Le droit au travail et à la paraisse.

Mille-feuilles à tendance séditieuse.

Le droit au travail et à la paraisse.

Messagepar Léa » Mardi 10 Mai 2005 18:21

Dans un premier temps, je vous laisse méditer sur le discours officiel...

Droit du travail et droit au travail

Si la création puis l'affirmation d'un droit du travail sont assez anciens, le débat sur un droit au travail est, lui, plus récent.

Du droit du travail...

Au début du XIXesiècle, la majorité des penseurs et des hommes politiques considèrent la mise en place d'un droit du travail comme quelque chose d'inutile et de dangereux. Dangereux en raison du coût d'une telle innovation, qui pèserait sur les entreprises françaises, les désavantageant par rapport à la concurrence étrangère ; inutile car le contrat de travail doit être la loi entre le patron et ses travailleurs : or, puisqu'il est négocié, un contrat ne peut désavantager l'une des parties. « Qui dit contractuel dit juste » est l'un des adages qui expriment cette conception bien ancrée alors. Pourtant, force est de constater que le contrat de travail est déséquilibré, entre un employeur aux moyens financiers et intellectuels importants, et un salarié qui n'a pour seule richesse que sa force de travail.

C'est pourquoi on va peu à peu s'aviser de reconnaître certains droits aux travailleurs. La première date importante est 1841 avec le vote d'une loi limitant à huit heures la durée de travail journalière des enfants.

L'année 1864 marque une étape sur le plan des droits collectifs : la grève cesse d'être un délit, même si elle peut encore justifier un licenciement. L'année 1874 est importante à deux titres : d'une part une loi protégeant les jeunes filles au travail est votée, d'autre part on crée l'Inspection du travail. Les syndicats sont reconnus en 1884. Peu à peu, un certain nombre de droits sont conquis, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, dans un ordre sans logique apparente et de manière quelque peu disparate.

En 1936, avec le Front populaire, une grande étape est franchie : limitation à 40 heures hebdomadaires de la durée du travail, octroi à tous les salariés de 15 jours de congés payés, création de délégués du personnel élus, chargés de faire connaître à la direction de l'entreprise les revendications des salariés.

La Libération est l'occasion d'autres conquêtes. En 1945 sont créés les comités d'entreprise qui, outre la gestion d'oeuvres sociales et culturelles au profit des salariés et de leurs familles (spectacles, colonies de vacances...), permettent à des représentants des travailleurs d'être informés sur le fonctionnement et les résultats de l'entreprise. Le préambule de la Constitution de 1946 reconnaît le droit à la santé, le droit à la protection sociale, le droit d'adhérer au syndicat de son choix, la non discrimination dans l'emploi...

En 1956, le Parlement vote la troisième semaine de congés payés.

En 1968, à l'issue des événements de mai, la loi reconnaît le droit aux syndicats de déployer leur action à l'intérieur même des entreprises (ce qui était auparavant strictement interdit), grâce à des délégués syndicaux spécialement protégés par le code du travail.

En 1982, les lois Auroux donnent un nouvel élan au droit du travail, d'abord en mettant en place une cinquième semaine de congés payés (la quatrième datait de 1969), ensuite en obligeant direction et syndicats à débattre chaque année des conditions et du temps de travail dans l'entreprise, enfin en réduisant à 39 heures la durée hebdomadaire des entreprises.

Enfin, la dernière conquête est récente : la majorité élue en 1997 a voté une loi réduisant à 35 heures le temps de travail hebdomadaire.

Telles sont, rapidement résumées, les grandes dates du droit du travail.

au droit au travail ?

En revanche, la question du droit au travail demeure toujours au stade du débat juridique et politique. Le droit au travail avait, il est vrai, été affirmé dans le préambule de la Constitution de la IIeRépublique, en 1848. Certes, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose également que : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ». Certains ont pu voir dans ce membre de phrase posant en principe le droit au travail, l'inspiration socialisante du préambule de 1946. Quoiqu'il en soit, la majorité des commentateurs a toujours considéré qu'une telle disposition ne pouvait être d'application directe, et, notamment, ne pouvait en aucun cas être invoquée telle quelle devant un juge. Le débat a repris une certaine vigueur à la fin des années 1970 et au début des années 1980, lorsque le taux de chômage a commencé à augmenter de manière inquiétante.

Néanmoins, le Conseil constitutionnel a coupé court aux interprétations les plus « jusqu'au-boutistes » de cet alinéa du préambule de 1946. En effet, dans une décision de 1983, il a énoncé que ce texte faisait seulement peser une obligation de moyens sur le législateur, à qui il appartient « de poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d'obtenir un emploi en vue de permettre l'exercice de ce droit au plus grand nombre d'intéressés ». Les auteurs du préambule étaient d'ailleurs eux-mêmes conscients de la difficulté pour tout un chacun de trouver un emploi, dès lors qu'ils avaient prévu, dans un autre alinéa, que « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler, a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».

Les créations du SMIG en 1950 puis du SMIC en 1973, de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) par une ordonnance de juillet 1967, et du Revenu minimum d'insertion par une loi de 1988, essaient de rendre le droit au travail possible et de pallier à ses imperfections.
:arrow: http://www.vie-publique.fr/decouverte_instit/approfondissements/approf_105.htm


Existe-t-il un droit au travail ?

Le droit au travail participe à la dignité de l'être humain et constitue une question récurrente en droit français.

Il a été affirmé pour la première fois, en 1848, par la IIe République qui créa, dans cette perspective, des Ateliers nationaux, permettant de fournir un travail aux chômeurs.

Ce droit au travail a été repris dans le préambule de la Constitution de1946, qui affirme : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi », et par notre Constitution actuelle.

Le droit d'obtenir un emploi ne s'entend pas comme une obligation de résultat, c'est-à-dire comme une obligation absolue de donner à tout chômeur un emploi, mais bien comme une obligation de moyens. Il s'agit, pour les pouvoirs publics, de mettre en oeuvre une politique permettant à chacun d'obtenir un emploi.

C'est d'ailleurs ainsi que l'a interprété le Conseil constitutionnel. Dans une décision de 1983, il a affirmé qu'il appartient au législateur « de poser les règles propres à assurer au mieux le droit pour chacun d'obtenir un emploi en vue de permettre l'exercice de ce droit au plus grand nombre d'intéressés ». C'est dans cette optique que s'inscrit l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE).

Ce droit au travail existe donc bien, mais sa portée juridique est très limitée. Par ailleurs, les difficultés économiques qui ont pesé sur l'emploi en France depuis les années 1970 ont rendu ce droit encore moins effectif.

Quoiqu'il en soit, un chômeur ne pourrait espérer trouver un emploi en saisissant un juge sur le fondement de ce droit au travail.
:arrow: http://www.vie-publique.fr/decouverte_instit/citoyen/citoyen_1_2_3_q11.htm

N'hésitez pas à consulter la page des :arrow: Approfondissements.
Et pour le plaisir de s'offrir une petite "boutade" (surtout en ce moment cela vaut le coup, TCE oblige :wink: ) : :arrow:
Droit de travailler, droit au travail ? Par Antoine Artous

Image
Moi, je repasse plus tard.... :lol:
Dernière édition par Léa le Samedi 21 Mai 2005 15:27, édité 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar Léa » Mardi 10 Mai 2005 23:42

Personne pour relever ? :cry: Bon ben, j'y vais...

La question « ouvrière » (autrement dit, la question prolétarienne au sens de Marx) conduit naturellement les savants économistes à se préoccuper de la question de l'organisation du travail.

Ainsi, l'organisation du travail peut être abordée sous plusieurs aspects. Premièrement, il peut s'agir des dimensions physiques et psychiques du travail sous l'angle de l'ergonomie et de l'aliénation. Deuxièmement, elle est abordée par les courants critiques du taylorisme et des nouvelles formes de division du travail impliquant, par exemple, un collectif de travail. Puis, bien que les formes de l'organisation du travail ont toutes des aspects ergonomiques, elles ont surtout depuis Taylor un aspect économique. Dans ce sens, la contribution des relations industrielles et des sciences du management à l'organisation du travail ont été nombreuse et diversifiée, et c'est rien de le dire.

L'organisation du travail dans les entreprises, ainsi que dans la société, est un objet sociologique par l'étude des hiérarchies internes, des relations de coopération qu'elle implique et par conséquent des conflits. L'organisation du travail peut donc avoir une dimension plus large concernant les relations industrielles (dominé par un rapport structurelle et soumis à un rapport conjoncturelle, à la fois), et de façon plus englobante les relations d'emploi. Surtout que ces relations à l'emploi sont contractuelles; le contrat impliquant des droits et des devoirs, induisant par la même occasion des obligations, des contraintes, et des responsabilités (entre autres). Enfin, la sociologie a également comme objet le travail en tant que tel, le sens du travail (pour ne pas dire sa valeur morale), et sa signification sociale (pour ne pas dire sa valeur économique).

Le management moderne des « ressources humaines » entretenant et se complaisant dans un équilibre ubuesque entre l’art économique et la science sociale de la gestion du capital humain et de sa « force de travail ». Et dans cette perspective, la force de travail du capital humain c'est son temps, l'adage de l'économie n'est il pas de confirmer que : le temps, c'est de l'argent.

Bref, dans le domaine de l'organisation du travail, il est très important, pour une entreprise (privée et/ou publique), de faire les bons choix économiques. En effet, certaines questions organisationnelles sont récurrentes (principalement dû à la conjoncture, plus qu'à la structure): va-t-on produire à la chaîne ? Les employés seront-ils polyvalents ou spécialisés ? etc…

L'un des rôles de l'organisation du travail (sur l'aspect purement scientifique, donc rationnelle) est donc justement de répondre à de telles questions afin de permettre une optimisation maximale et profitable de l'organisation du travail (et les théories appliquées dans ce domaine ne manque pas, non plus). Soit dans le cadre d’une « entreprise publique » : pour le bien commun de toutes et tous; soit dans le cadre d’une « société privée » : dans l’intérêt de certains individus. On peut tout aussi jouer en inversant les mots entreprise/société et publique/privée que les maux de l’humanité n’en seraient hélas ni plus, ni moins écartés. D’ailleurs l’opposition économique dualiste entre un système politique basé sur le capitalisme contre un autre fondé sur le communisme n’abouti qu’à dresser une liste non exhaustive de paradoxes que le socialisme (réformiste et bourgois) s’efforce de répondre avec toutes les inégalités sociales que cela induit et produit économiquement.

On peut donc évidement passer des années à discuter d’une manière philosophique (et cela relève du domaine artistique) sur l’impact des objectifs socio-économique de l’organisation scientifique du travail, que l’on n’en serait pas plus avancé qu’à l’aube de la rédaction d’un texte législatif et/ou juridique chargé de gérer nos vies par des administrateurs soucieux d’organiser en notre nom, le bien commun de tous à notre place...

Image
Dernière édition par Léa le Mercredi 11 Mai 2005 0:47, édité 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar Léa » Mercredi 11 Mai 2005 0:37

Donc...
Je suis tombé par terre, c'est la faute à :arrow: Voltaire
Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à :arrow: Rousseau


Pour les textes de Rousseau qui ne sont pas en lien sur Wikipédia :
:arrow: http://pages.globetrotter.net/pcbcr/rousseau.html

Encore fallait-il discuter des congés payés et des RTT pour que :arrow: La journée légale de travail [soit] réduite à huit heures

et maintenant :
Le droit à la paresse. Réfutation du droit au travail de 1848
La revendication du «droit au travail» fut mise en avant au cours des journées de la révolution de 1848, et bientôt reprise et caricaturée par les socialistes réformistes

Paul Lafargue, né en 1842, a participé toute sa vie au mouvement ouvrier français, à la première Internationale. Il s’est marié avec la fille de K. Marx, il se suicidera avec elle le 26 novembre 1911.

Ecrit dans un style clair et brillant, ce pamphlet a longtemps été discuté par les socialistes : provocation ou écrit théorique sérieux sous son ironie féroce ? En tous cas, le métèque, caraïbe, mulâtre et Juif (trois « races » opprimées), ne se contente pas de faire l’éloge de la paresse : il évoque de façon allusive, des idées qui seront développées par Keynes (possibilité d’équilibres économiques sous-optimaux du fait d’un déficit de demande en biens de consommation, loi psychologique fondamentale...), par des sociologues américains (Galbraith et la civilisation des loisirs)...

La bourgeoisie refusait la religion quand elle luttait contre la noblesse. Depuis, Thiers veut « rendre toute puissante l’influence du clergé », car « cela apprendra à l’homme qu’il est ici-bas pour souffrir », et renforcerait sa domination économique et sociale. Gorgée de biens et de richesses, elle renie les enseignements de Rabelais pour prêcher l’abstinence et le travail...

Les socialistes révolutionnaires doivent détruire la morale et la pensée capitaliste, qui répand ses préjugés. Pour cela, il faut commencer par réfuter le droit au travail pour le remplacer par le :arrow: « droit à la paresse » !
Dernière édition par Léa le Samedi 21 Mai 2005 15:29, édité 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar Léa » Mercredi 11 Mai 2005 1:22

Et lorsque en plus :arrow: Paul Lafargue est soutenu par :arrow: Bob Black :lol: de par son oeuvre :arrow: L'Abolition du travail, écrit en 1985, se trouvant être une ébauche de manifeste pour une révolution ludique. C'est aussi un véritable pamphlet contre la misère et les nuisances du salariat où Bob Black analyse et décrypte le temps travaillé comme un temps de servitude, de résignation qui tue le temps du plaisir et de la connaissance.

Le travail est la source de toute misère, ou presque, dans ce monde. Tous les maux qui se peuvent nommer proviennent de ce que l'on travaille - ou de ce que l'on vit dans un monde voué au travail. Si nous voulons cesser de souffrir, il nous faut arrêter de travailler.

Cela ne signifie nullement que nous devrions arrêter de nous activer. Cela implique surtout d'avoir à créer un nouveau mode de voie fondé sur le jeu ; en d'autre mots, une révolution ludique. Par "jeu", j'entends aussi bien la fête que la créativité, la rencontre que la communauté, et peut-être même l'art. On ne saurait réduire la sphère du jeu aux jeux des enfants, aussi enrichissants que puissent être ces premiers amusements. J'en appelle à une aventure collective dans l'allégresse généralisée ainsi qu'à l'exubérance mutuelle et consentie librement. Le jeu n'est pas passivité. Il ne fait aucun doute que nous avons tous besoin de consacrer au pur délassement et à l'indolence infiniment plus de temps que cette époque ne le permet, quels que soient notre métier ou nos revenus. Pourtant, une fois que nous nous sommes reposés des fatigues du salariat, nous désirons presque tous agir encore. Oblomovisme et Stakhanovisme ne sont que les deux faces de la même monnaie de singe.

La vie ludique est totalement incompatible avec la réalité existante. Tant pis pour la "réalité", ce trou noir qui aspire toute vitalité et nous prive du peu de vie qui distingue encore l'existence humaine de la simple survie. Curieusement - ou peut-être pas - toutes les vieilles idéologies sont conservatrices, en ce qu'elles crient aux vertus du travail. Pour certaines d'entre elles, comme le marxisme et la plupart des variétés d'anarchisme, leur culte du travail est d'autant plus féroce qu'elles ne croient plus à grand chose d'autre.

La gauche modérée dit que nous devrions abolir toute discrimination dans l'emploi. J'affirme pour ma part qu'il faut en finir avec l'emploi. Les conservateurs plaident pour une législation garantissant le droit au travail. Dans la lignée du turbulent gendre de Marx, Paul Lafargue, je soutiens le droit à la paresse. Certains gauchistes jappent en faveur du plein-emploi. J'aspire au plein-chômage, comme les surréalistes - sauf que je ne plaisante pas, moi. Les sectes trotskistes militent au nom de la révolution permanente. Ma cause est celle de la fête permanente.

Or, si tous ces idéologues sont des partisans du travail - et pas seulement parce qu'ils comptent faire accomplir leur labeur par d'autres -, ils manifestent d'étranges réticences à le dire. Ils peuvent pérorer sans fin sur les salaires, les horaires, les conditions de travail, l'exploitation, la productivité, la rentabilité ; ils sont disposés à parler de tout sauf du travail lui-même. Ces experts, qui se proposent de penser à notre place, font rarement état publiquement de leurs conclusions sur le travail, malgré son écrasante importance dans nos vie. Les syndicats et les managers sont d'accords pour dire que nous devrions vendre notre temps, nos vies en échange de la survie, même s'ils en marchandent le prix. Les marxistes pensent que nous devrions être régentés par des bureaucrates. Les libertariens estiment que nous devrions travailler sous l'autorité exclusive des hommes d'affaires. Les féministes n'ont rien contre l'autorité, du moment qu'elle est exercée par des femmes. Il est clair que ces marchands d'idéologies sont sérieusement divisés quant au partage de ce butin qu'est le pouvoir. Il est non moins clair qu'aucun d'eux ne voit la moindre objection au pouvoir en tant que tel et que tous veulent continuer à nous faire travailler.

Vous êtes peut-être en train de vous demander si je plaisante ou si je suis sérieux. Je plaisante et je suis sérieux. Être ludique ne veut pas dire être ridicule. Le jeu n'est pas forcément frivole, même si frivolité n'est pas trivialité : le plus souvent, on devrait prendre la frivolité au sérieux. J'aimerais que le vie soit un jeu - mais un jeu dont l'enjeu soit vertigineux. Je veux jouer pour de vrai.
.../...
:arrow: http://aredje.net/black1.htm#0

Image
Dernière édition par Léa le Samedi 21 Mai 2005 15:32, édité 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar Paul Anton » Jeudi 19 Mai 2005 18:45

En tant que révolutionnaire, je ne puis qu’être d’accord avec ces analyses, qui émettent une critique fondamentale de l’idéologie du travail, puisque dans le système actuel d’inspiration capitaliste : « travailler c’est être », de ce fait exister au regard de la société ! Depuis notre enfance marquée par la scolarisation, on ne cesse d’autre part de nous répéter qu’il faut bien gagner sa vie et que tout travail mérite salaire ! Une des nombreuses subtilités (discursives) que le système nous assène ! Ce qui entraîne déjà à mon avis une vision étriquée de la rationalité économique ? Au fond, je pense que l’analyse doit se porter sur cet aspect, afin de pouvoir aboutir à une redéfinition de la finalité même du travail.


:idea: :mrgreen:
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
Paul Anton
 
Messages: 3191
Inscription: Lundi 01 Nov 2004 16:19

Messagepar Léa » Samedi 21 Mai 2005 22:42

Bon après avoir épilogué vite fait sur Rousseau & Voltaire en passant bien évidement sur le "pamphlet" de Lafargue, et la reflexion aidant : :wink:
Paul Anton a écrit:... puisque dans le système actuel d’inspiration capitaliste : « travailler c’est être », de ce fait exister au regard de la société ! Depuis notre enfance marquée par la scolarisation, on ne cesse d’autre part de nous répéter qu’il faut bien gagner sa vie et que tout travail mérite salaire ! Une des nombreuses subtilités (discursives) que le système nous assène ! Ce qui entraîne déjà à mon avis une vision étriquée de la rationalité économique ? Au fond, je pense que l’analyse doit se porter sur cet aspect, afin de pouvoir aboutir à une redéfinition de la finalité même du travail.

Ben oui, en règle générale, la première question posée après l'énoncé de l'état civil d’un individu, reste bien souvent : la profession, et c’est peu dire car ceci est constater dans l’ensemble des documents administratifs. En terme de marketing cela est de la segmentation, et en terme économique c'est de la classification, bref la liste est longue.

Dans le cadre de ce débat, je propose le films : Attention danger travail de :arrow: Pierre Carles.
Image

Ce qui n'a pas manqué de susciter la polémique tant sur le films que sur le réalisateur lui-même aussi connu pour sa critique des médias.
Dernière édition par Léa le Dimanche 22 Mai 2005 23:55, édité 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar Paul Anton » Samedi 21 Mai 2005 22:51

Je n'ai pas vu le film... :) ça tombe bien, c'est cool :!: :lol:
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
Paul Anton
 
Messages: 3191
Inscription: Lundi 01 Nov 2004 16:19

Messagepar Léa » Lundi 23 Mai 2005 0:11

Paul Anton a écrit:Je n'ai pas vu le film... :) ça tombe bien, c'est cool :!: :lol:

Ben, en attendant, je propose de visionner ce court métrage :arrow: L’exploitation équitable :lol:. Et tout en gardant en mémoire le débat sur le sujet :arrow: d'un revenu minimum garanti, je me pose alors la question suivante dans le cadre du droit au/du travail au droit à la paresse : Abolition du salariat et/ou abolition du capital ?

Image
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar Paul Anton » Lundi 23 Mai 2005 17:42

Eh oui… n’oublions pas que le commerce équitable engendre l’exploitation équitable… :!: :twisted: :mrgreen:
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
Paul Anton
 
Messages: 3191
Inscription: Lundi 01 Nov 2004 16:19

Messagepar Léa » Mardi 24 Mai 2005 22:16

Paul Anton a écrit:Eh oui… n’oublions pas que le commerce équitable engendre l’exploitation équitable… :!: :twisted: :mrgreen:
Alors tu ne seras donc point surpris de lire cela :
Annoncées en France, les enchères inversées de l'emploi

Le site Jobdumping met en ligne des offres d'emplois où le chômeur qui propose le plus petit salaire emporte la place. L'arrivée du site est prévue pour la fin de l'été en France.

c'est aussi ça l'Europe : :arrow: jobdumping.de, qui propose aux chômeurs de décrocher un emploi selon un système de «moins-disant» salarial, ambitionne de s'installer dans l'Hexagone «en août ou septembre». C'est son fondateur, Fabian Löw, qui l'a annoncé lundi.

Le système est simple: un employeur propose un travail, le plus souvent des petits boulots (jardinage, réparations, aide ménagère), en fixant un salaire maximum pour la tâche à effectuer. Puis les demandeurs d'emploi font des enchères à la baisse. On peut ainsi trouver preneur jusqu'à un peu moins de 5 euros pour l'heure de ménage outre-Rhin. Encore à la recherche de partenaires en France et au Canada pour développer la version francophone de son site, Fabian Löw, 31 ans, a promis de «respecter la loi française en matière de salaire minimum» même s'il juge que «ce n'est pas un bon système, car cela détruit des emplois».

Pour cet ancien travailleur social, qui se défend de pratiquer un «capitalisme de vautours» («Libération du 30 mars 2005), «les salaires allemands sont trop élevés et, si l'on ne fait rien, nos voisins polonais ou tchèques finiront par prendre tout le travail».

Les ambitions de Fabian Löw ne s'arrêtent pas à la France: il négocie actuellement avec des partenaires locaux pour s'implanter dans les pays nordiques, ainsi qu'en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Le lancement du site en Allemagne, où le taux de chômage brut atteint 12%, avait déclenché de très vives critiques, venant aussi bien des syndicats que du parti libéral FDP, allié de la CDU, à droite.

Une des mesures phare du plan Hartz IV prévoit des «jobs à 1 euro» pour les chômeurs indemnisés. «Je vous assure qu'il vaut mieux chercher un boulot grâce aux enchères inversées chez nous plutôt que de prendre un job à 1 euro», tranche le fondateur de Jobdumping, dont il songe à changer le nom à l'image «trop négative», reconnaît-il. Le mot «dumping» devrait ainsi prochainement disparaître du libellé du site, remplacé par la nouvelle adresse lohnauktion.de. Littéralement : «enchères sur les salaires». Mais tout de même. «On vit avant de travailler, en Allemagne. Un peu comme en France, non?».


Par Libération.fr (avec Muriel GREMILLET)
lundi 23 mai 2005 (Liberation.fr - 16:51)
:arrow: http://www.liberation.fr/page.php?Article=298482
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar Léa » Mardi 24 Mai 2005 23:25

Le dernier livre récent contre le travail :
Contre le travail
de : Philippe Godard
Edition : Homnisphères 2005
La remise en cause du travail est celle du "sens de la vie". Godard postule que si l'Homme ne peut se passer de travailler, il ne peut se passer non plus de critiquer le travail car loin d'être supérieur aux autres activités humaines, le travail en est au contraire la lie puisqu'il empêche la création & l'invention d'autres rapports.
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar Paul Anton » Jeudi 26 Mai 2005 11:45

Je me demande si l’on ne va pas bientôt voir des chômeurs dans un jeu de réel TV, en train de proposer leurs services, dans lequel le gagnant se verra dispenser de recherche d’emploi.

Concept assez cynique ! me semble t-il ? :shock:
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
Paul Anton
 
Messages: 3191
Inscription: Lundi 01 Nov 2004 16:19

Messagepar Léa » Jeudi 26 Mai 2005 12:10

Paul Anton a écrit:Je me demande si l’on ne va pas bientôt voir des chômeurs dans un jeu de réel TV, en train de proposer leurs services, dans lequel le gagnant se verra dispenser de recherche d’emploi.
Concept assez cynique ! me semble t-il ? :shock:

Pas aussi cynique que cela puisque c'était l'idée d'une boite de production "réel TV" (dont je ne me rappel plus du nom). Dont le pitch / le concept (de mémoire) :
Brièvement : Basé sur le concept de « Télé réalité » filmé des participants, demandeurs d’emploi, dans le cadre de leur recherches, de leurs démarches, de leurs sélections. Placer ces participants dans le cadre d’une émission de télé-interactive, sur plusieurs semaines. Le/la gagnant.e élu.e se voyant la position finalement offerte…
Le concept a foiré au regard du contexte social et économique actuel, mais l’idée avait belle & bien été évoquée et avait même germée… story-board, budget, annonceurs et recruteurs potentiels, profiles des candidats, types de sélections proposées, sponsors, diffuseurs, etc…

Image
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar Léa » Mardi 31 Mai 2005 17:13

Paul Anton a écrit:Je me demande si l’on ne va pas bientôt voir des chômeurs dans un jeu de réel TV, en train de proposer leurs services, dans lequel le gagnant se verra dispenser de recherche d’emploi.
Concept assez cynique ! me semble t-il ? :shock:
Bon au fait, mise à part d'attendre de voir des chômeurs dans un jeu de Télé réalité à la con, on peut aussi se poser la question de la relation entre les médias et les associations de chômeurs et/ou vice versa. Dans cette perspective, un article avait été précedement écrit dans la revue Oiseau Tempête :

Oiseau-Tempête - Numéro 3 (printemps 1998)
Chômeurs / médias : jeu de glaces déformantes

DES chômeurs et précaires se sont depuis le début du mouvement regroupés selon des modes différents (au sein d'associations déjà existantes, de syndicats, de collectifs créés pour l'occasion,...) pour avancer différents types de revendications, des plus réformistes (une prime de Noël pour les pauvres chômeurs, "du travail pour tous" en se partageant les miettes) en passant par des positions revenuistes (" un revenu, c'est un dû ") jusqu'à une remise en cause de la société capitaliste et du travail salarié qui lui est associé. De même, les positions de ces différents collectifs concernant le rôle des médias et la place à leur réserver dans la lutte sont pour le moins diverses. La question des médias a suscité (et suscite) de manière récurrente des débats au sein des groupes de chômeurs parce qu'elle met en relief des visions différentes de la lutte et des façons de la mener.

LES MÉDIAS " VUS " PAR LES CHÔMEURS


Les dirigeants des associations de chômeurs déjà existantes, AC !, MNCP, APEIS, Collectif CGT des privés d'emploi ont adopté dès le début du mouvement une stratégie claire vis-à-vis des médias. En parallèle à des revendications limitées à l'emploi et/ou au revenu garanti pour tous, ces associations se sont positionnées en faveur de l'intervention des médias comme soutiens et porte-voix de la lutte. Donner l'image de "gens honnêtes privés d'emploi malgré eux" convenait parfaitement aux grands médias, d'accord pour être les relais d'une "bonne cause" et donner ainsi une image positive de chômeurs se limitant à des actions légitimes bien qu'illégales (occupations, réquisitions de marchandises).

RIEN D'ETONNANT à ce que la télévision et les radios aient donné la parole aux dirigeants de ces associations - en prenant bien soin de ne pas faire entendre les divergences, notamment entre les "chefs" et des membres à la base - pour décrire le désespoir des chômeurs et commenter les réactions-décisions successives du gouvernement et des politiques. N'ont-ils pas tous réagi de la même manière à l'annonce du ridicule milliard accordé par Jospin en disant en gros : "C'est déjà pas mal, mais ce n'est pas suffisant." N'ont-ils pas tous tenté de récupérer et de canaliser le mouvement en l'orientant vers le projet réformiste des 35 heures ? Rien d'étonnant non plus à voir ces mêmes "chefs" se désolidariser et critiquer des débordements causés par des groupes "d'agitateurs" ayant eu le culot de mettre le bordel à la Bourse du commerce de Paris, au siège du PS ou au Crédit Lyonnais à Nantes (1). Rien d'étonnant enfin à ce que ces associations organisent des pseudo-réappropriations de marchandises dans des supermarchés en ayant négocié à l'avance avec le directeur du magasin et en ayant chaleureusement invité les médias à filmer l'action méticuleusement préparée. Ce fut le cas, par exemple, lors d'une action de réquisition d'un supermarché de Pantin, organisée par AC !, avec le service d'ordre de la CNT, et surmédiatisée. Ce fut le cas également lors de l'occupation d'une ANPE du 18e le 26 février, organisée conjointement par AC ! et l'assemblée de Jussieu (2) lors de laquelle les caméras de M6, TF1 et France3 ont filmé sans relâche des discussions artificielles alors que les participants étaient peu convaincus de l'action entreprise.

Pour ce qui est de nombreux membres de ces mêmes associations (3) et des autres collectifs de chômeurs, la position vis-à-vis des médias est plus disparate mais en général, la croyance en l'importance de la présence des grands médias lors des actions prédomine. Les réflexions : "Il faut qu'on parle de nous", "Il faut que les gens sachent ce que font les chômeurs" ou encore "Cela peut donner l'idée à des gens de nous rejoindre" résument bien cette position. L'idée sous-jacente est aussi d'utiliser les médias comme moyen de dialogue et de pression par rapport au gouvernement en croyant que ces derniers retransmettront leurs dignes revendications et influeront ainsi sur les décisions politiques. Ainsi, lors de l'occupation de l'agence EDF Barbès, des débats sur les médias ont permis aux occupants (de diverses associations ou sans appartenance) de se rendre compte que tout le monde n'était pas d'accord sur la question. La position finalement retenue fut celle de laisser les caméras filmer à partir du moment où le journaliste se présentait. Cependant, la position la plus couramment adoptée lors des occupations était de laisser les caméras ne filmer que l'action et non les assemblées générales. En participant à ces actions, on pouvait se rendre compte de l'importance accordée aux médias par les militants. Ainsi, on pouvait entendre très souvent des réflexions du genre : "Mais je ne comprends pas, ils n'ont pas parlé de nous ni à la télévision, ni sur France-Info."

LEUR VOLONTÉ de réaliser des actions, certes illégales sur le fond, mais "raisonnables", c'est-à-dire sans dépasser certaines limites (pas de violences, pas de dégradations, entente "cordiale" avec la direction des agences ANPE, des ASSEDICS ou d'EDF/GDF, en attendant que les délégués veuillent bien négocier avec la direction) est cohérente avec la volonté de donner l'image de chômeurs luttant pour leur bon droit (notamment le fameux "droit au travail").

De même, lors d'une réunion organisée par la commission médias du collectif de chômeurs de la Maison des ensembles à Paris, Serge Halimi, invité pour parler de son ouvrage sur les médias (4) et du rôle de ces derniers dans le mouvement des chômeurs a conclu : "Les médias ne doivent pas faire partie de la stratégie d'une action, ou alors de manière annexe et contrôlée. Une lutte se fait d'abord avec ceux directement concernés et non avec les médias." Nombre de participants au débat n'ont pas été convaincus par cette position pourtant minimale. Si certains d'entre eux ne sont pas naïfs quant aux possibles manipulations médiatiques, beaucoup sont certains de la possibilité d'utiliser les médias dans leur sens sans se faire manipuler. Un jeune homme est même intervenu pour dire que selon lui : "L'important, c'est que les médias parlent de nous ou montrent des images, peu importe les commentaires qu'ils font dessus...", réflexion pour le moins révélatrice de la croyance en la nécessité absolue de la présence des médias lors des actions.

Ce que ces chômeurs expriment par là, c'est une volonté claire de reconnaissance par la société à travers les médias et une volonté d'intégration à celle-ci et à ses valeurs dominantes (accès aux standards de la société de consommation et au salariat). Là encore, ils sont en opposition avec leurs "dirigeants" qui, eux, recherchent dans les médias une reconnaissance politique, ce qu'ils ont d'ailleurs obtenu, d'abord lors de leur première rencontre avec le Premier ministre le 8 janvier 1998 (AC !, MNCP, APEIS). Notons ensuite que cette reconnaissance politique s'est récemment concrétisée, tout au moins pour AC !, par la promesse de Lionel Jospin de recevoir une subvention conséquente en tant que représentant officiel des chômeurs.

D'AUTRES COLLECTIFS de chômeurs et de précaires sont par contre plus perplexes, voire totalement hostiles à la présence de médias lors des assemblées générales et des actions. L'exemple de l'assemblée de Jussieu (5) est révélateur de cette position. Dès la première réunion de cette assemblée, le 19 janvier 1998, et au cours de plusieurs autres, des débats houleux, mais nécessaires,se sont tenus entre ceux qui refusaient catégoriquement la présence des médias lors des discussions et des actions et ceux qui pensaient que cela présentait un intérêt pour le mouvement. La position contre l'intervention des médias se basait sur l'idée que, d'abord, ces derniers n'ont pas leur place lors des assemblées (sauf en tant qu'individu participant au mouvement) ; que, ensuite, ils n'ont pas leur place parce qu'ils représentent "les chiens de garde" du pouvoir ; parce que les participants n'ont pas envie d'être filmés dans l'absolu quelque soit l'explication donnée par le journaliste sur la possible utilisation non policière des images ; parce qu'enfin, beaucoup de participants sont convaincus que les médias n'ont rien à apporter au mouvement excepté un risque d'une manipulation. La décision finalement adoptée fut celle de l'exclusion pure et simple des médias lors des assemblées générales et des actions (en refusant par exemple de les prévenir ou de les associer), les participants préférant s'adresser directement aux gens pour discuter.

Pour autant, les collectifs opposés à la présence des médias sont soucieux de la circulation de l'information. C'est pourquoi des communiqués de presse ont été réalisés lors de nombreuses actions. Néanmoins, le besoin de faire presque systématiquement des communiqués de presse révèle la nature des actions entreprises : elles se limitent de fait à des actes symboliques et donc médiatiques, même si, à l'origine, la volonté des chômeurs et précaires peut être différente (6).

LES CHÔMEURS " VUS " PAR LES MÉDIAS

On pourrait juger que la position anti-médias de certains collectifs de chômeurs est exagérée et puriste. Pourtant, les faits récents vont dans leur sens et nombreux sont les collectifs de chômeurs qui se sont étonnés, puis interrogés sur le rôle pour le moins ambigu des médias depuis le début du mouvement.

LES TÉLÉS, RADIOS ET JOURNAUX ont relayé le mouvement des chômeurs, ses actions et ses revendications dès le début et plutôt avec une apparente sympathie, contrairement à ce qui avait été le cas lors du mouvement social de novembre-décembre 1995 à ses débuts. Dans les deux cas cependant, les médias ont adhéré aux positions du gouvernement : en se positionnant favorablement au début du mouvement des chômeurs (voir la "compréhension" du désespoir des chômeurs par le gouvernement dans un premier temps) et défavorablement au début du mouvement de 1995 (voir l'incompréhension de Juppé au refus par la population de sa réforme de la Sécurité sociale). Après l'intervention de Jospin au journal de 20 heures à la mi-février 1998 concernant le déblocage de 1 milliard de francs pour les aides d'urgence aux chômeurs, c'est le black-out total. Pour les journalistes comme pour le gouvernement, le mouvement des chômeurs est terminé et qu'on n'en parle plus !

En fait, les médias ont parlé des chômeurs engagés dans la lutte (en tenant le compte régulier des antennes ASSEDICS et ANPE occupés et/ou évacuées) quand cela leur paraissait judicieux. Courroies de transmission du pouvoir et dirigés vers la seule recherche de l'information-marchandise, il leur a paru plus prudent et surtout plus rentable de parler des "pauvres et vrais chômeurs", de réaliser des reportages voyeuristes et misérabilistes ou des entretiens larmoyants sur le sort de quelques bougres. Faire passer ces pauvres chômeurs pour les victimes du sous-emploi et de la rudesse des temps n'allait pas contre le pouvoir politique, au contraire. L'idée de montrer la révolte et/ou la désespérance d'ex-travailleurs à la recherche éperdue d'un emploi allait dans le sens des déclarations de Jospin : relancer la croissance pour trouver du travail à tous ou, si besoin est, le partager (entre pauvres) et surtout refuser l'idée d'un RMI pour les moins de 25 ans, c'est-à-dire subventionner les jeunes à ne rien faire pour qu'ils ne prennent pas l'habitude d'être assistés. Mais fallait pas pousser... Dès que les occupations n'ont plus seulement concerné des ANPE ou des ASSEDICS mais des sièges de partis, des Bourses de commerce, des cabinets d'huissiers, des agences EDF, etc., et dans la mesure où les évacuations des lieux occupés sont devenues la règle, les médias n'ont plus jugé légitime la lutte des chômeurs. Ce n'est pas tant la deuxième guerre du Golfe (qui n'a pas eu lieu), les démêlés sexuelo-amoureux de Clinton et les Jeux olympiques d'hiver qui ont facilité l'opération d'instrumentalisation médiatique du mouvement, mais bien plus le fonctionnement intrinsèque des médias : l'idéologie médiatique implique, comme pour tout autre produit lancé sur un marché, un recyclage permanent et rapide des idées et des situations. Dans le même ordre d'idées, la thèse de Serge Halimi dans son dernier ouvrage ne remet pas fondamentalement en cause le rôle des médias puisqu'il entretient l'illusion de pouvoir les utiliser et les contrôler.

De fait, c'est la radicalité de quelques actions de chômeurs qui a déplu aux journalistes, relais de la légalité et de la morale républicaines. Et voilà qu'ils opèrent de nouveau une division entre les "bons" et les "mauvais" chômeurs, comme ce fut le cas lors des manifestations anti-CIP en 1994 entre les "casseurs" et les "gentils étudiants". Rappelons-nous aussi l'article de Libération, en plein mouvement des chômeurs, sur les échauffourées entre des jeunes et la police dans le plus grand centre commercial de la banlieue de Lyon : évidemment, les journalistes ne font à aucun moment le rapprochement entre cette affaire et la lutte des chômeurs. Pour eux, il n'y a aucun lien entre d'une part la violence exercée par le système sur les individus et d'autre part la révolte des banlieues et celle des chômeurs.

CERTAINS JOURNAUX ont accompagné la campagne de criminalisation et de répression policière et judiciaire qui s'est abattue sur les chômeurs. Plus, ils l'ont confortée : inutile de citer les titres d'articles ou les unes du Figaro, de France Soir et du Parisien qui parlaient des chômeurs en termes de "faux chômeurs", de "pilleurs" ou de "sympathisants des chômeurs" (7) pour parler notamment des quatre manifestants interpellés à la suite l'action au Cash Converters (et ainsi bien montrer qu'ils n'étaient pas de "vrais chômeurs"). Il fallait non plus seulement dénoncer les actions jugées violentes comme celle de la Bourse du commerce à Paris et passer sous silence ce qui restait du mouvement, mais encore dénoncer les "dangereux" militants qui commandaient à certaines actions et qui entraînaient malgré eux de "vrais" chômeurs manipulés.

Ainsi, lors de la première occupation de l'ENS, rue d'Ulm à Paris dans le 5e arrondissement, Le Parisien (8 ) titrait : "Les curieux recoupements des policiers : s'imposant porte-parole, toujours bien placés dans les défilés, on retrouve avec les sans-emploi les activistes qui défendaient, l'année dernière, les sans-papiers et les sans-logis" et de préciser dans l'article : "Le plus souvent, les pouvoirs publics ne peuvent composer qu'avec une poignée d'activistes virulents. Arrivant cagoulés en queue de manifestations, ils sont regroupés par les services de renseignements sous le vocable "d'autonomes". Agés de 18 à 25 ans, toxicomanes endurcis ou encore étudiants, ces "casseurs d'institutions" sont officiellement estimés à une cinquantaine dans la capitale."

À la suite de la seconde occupation de l'ENS, beaucoup plus symbolique cette fois, à la suite de la manifestation nationale des chômeurs le 7 mars à Paris, France Soir et Libération (9) remettent ça en titrant : "Trois cent quinze interpellations rue d'Ulm : un tiers seulement de sans-emploi" et d'ajouter qu'après une "étude sociologique, en fait de chômeurs, il y avait un tiers de chômeurs seulement, quant aux SDF, ils représentent à peine 3 %", "les vrais SDF ne sont que huit" ou encore de préciser la présence "d'une cinquantaine d'autonomes, mouvance qui avait disparue au début des années 80. Toute leur idéologie consiste à pourrir les manifestations en cherchant systématiquement l'affrontement avec les forces de l'ordre. On s'aperçoit aujourd'hui que ce sont les mêmes qui étaient à l'origine, dans les mêmes circonstances de suite de manifestation, des gros dégâts et des violents affrontements de la Bourse du commerce en janvier." En cela, ces journaux mettent en valeur les contradictions réelles du mouvement entre, d'une part, des revendications réformistes, majoritaires, et, d'autre part, des idées en rupture avec la société. Cependant, ils le font à leur manière : en diabolisant ces dernières et en donnant une légitimité aux premières.

* * *

FINALEMENT, une action, et plus largement une lutte, n'a rien à gagner et tout à perdre lorsqu'elle est organisée en fonction des mass-médias : d'une part, une lutte est bien plus efficace quand elle est menée en fonction d'un objectif propre, par et pour ses acteurs et non par procuration ; d'autre part, quand un mouvement est trop dépendant des médias, ses actions tournent souvent au spectaculaire (les actions sont de type symbolique) et là, on entre dans le jeu des médias et de la société de spectacle bien plus qu'on ne sert la lutte menée. Il y a de plus un risque réel de manipulation par les mass-médias qui suivent les actions quand elles font vendre, restent dans la légalité et en accord avec la morale bourgeoise et ce, toujours en coordination implicite avec les actions-décisions du pouvoir politique. Enfin, la volonté de certains chômeurs de " montrer aux autres ce qu'on fait " grâce aux images des mass-médias pour inciter d'autres chômeurs à rejoindre la lutte ne s'est pas réalisée (pour cause, il n'y a pas eu de massification du mouvement) et ne remplacera jamais une prise de conscience et un engagement individuels (10).

Borbala


NOTES :
(1) - L'action de Cash Converters le 11 février n'a pas permis à AC ! d'adopter la même position étant donné la présence de militants de leur association dans l'action et parmi les quatre interpellés, d'où la présence de C. Villiers lors du procès comme témoin de la défense.
(2) - Assemblée créée le 19 janvier à la suite de la sortie volontaire des occupants de l'ENS et constituée de chômeurs, précaires, étudiants,...
(3) En ce qui concerne AC !, l'APEIS, le MNCP, remarquons que pas mal de groupes sont souvent sur des positions différentes, au niveau des revendications ou des types d'actions.
(4) - "Les nouveaux chiens de garde", S. Halimi, éd. Raisons d'Agir, novembre 1997.
(5) - L'exemple de cette assemblée a été choisi comme étant celui que je connais le mieux.
(6) - L'exemple de l'occupation de l'ENS est révélateur : le but était de faire du lieu occupé un endroit convivial de rencontres et de débats, ouvert à tous en permanence.
(7) - Cf " Le Parisien ", du 27 février 1998.
(8 )- Du 19 janvier 1998, p.26.
(9) - Du 9 mars 1998.
(10) - Cf à ce sujet : "Les médias ont permis de crée un mouvement de chômeurs, où parfois les chômeurs n'étaient guère présents et de rendre encore plus passifs les prolétaires, puisque ceux-ci se voient à la télé : le spectacle de la lutte rend celle-ci inutile pour le plus grand nombre et ne lui trouble pas le sommeil ; il a bonne conscience et l'Etat s'occupe du sort des plus démunis, alors pourquoi se fatiguer ? " Extrait du " Mouvement des chômeurs : un semblant de lutte pour nous intégrer encore plus dans la gestion démocratique de la misère !" signé Des Prolétaires Apatrides, mars 1998, disponible sur la liste : reseau@lists.nothingness.org.
:arrow: http://oiseautempete.internetdown.org/a ... article=96

A ce sujet j'attirerais aussi votre attention sur un site : :arrow: Canal Marches. Mais là, attention à la perspective possiblement faussée par des subventions apportées par les soutiens ???
Les projets réalisés par Canal Marches ont notamment bénéficié des soutiens du Conseil régional du Nord Pas-de-Calais ; des Conseils généraux de la Loire-Atlantique et du Val-de-Marne ; des villes de Gennevilliers, Clichy la Garenne, Saint-Nazaire, Nantes, Villejuif, Ivry, Liévin ; du CNRS Images Média, de la Direction des Arts Plastiques, du Fonds social européen...
:arrow: http://www.cmarche.ras.eu.org/article.php3?id_article=1
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar Léa » Mardi 31 Mai 2005 20:25

La sale gueule du travail

    Quand le travailleur s'endort,
    Il est bercé par l'insomnie
    Et quand son réveil le réveille
    Il trouve chaque jour devant son lit
    La sale gueule du travail
    Qui ricane qui se fout de lui.

    ------- Le paysage changeur, Jacques Prévert, Paroles
La dignité humaine n’est pas dans le travail salarié, parce que la dignité ne peut s’accommoder ni de l’exploitation ni de l’exécution de tâches ineptes, et pas davantage de la soumission à une hiérarchie.

La dignité des humains est dans leur capacité et leur obstination à rêver leur vie, à se raconter leurs rêves, à vouloir construire ensemble un monde sans argent où seul compte l’humain.

Il est absurde, et faux historiquement, de dire comme certains intellectuels que « le travail est le premier des droits de l’homme ». Le travail ne figure nulle part dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et les émeutiers révolutionnaires n’en réclamaient pas. Ils posaient la question des « subsistances » et exigeaient « Le Pain et la Liberté ». Aujourd’hui comme hier, tout être humain, dès lors qu’il n’exploite pas ses semblables, a droit à la subsistance (logement, nourriture, transport, culture, etc.). C’est ça le minimum social !

Il ne s’agit pas de « partager le travail », comme on se met à plusieurs pour porter un fardeau, ni même de travailler « tous, moins, autrement ». En vertu de quelle morale masochiste faudrait-il réclamer et partager la misère et l’ennui salarié, au service des patrons ou de l’Etat ?

La satisfaction du travail bien fait, la fierté de l’artisan, conscient de l’utilité sociale de son travail, ne sont plus de mise sous le capitalisme industriel où la majorité des gens sont employés à des tâches stupides et ne produisent que des nuisances.

Si le capitalisme se contente désormais pour prospérer d’un nombre plus réduit de travailleurs (dans les pays occidentaux), de notre côté nous n’avons que faire de la plus grande partie de ce qu’il nous impose et nous vend. Aussi est-il absurde de réclamer « la création d’emplois » ; les richesses existent pour assurer la subsistance à toutes et à tous. Nous n’avons qu’à les partager. Quant au reste, une révolution sociale fermerait davantage d’usines et supprimerait plus d’emplois nuisibles en douze heures que le capitalisme en douze ans. Pas question de continuer à fabriquer des colorants alimentaires, des porte-avions ou des contrats d’assurance...

Pas de « plein emploi », une vie bien remplie !

Martine Aubry, qui a privé les moins de 25 ans de l’allocation d’insertion (1 500 F), refuse de leur donner un revenu sous prétexte que ce serait un « aveu d’échec pour la société » (Le Monde, 23-1-1998). Georges Jollès, vice-président du CNPF renchérit : « Si l’écart entre SMIC et minima est trop faible, l’incitation à la recherche d’emploi s’affaiblit. » (Le Monde, 20-1-1998).

Patrons et socialistes, pour ces gens l’échec ça n’est pas que des gens soient privés de tout, ce qui compte c’est de les plier à l’idée et à la morale du travail, même s’il n’y en a plus...

La « société du travail » de Jospin a deux slogans : Travailleurs, craignez le chômage et fermez vos gueules ! Chômeurs, humiliez-vous pour mendier un emploi que vous ne n’aurez pas !

Cette « horreur économique » n’est pas une fatalité imposée à l’humanité pécheresse par un « dieu », et pas non plus une loi incontournable des sociétés soi-disant développées. L’économie est la vision du monde de la bourgeoisie, le mode d’organisation particulier au système capitaliste que nous voulons justement détruire.

Impossible de faire l’économie d’une révolution pour détruire un monde où l’horreur est monnaie courante.

Des chômeurs/meuses actifs/ves

:arrow: http://claudeguillon.internetdown.org/a ... article=68


Qu’est c’est c’travail ?

L’économie n’est pas une loi de la nature qui s’impose aux sociétés humaines, c’est un mode d’organisation particulier au système capitaliste.

Le travail salarié n’est pas une fatalité sociale, version laïque et républicaine de la malédiction divine des catholiques, c’est un moyen pour les capitalistes de produire des richesses qu’ils se partagent.

Le chômage n’est pas le contraire du travail.

Le chômage est un moment du travail.

Il a et a toujours eu deux fonctions : intimider les travailleurs en activité et rendre le travail désirable pour tous. La tâche principale de l’actuel mouvement dit « des chômeurs » est de dépasser ces pièges. C’est aussi la condition indispensable de sa durée et de sa réussite.

Il est juste (moralement et stratégiquement) de réclamer par exemple que les jeunes puissent toucher le RMI, parce que leur situation apparaît comme une incohérence manifeste. De même, il est important d’imposer la gratuité de tous les services publics pour les pauvres.

Mais un mouvement social ne peut se contenter, en guise d’arguments, des contradictions et des mensonges de l’adversaire ; il doit mettre en avant ses propres exigences, c’est-à-dire non seulement les raisons profondes de sa colère mais ses désirs. S’il ne le fait pas, il se borne à réclamer de la justice à ceux qui organisent l’injustice et en vivent. Ainsi il part battu.

Le fameux slogan soyons réalistes demandons l’impossible ! n’est pas une simple provocation ou un bon mot poétique, c’est réellement la voie du bon sens. En effet, un gouvernement auquel un mouvement social - surtout quand il bénéficie de la sympathie populaire - réclame des réformes, ne peut donner que ce qu’il a : des flics et des réformes (dans des proportions variables). Si le mouvement social pose des exigences plus hautes, le même gouvernement ne peut toujours donner que des réformes (et des flics).

Moralité : on a toujours intérêt à combattre sur ses propres positions, en les annonçant clairement. Ça ne signifie pas qu’il faille « se couper » d’autres tendances, moins radicales, du mouvement. Mais prendre l’air innocent pour rassurer des chômeurs qui eux-mêmes prennent l’air gentil pour plaire aux cameramen de télévision, serait un jeu de dupes.

Travailler « tous, moins, autrement », comme le réclament (à qui ?) les anarcho-syndicalistes, cela ne peut signifier qu’une chose aujourd’hui : la misère capitaliste à la bonne franquette. Et si c’est le programme d’une société libertaire à venir, pourquoi serait-il nécessaire (ou moralement préférable ?) de travailler « tous » ? Je n’imagine pas que ces camarades envisagent de continuer à produire des réacteurs nucléaires, des tickets de tiercé, et des poulets en batterie...

La révolution fermera davantage d’usines, elle supprimera davantage d’emplois nuisibles en douze heures que le capitalisme en douze ans.

Ne mentons pas aux chômeurs, le communisme libertaire ça n’est pas le plein emploi !

On entend souvent dire : de l’argent il y en a. C’est bien le problème : dans le même temps où certains en manquent pour vivre il n’y a que ça ! S’il est bon de rappeler que la société pourrait matériellement loger et nourrir sans difficultés tous ceux et toutes celles qui y vivent, il est hypocrite et pudibond de faire comme si l’argent seul nous faisait défaut. Salariées, étudiantes ou RMIstes, toutes et tous nous manquons d’abord d’espace et de temps pour nous rencontrer, échanger nos rêves, inventer nos vies.

Plutôt la débauche (de caresses et d’idées) que les embauches !

Lorsque nous aurons partagé les richesses utiles et détruit tout le reste, le goût de l’amour bien fait remplacera avantageusement celui du travail.

Paris, janvier 1998

Claude Guillon, Inscrit au chômage par nécessité, Demandeur d’aucun emploi. Anarchiste par optimisme.

:arrow: http://claudeguillon.internetdown.org/article.php3?id_article=69

D'autres textes pouvant alimenté le débat et la reflexion sont aussi disponibles :arrow: îci
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar Léa » Jeudi 02 Juin 2005 15:11

Bon étant donné que le titre du sujet était initialement sur le Droit au/du travail par rapport au Droit à la paresse (le repos compensatoire ? :? ), je reviens donc sur cet aspect du « droit » (légal, légiféré et législatif :twisted: ) par le biais TCE. Ben ouais quoi, maintenant j’ai le droit puisque le référendum est passé. Heu… en fait le TCE n’est pas passé, il a trépassé ! :twisted:

:arrow: RAPACES - Baron Seilliere à ouvrir dans un onglet, afin de lire ce post en musique !

Europe et temps de travail

En France, la "productivité horaire" est parmi les plus élevées du monde. Pourtant, le Medef dresse un bilan amer de la situation : si le travailleur français travaille mieux que d’autres, il produit toutefois moins que ses homologues américains ou chinois pour la bonne raison qu’il ne travaille pas assez. Fainéant ! Le train de la concurrence ne t’attendra pas ! Heureusement que le traité constitutionnel veille au grain.

La situation actuelle.

Selon la :arrow: directive en vigueur, la durée moyenne de travail hebdomadaire calculée sur une période d’au maximum 4 mois [1], n’excède pas 48 heures y compris les heures supplémentaires (articles 6 et 16-b). Tout salarié doit bénéficier d’un minimum de 11 heures consécutives de trêve journalière auxquelles s’ajoute un repos hebdomadaire de 24 heures (articles 3 et 5) et un minimum de 4 semaines de congés payés.
Faites le compte, on peut travailler jusqu’à 78 heures par semaine, pauses comprises [2].
Sachant que le temps de travail peut être annualisé et que les calculs pour la durée moyenne hebdomadaire se font sur 4 mois au maximum, la situation la plus extrême pourrait ressembler à celle-ci : le travailleur bosse 2 mois à 78 heures par semaine, puis 2 mois à 18 heures par semaine. On reste bien dans la moyenne des 48 heures.
Pour pallier ce manque de "flexibilité", l’article 22 prévoit qu’« un État membre a la faculté de ne pas appliquer l’article 6 tout en respectant les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ». Il lui suffit d’obtenir l’accord du travailleur. Dans ce cas le verrou des 48 heures saute et la semaine de 78 heures devient une réalité. C’est ce que l’on appelle l’opt-out, principe essentiellement défendu et appliqué par la Grande Bretagne [3].

Tout allait pour le mieux mais c’était sans compter sur la Cour européenne de justice, qui a estimé à plusieurs reprises que l’intégralité du temps de présence sur le lieu de travail devait être considérée... comme du temps de travail [4]. Avec cette jurisprudence, la plupart des États membres ont dû ajuster leur législation nationale, notamment dans le secteur de la santé où la France, l’Allemagne et l’Espagne ont dû recourir à la clause d’opt-out.

Le projet de la Commission.
Conformément à la loi, une consultation des partenaires sociaux a précédé la rédaction d’un nouveau projet de directive. Il se trouve que toutes les propositions de l’UNion des Industries des pays de la Communauté Européenne (UNICE, le "Medef de l’Europe") ont été reprises malgré l’opposition de la Confédération Européenne des Syndicats (CES) [5]. Ainsi, la Commission s’est fixée 4 objectifs :
    • assurer un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs en matière de temps de travail ;
    • donner aux entreprises et aux États membres une plus grande flexibilité dans la gestion du temps de travail ;
    • permettre une meilleure compatibilité entre vie professionnelle et vie familiale ;
    • éviter d’imposer des contraintes déraisonnables aux entreprises, notamment aux PME [6].

En précisant que son projet respecte « les droits fondamentaux et [observe] les principes qui sont reconnus notamment par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », en particulier l’article 31 [7], la Commission a pu formuler ses propositions. Dans son :arrow: projet de directive, elle introduit le temps de garde : « période pendant laquelle le travailleur a l’obligation d’être disponible sur son lieu de travail afin d’intervenir, à la demande de l’employeur, pour exercer son activité ou ses fonctions ». Elle précise que « La période inactive du temps de garde n’est pas considérée comme du temps de travail » [8]. Un travailleur pourrait donc se retrouver sur son lieu de travail, à la disposition de son employeur, sans être rémunéré.
La période de référence pour calculer la durée de travail hebdomadaire est portée à 12 mois (au lieu de 4) et n’est plus dérogatoire, elle est simplement soumise à la consultation des partenaires sociaux [9].
Et les modalités de l’opt-out sont modifiées : quand le travailleur accepte de travailler plus de 48 heures par semaine en moyenne, il ne peut se voir imposer des semaines de plus de 65 heures [10]. Bien évidemment, les périodes de garde inactives ne sont pas incluses dans ce décompte. De plus, la mise en œuvre de l’opt-out doit être prévue par la convention collective si cette dernière existe. Dans le cas contraire on en reste à la situation actuelle, c’est à dire à l’accord conclu entre employeur et salarié [11].

Le Parlement vient d’amender le texte !
Victoire de la démocratie ! Votez oui !

Mercredi 11 mai 2005, le Parlement adoptait le projet de directive en première lecture, :arrow: moyennant quelques amendements.
Il propose la suppression de la clause d’opt-out [12]. De plus, « toute la période du temps de garde, y compris la période inactive, est considérée comme temps de travail » avec la possibilité de ne pas décompter le temps de garde inactif dans le calcul du temps de travail hebdomadaire. Cela permettrait aux États membres qui ont dû recourir à l’opt-out dans le secteur de la santé de s’en passer sans avoir à modifier leurs pratiques.
En revanche, les députés approuvent la proposition de la Commission visant à rallonger la période de référence pour le calcul du temps moyen de travail hebdomadaire (de 4 mois ajourd’hui à 12 demain - amendement 19). Le cas le plus extrème devient donc : 6 mois de travail à 78 heures par semaine suivis de 6 mois à 18 heures par semaine. Comme s’accorde à le dire la triade institutionnelle : « le besoin se fait sentir de trouver un nouvel équilibre entre la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et le besoin de donner plus de flexibilité dans l’aménagement du temps de travail ».

Tony Blair s’est fermement opposé à la disparition de l’opt-out. Il estime que la flexibilité du monde du travail est indispensable à la survie économique de l’Union européenne face à de nouveaux concurrents tels que la Chine ou de l’Inde [13].

Quelles conséquences ?
Après la rédaction proposée par l’UNICE la Commission et l’amendement du Parlement, la procédure de codécision suit son cours : c’est désormais au Conseil de se prononcer sur le texte. Quoi qu’il en soit, l’article 15 précise que la « directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ».
Comme il n’existe en Grande-Bretagne aucune législation propre sur la durée du travail, c’est un des rares pays où la directive européenne pourrait avoir des conséquences.

En France, si la durée légale est de 35 heures de travail hebdomadaire, le plafond autorisé est toujours de 48 heures. Il reste donc de la place pour 13 heures supplémentaires majorées à des taux variants entre 10 et 50% [14]. Le contingent d’heures supplémentaires annuelles autorisées est de 220 heures [15], ce qui correspond à une durée hebdomadaire moyenne d’environ 39 heures.
Autre particularité hexagonale : les heures supplémentaires sont décidées par l’employeur, qui doit en revanche s’appuyer sur un accord de branche pour annualiser le temps de travail. C’est ainsi que la mise en oeuvre des 35 heures a souvent donné lieu, avec de nouveaux accords de branche, à une part d’annualisation du temps de travail participant à la flexibilisation tant souhaitée.

Tout en respectant la Charte des droits fondamentaux — qui constitue la partie II du traité constitutionnel tant vantée par ses souteneurs — l’Europe peine à améliorer la condition des travailleurs européens les plus défavorisés. L’harmonisation par le bas est une réalité. Le Parlement est en difficulté face au Conseil et la Commission pour essayer d’imposer des droits sociaux qui sont l’équivalent de ce qui existait en France il y a presque un siècle [16]. On nous martelle que l’avènement du traité constitutionnel permettra la construction de "l’Europe sociale". Certainement.
Une Europe sociale à la chinoise.

Par : Emanuel Haumant


[1] Extensible par dérogation à 6 mois, jusqu’à 12 mois par conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux.
[2] 78 = [6 x (24 - 11)]. A noter : la définition du temps de pause est laissée à la charge des États membres lorsque la durée de travail journalier est supérieure à 6 heures (article 4).
[3] Le Royaume-Uni a obtenu l’introduction d’une clause d’opt-out en 1993, quand le dauphin de Margaret Thatcher John Major était premier ministre.
[4] Arrêt SIMAP (C-303/98 ) et arrêt Jaeger (C-151-02).
[5] Projet de directive, II - résultats de la deuxième phase de consultation des partenaires sociaux.
[6] Projet de directive III-10 p.3.
[7] Projet de directive II-14 p.9. Rappel de l’article 31 (II-91 du traité constitutionnel) : Conditions de travail justes et équitables
1. Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité.
2. Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés.
[8] Projet de directive article premier paragraphes 1 et 2.
[9] Article premier paragraphe 3.
[10] A moins que la convention collective n’en dispose autrement. Projet de directive article premier paragraphe 8.
[11] La commission précise pourtant p.8 de son projet que « l’expérience acquise dans l’application de l’article 22, paragraphe 1, [opt-out, ndlr] montre que la décision finale purement individuelle de ne pas être tenu par l’article 6 de la directive peut poser des problèmes en ce qui concerne la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et aussi de libre choix du travailleur ».
[12] Amendement 20. L’Article définissant l’opt-out est supprimé 3 ans après l’entrée en vigueur de la directive.
[13] Propos rapportés dans un article du nouvelobs.
[14] Entre 35 et 39 heure, majoration de 10% pour les entreprises de moins de 20 salariés, 25 % pour les autres.
Entre 39 et 43 heures, majoration de 25% et repos compensateur de 50% à partir de la 42ième heure.
Entre 44 et 48 heures, majoration de 50% et repos compensateur de 50%.
[15] Avant la loi Larcher, le total était de 130 heures et chaque heure travaillée au delà devait être majorée de 100%.
[16] La Loi du 23 avril 1919 établit des durées maximales de 8 heures par jour ou de 48 heures par semaine. 1936 : loi sur la semaine de 40 heures et sur les 2 semaines de congés payés. 1969 : quatrième semaine de congés payés.

:arrow: Info MEDEF à ouvrir dans un onglet, afin de regarder cette photo en musique !
Image

Ainsi mis au pied d’un mur déjà construit, le citoyen est perpétuellement tenu d’approuver ce qui se fait déjà. C’est la politique du fait accompli : L’illusion démocratique est complète.
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar Paul Anton » Jeudi 02 Juin 2005 19:19

Je suis assez d’accord avec le texte de C.Guillon. Cependant, j’émets une réserve quant au fait de passer instantanément d’une société capitaliste à une société communiste libertaire, puisque nous devons tenir compte de nombreux facteurs tels que : l’imbrication des économies nationales (le jeu de la mondialisation), la réaction des nantis en cas d’une révolution dans un pays du globe, etc…

:arrow: 8)
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
Paul Anton
 
Messages: 3191
Inscription: Lundi 01 Nov 2004 16:19

Messagepar Léa » Dimanche 05 Juin 2005 13:24

Abolition du travail ou aménagement du salariat ?
Elu par cette crapule
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar Paul Anton » Dimanche 05 Juin 2005 15:51

Je préconise l’abolition du salariat par la mise en place du travail socialement utile. 8)
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
Paul Anton
 
Messages: 3191
Inscription: Lundi 01 Nov 2004 16:19

Messagepar Léa » Lundi 06 Juin 2005 12:38

Paul Anton a écrit:Je préconise l’abolition du salariat par la mise en place du travail socialement utile. 8)
Reste à définir ce qui est "socialement utile" et/ou socialement inutile ? :roll:

Image

:wink:
Elu par cette crapule
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Suivante

Retourner vers Discussions diverses