Quand diverses problématiques se recroisent (le problème du logement n'est bien sûr pas propre aux sans-papiers !)...
L'évacuation d'un squat géant dans l'impasse à Cachan
dimanche 23 avril 2006, 9h50
CACHAN (AFP) - Trois ans après l'arrivée de ses premiers occupants, le squat géant de Cachan (Val-de-Marne), dont l'évacuation "progressive et raisonnée" devait s'achever en décembre 2004, abrite encore aujourd'hui, au moins 600 personnes, ivoiriennes et maliennes pour la plupart.
Depuis la décision du tribunal de Melun du 14 avril 2004, d'ordonner l'évacuation du squat, une barre vétuste de cinq étages située sur un vaste campus universitaire, Fidèle Nitiema, délégué ivoirien des habitants, mène la mobilisation.
Assis sur le matelas de sa chambre de 9m², l'une des 300 de l'ancienne résidence universitaire, il demande à ce que la préfecture "prenne une mesure exceptionnelle". "Ici, c'est le plus grand squat de France, on ne peut pas seulement appliquer la loi", estime t-il.
Soucieuse d'éviter une opération d'évacuation massive, la préfecture avait en août 2004 décidé avec le CROUS (oeuvres universitaires), propriétaire du bâtiment, de mettre en place une "cellule d'examen individuel", puis de procéder à l'évacuation "étage par étage".
Mais depuis décembre 2004, l'opération patine, le cinquième étage n'ayant jamais été entièrement évacué, même si une cinquantaine d'occupants étaient partis. Leurs chambres avaient été murées et 40 occupants avaient fait l'objet d'arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF), ce qui avait crispé les squatteurs et leurs soutiens.
Yaoda Boubackary, Ivoirien de 30 ans, est arrivé au squat en avril 2004. Lui veut, comme la plupart des occupants, faire sa vie en France. En situation régulière, il travaille en CDI dans une entreprise de sécurité. Certaines de ses fiches de paie affichent près de 1.500 euros.
La majorité des sans-papier -plus de la moitié des squatteurs- travaillent eux, au noir, même s'ils rechignent à le reconnaître. Bamba, 37 ans, qui vit dans une petite chambre d'étudiant, avec sa femme, un autre couple, et sa fille d'un an et demi, Afou, "une petite Française", veut "simplement, un logement et des papiers". Mais visiblement exaspéré par le blocage de la situation du squat, il envisage de retourner en Côte d'Ivoire, "quand la paix reviendra".
En janvier 2006, avec l'arrivée d'un nouveau préfet dans le Val-de-Marne, Bernard Tomasini, de nouvelles négociations se sont néanmoins engagées entre autorités, squatteurs et comité de soutien, qui regroupe notamment la Ligue des droits de l'Homme, Droit au Logement et la Cimade. Mais M. Nitiema a refusé en avril de signer un protocole d'accord, demandant que la préfecture cesse de s'appuyer sur le recensement de 2004 "qui n'est plus d'actualité". Beaucoup d'habitants se sont installés entre-temps, d'autres sont partis. Pour lui, les sans-papiers doivent au moins se voir délivrer un titre de séjour.
Selon Pierre Derrouch, directeur de cabinet du préfet, "la préfecture était prête à traiter le bâtiment dans sa globalité", mais toujours aux mêmes conditions: "proposition de relogement pour les personnes en situation régulière, hébergement des demandeurs d'asile, et APRF (reconduites à la frontière) pour les sans-papiers non régularisables".