LA REVOLUTION QUI VIENT ?

Sommier théorique et affinités idéologiques !

LA REVOLUTION QUI VIENT ?

Messagepar NOSOTROS » Mardi 10 Fév 2009 0:10

Cela semble entendu : 2009 sera une année catastrophique. De Le Pen à Besançenot en passant par Bayrou, ils nous disent tous en cette fin d'année que, soit les choses iront mal, soit elles iront très mal... Les mêmes qui, à gauche, forts de leurs reliquats d'analyse marxiste, nous annonçaient que la crise financière était une crise comme une autre ou qui, à droite, avec le plus grand culot nous garantissaient qu'elle était derrière nous, ont brutalement changé d'avis. Désormais, nous sommes priés de penser que nous vivons dans un monde quasiment pré-apocalyptique. Quand les croire ?

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CROIRE OU NE PAS CROIRE, VOILA LA QUESTION

Pour notre part, la méfiance que nous portons à ces professionnels du mensonge, même si leurs récents propos semblent aller dans le sens de ce que nous avons écrit voici quelques mois ici même, nous pousse à décrypter le "pourquoi" de cette dramatisation soudaine du discours politicien. Les lecteurs de "Anarchosyndicalisme !" , qui se souviennent de nos
précédentes analyses sur la période savent que nous pensons
qu'effectivement les temps ont changé (1).

Au cœur d'un système qui avait décrété au début années 90, par la voix des "intellectuels" à sa solde, "la fin de l'histoire", les révoltes se succèdent depuis 2001 dans le monde. Elles ne cessent de nous démontrer les fragilités étonnantes du système. Nonobstant, il importe de préciser que, de l'Argentine de 2001 à la Grèce 7 ans plus tard, ces révoltes n'ont abouti, au mieux, qu'à des reculs tactiques du pouvoir, jamais à une défaite de ce dernier.

Autre signe du changement, dans les entreprises comme dans les quartiers, nous constatons qu'il est de plus en plus facile de favoriser l'émergence de discussions collectives dans lesquelles se manifeste un état d'esprit bien différent. Le contexte socio-économique a fait que, ce qui était en 2007 à peine perceptible (et que nous avions alors décrit comme une perte d'adhésion au système), est bien plus présent maintenant : une perte de
confiance massive dans les soi-disant bienfaits du capitalisme et de
l'Etat, dont le premier apparaît clairement comme une association de malfaiteurs et le deuxième comme une clique de menteurs à leur service. Cette perte de confiance qui se généralise à grande vitesse est une caractéristique forte de la crise actuelle.

CRISE DU CREDIT ET CRISE DU CREDO

Par un phénomène d'interaction entre les faits et leur ressenti, la crise du crédit est devenue une crise du credo capitaliste et étatique. Le maintien ou la destruction de ce credo est en fait le véritable enjeu du combat qui va se livrer dans les prochains mois. Le pouvoir l'a compris, d'où sa nouvelle stratégie.

Car, le pouvoir le sait aussi bien que nous : les éléments matériels objectifs d'une situation sociale et économique, même les pires, ne suffisent pas à déclencher un mouvement radical, loin de là. Il y a longtemps sinon que les populations des "pays pauvres" se seraient émancipées du joug qu'elles subissent.

A l'exception des psychopathes et des imbéciles (exception d'autant plus notable qu'elle est tout de même fréquente), les hommes de pouvoir se rallient à ce qu'exprimait déjà Cicéron, à savoir que "L'épée doit céder devant la toge". S'ils ont toujours recours à l'épée pour s'imposer, ils se maintiennent par le discours idéologique ; bien qu'ils aient souvent la suprême habileté de se prétendre hors de toute idéologie en prétextant que les contingences matérielles sont le socle de leurs décisions. C'est
pourquoi l'élément fondamental de toute perspective révolutionnaire - au-delà de la simple révolte - est l'idéologie. Aujourd'hui plus que jamais, les anarchosyndicalistes doivent donner la priorité à ce combat idéologique.

Par son retournement brutal de discours, basculant tout aussi unanimement que brutalement de la tranquillisation au catastrophisme, le pouvoir nous montre tout simplement qu'il a élaboré une nouvelle stratégie pour sauvegarder ce qui est pour lui essentiel : son crédit moral auprès des populations. S'il cherche à propager la peur, ce n'est que pour mieux le restaurer.


GESTION DE LA CATASTROPHE

Nous entrons donc ici sur un terrain qui, pour récent qu'il soit, ne nous est pas inconnu. Par un mécanisme de retournement, l'État tente d'apparaître comme le garant de notre sécurité économique, sociale et personnelle alors qu'il en est le grand fossoyeur.

Nous avions déjà touché quelques mots de ce procédé à propos de la catastrophe technologique qui a dévasté Toulouse en septembre 2001(explosion de l'usine AZF - Total) ainsi que de celle survenue en 2005 en Louisiane : "… la débilité des discours de la gauche et de l'extrême gauche", écrivions-nous, consiste "à réclamer plus de moyens pour l'État afin qu'il assume la protection des habitants. Non seulement ces moyens sont corrélés à la croissance du capitalisme, et donc justifient son développement (et avec ce développement, augmente le risque technologique industriel) mais de plus ils sont confiés à des bureaucraties qui invariablement les utilisent pour accroître leur pouvoir de répression dont les victimes de catastrophes sont souvent les premières à souffrir. Dès lors, le Risque planant lourdement au-dessus de nos têtes ; nos maîtres apprentis sorciers, incapables de prévoir où et quand le ciel tombera, en sont réduits à une prévention à l'aveuglette. Cette absence de politique d'anticipation s'accompagne par contre d'une stratégie de communication musclée et d'un retour massif des forces de répression sur le terrain dès que le premier danger est passé. La proclamation urbi et orbi de la présence multiforme des risques cherche à enfoncer les populations dans l'angoisse et la résignation, tout comme la
sur-présence policière cherche à briser les velléités de rébellion.

Notre avenir ne nous appartiendrait pas plus que notre présent, notre futur se conjuguerait inéluctablement avec une apocalypse à épisodes, voilà ce dont nos excellents maîtres voudraient nous convaincre. Il est encore temps de lever les hypothèses que ces apprentis sorciers font peser sur notre avenir, de choisir une autre voie, d'oser un autre futur." (2)

René Riesel et Jaime Semprun dans un récent ouvrage (3) ont fort à propos approfondi ce thème et démontrent comment à partir du désastre écologique, le pouvoir, qui a fomenté ce désastre, est finalement parvenu, grâce aux réformistes, à renforcer ses mécanismes de domination et à créer de nouvelles sources de profits. Citons-les :

"Un accord à peu près universel s'est donc instauré en quelques années, parmi les défenseurs de "notre civilisation" sur la nécessité d'une gouvernance renforcée face à la crise écologique totale, et il faut en conclure qu'est en train de se refermer la parenthèse "néolibérale" pendant laquelle le capitalisme avait restauré la rentabilité de ses investissements industriels en diminuant drastiquement non seulement ses coûts salariaux mais aussi ses faux frais étatiques. On a parfois voulu
dater précisément ce retournement de tendance et le faire remonter à l'année 2005, (…) Mais en réalité la collaboration ouverte entre associations écologiques, ONG, entreprises et administrations remonte dans certains secteurs aux années quatre vingt dix
."

LA "MORALE" AU SECOURS DES CRIMINELS

La prétention de "sauver la planète" est la clef de voûte du discours du récent virage écologique, il en résulte l'extension des pouvoirs réglementaires de l'Etat et la naissance du "capitalisme vert", c'est-à-dire que se sont les coupables des crimes contre la nature qui sont maintenant appelés à soi-disant la défendre en continuant de réprimer les populations et de les exploiter ... Le résultat réel est que, chaque année, le bilan écologique mondial est plus mortifère que le précédent.

Dans la crise économique actuelle, le discours central consiste à
"moraliser" le capitalisme, c'est-à-dire à remettre en selle un état
protecteur et un capitalisme "propre". Le premier "nettoyage" consiste à blanchir les responsables des crimes et délits commis contre les hommes et la nature.

Demander à gagner 300 euros de plus par mois, promouvoir la figure mythique de l'entrepreneur schumpetérien ou bien nationaliser les banques,... tous ces propos tenus par les réformistes et les gauchistes, se déploient dans le cadre d'un Etat qui se redonne ainsi, à bon compte, une image patriarcale nécessaire à la conservation de ses prérogatives.

Et qui, surtout et tout d'abord, garantit la pérennité du système
capitaliste. C'est ni plus ni moins que favoriser le retour en force du
"credo" en ce couple infernal et criminel, responsables de la situation actuelle, le capitalisme et l'Etat . C'est le but de la stratégie du pouvoir qui dés à présent se met en œuvre dans les hautes sphères avec la complicité des réformistes.

Le procédé est tout de même un peu grossier : dans un premier acte, on nous agite sous les yeux une série de gesticulations aux "sommets" (G8, G20 et autres Grenelles de l'environnement). Il s'agit simplement de faire un peu de mousse. Comme les possédants savent que cela ne suffira pas, ils lancent le deuxième acte : face à la montée de la contestation dans le monde entier, ils feront monter en ligne des "syndicats" ici, des
mouvements religieux ou nationalistes ailleurs. L'objectif est simple
donner aux gens quelques illusions, puis les décevoir en espérant que cela leur ôtera toute confiance en eux-mêmes. Les syndicats grecs ont joué ce rôle à la perfection. Ceux de France le joueront tout aussi bien : une première journée de démoralisation est déjà prévue par les centrale syndicales pour ce 29 janvier 2009.

Complément indispensable au petit ballet syndical : les médias. Ils persisteront dans leur stratégie inébranlable : promouvoir l'insignifiant afin de faire diversion et occulter les véritables enjeux (4). Le tout, pour le pouvoir, est de convaincre qu'il est la seule protection possible et que les gens, par eux-mêmes, ne peuvent rien. Exactement le contraire de ce que nous pensons. S'il parvient à convaincre, alors la voie lui sera ouverte pour un "changement dans la continuité", c'est-à-dire, pour poursuivre la même politique destructrice, au profit des mêmes (5), avec une coloration politique en apparence différente.

Voilà, dans les grandes lignes, le plan de bataille du pouvoir pour les mois à venir. Voilà ce à quoi il faut s'opposer. Voilà quel défi formidable se pose aux révolutionnaires dans un combat inégal mais dont, pourtant, on ne connaît pas l'issue, tant les failles de ce plan de bataille sont nombreuses et le contexte instable.

DELENDA CAPITALISMO

Car nous pouvons l'affirmer, dans une période comme celle que nous allons vivre le rôle de chacun sera prépondérant. Nous entrons dans un temps où le pouvoir va montrer des signes de faiblesse, des signes de recul et des contradictions qui seront, pour partie, la conséquence du virage idéologique qu'il espère négocier. Au fur et à mesure que le mécontentement va grandir, un fossé va se creuser entre la force de la colère populaire et les atermoiements du pouvoir. Ce sera pour les révolutionnaires un espace d'action, infiniment riche de discussions, de diffusion d'idées et de possibilités. En France dés la rentrée de janvier,
dans les écoles, dans les entreprises, dans les lycées, un peu partout, des assemblées, des rencontres, vont se succéder. Les esprits sont de plus en plus ouverts, aussi est-ce un moment où ce que l'on a à dire, ce que l'on a à proposer, importe plus que le nombre.

Le capitalisme ne se moralise pas. C'est contraire à sa nature. Le capitalisme est un système d'exploitation qui repose, comme l'Etat son bras armé, sur un mythe. Ce mythe est à détruire : il faut le mettre en accusation, énoncer sans relâche ses crimes et forfaits, éventer sa nature profonde.

Au milieu de la foule de détails qui vont surgir des revendications (voire des contradictions inhérentes à tout mouvement populaire), nous devrons encore et toujours nous recentrer sur le contexte pour contrebattre la stratégie du pouvoir : d'une part, accuser et dénoncer les responsables politiques et économiques de la situation, s'appuyer sur les
faits qui, au quotidien, nous montrent à l'évidence que le pouvoir a perdu toute mesure. En un mot, l'empêcher de donner le change en
changeant simplement de masque. D'autre part, il faut replacer chaque lutte dans le contexte de combat idéologique global qui concerne toute la planète. Avec de telles perspectives, on sort de la glu du quotidien, on voit que l'on est pas isolé et on insuffle ainsi non pas la peur mais le courage nécessaire à la mise en œuvre des capacités collectives.

Des militants cnt-ait

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NOTES

_1. "Quelque chose est en train de changer" était justement notre titre de couverture au printemps 2006, n°95

_2. N°92, automne 2005. Lire également "La gestion de la crise comme normalité sociale" http://cnt-ait.info/rubrique.php3?id_rubrique=131

_3. "Catastrophisme , administration du désastre et soumission durable", Réné Riesel et Jaime Semprun, Editions de l'Encyclopédie des Nuisances , 2008

_4. Pour un approfondissement de cette notion : Cornelius Castoriadis, "La montée de l'insignifiance, Les carrefours du labyrinthe 4", Essais, Points.

_5. Les récents propos de Warren Buffet (deuxième fortune du monde après Bill Gates) dans le magazine américain Forbes nous éclairent sur cet enjeu autour du catastrophisme et des habits neufs du capitalisme : "Tout va très bien pour les riches dans ce pays, nous n'avons jamais été aussi prospères. C'est une guerre de classe et c'est ma classe qui est en train de gagner".

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http://cnt-ait.info/article.php3?id_article=1646

Extrait de Anarchosyndicalisme ! N° 110

Envoi gratuit sur simple demande par mail à contact@cnt-ait.info ou par courrier à CNT AIT 7 rue St Rémésy 31000 TOULOUSE


Forum : http://cnt.ait.caen.free.fr/forum
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Messagepar miguelito » Mercredi 11 Fév 2009 9:09

Autre signe du changement, dans les entreprises comme dans les quartiers, nous constatons qu'il est de plus en plus facile de favoriser l'émergence de discussions collectives dans lesquelles se manifeste un état d'esprit bien différent.


Eh oui, regardez bien ce forum, en voilà une démonstration éblouissante. Mais il suffit de regardez les débats internes de la cnt-ait, et c'est encore plus tordant : réseau ou fédéralisme ? On se casse la gueule entre compagnons à la prochaine manif nationale ? Qui tape le premier ? Grenoble ou Toulouse (Paris reste en retrait, comme d'hab)


Pour notre part, la méfiance que nous portons à ces professionnels du mensonge


Ouais, c'est concurrence déloyale !


Les lecteurs de "Anarchosyndicalisme !" , qui se souviennent de nos
précédentes analyses sur la période savent que nous pensons
qu'effectivement les temps ont changé (1).


On a toujours eu raison à la cnt-ait
Car ici on sait. On à la conscience (de classe, of course)

Nonobstant, il importe de préciser que, de l'Argentine de 2001 à la Grèce 7 ans plus tard, ces révoltes n'ont abouti, au mieux, qu'à des reculs tactiques du pouvoir, jamais à une défaite de ce dernier.


Ah les nuls ! Mais où était la cnt-ait ?

Aujourd'hui plus que jamais, les anarchosyndicalistes doivent donner la priorité à ce combat idéologique.

Pensez comme nous, et tout ira mieux.

"Catastrophisme , administration du désastre et soumission durable", Réné Riesel et Jaime Semprun, Editions de l'Encyclopédie des Nuisances , 2008


Ouah la honte, un bouquin vendu à la FNAC ! N'importe quoi !
http://livre.fnac.com/a2240545/Rene-Rie ... &Nu=1&Fr=0
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Messagepar NOSOTROS » Mercredi 11 Fév 2009 10:54

Et sur le fond ?
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Messagepar miguelito » Mercredi 11 Fév 2009 10:56

Quel fond ? Depuis quand tu t'intéresse à ça ?

Pouet pouet pouet pouet !!!
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Messagepar NOSOTROS » Mercredi 11 Fév 2009 10:58

Mais encore ?
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Messagepar miguelito » Mercredi 11 Fév 2009 10:59

Eh bien pouet pouet tralala !
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Messagepar goldfax » Mercredi 11 Fév 2009 11:09

miguelito a écrit:tralala !


C'est pour ça que je ne comprenais pas... :roll: Ta précision m'éclaire.
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Messagepar miguelito » Mercredi 11 Fév 2009 17:11

Tout le monde s’accorde. Ça va péter. On en convient, l’air grave ou crânement, dans les couloirs de l’Assemblée, comme hier on se le répétait au bistrot. On se complaît à l’estimation des risques. Déjà, on détaille par le menu les opérations préventives de quadrillage du territoire. Les festivités de la nouvelle année en prennent un tour décisif. «C’est la dernière année où il y aura des huîtres !» Pour que la fête ne soit pas totalement éclipsée par la tradition du désordre, il faut les 36.000 fllics et les seize hélicoptères dépêchés par Alliot-Marie, elle qui, lors des manifestations lycéennes de décembre, guettait en tremblant le moindre signe d’une contamination grecque. On entend toujours plus clairement, sous les propos rassurants, le bruit des préparatifs d’une guerre ouverte. Nul ne peut plus ignorer sa mise en œuvre affichée, froide et pragmatique, qui ne prend même plus la peine de se présenter comme une opération de pacification.


Les journaux dressent consciencieusement la liste des causes de l’inquiétude soudaine. Il y a la crise, bien sûr, avec son chômage explosif, son lot de désespérance et de plans sociaux, ses scandales Kerviel ou Madoff. Il y a la faillite du système scolaire qui ne parvient plus à produire de travailleurs, ni à calibrer du citoyen ; plus même à partir des enfants de la classe moyenne. Il y a le malaise, dit-on, d’une jeunesse à laquelle aucune représentation politique ne correspond, tout juste bonne à jeter des voitures-bélier sur les vélos gratuits qu’on veut bien mettre à sa disposition.

Paris, 29 janvier 2009

Tous ces sujets d’inquiétudes ne devraient pourtant pas paraître insurmontables à une époque où le mode de gouvernement prédominant consiste justement en la gestion de situations de crise. Sauf à considérer que ce que le pouvoir affronte n’est ni une crise de plus, ni une succession de problèmes chroniques, de dérèglements plus ou moins attendus. Mais un péril singulier : que se manifestent une forme de conflit, et de positions, qui précisément ne soient pas gérables.


*
* *


Ceux qui, partout, sont ce péril, ont à se poser des questions moins oiseuses que celle des causes et des probabilités de mouvements et d’affrontements qui, de toute façon, vont avoir lieu. Dont la suivante. Comment le chaos grec vient-il résonner dans la situation française ? Un soulèvement ici, ne peut être pensé comme la simple transposition de ce qui s’est produit là-bas. La guerre civile mondiale a encore ses spécificités locales, et une situation d’émeutes généralisées provoquerait, en France une déflagration d’une autre teneur.

Les émeutiers grecs ont eu à faire à un État faible, tout en disposant d’une forte popularité.

Il ne faut pas oublier que contre le régime des colonels, la démocratie s’est reconstituée, il y a tout juste trente ans, à partir d’une pratique de la violence politique. Cette violence, dont le souvenir n’est pas si lointain, semble encore une évidence pour la plupart des Grecs. Même les pontes du PS local ont tâté du cocktail Molotov dans leur jeunesse. En retour, la politique classique connait des variantes qui savent très bien s’accommoder de ces pratiques, et propager jusque dans l’émeute leurs niaiseries idéologiques. Si ce n’est pas dans la rue que s’est décidée et terminée la bataille grecque — la police y étant visiblement débordée — c’est que sa neutralisation s’est jouée ailleurs. Rien de plus épuisant, rien de plus fatal en effet que cette politique classique, avec ses rituels desséchés, sa pensée qui ne pense pas, son petit monde clos.


En France, nos bureaucrates socialistes les plus exaltés ne furent jamais que d’austères noyauteurs d’assemblées, des pisse-froid responsables. Ici, tout concourt plutôt à annihiler la moindre forme d’intensité politique. Ce qui permet que l’on puisse toujours opposer le citoyen au casseur. Et puiser dans un réservoir sans fond d’oppositions factices : usagers contre grévistes, antibloqueurs contre preneurs d’otages, braves gens contre racailles. Une opération quasi linguistique qui va de pair avec des mesures quasi militaires. Les émeutes de novembre 2005 et, dans un contexte différent, les mouvements sociaux de l’automne 2007 ont fourni quelques exemples du procédé. L’image des étudiants à mèche de Nanterre appaudissant aux cris de «Allez les bleus» l’expulsion de leurs condisciples par la police, ne donne ainsi qu’un mince aperçu de ce que l’avenir nous réserve.

Il va sans dire que l’attachement des Français à l’État — garant des valeurs universelles, dernier rempart contre le désastre — est une pathologie dont il est compliqué de se défaire. C’est surtout une fiction qui ne sait plus durer. Nos gouvernants eux-mêmes la considèrent chaque jour un peu plus comme un encombrement inutile, puisqu’eux, du moins, assument le conflit, militairement. Qui n’ont plus aucun complexe à envoyer les unités d’élite antiterroriste pour mater les émeutes de banlieue, comme pour libérer un centre de tri occupé par ses salariés. À mesure que l’État providence se craquelle, l’affrontement brut entre ceux qui désirent l’Ordre et ceux qui n’en veulent plus se fait jour. Tout ce que la politique française parvenait jusque là à désactiver est en train de se déchaîner. De tout ce qu’elle a réprimé, elle ne se relèvera pas. On peut compter sur le mouvement qui vient pour trouver, dans le niveau de décomposition avancé de la société, le souffle nihiliste nécessaire. Ce qui ne manquera pas de l’exposer à tout autres limites.

Un mouvement révolutionnaire ne se répand pas par la contamination, mais par résonance. Quelque chose qui se constitue ici résonne avec l’onde de choc émise par quelque chose qui s’est constitué là-bas. Le corps qui résonne le fait selon son mode propre. Une insurrection n’est pas comme l’extension d’une peste ou d’un feu de forêt — un processus linéaire, qui s’étendrait de proche à proche, à partir d’une étincelle initiale. C’est plutôt quelque chose qui prend corps comme une musique, et dont les foyers, même dispersés dans le temps et dans l’espace, parviennent à imposer le rythme de leur vibration propre. À prendre toujours plus d’épaisseur. Au point que tout retour à la normale ne puisse être désirable, ou même envisageable.

Lorsque nous parlons d’Empire, nous nommons les dispositifs du pouvoir qui, préventivement, chirurgicalement, retiennent tous les devenirs révolutionnaires d’une situation. En cela, l’Empire n’est pas un ennemi qui nous fait face. C’est un rythme qui s’impose, une manière de faire découler et s’écouler la réalité. C’est donc moins un ordre du monde que son écoulement triste, pesant et militaire.

Ce que nous entendons du parti des insurgés, c’est l’ébauche d’une toute autre composition, d’un tout autre pan du réel, qui de la Grèce aux banlieues françaises cherche ses accords.



*
* *

Il est désormais de notoriété publique que les situations de crise sont autant d’occasions offertes à la domination de se restructurer. Ainsi Sarkozy peut-il, sans trop avoir l’air de mentir, annoncer que la crise financière correspond à la «fin d’un monde», et que l’année 2009 verra la France entrer dans une nouvelle ère. Cette fumisterie de crise économique serait en somme une nouveauté. L’occasion d’une belle épopée qui nous verrait, tous ensemble, combattre les inégalités en même temps que le réchauffement climatique. Ce que pour notre génération, qui est justement née dans la crise et qui n’a connu que cela — crise économique, financière, sociale, écologique — est, vous l’avouerez, relativement difficile à admettre. On ne nous refera pas le coup de la crise, du «on va repartir à zéro» et «il suffira de se serrer la ceinture pendant quelques temps». À vrai dire l’annonce des chiffres désastreux du chômage ne provoque chez nous aucun sentiment. La crise est une manière de gouverner. Quand ce monde ne semble plus tenir que par l’infinie gestion de sa propre déroute.

On voudrait nous voir derrière l’État, mobilisés, solidaires d’un improbable rafistolage de société. Sauf que nous répugnons tellement à la rejoindre, cette mobilisation, qu’il se pourrait bien que l’on décide, plutôt, à abattre définitivement le capitalisme.

Ce qui est en guerre, ce ne sont pas des manières variables de gérer la société. Ce sont, irréductibles et irréconciliables, les idées du bonheur et leurs mondes. Le pouvoir le sait, nous aussi. Les résidus militants qui nous voient — toujours plus nombreux, toujours moins identifiables — s’arrachent les cheveux pour nous faire rentrer dans les petites cases de leurs petites têtes. Et pourtant ils tendent les bras, pour mieux nous étouffer ; de leurs échecs, de leur paralysie, de leurs problématiques débiles. D’élections en «transitions», ils ne seront jamais rien d’autre que ceux qui nous éloignent chaque fois un peu plus de la possibilité du communisme. Heureusement, on ne s’accommode pas longtemps de trahisons, ni de déceptions.

Le passé nous a donné beaucoup trop de mauvaises réponses pour que nous ne sachions désormais que c’étaient les questions elles-mêmes qui étaient mauvaises.

Ainsi, il n’y a pas à CHOISIR :

Le fétichisme de la spontanéité


OU


Le contrôle par l’Organisation

Le bricolage des réseaux militants


OU


La baguette de la hiérarchie

Agir désespérément maintenant


OU


Attendre désespérément plus tard

Mettre entre parenthèses ce qui est à vivre et à expérimenter ici et maintenant au nom d’un paradis qui à force de s’éloigner ressemble toujours plus à un enfer


OU


Remâcher du cadavre à force de se persuader que planter des carottes pourrait suffire à nous sortir de ce cauchemar

Choix de l’embarras.

Les Organisations sont un obstacle au fait de s’organiser.

En vérité, il n’y a pas d’écart entre ce que nous sommes, ce que nous faisons et ce que nous devenons. Les organisations — politiques ou syndicales, fascistes ou anarchistes — commencent toujours par séparer pratiquement ces aspects de l’existence. Elles ont ensuite beau jeu de présenter leur formalisme stupide comme le seul remède à cette séparation. S’organiser ce n’est pas donner une structure à l’impuissance. C’est avant tout nouer des liens, des liens qui ne sont pas neutres, des liens terriblement orientés. Le degré d’organisation se mesure à l’intensité du partage, matériel et spirituel.

D’ores et déjà, donc : «s’organiser matériellement pour subsister, s’organiser matériellement pour attaquer». Qu’un peu partout s’élabore une nouvelle idée du communisme. Dans l’ombre des bars, des imprimeries, des squats, des cages d’escalier, des fermes, des salles de sport des complicités offensives peuvent naître ; de ces complicités depuis lesquelles le monde prend soudain comme une tournure plus appuyée. Il ne faut pas refuser à ces connivences précieuses les moyens qu’elles exigent pour le déploiement de leur force.

Là se situe la possibilité véritablement révolutionnaire de l’époque. Les échauffourées de plus en plus fréquentes ont ceci de redoutables qu’elles sont chaque fois l’occasion de complicités de ce genre, parfois éphémères, mais parfois aussi indéfectibles. Il y a là, assurément une sorte de processus accumulatif. Au moment où des milliers de jeunes gens prennent à cœur de déserter et de saboter ce monde, il faut être stupide comme un flic pour y chercher une cellule financière, un chef, ou une insouciance.



*
* *


Deux siècles de capitalisme et de nihilisme marchand ont abouti aux plus extrêmes des étrangetés, à soi, aux autres, aux mondes. L’individu, cette fiction, se décomposait à la même vitesse qu’il devenait réel. Enfants de la métropole, nous faisons ce pari : que c’est à partir du plus profond dépouillement de l’existence que se déploie la possibilité, toujours tue, toujours conjurée, du communisme.

En définitive, c’est avec toute une anthropologie que nous sommes en guerre. Avec l’idée même de l’homme.

Le communisme donc, comme présupposé et comme expérimentation. Partage d’une sensibilité et élaboration du partage. Évidence du commun et construction d’une force. Le communisme comme matrice d’un assaut minutieux, audacieux, contre la domination. Comme appel et comme nom, de tous les mondes résistants à la pacification impériale, de toutes les solidarités irréductibles au règle de la marchandise, de toutes les amitiés assumant les nécessités de la guerre. COMMUNISME. Non pour la raison que, le grand défilé des mots, il ne serait plus à la mode. Mais parce que nos pires ennemis l’ont usé, et qu’ils continuent. Nous insistons. Certains mots sont comme des champs de bataille, dont le sens est une victoire, révolutionnaire, nécessairement arrachée de haute lutte.

Déserter la politique classique signifie assumer la guerre, qui se situe aussi sur le terrain de langage. Ou plutôt sur la manière dont se lient les mots, les gestes et la vie, indissociablement. Si l’on a mis tant d’effort à emprisonner pour le terrorisme quelques jeunes paysans communistes qui auraient participé à la rédaction de L’insurrection qui vient, ce n’est pas pour un «délit d’opinion», mais bien parce qu’ils pourraient incarner une manière de tenir dans la même existence des actes et de la pensée. Ce qui n’est généralement pas pardonné.

Ce dont on accuse ces gens, ce n’est ni d’avoir écrit quelque chose, ni même de s’être attaqués matériellement aux sacro-saints flux qui irriguent la métropole. C’est qu’il s’en soient possiblement pris à ces flux, avec l’épaisseur d’une pensée et d’une position politique. Qu’un acte, ici, ait pu faire sens selon une autre consistance du monde que celle, désertique, de l’Empire. L’antiterrorisme a prétendu attaquer le devenir possible d’une «association de malfaiteurs». Mais ce qui est attaqué en réalité c’est le devenir de la situation. La possibilité que se propage une idée du politique, anonyme mais rejoignable, disséminée et incontrôlable, qui ne puisse être rangée dans le cagibi de la liberté d’expression.

Il ne fait plus guère de doute que c’est la jeunesse, la première, qui s’en prendra sauvagement au pouvoir. Les dernières années, des émeutes du printemps 2001 en Algérie à celles de l’hiver 2008 en Grèce, ne sont qu’une succession d’avertissements à ce propos. Ceux qui, il y a trente ou quarante ans se révoltèrent contre la morale de leurs parents ne manqueront pas de réduire cela à un nouveau conflit de génération, si ce n’est à un effet prévisible de l’adolescence.

Le seul avenir d’une «génération» c’est d’être la précédente ; sur un chemin qui, invariablement, mène au cimetière.



*
* *


La tradition voudrait que tout commence par un «mouvement social». Surtout au moment où la gauche, ne finissant plus de se décomposer, cherche benoîtement à se refaire une crédibilité dans la rue. Sauf que de la rue, elle n’a plus le monopole. Il n’y a qu’à voir comment, à chaque nouvelle mobilisation lycéenne — comme avec tout ce qu’elle ose encore soutenir — c’est un fossé qui ne cesse de se creuser entre ses revendications geignardes et le niveau de violence et de détermination du mouvement.

Ce fossé, il nous faut en faire une tranchée.

Si nous voyons les «mouvements sociaux» se succéder et se chasser les uns et les autres, ne laissant visiblement derrière eux, force est de constater que quelque chose y persiste. Une traînée de poudre relie ce qui à chaque événement ne s’est pas laissé mettre au pas par la temporalité absurde du retrait d’une loi ou de quelqu’autre prétexte. Par à-coups, et à son rythme, nous voyons quelque chose comme une force se dessiner. Une force qui ne subit pas son temps mais l’impose, silencieusement.

Le temps n’est plus de prévoir les effondrements ni d’en démontrer la possibilité joyeuse. Qu’ils viennent tôt ou tard, il faut s’y préparer. Il n’y a pas à faire le schéma de ce que devrait être une insurrection, mais à ramener la possibilité du soulèvement à ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un élan vital de la jeunesse autant qu’une sagesse populaire. À condition de savoir s’y mouvoir, l’absence de schéma n’est pas un obstacle mais une chance. C’est, pour les insurgés, le seul espace qui puisse leur garantir l’essentiel : garder l’initiative. Reste à susciter, entretenir comme on entretient un feu, un certain regard, une certaine fièvre tactique qui, le moment venu, maintenant même, se révèle déterminante, et constante source de détermination. Déjà resurgissent certaines questions qui hier encore pouvaient paraître grotesques ou surannées ; reste à s’en emparer, non pour y répondre définitivement, mais pour les faire vivre. Les avoir reposées n’est d’ailleurs pas la moindre des vertus du soulèvement grec :

Comment une situation d’émeutes généralisées devient-elle une situation insurrectionnelle ? Que faire une fois la rue acquise, parce que la police y a été durablement défaite ? Les parlements méritent-ils toujours d’être pris d’assaut? Que veut dire pratiquement déposer le pouvoir localement ? Comment se décider ? Comment subsister ?

COMMENT SE RETROUVER ?
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Messagepar douddu » Mercredi 11 Fév 2009 19:00

COMMENT SE RETROUVER ?


En commençant par ne pas se perdre
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Messagepar goldfax » Jeudi 12 Fév 2009 0:05

:lol: :lol:
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Messagepar NOSOTROS » Jeudi 12 Fév 2009 0:22

Comment une situation d’émeutes généralisées devient-elle une situation insurrectionnelle ?

Que faire une fois la rue acquise, parce que la police y a été durablement défaite ?



En ce qui concerne la Grèce, c'est un peu prendre ses messies pour des lanternes ... (cf les topics sur le sujet)

Si ce n’est pas dans la rue que s’est décidée et terminée la bataille grecque — la police y étant visiblement débordée —


Mouaif ... Visiblement sur Youtube et Dailymotion. Mais de ce que disent les gens qui étaient en Grèce, à 20 mètres aux alentours du quartier d'Exarchia, l'Ordre régnait et plutot fortement à Athènes. Idem dans les autres villes de province ...

Par contre, la vraie bataille, celle dont peu parlent (en tout cas pas les gauchos français ni les romantiques de l'insurrection joyeuse) c'est celle des paysans. Mais bon rien de bien spectaculaire à se mettre sous la dent, pas de film de flic qui prend feu car il s'est prit un cocktail molotov .

c’est que sa neutralisation s’est jouée ailleurs. Rien de plus épuisant, rien de plus fatal en effet que cette politique classique, avec ses rituels desséchés, sa pensée qui ne pense pas, son petit monde clos.


Là encore, c'est pas si sur que ton schéma s'applique comme ça. C'est intéressant de se poser cette question de l'assèchement / épuisement / neutralisation d'un mouvement.

Sont ce le parti communiste et les syndicats qui ont neutralisé la révolte ... ou la répétition d'un rituel, blocage devenu bloquant, la perte de mobilité tactique et l'enfermement dans une représentation figée de la forme que doit prendre l'affrontement ? Le petit monde clos, justement, c'est ce qu'a reproduit le "ghetto" des révoltés. La politique classique n'y a pas été pour grand chose : une fois le combustible ou le comburant épuisé, le feu s'éteint ...

C'est un peu comme l'Algérie 2001 ou l'Argentine 2001 : l'arrivée de la "politique classique" n'est pas tant le responsable de la neutralisation de la révolte que le signe que le feu est épuisé, laissant la terre brulée propice à la colonisation par les plantes parasites politicienne. C'est de la culture sur brulis.

On observe aussi la même chose dansles mouvements de révolte dans le milieu du travail : les syndicats laissent les travailleurs révoltés allumer le feu, puis une fois calmés ils viennent occuper l'espace ainsi libéré.

Cette question est importante car elle se joue ici, aujourd'hui.
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Messagepar miguelito » Jeudi 12 Fév 2009 12:39

Par contre, la vraie bataille, celle dont peu parlent (en tout cas pas les gauchos français ni les romantiques de l'insurrection joyeuse) c'est celle des paysans. Mais bon rien de bien spectaculaire à se mettre sous la dent, pas de film de flic qui prend feu car il s'est prit un cocktail molotov .


Plutôt que de relancer la machine sur tes fantasmes, dis-nous en un peu plus sur le sujet des paysans grecs.

Sont ce le parti communiste et les syndicats qui ont neutralisé la révolte ... ou la répétition d'un rituel, blocage devenu bloquant, la perte de mobilité tactique et l'enfermement dans une représentation figée de la forme que doit prendre l'affrontement ? Le petit monde clos, justement, c'est ce qu'a reproduit le "ghetto" des révoltés.


C'est-à-dire la politique classique. Car celle-ci n'est pas seulement synonyme de partis et syndicats. Ce sont des habitudes, des objectifs, des manières de voir les choses, de parler, d'échanger.
Vois-tu, si l'idée venait à quelques crétins d'établir effectivement une organisation en prenant pour base et fondation l'Appel, ou s'ils constituaient une réelle mouvance anarcho-autonome, alors ils retomberaient dans la politique classique.

C'est un peu comme l'Algérie 2001 ou l'Argentine 2001 : l'arrivée de la "politique classique" n'est pas tant le responsable de la neutralisation de la révolte que le signe que le feu est épuisé, laissant la terre brulée propice à la colonisation par les plantes parasites politicienne. C'est de la culture sur brulis.

On observe aussi la même chose dansles mouvements de révolte dans le milieu du travail : les syndicats laissent les travailleurs révoltés allumer le feu, puis une fois calmés ils viennent occuper l'espace ainsi libéré.


Je vois les choses autrement : la terre n'est pas brûlée, c'est pas seulement le désert qui continue de s'approfondir mais aussi les oasis laissées par le mouvement de lutte.
La fin de ceux-ci est aussi le signe du manque de solidarité, du manque de projet, de la difficulté à se retrouver et à durer.
Et dans les conflits du travail (salarié, bien sûr), une des solutions possibles passe aussi par le fait de trouver les moyens d'y échapper au maximum.

Citation:
COMMENT SE RETROUVER ?


En commençant par ne pas se perdre


C'est-à-dire ? Que propose-tu ?
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Messagepar NOSOTROS » Jeudi 12 Fév 2009 14:16

C'est-à-dire la politique classique. Car celle-ci n'est pas seulement synonyme de partis et syndicats. Ce sont des habitudes, des objectifs, des manières de voir les choses, de parler, d'échanger.
Vois-tu, si l'idée venait à quelques crétins d'établir effectivement une organisation en prenant pour base et fondation l'Appel, ou s'ils constituaient une réelle mouvance anarcho-autonome, alors ils retomberaient dans la politique classique.


OK

Je vois les choses autrement : la terre n'est pas brûlée, c'est pas seulement le désert qui continue de s'approfondir mais aussi les oasis laissées par le mouvement de lutte.


tu es bien optimiste ...
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Messagepar miguelito » Jeudi 12 Fév 2009 14:27

Non, ni optimiste, ni pessimiste. Je pense que s'attacher à ce qui nous lie, à nos irréductibilités, que l'idée de tenir une position, c'est ça.
L'insurrection et son dépassement sont plus que jamais nécessaires, et peut être plus que jamais improbables.
.
Même au fond du trou, rester fidèle à ses aspirations. Même s'il faut faire bonne figure, même s'il faut mentir et manoeuvrer. Même si ça fait chier, qu'on à la rage au ventre. Faire preuve d'opportunisme sans trahir ses idées, profiter de la moindre faille pour tenter de ruine ce qui nous blesse.

Dans le texte, A un ami, en préface des textes de Blanqui, il est des passages qui disent cela. Il serait stupide d'y voir une apologie du blanquisme (comme il serait débile de s'interdire de s'inspirer de l'anarchisme à cause des trahisons de 1937), qui n'est qu'une idéologie de plus, un isme de plus, une composante supplémentaire de la politique classique.
A la politique, nous opposons le politique.
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Messagepar NOSOTROS » Jeudi 12 Fév 2009 15:41

Oui, je me souviens d'un débat à l'AIT il y a de ça déjà 10 ans qui aboutissait à la même phrase de conclusion.

ce qui n'enlève rien à l'actualité, au contraire.

mais sur tes propos liminaires, écoute chacun sa tactique même si je ne la partage pas.

Après là où tu vois des oasis, je vois surtout des mirages ...

car si bien entendu on ne peut être que d'accord avec "profiter de la moindre faille pour tenter de ruine ce qui nous blesse", et je crois qu'on essaye tous à notre façon de le faire, il faut aussi tirer des bilans à court et moyen terme (même s'il s'agit d'une activité de gestionnaire ...).

Bon, de toute façon la fin de l'histoire n'est pas écrite donc à suivre.
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Re: LA REVOLUTION QUI VIENT ?

Messagepar jérôme » Samedi 07 Mar 2009 10:52

« Il faut replacer chaque lutte dans le contexte de combat idéologique global qui concerne toute la planète. Avec de telles perspectives, on sort de la glu du quotidien, on voit que l'on est pas isolé et on insuffle ainsi non pas la peur mais le courage nécessaire à la mise en œuvre des capacités collectives ». Je pense que cette conclusion du texte signée par des militant de l’AIT publié au début est parfaitement valable. Ce texte aborde des questions de fond comme celle de l’importance de la confiance pour la lutte, montrant très bien comment la classe dominante cherche à instiller la peur. Donc de bonnes choses intéressantes, que je partage dans les grandes lignes. Pour ce qui concerne la Grèce, « sortir de la glue du quotidien », cela signifie élargir la lutte au-delà même des frontières. C’est ce que le mouvement lui-même a d’ailleurs ressenti, accordant une grande importance au soutien international face au black-out des médias. Face à eux, les manifestants et les ouvriers ont été confrontés en permanence au sabotage des syndicats et au cordon sanitaire des médias. Et c’est vrai, comme le dit Nosotros (si j’ai bien interprété), quand la dynamique collective s’essouffle (j’espère ne pas trahir l’idée) les politiciens syndicalistes et autres se renforcent, reprennent plus l’initiative pour le maintien de leur contrôle. C’est, je crois, ce qu’il faut dénoncer et combattre.
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Re: LA REVOLUTION QUI VIENT ?

Messagepar NOSOTROS » Dimanche 08 Mar 2009 23:32

c'est ce que je voulais dire.

cependant il ne suffit pas de dénoncer (ni de se plaindre) de ce que les syndicats sont des traitres et des collabos. Il faut cesser parfois de geindre et poser des actes (comme le dit Douddu par ailleurs), sinon nos plaintes resteront des lamentations sans et pourront durer longtemps. Dès lors, que propose le CCI, concrètement ?
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Re: LA REVOLUTION QUI VIENT ?

Messagepar douddu » Lundi 09 Mar 2009 10:10

il y a un mouvement a la base de création de collectifs et d'assemblées independantes , des appels circulent un peu partout;
Pour ce que j'observe dans le domaine de l'Education , domaine suffisement large pour que baucoup puissent s 'y impliquer , je ne rencontre AUCUN révolutionnaire (anarchiste ou pas ) dans ces démarches de coordination autonomes par contre les gens du NPA s'en sont rendu compte et débarquent en avec un discours platefomiste d'alliance avec les syndicats qu'ils nommet "convergence"
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Messagepar jérôme » Mercredi 11 Mar 2009 21:56

La vraie question est celle de savoir quelles sont les nécessités et dans quel sens mener le combat. Partout où il le peut, le CCI met en avant dans ses interventions, dans les manifestations où les AG, dans ses réunions publiques, sa presse, la question de l’unité des luttes, et le besoin de solidarité avec la Grèce (Ce n’est pas rien faire puisque c’est pousser à renforcer la dynamique des luttes qui existent internationalement). La mise en avant de la nécessité de délégations massives pour élargir la lutte, mettre en évidence les pièges et les mensonges de la bourgeoisie et ses syndicats, développer partout les discussions, pousser a la réflexion collective, dans les AG etc, c’est ce qui est défendu sur le terrain. Tu dis il faut « poser des actes ». On peut être d’accord, mais peux-tu développer et préciser ce que tu entends par là ?
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Re: LA REVOLUTION QUI VIENT ?

Messagepar NOSOTROS » Jeudi 12 Mar 2009 22:56

Ce que je veux dire par là c'est que si une fois que tu as fait ton intervention en AG tu en restes là et tu retournes te coucher, ça ne sert pas à grand chose. Il y a des moments il faut agir. par exemple le 19 il y a la manif à Paris. Le CCI saute comme un cabri en disant "unité, unité, unité". Mais concrètement , on fait quoi le 19 ? Chacun vend sa presse dans son coin en espérant augmenter son taux de pénétration du marché du lectorat de la presse militante ?
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