Les habits neufs de l'ennemi intérieur

Les luttes en France...

Les habits neufs de l'ennemi intérieur

Messagepar Dan » Mercredi 21 Mai 2008 12:19

Les habits neufs de l'ennemi intérieur

En France aujourd'hui, le nombre augmente sans cesse de ceux pour qui « ça ne peut pas durer », de ceux pour qui « ça va mal finir ». Quand les banques perdent des fortunes, quand on tire au fusil sur la police dans les banlieues, quand on trouve alternativement dans la rue des magistrats, des lycéens, des chauffeurs de taxi et des sans-papiers, il y a bien de quoi s'inquiéter. Et, comme souvent en pareil cas, le réflexe de l'oligarchie est de créer un ennemi intérieur, pour recueillir l'assentiment général dans le resserrage de son dispositif militaro-policier.

C'est dans Le Figaro (8 juin 2007) que paraît le premier article sur les « anarcho-autonomes », reprenant sans état d'âme un communiqué des Renseignements Généraux. Notons en passant que le doublet est un procédé policier habituel pour désigner des groupes à la fois dangereux et repoussants, judéo-bolcheviques, hitléro-trotskistes, islamo-fascistes. Dans ce numéro, on apprend que « les autorités s'inquiètent de la résurgence de groupes extrémistes [...] qualifiés d'anarcho-autonomes par les services de police ». Il s'agit de former le profil de la menace, de forger un sujet responsable des actions qui ont entouré l'élection du Président - attaques de locaux de partis politiques, confrontations avec la police, émeutes organisées. Il s'agit de répandre l'idée d'un partage séparant la population, incarnée par son gouvernement, de quelques individus dangereux qu'il faut neutraliser dans l'intérêt de tous.

L'article date donc de juin 2007. Puis vient le « mouvement » contre la loi Pécresse dans les universités. Une vague d'occupations incontrôlées se répand, sur la simple base de la haine politique contre le nouveau régime. Les organisations militantes ne sont pas seulement débordées, elles sont souvent exclues, inadéquates qu'elles sont pour lutter contre un monde qui leur ressemble tant, un monde de gestion et de manipulation. Et comme il faut bien donner un nom à ce qui vous échappe, les organisations commencent à voir partout se propager le péril autonome. Hallucinées, elles imaginent des « totos » partout. A voir le président de Science-Po Grenoble frapper à la barre de fer un malheureux partisan du blocage, on en vient à redouter qu'il ait été lui aussi, homme si doux par ailleurs, atteint du terrible virus.

Le dispositif est en place, il ne reste plus qu'à le nourrir. On arrête donc à Toulouse, dans les derniers jours de novembre 2007, trois jeunes gens transportant en voiture un engin explosif. Deux sont déjà fichés comme « anarcho-autonomes ». On trouve chez eux un exemplaire de L'Insurrection qui vient, livre publié chez La Fabrique, et un exemplaire du second numéro de la revue Tiqqun. En janvier 2008, c'est le tour de deux jeunes parisiens, fichés eux aussi : ils sont arrêtés alors qu'ils se rendent à une manifestation contre le centre de rétention de Vincennes. Dans leur voiture, des fumigènes artisanaux. Enfin, quelques jours plus tard, deux automobilistes, dont l'un connu des services comme « anarcho-autonome », sont fouillés et trouvés en possession de chlorate de soude, d'un livre en italien détaillant la fabrication de bombes, et d'un plan de l'établissement pénitentiaire pour mineurs de Porcheville.

Le 2 février 2008, c'est au tour du Monde de se prêter à l'opération médiatico-policière : l'article est intitulé « Les RG s'inquiètent d'une résurgence de la mouvance autonome ». La veille, dans Le Figaro, la ministre de l'Intérieur récitait d'ailleurs, avec sa maladresse de vieille fille, la leçon apprise : « Depuis plusieurs mois, j'ai souligné les risques d'une résurgence violente de l'extrême gauche radicale. »

La vérité de l'opération policière en cours, c'est ce versant médiatique. Un système qui ne se maintient plus que par l'inflation de ses forces de police doit donner des rebelles une image haïssable : ce sont évidemment « des terroristes » - terme qui désignait, je m'en souviens parfaitement, les combattants de la Résistance à la radio de Vichy. Mais si nul n'a jamais réussi à produire une définition incontestée du « terrorisme » - tant il est vrai que le terroriste de l'un est toujours le résistant de l'autre -, on sait bien ce qu'est l'antiterrorisme, au nom duquel sont poursuivis les huit individus mentionnés plus haut. D'après les lois antiterroristes françaises, ce qui qualifie une infraction de « terroriste » n'est pas intrinsèque à l'infraction. Ici, c'est l'intention qui compte, dès lors que l'on est « en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». Ainsi, les détenteurs de fumigènes dont j'ai parlé ne seraient pas incarcérés à l'heure actuelle s'ils n'avaient pas été préalablement fichés aux RG, s'ils n'étaient pas déjà tenus pour des individus dangereux. De même, c'est par pure construction policière que le chlorate de soude et le document italien sont devenus une bombe « en puissance », destinée à faire sauter la prison pour mineurs de Porcheville.

En réalité, l'antiterrorisme n'a rien à voir avec le « terrorisme ». Il s'agit d'une technique de gouvernement visant à éliminer par la force les cellules rebelles de l'organisme social. C'est pourquoi nous devons soutenir les subversifs récemment arrêtés : au moment où l'on s'attend à des troubles graves, leur incarcération préventive est une pure manoeuvre d'intimidation menée par la police politique. Ne la laissons pas sans réponse.

Eric Hazan, éditeur, directeur de la maison d'édition La Fabrique (qui a publié en livres des articles de la revue Tiqqun, ainsi que L'insurrection qui vient, du Comité Invisible).

suite bientot
Dan
 

Messagepar NOSOTROS » Mercredi 21 Mai 2008 15:57

Quand les banques perdent des fortunes, quand on tire au fusil sur la police dans les banlieues, quand on trouve alternativement dans la rue des magistrats, des lycéens, des chauffeurs de taxi et des sans-papiers, il y a bien de quoi s'inquiéter


S'inquiéter ... ou se réjouir ?
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Messagepar NOSOTROS » Mercredi 21 Mai 2008 15:58

Quand les banques perdent des fortunes, quand on tire au fusil sur la police dans les banlieues, quand on trouve alternativement dans la rue des magistrats, des lycéens, des chauffeurs de taxi et des sans-papiers, il y a bien de quoi s'inquiéter


S'inquiéter ... ou se réjouir ?

Surprenant de la part de Hazan ... De quel point de vue se place t il ?
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Messagepar Souvafix » Mercredi 21 Mai 2008 21:39

J'ai l'impression d'être la seule personne à pas pouvoir pifer Hazan :lol: Sa théorie de la guerre civile mondiale m'a l'air bien proche des trips "à bas l'ordre mondial" etc.
De plus sa maison d'édition abrite quand même de sacrés merdes, genre ténavian et ses indigènes de choc, réhabilitant le mythe du français de souche qu'on espérait voir disparaître...
Faire éclater le pavé sous les pas des gavés.
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Messagepar NOSOTROS » Jeudi 22 Mai 2008 0:07

compte moi avec toi ... super onh est deux ! un troisième, qu'on fonde une internationale ? :lol:
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Messagepar soleilnoir » Jeudi 22 Mai 2008 16:32

NOSOTROS a écrit:compte moi avec toi ... super onh est deux ! un troisième, qu'on fonde une internationale ? :lol:


y'a qu'a demander ! ! :lol: :lol: :lol:
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Messagepar NOSOTROS » Jeudi 22 Mai 2008 17:59

un quatrième ? (qu'on fasse une scission) :lol:
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Messagepar goldfax » Jeudi 22 Mai 2008 18:24

NOSOTROS a écrit:un quatrième ? (qu'on fasse une scission) :lol:


Me v'là !! :wink: :lol:
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Messagepar wiecha » Jeudi 22 Mai 2008 18:53

Personnellement, Hazan, Tevanian ou les Indigènes me sont certes profondément antagonistes, mais au moins ont-ils le mérite d'un minimum de cohérence et de franchise: à la dernière marche des Indigènes, c'était photos du défunt chef religieux du hamas, de celui du hezbollah et autres défenseurs du prophète.

Bref des nationalistes religieux qui s'affirment comme tels, parmi d'autres, les frères ennemis de Soral ou des Identitaires.

Ce qui me débecte au plus haut point par contre, c'est que d'aucuns trouvent parfaitement cohérent de publier un texte comme l'Appel ou d'autres dans leur maison d'éditions: et qu'on ne me sorte pas des arguments du style, t'achètes bien bakounine à la FNAC.

Dans ce texte, Hazan trace bien une ligne politique concernant la Fabrique et le choix de ses publications, une ligne qui entend lier des textes et des pratiques, une vision d'ensemble, un appel au regroupement des "ennemis intérieurs " ou ceux qu'il voit comme tels.La Fabrique ce n'est pas Gallimard ou Plon, ou Stock.

Alors cette vision est-elle partagée par ceux qui se retrouvent dans l'Appel et par ses rédacteurs ? Le silence dans ce contexte ne peut signifier que l'adhésion et la reconnaissance de Hazan et de ses pairs comme des "complices".

Ca me semble quand même une question importante
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