AUTONOMIE

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AUTONOMIE

Messagepar NOSOTROS » Dimanche 27 Jan 2008 23:59

Trouvé sur le net ce texte de Besnard, tiré de l'Encyclopédie Anarchiste, qui parle d'autonomie et d'indépendance vis à vis des organisations politiques.

A noter la distinctino qu'il fait clairement entre les deux mots, ...

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(ou savoir différencier "autonomie" et "indépendance")
L'AUTONOMIE

(du préf. auto, et du grec nomos, loi). Droit de s’administrer ou de se gouverner librement, dit le dictionnaire. Socialement, ce mot a une signification moins étendue. Cette signification a d’ailleurs besoin de précisions sérieuses, si on veut arriver à s’entendre sur la valeur exacte de ce terme social particulièrement usité et discuté en ce moment.

Depuis que les partis politiques et particulièrement le parti communiste ont tenté leur dernière et puissante offensive contre le mouvement syndical de tous les pays, offensive qui a d’ailleurs presque partout atteint son but, le mot “ autonomie ” a donné lieu à d’interminables controverses. - Selon qu’il est employé par les syndicalistes ou par les communistes, il a une signification ou une autre signification.

Fidèles à leur doctrine, interprétant dans son sens le plus complet et le plus large la charte constitutive de leur mouvement, les syndicalistes déclaraient et continuent à affirmer plus fortement que jamais, que le ”Syndicat, aujourd’hui groupement de résistance et, demain, groupement de production, base de réorganisation sociale ” doit être autonome et indépendant.

Si les syndicalistes ont constamment accouplé ces deux termes, c’est, indiscutablement, parce que, dans leur esprit, ils n’ont pas la même signification, parce que l’un a certainement une portée plus considérable que l’autre. Et c’est vrai.

En effet, “autonomie” signifie, pour les syndicalistes : droit, pour le syndicat, de s’administrer à son gré, tandis qu’indépendance veut dire : droit d’agir librement en toutes circonstances.

Ceci revient à dire qu’un groupement peut être autonome, tout en étant dépendant d’un autre. Il en est d’ailleurs de même d’un pays. Les Franco-Espagnols veulent bien, par exemple, reconnaître l’autonomie du Riff, mais se refusent à lui accorder l’indépendance.

Le Riff, autonome, continue à faire partie de l’empira marocain, tandis qu’indépendant, il devient un Etat qui ne doit plus au Sultan ni obéissance spirituelle, ni obéissance temporelle.

Il en est de même pour le syndicat et la C. G. T. Autonomes : les syndicats, la C. G. T., s’administrent librement, mais leurs actes n’en sont pas moins inspirés par le parti politique dont ils dépendent, dont ils doivent appliquer les décisions.

De tout temps, les partis politiques ont été disposés, pour sauver la face, à reconnaître l’autonomie des syndicats, mais ils firent toujours l’impossible pour rendre vaine leur indépendance.

De 1873 à 1906, les partis politiques, en France, n’eurent pour unique préoccupation, que de placer sous leur tutelle les syndicats, tandis que ceux-ci surtout sous l’influence de Pelloutier, de Merrheim, de Griffuelhes, mirent tout en oeuvre pour affirmer leur indépendance et la conserver.

On pouvait croire que cette question était tranchée depuis le Congrès d’Amiens, en 1906, où les guesdistes, marxistes de l’époque, furent écrasés par les partisans de l’indépendance du syndicalisme. Il n’en fut rien. Il convient d’ailleurs de dire que le mouvement syndicaliste international, sauf l’Union syndicale italienne, la Confédération Nationale d’Espagne et l’Union des Travailleurs libres d’Allemagne, était partout lié étroitement avec le Parti Social-démocrate dont il dépendait réellement.

L’affaiblissement du mouvement syndical, la naissance d’un fort mouvement politique marxiste remirent tout en question, en 1919. - Les premières tentatives prirent un caractère sérieux, offensif, au Premier de l’Internationale syndicale rouge, à Moscou, en 1921. La majorité, acquise aux vues de Lénine, Boukharine, Trotski, Zinoviev et Lozovsky, vota une résolution dite : Tom Mann-Rosmer, qui indiquait que les syndicats, dans chaque pays et l’Internationale, sur son plan, étaient placés sous la direction politique du parti communiste ou de l’Internationale communiste.

Il n’était pas même question de l’autonomie du mouvement syndical, qui devenait ainsi un appendice du parti communiste. Devant les protestations soulevées par cette décision, les partisans de la subordination totale des syndicats durent biaiser. C’est à ce moment qu’ils joignirent leurs protestations aux nôtres et réclamèrent l’autonomie, pendant que nous insistions pour que l’autonomie et l’indépendance fussent reconnues au mouvement syndical.

Les militants, en général, ne faisaient pas, entre, ces deux mots, la distinction nécessaire. La plupart demandaient l’autonomie, tout en croyant réclamer l’indépendance. Les communistes exploitèrent habilement cette erreur. C’est ce qui leur permit de triompher au Congrès constitutif de la C. G. T. U., en juillet 1922 à Saint-Étienne. C’est ce qui leur permit aussi de violer leur mandat au Deuxième Congres de l’Internationale syndicale rouge, la même année, à Moscou et de voter - ce qu’ils nièrent d’ailleurs - la fameuse résolution Dogadow, copie exacte de la résolution Tom Mann-Rosmer, laquelle consacrait la subordination des syndicats au Parti politique communiste, nationalement et internationalement.

Si les militants syndicalistes, et aussi libertaires, avaient su distinguer entre “autonomie et indépendance”, le mouvement ouvrier ne serait peut-être pas asservi, aujourd’hui.

Personnellement, j’ai toujours affirmé cette différence. La résolution minoritaire de St Etienne en porte la trace évidente. Celles qui furent présentées ou votées par la suite, par nombre de Congrès régionaux, fédéraux et confédéraux, en apportent la confirmation certaine.

C’est sur la valeur de ces deux termes, trop longtemps considérés comme synonymes, qu’il faut éclairer les camarades, si on veut recréer d’abord le véritable esprit syndicaliste, éviter d aussi funestes erreurs, plus tard.

L’autonomie d’un groupement, d’un mouvement, c’est une chose précise. L’indépendance de ce groupement, de ce mouvement en est une autre, non moins précise, mais très différente.

Et tous les militants, tous les ouvriers doivent savoir distinguer l’une de l’autre.

Ce sont des questions importantes qui se poseront demain avec une acuité beaucoup plus considérable. Il importe de les bien connaître afin de ne pas retomber dans cette erreur considérable, puisqu’elle a eu pour résultat la dissociation et la domestication du mouvement syndical dans tous les pays.
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Messagepar clown » Lundi 28 Jan 2008 0:28

je ne comprends pas bien la distinction opérée par Besnard, mais il me semble que je ne partage pas sa conception de l'autonomie;
selon lui, on peut être "autonome", tout en étant dépendant ? C'est bien le sens de sa distiction "autonomie"/ indépendance ?

Comment peut-on déterminer soi-même ses propres lois, tout en dépendant d'une structure, d'une personne, d'un parti ?
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Messagepar NOSOTROS » Lundi 28 Jan 2008 1:57

Effectivement l'autonomie n'est pas l'indépendance.

Cette question pose celle de la relation des groupes entre eux.

Mais attention au contresens ! Ne pas être indépendant ne veux pas dire que les groupes sont "dépendants" (matériellement) les uns des autres !

En fait dans une organisation autonome, les groupes ne sont pas indépendants car ils sont reliés (connectés) les uns aux autres, comme les différents noeuds d'un filet. Dans un filet, les noeuds ont une marge de manoeuvre très grande les uns par rapport aux autres. Cependant ils sont solidaires les uns des autres par des liens, qui crèent la connection. Et c'est l'ensemble dialectique noeud + liens qui créé le filet, lui donne sa force et sa cohésion.

Si les différents élements n'ont aucune relation de solidarité les uns avec les autres, qu'ils sont totalement indépendants les uns des autres, alors on a affaire à une structure atomisée, où chaque atome vie sa vie indépendament de celle des autres. Il peut y avoir parfois rencontre (voire collision) d'atome, mais cela ne crée pas de cohérence globale.

Si on applique l'image du filet à l'organisation, qu'est ce qui - concrètement fait le substrat de cette inter-connection : l'idéologie. Des groupes autonomes sont donc reliés les uns aux autres par une approche idéologique qui leur est commune. Ils partagent une communauté de point de vue. Ainsi les organisatons autonomes décident de leur propre loi mais à l'intérieur d'un paradigme idéologique commun.

C'est ce qui explique que l'autonomie syndicale, telle que prévue par l'Internationale communiste est en fait une forme de domination du parti : car dans ce cas précis d'autonomie, c'est le parti qui - de l'extérieur et sans consulter les élements constitutifs - secréte l'idéologie qui relie ces élements.

Dans l'autonomie populaire telle que nous la concevons, le lien idéologique est de plus produit par l'ensemble des groupes constitutifs, dans un processus récursif. ce qui change tout ... (on est à la fois producteur de notre idéologie et metteur en acte de l'idéologie produite...)
Dernière édition par NOSOTROS le Lundi 28 Jan 2008 2:05, édité 2 fois.
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Messagepar clown » Lundi 28 Jan 2008 2:02

autonomie et interdépendance donc ?
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Messagepar NOSOTROS » Lundi 28 Jan 2008 2:05

oui c'est exactement celà !

Je dirai même plus : Autonomie et interdépandance des groupes entre eux, mais indépendance la plus absolue envers les partis ou institutions en ce qui s'agit de la production idéologique.

Ce qui en terme de théorie anarchiste de l'organisation a comme conséquence le refus de la théorie de la division du mouvement anar entre organisation spécifique [productrice d'idéologie = la FA française] et organisation de masse [productrice d'action = le syndicat quelqu'il soit]) Dans la vision anarchosyndicaliste de l'autonomie popualire, l'organisation révolutionnaire est à la fois politique, économique et sociale et n'a pas besoin de tuteur extérieur (cette notion d'orga spécifique est à rapprocher de la conception de Lénine sur le parti, que nous connaissons bien depusi que nos amis du CCI fréquentent ce forum :-))
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Messagepar Laguigne » Dimanche 20 Juil 2008 17:21

Sur la question du syndicalisme et plus largement de l'organisation de classe, nous avons beaucoup avancé(e)s dans nos débats sur "Autonomie et Fédéralisme" (comme l'expose le texte éponyme) et l'éclairage récent de l'analyse foriste et de l'opposition anarchisme ouvrier et anarcho-syndicalisme nous amène encore plus loin.

Pour autant, je crois que les réponses que nous apportons ne sont que parcellaires quant aux questionnements posés par les héritiers de "l'Autonomie" présents dans notamment dans le "Parti Imaginaire". L'une des principales critiques que nous pouvons faire sur les fondements et les pratiques de cette mouvance est l'absence d'élaboration autour de la question de genre. C'est aussi une des principales critiques que nous entendons et observons sur notre propre dynamique. Et c'est sans doute pour la CNT-AIT la plus (la seule?) pertinente. Reprenant depuis longtemps cette critique, tant pour notre chère organisation que pour le milieu anar de ma région, je cherche depuis quelques temps les mots les plus pertinants pour faire le lien entre ces problématiques. Mais plutôt que donner dans la paraphrase, je préfère poser une référence féministe incontournable sur la question de l'agencement révolutionnaire, supposant que ce texte est plus que synthétique et opportun dans ce débat.

http://infokiosques.net/imprimersans2.php?id_article=2
Comme disait Durruti, faut pas ce laisser abattre...
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