Dans le milieu libertaroïde, le temps était hier au “syndicalisme révolutionnaire”, il est maintenant à la renaissance de l’apologie de l’insurrection. Pile et face d’une même incapacité à appréhender la lutte sociale dans sa complexité, ces deux formules ont en commun un insigne désavantage : elles enferment la lutte dans une seule option tactique, obligeant ceux qui s’y conforment à répéter les mêmes comportements jusqu’à ce que tout le monde soit convaincu de leur inefficacité.
1 – s’il existe un milieu libertaroïde, je ne pense pas que les auteurs de l’insurrection qui vient, les gens qui ont lutté dans divers endroit au cours des derniers mois (sur les facs, notamment) en fassent partie. User de ce terme est une invention, proche – pour ne pas dire similaire – à l’opération médiatico-policière qui parle de la mouvance anarchoautonome. Il suffit maintenant que les flics découvrent un bouquin dans une bibliothèque pour être accusé de participation à une entreprise terroriste. Pas mal, non ?
2 – Qu’est-ce qui permet de dire que les gens qui sont partisans de l’insurrection s’enferment dans une seule option tactique ?
Je redis ce que j’ai dis ailleurs :
Tu confonds sciemment sans doute deux choses : l’insurrection est un moment, ça n’a rien d’une organisation (au sens ou la cnt-ait est une organisation). Une insurrection ne peut être l’œuvre d’un groupe restreint. On peut récupérer le sens d’une insurrection lorsque celle-ci n’a pas triomphé, lorsqu’elle n’a pas été dépassée. C’est le travail de tous les récupérateurs (les bolchéviks en Russie, les islamistes en Iran, etc.) et des médias qui traduisent toujours en termes dominants les aspirations qui éclatent dans l’insurrection.
Autrement dit, comment arrive une révolution (on voudra bien considérer que nous pouvons appeler révolution le dépassement de l’insurrection) ? En militant dans sa boîte pour retarder un licenciement ou pour obtenir une augmentation de salaire ? En proposant une authentique convergence par des droits généraux (service public libre, gratuit
et accessible ? La révolution n’et pas un dîner de gala comme disait l’autre. La révolution, c’est le débat sur la totalité, et c’est pas quelque chose de tranquille et de paisible.
3 – D’entrée de jeu on pose un amalgame foireux entre les enculés de possibilistes et les partisans de l’insurrection. Au passage, faudrait être claire : les anarchosyndicalistes n’aiment-ils pas les insurrections ?
4 – Il faudrait être précis et illustrer votre propos quand vous parlez de « comportements » inefficaces.
Et voici que, par un de ces retours dont l’histoire a le secret, le "nous" refait une apparition, et que, contrairement au "nous" des libertaires, il est, comme par le passé royaliste, une façon d’écraser la parole des autres.
5 – D’abord, soyons clairs : il existe un texte intitulé Appel, sorti sous un petit format à couverture marron, sans éditeur, sans nom d’auteur, sans adresse. Il existe un tract distribué sur Rouen intitulé Appel de Rouen et daté du 25 octobre 2007. Ce texte a été diffusé le 31 octobre 2007 par la cnt-ait via sa liste de diffusion internet. Il est également repris sur ce forum (rubrique actualités normandes, blocage et occupation à Rouen)
Il existe enfin un autre tract, intitulé Où on veut et quand on veut, émanant visiblement des mêmes personnes de Rouen et diffusé début décembre 2007.
6 – ce qui est reproché dans le 1er tract rouennais, c’est la phrase « nous sommes la génération qui s’est battu … » A partir de cette seule phrase, l’auteur de l’article toulousain échafaude une théorie en mettant bout à bout de petits passages trouvés ici et là, tous étant attribués à « la mouvance anarchoautonome » également appelée « insurectionnalistes » ou « appelistes ». Bref, il fabrique de toute pièce une identité, un sujet qu’il voudrait parfaitement identifiable, une sorte d’organisation structurée, à moitié clandestine, et que la lecture de certains textes réunirait.
Dans la phrase reprise du tract en question, il aurait peut être fallu que les auteurs disent qu’ils étaient « de » la génération qui s’est battu, plutôt que « la » génération… OK, maladresse, imputable sans doute aux conditions dans lesquelles ce genre de tract est généralement écrit : collectivement, en pleine lutte, avec effet de proclamation. De là à sombrer dans le délire que nous pouvons lire sous la plume toulousaine, il y un gouffre. La fait que douddu nous dise que des querelles (je ne sais pas si le mot est trop faible ou trop fort) entre la cnt-ait et des gens rangés dans la mouvance autonomes ont existées au moment de la lutte sur les facs à Toulouse permet de mieux comprendre la manœuvre : un règlement de compte permettant de mettre dans le panier des gens apparemment bien connu dans leur ville avec d’autre qu’ils ne connaissent certainement pas. Mais passons, et revenons-en aux mensonges contenus dans ce texte.
7 – Dans l’Appel (le petit livre sans éditeur) il est clairement écrit (page 10) :
Le NOUS qui s’exprime ici n’est pas un NOUS délimitable, isolé, le NOUS d’un groupe. C’est le NOUS d’une position. Cette position s’affirme dans l’époque comme une double sécession : sécession avec le processus de valorisation capitaliste d’une part, sécession ensuite, avec tout ce qu’une simple opposition à l’empire, fût-elle extraparlementaire, impose de stérilité ; sécession, donc, avec la gauche. Où « sécession » indique moins le refus pratique de communiquer qu’une disposition à des formes de communication si intenses qu’elles arrachent à l’ennemi, là où elles s’établissent, la plus grande parte de ses forces.
Puis on peut y lire aussi : « MAIS QU'EST-CE QUE VOUS voulez au juste. ? Qu'est-ce que VOUS proposez ? »
Ce genre de question peut paraître innocent. Mais ce ne sont pas des questions, malheureusement. Ce sont des opérations.
Renvoyer tout NOUS qui s'exprime à un VOUS étranger, c'est d'abord conjurer la menace que ce NOUS m'appelle de quelque manière, que ce NOUS me traverse. Ensuite, c'est constituer qui ne fait que porter un énoncé - en soi inassignable - en propriétaire de celui-ci. Or, dans l'organisation méthodique de la séparation qui domine pour l'heure, les énoncés ne sont admis à circuler qu'à condition de pouvoir justifier d'un propriétaire, d'un auteur. Sans quoi ils menaceraient d'être un peu communs, et seul ce qu'énonce le ON est autorisé à la diffusion anonyme.
Et puis, il y a cette mystification : que, pris dans le cours d'un monde qui nous déplaît, il y aurait des propositions à faire, des alternatives à trouver. Que l'on pourrait, en d'autres termes, s'extraire de la situation qui nous est faite, pour en discuter de manière dépassionnée, entre gens raisonnables.
Or non, il n'y a pas d'espace hors situation. Il n'y a pas de dehors à la guerre civile mondiale. Nous sommes irrémédiablement là.
Tout ce que nous pouvons faire, c'est y élaborer une stratégie. Partager une analyse de la situation et y élaborer une stratégie. C'est le seul NOUS possiblement révolutionnaire, le NOUS pratique, ouvert et diffus de qui oeuvre dans le même sens.
Ce nous s’oppose donc d’emblée à ceux qui veulent parler au nom d’autres. Ce nous s’oppose au On généraliste, qui sert d’ailleurs également à faire dire ce qu’on veut à n’importe quel groupe humain, à LA société.
Où est le monarchisme ? Où la parole des autres est-elle écrasée ?
Surtout que, soit dit en passant, les éléments qui se sont le plus "battus dans la rue" ces dernières années (puisque tel est le critère), en l’occurrence les jeunes de banlieues, n’ont certainement pas apporté la plus minime contribution à ce texte d’une facture toute universitaire !
8 - L’auteur toulousain décrète que les rouennais ont institué un critère de jugement : ceux qui se sont le plus battus. Nulle part dans le texte il est question de comparaison entre ceux qui se sont plus ou moins battus.
Qu’est-ce qu’un jeune de banlieue ? N’y en a-t-il pas à l’université ? Nous sommes en 2008, des jeunes qui habitent des quartiers pauvres (pas toujours en banlieue, et il y a des quartiers riches en banlieue) font des études. Eh oui ! Que voulez-vous, ils sont partout. Il y en a même qui deviennent flics, contrôleurs, vigiles, chefs d’entreprises…
Qu’est-ce qui permet de dire que les auteurs sont des étudiants ? Une lutte ayant lieu dans une fac ne doit-elle être menée que par des étudiants ? C’est une extrapolation.
Alors même qu’il se camoufle derrière une phraséologie libertaire ou autonome, ce style de prose est foncièrement absolutiste. L’Appel ne cache d’ailleurs pas sa volonté de puissance,
9 – Qu’est-ce que l’absolutisme ? N’y a-t-il pas confusion entre puissance et pouvoir de domination ?
Une faction qui pose en principe que n’est mauvais que ce qui nuit à sa propre puissance, voilà qui est clair et qui nous éloigne définitivement des rivages libertaires.
10 – Pour s’éloigner des rivages libertaires, encore faut-il s’en être rapproché… Ici, le point essentiel n’est qu’une évidence : quand on se regroupe pour se défendre ou pour attaquer, on vise à développer sa force. Tout ceci est dénué de tout jugement moral. Je rappelle que la morale consiste à dire : ceci est mal, ceci est bien et cela vaut pour tout le monde et tout le temps. L’éthique, au contraire, indique un choix, une préférence qui n’engage que celui qui la porte. Nous voyons ici que l’auteur toulousain émet un jugement moral, sa morale étant bien entendu la morale anarchiste.
si par le passé les groupes autonomes qui s’organisaient se donnaient la peine de se définir aussi clairement qu’il leur était possible
11 – C’était d’ailleurs une appellation fourre-tout, on l’on trouvait de l’anar, du marxiste, du mao, etc.
12 – Qu’est-ce que se définir ? Dire : voici la liste des points pour lesquels je suis « pour » et celle pour lesquels je suis « contre » ?
Mais quelle est donc cette "stratégie collective" à laquelle les rédacteurs de l’Appel font allusion ?
13 – C’est celle qui s’élabore au fil du temps, au gré des rapports de force, et qui met un point d’honneur à ne jamais reprendre les présupposés de l’ennemi. Dans l'Appel, on trouve même ça : d'un côté nous voulons vivre le communisme, de l'autre nous voulons répandre l'anarchie.
ils SE donnent le droit d’englober tout le monde, en fonction de leurs besoins tactiques
14 – C’est faux, tout le monde n’est pas englobés par le nous en question.
Ce haut sentiment de sa propre valeur s’accompagne d’un grandiose mépris pour les foules :
"Nous avons subi vos AG, nous les avons même organisées ...Cette lutte de pouvoir pour le pouvoir, par le pouvoir, nous la haïssons. Nous l’avons utilisée comme un prétexte pour arrêter le cours normal des choses, se rencontrer, partager, conspirer... Ça vous ne l’avez pas compris, vous étiez absents dans la situation, dans la vie qui se déroulait ici, parce qu’un monde nous sépare.” (Appel de Rouen, 13 décembre 2007).
15 De quelles foules parle-t-on ? Le tract en question était destiné aux gens réunis en AG dans la fac des lettres de Rouen. Quand il est dit « nous avons organisés vos AG », il n’est pas dit qu’elles ont été dirigées. Il y a une différence énorme entre organiser et diriger. Qu’est-ce qu’organiser une AG dans la situation qui nous préoccupe ici ? C’est d’abord d’y appeler. C’est ensuite de la faire vivre en faisant des propositions. C’est ensuite mettre en pratique les décisions qui ont été prise. Or, il est facile de ne citer que le passage retenu par notre toulousain. Il oublie ceux dans lesquels il est dit à l’AG (et plus particulièrement aux bureaucrates qui n’ont eu de cesse de vouloir se l’accaparer) qu’il était pitoyable de voir que les décisions (comme le blocage et l’occupation) n’étaient appliqué que par une poignée (en l’occurrence, les vilains autonomes en question) Il est dit que certains auraient voulu réduire cette lutte à un enfilement d’AG stérile, et qu’il aurait fallu subir cela sans broncher. Et cela change tout.
le coup du "responsable mais pas coupable" n’est pas franchement nouveau. Ce procédé simpliste qui consiste à projeter la responsabilité de la faute sur "les autres"
16 – Quelle faute ? Où y a –t-il un jugement de valeur ? Je ne vois qu’une chose dans ce texte : le fait de poser une ligne de démarcation entre les bureaucrates et leurs suiveurs et ceux qui ont fait vivre concrètement la lutte.
Le mépris des autres,
17- Il n’y aurait donc personne à mépriser ? Le mépris c’est caca, c’est ça ?
issus des classes moyennes, ils n’ont jamais vraiment coupé le cordon ombilical avec
18 – Ce que tu appelles la classe moyenne, c’est quoi ? Visiblement, ça aussi c’est caca. Il n’y aurait donc que des gens de la classe la plus basse à la cnt ?
Je pense pour ma part qu’il y a effectivement une classe moyenne qui se caractérise par un certains nombres de comportements et d’affects. La classe moyenne, c’est la démocratie et la pacification incarnées. C’est le moi-je par-dessus tout. C’est l’écrasement de toutes divergences par des guéguerres et des compétitions mesquines. C’est la fausse résolution de l’ancienne lutte de classes. A propos de celles-ci, elle n’est pas niée mais rejetée comme hypothèse. Les classes sociales sont crées par et pour l’économie. Vouloir se ranger sous cette appellation nous condamne à errer sur le terrain du système, là où celui-ci est le plus à l’aise.
Voici, dans le fond, ce qu’ils disent : "Oui, nous avons pris part à la direction du mouvement, mais, tas de crétins, vous n’avez rien compris, et c’est pour ça que l’échec est uniquement de vôtre faute, na nanère !".
19 – Mettre entre guillemet ce genre de détournement est une saloperie supplémentaire destinée à tromper le lecteur.
Ce n’est pas là en effet qu’on va entendre parler de solidarité de classe, d’espoir social !
n’ont aucune compassion pour la souffrance d’autrui.
20 - Amen ! Solidarité, oui, mais pas de classes pour les raisons indiquées ci-dessus. Espoir social, non. L’espoir c’est con, le social aussi. Je ne crois pas en la société, je pense qu’il faut écraser tout socialisme. Quant à la compassion… C’est donc un dénommé Jésus qui serait l’auteur du texte toulousain. Au nom de quoi devrais-je aimer a priori quelqu’un que je ne connais pas ? Cela ne veut pas dire pour autant que quelqu’un que je ne connais et qui souffre me laisse indifférent. Mais enfin, il y a de pauvres gens, de pauvres travailleurs qui cumulent les difficultés mais qui par ailleurs ont aussi un engagement qui est ennemi au mien.
"Nous admettons la nécessité de trouver de l’argent, qu’importent les moyens,..." [3] "... de l’argent, qu’importent les moyens ?", voici qu’ils nous présentent comme une de leurs trouvailles l’essence même du capitalisme : faire de l’argent par n’importe quel moyen ! Pour ça non plus le système ne les a pas attendus !
Les experts en découpages de textes destinés à tromper autrui ne sont pas l’apanage des staliniens et autres systèmes kafkaïens. Dans l’Appel il est écrit ceci :
Nous faisons un constat simple : n’importe qui dispose d’une certaine quantité de richesses et de savoirs que le simple fait d’habiter ces contrées du vieux monde rend accessibles, et peut les communiser.
La question n’est pas de vivre avec ou sans argent, de voler ou d’acheter, de travailler ou non, mais d’utiliser l’argent que nous avons à accroître notre autonomie par rapport à la sphère marchande.
Et si nous préférons voler que travailler, et auto-produire que voler, ce n’est pas par souci de pureté. C’est parce que les flux de pouvoir qui doublent les flux de marchandises, la soumission subjective qui conditionne l’accès à la survie, sont devenus exorbitants,
Ca n’a rien de capitaliste, je crois que les choses sont très claires. De toute manière, allez voir ici, au moins chacun pourra se faire une idée précise :
http://cnt.ait.caen.free.fr/forum/viewtopic.php?t=1299
Allez donc voir ça aussi :
http://cnt.ait.caen.free.fr/forum/viewtopic.php?t=2394
Paul Anton, t’es viré de la cnt-ait, sale traite ! capitaliste ! facho !
Quant à la tirade sur les éditions La Fabrique, allez voir chez les intéressés :
http://www.lafabrique.fr/qui.php3?id_rubrique=21
En tout cas, ami lecteur, exerce ton esprit critique
Je ne saurais mieux dire !