fortement influencée par le marxisme léninisme (triomphant à l'époque), qui fait la différence entre "organisation de masse" et "organisation politique" (chez les anars ont dit "spécifique", par pudeur ...)

Cette dichotomie entre lutte "intermédaire" (ou économique) et lutte politique est le propre de la division opérée chez les marxistes. Cela n'a rienà voir avec l'anarchisme qui postule au contraire que tout est lié, la lutte est globale. Elle doit porter sur tous les aspects, politiques, sociaux, économiques et culturels. En effet, ces dimensions sont reliées entre elles et agir sur l'une affecte nécessairement les autres.

Toutefois, ce qui est "original" c'est que ici l'auteur inverse le rapport avec l'organisation politique : ici c'est elle qui est instrumentalisée par le noyaux de base (le terme noyaux indiquant bine par ailleurs qu'il s'agit d'une structure distincte de la masse, un groupe affinitaire dans la classe, qui agit en tant qu'avant garde (il faut dire les choses telles qu'elles sont) pour essayer de pousser les conflits au paroxysme en étant toujours en avant de la lutte). L'organisation politique devient alors les gentils idiots utiles, la façade bien utile en cas de répression : "les structures anarchistes spécifiques qui offrent le soutien théorique et pratique, recherchent les moyens nécessaires pour l’action en identifiant les structures et les personnes responsables de la répression, et en offrant un minimum de défense contre les tentatives de récupération politique ou idéologique par le pouvoir, ou contre la répression pure et simple."

En fait le rapport entre noyaux et organisation politique est pour le moins dialectique et franchement malsain : l'organisation politique à la fois assigne des buts politiques au noyau (et donc commande ...), et en retour de ce rôle de direction politique assure la défense légale ... Les deux s'auto-manipiulent en quelque sorte.

Là c'est carrément le folklore mao des années 70, avec les groupes d'actions clandestins et la façade légale type "secours rouge" qui rackette les artistes et autres intellos compagnons de route pour assure la défense.

Rien d'autonome là dedans ...

Par ailleurs ce texte repose sur une stratégie unique "l'attaque à outrance". N'avoir qu'une seule ligne stratégique, c'est le meilleur moyen de se prendre le mur de pleine face ... Et surtout, attaquer sans se soucier au préalable de faire l'état de ses forces et de celles de l'ennemi, c'est partir au suicide ...

D'ailleurs c'est indiqué en creux dans le texte :

Si l’analyse sur laquelle est fondée le projet coïncide avec les intérêts des exploités dans la situation où ils se trouvent, alors une issue insurrectionnelle de la lutte est possible.


Et s'il ne coincide pas ?

Cela veut dire que l'auteur invite à passer à l'attaque même si le projet ne coincide pas avec les intérêts de exploités ??? Autrement dit cela veut dire passer à l'attaque contre l'Etat et la Capital sans s'assurer le soutien de la population !!! Banzaï !

C'est accablant de bêtise un truc pareil.

Ce qui est triste c'est que nos ennemis - eux - ont des longueurs d'avance en terme d'analyse et de préparation. Et qu'ils attendent avec un sourire gourmand ceusses qui voudraient mettre en place des idées aussi fumeuses ... (lire par exemple "contre insurrection, théorie et pratique" de Galila, chez Economica ...) Ou encore l'intro de "tactique théorique" (toujours chez economica). On se rend compte que nos ennemis sont plus lucides et percutants que les révolutionnaires en terme de stratégie de lutte révolutionnaire ! un comble ...
Capitalismo delenda est
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