Caressez un cercle d'économistes, il devient vicieux !

Pour relier les luttes entre elles et les étendre...

Caressez un cercle d'économistes, il devient vicieux !

Messagepar clement h. » Mardi 06 Fév 2007 10:40

J'imagine que ce texte plaira plus à miguelito (dont j'aimerai peut-être avoir le mail, histoire de se faire passer des textes de nos réseaux) qu'à plusieurs autres personnes qui fonctionnent encore sur le complément dialectique de l'ontologie capitaliste... éh éh :wink:

Prenez un cercle d'économistes (ou de bio-économistes), caressez-le... il deviendra vicieux !

Pour une critique non-tronquée des sociétés de croissance économique.

« Il y a ainsi une région de la nature où la formule de l’idéalisme s’applique à la lettre : c’est le règne social. L’idée y fait beaucoup plus qu’ailleurs, la réalité. »

Emile Durkheim.

« Mais la domination de la chose n’est jamais entière, et n’est au sens profond qu’une comédie : elle abuse jamais qu’à moitié tandis que, dans l’obscurité propice, une vérité nouvelle tourne à l’orage. »

Georges Bataille, La Part maudite, 1949.

« Les armes ne sont pas autre chose que l’essence des combattants eux-mêmes. »

Guy Debord, La Société du spectacle, 1967.


L’économie est partout à la barre, mais ses rouages et plus encore ses « grains de sable » en sont dans leur prudente piété ses éternels témoins. Et dans ce silence assourdissant, partout nous entendons les ânes et les vieilles filles des deux sexes toujours plus adeptes que jamais de pratiques nécro-sexuelles, nous dire vouloir encore faire l’amour à l’économie alitée sur son dernier lit. C’est que la croissance économique, spectaculaire, atroce, despotique, sur nos crânes inclinés a planté son drapeau noir. Dans le château fort mondial où c’est l’économie qui conduit le bal tous les soirs, l’économie est sous nos yeux la réalisation de la misère existentielle et l’actuel ravage de la Terre n’est que le déploiement de l’environnement et du décor de cette même maladie. Si en dépit de ce qui nous sépare nous vivons sur la même planète et que la Terre est notre maison, l’économie n’est pas une maison mais bien un théâtre d’opération. Si la maison brûle c’est ainsi que l’économie vit la « fin forcée » de son propre déploiement planétaire en une guerre généralisée. Mais l’économie n’est pas et n’a jamais été une vertu domestique, c’est juste sous nos yeux et dans notre chair un processus de domestication de la vie qui contamine les esprits comme il contraint les corps par la mort qui les traverse. Les dépanneurs et les réparateurs du « Progrès rétrograde » comme les propriétaires de la société en sont les machinistes et nous n’en sommes plus que les simples rouages : du « matériel humain » dans les tranchées de la guerre de la « valeur », c’est-à-dire autant d’individus é-vidés et dés-affectés par le règne de l’équivalence marchande, réduits à des « rôles » inter-changeables dotés de fonctions, de compétences et de spécialités au bénéfice d’une interdépendance générale composant une organisation sociale totale ayant pour principe l’artificialisation même de la vie. Partout la relation sociale la plus élémentaire décente se fait toujours plus spectaculaire à mesure que l’argent - qui est le support de ce qui est objectivement commun à tous, notre « vivre-ensemble », c’est-à-dire la valeur d’échange -, ramène toute qualité et toute particularité à la seule question du « combien ».

Comme Athéna, l’économie a ainsi surgit toute armée de l’imagination mortifère d’un économiste préférant se coucher pour regarder passer la vie en ruminant d’un air de grand sérieux. A chaque instant où l’économie s’invente dans sa genèse transcendantale, la pratique économique et la représentation économique se construisent et s’instituent réciproquement l’une à partir de l’autre et inversement, dans un mouvement vers le dehors de la vie qui est sa simple négation. C’est ainsi que les représentations économiques vont découper et reconnaître dans le réel ce qu’elles avaient déjà au préalable l’intention d’y trouver. La pensée économique est donc organisatrice de la perception du réel et c’est donc elle qui naturalise l’existence même d’une économie en tout temps et en tous lieux, c’est-à-dire perçue comme trans-historique, naturelle et universelle. L’évidence béate de l’existence même de l’économie est un de ces allants de soi que personne ne saurait mettre en doute quand tous sont à genoux au pied de l’Idole pour en être ses derniers rouages. Les yeux obéissent souvent à nos esprits, plus que nos esprits à nos yeux et ainsi nous ne réalisons pas que les idées et les images qui sont désormais nos intermédiaires obligatoires pour communiquer avec ce qu’il nous reste comme réalité, vont aussi masquer la réalité réelle et nous faire prendre l’idée pour la réalité. La « valeur » disait Marx est bien cette « abstraction réelle », un gigantesque rideau de fumée que nous avons tous devant le regard, telle est la tragédie de la maladie économique.

L’apparition du système capitaliste ne doit donc plus être expliquée comme la conséquence inéluctable du degré de développement objectif atteint par les rapports marchands à la fin du moyen âge européen. Le projet capitaliste est en réalité une singularité occidentale, il naît de la rencontre entre d’une part des pratiques d’échanges marchands, et d’autre part, une métaphysique politique et philosophique suffisamment particulière pour conférer à cette accélération mécanique un destin historique inédit. Modèle philosophique qui considère la société comme une collection d’individus motivés par le calcul rationnel de leurs intérêts et la volonté de se faire une place au soleil, alors que les hommes ne vivent pas juxtaposés comme les platanes qui bordent ce qu’il reste de nos chemins. L’humain sous les catégories, les formules, les mots et autres cyclopes arithmomorphiques de l’homo oeconomicus, n’est alors plus que squelette et cliquetis d’os. L’incroyable sectarisme des économistes et de leur lutte économique pour la vie, avec tout le cortège de leurs présupposés allant de la « rareté » au « niveau de vie » en passant par le « minimum vital » (ce qu’ils appellent par utilisation d’une métaphore biologiste pour mieux le naturaliser, le « développement »), sont autant de faux-semblants pour mieux coloniser nos imaginaires. A l’inverse de ce darwinisme qui imprègne tant les défenseurs de la réalité économique, « ce qui règne dans la nature ce n’est pas la disette, l’étroitesse, c’est l’excès, le gaspillage, une folie de gaspillage. La lutte pour la vie n’y est qu’une exception, une restriction momentanée du vouloir-vivre » [1]. Et le pot résultant de cette rencontre inédite est d’autant plus pourri que le bébé dont la laideur souille l’eau noirâtre du bain dans lequel il se noie est à jeter.

Chacun d’entre nous perd à chaque coup de sonde de l’économie dans nos chairs subjectives, à chaque fois que la technique scrute nos reins et nos cœurs et transforme la nature en décor de sa propre maladie, un peu plus la faculté d’user de sa propre capacité (ce « pouvoir-capacité » opposé au « pouvoir-domination »), sa faculté de juger, la maîtrise sur ses activités de base mais plus encore la jouissance de sa propre subjectivité radicale et immanente. La société spectaculaire de croissance est bien celle à l’inverse de « toute relation affective interpersonnelle [qui] se fonde sur l’individualité des personnes, [où] dans les rapports rationnels, les hommes sont réduits à des nombres, à des éléments qui, par eux-mêmes, sont indifférents et n’ont d’intérêt que du point de vue de leur production objectivement comparable » [2]. Et cette comparativité générale des activités de chacun d’entre nous n’est rendue possible que par leurs mise en équivalence - afin que leurs produits soient rendus échangeables -, que permet la « forme-valeur » dont l’objectivité de son calcul est non seulement une illusion mais surtout une formidable réduction [3]. Comment comparer, rendre égaux et équivalents, et par là rendre échangeables leurs produits, des travaux vivants et concrets par essence inégaux et incomparables ? L’économie ne tient pas à reconnaître là un problème difficile - qui ne serait d’ailleurs pas un problème s’il n’était difficile -, elle se présentera elle-même comme solution en tant que la négation même du problème, c’est-à-dire en passant en force au travers de l’aporie insondable de l’échangeabilité. La « forme-valeur », comme sésame de la possibilité même de l’échange est alors la condition de possibilité transcendantale sur laquelle la société de croissance prend son existence même. Quand l’économie prescrit d’échanger sa force de vie en force de travail abstrait, le désir cède le pas au devoir, au symbole et à la norme. Tous les moments de la vie se laissent réduire par la forme-valeur en autant de moments déjà morts. Le travail dans sa mise en abstraction sous la forme de la valeur n’appartient plus à celui qui le tire de son activité vivante, et où la vie est désormais exclue de la vie. Tout ce que la mise en équivalence dévore lui ressemble, et ce qu’elle refuse n’existe pas. C’est que l’économie est un monstre sérieux, qui n’a que faire de l’inutile, du gratuit, du don, de tout ce qui vient de cet auto-acrroissement autonome et immanent de la vie qui s’auto-affecte inlassablement en nous. Elle veut des aliments, toujours davantage d’aliments, pour goûter, dévorer, assimiler sans cesse pour mieux se barricader dans sa cage de fer. E-vidé de son affectivité éthique et esthétique comme de l’intersubjectivité charnelle qu’il entretient avec l’Autre, l’individu moderne vit alors comme un drame le statut moderne de la subjectivité : il s’individualise en se niant comme sujet moral autonome, mais il attend de cette négation une personnalisation accrue. Alors qu’inlassablement dans la relation du « rôle » et de la consommation, ils nagent dans l’infamie, l’impuissance et l’irresponsabilité comme un poisson dans l’eau, les rouages se contentent de tuer le temps, en attendant que l’économie les tue. La culpabilité hante ainsi la survie de l’homme économicisé de part en part. Chacun traîne en soi le reproche moral de ne pas être suffisamment solvable, de ne pas s’échanger assez, de ne pas renoncer à la gratuité de la vie et de ses désirs. Voire d’échouer à émanciper l’auto-affectivité qu’est la vie de ce qui la tue. La tristesse mécanique dans ce flots d’excréments économiques qui nous submerge n’est plus alors que cette vieille énormité crevée qui a une longue mort devant elle. Elle ferait presque peine à voir si nous n’étions nous même tous malades. Mais partout c’est la guerre de la valeur et de ses signes, dans les ondes, les corps, les voix, partout autour de nous, et nulle part la vie dont nous sommes ne peut avoir le sentiment de sa propre valeur.

La perte totale de l’autonomie subjective comme pratique d’une vie qui se sent elle-même et dans ce « se sentir soi-même » qu’est la vie, s’auto-affecte inlassablement, ne peut être que compensé par une production d’activités hétéronomes, hors-sol et hors-vie, un processus holistique totalisant sans individus concrets et vivants, ou tout du moins niant à chaque instant ce que nous sommes. Les activités « vernaculaires » comme disait Illich, c’est-à-dire « tout ce qui était élevé, tissé, cultivé, confectionné à la maison, par opposition à ce que l’on se procurerait par l’échange », autrement dit « toutes les subsistances issues de structures de réciprocité inscrites dans chaque aspect de l’existence, distinctes des subsistances provenant de l’échange monétaire ou de la distribution verticale », sont ainsi les ennemis à abattre pour le processus d’économicisation nos vies [4]. Ici comme ailleurs et demain partout sur la Terre quand notre futur sans avenir ne cesse toujours plus de triompher, la moindre de nos activités de vie est identifiée, épinglée, normée et moralisée par la médiation de la valeur pour être projeté et intégré dans une totalité cohérente et efficace, une sphère désormais autonome, une usine pétrochimique où la vie inobjectivable est délimitée, classifiée, qualifiée, quantifiée et épinglée, comme l’on ferait d’un joli papillon aux yeux crevés et aux ailes brisées. Il n’existe désormais de vie, que de « vie économique ». L’économie est à considérer comme un réseau productif qui passe à travers nos corps subjectifs, beaucoup plus que comme une instance négative qui aurait pour fonction de réprimer la seule classe ouvrière. L’invention des « besoins » et l’organisation standardisée de leur satisfaction dans une inter-dépendance devenue générale où la dépossession est la condition première, fait ainsi en sorte que chaque action particulière, chaque activité sera corrigée, infléchie et d’abord définie comme « économique », de façon à s’intégrer au procès unitaire, à cette Grande Machinerie techno-économique dont l’intégration sera demain mondiale. Désormais partout dans ce devenir monde de l’économie de la mort où se répand la logique de la Séparation, « le rôle est cette caricature de soi que l’on mène en tous lieux, et qui en tous lieux introduit l’absence » (R. Vaneigem). Nulle part les corps subjectifs n’échappent ainsi à leurs fonctions et se donnent à eux-mêmes la possibilité de se trouver. Quand l’organisation sociale promue est celle de l’inter-dépendance généralisée des « rôles », c’est que partout la vie dans sa représentation est devenue équivalente, égalisé, générale, abstraite indifférenciée et interchangeable, c’est donc qu’elle est devenue absente à elle-même et par là jetable. A travers ces « rôles », nos acquisitions morales ne sont que le résultat de l’éducation et de la rationalisation des rapports sociaux qui nous apprennent à plier les appétits du feu vivant de la vie à des impératifs sociaux et économiques, et c’est ainsi que « la moralité des mœurs et la camisole de forces sociales ont rendu l’homme vraiment prévisible » (Nietzsche) quand il n’est plus que l’ombre de son propre fantôme.

Cette organisation sociale machinique, le cynisme de la marchandise, le narcissisme de la richesse et les mots toxiques que le Spectacle diffuse et renouvelle par stocks trimestriels, colonisent ainsi imperceptiblement nos réflexes, transitent par nos corps subjectifs pour les mercurialiser, intériorisent nos consciences, mais plus encore inventent et construisent une réalité mortifère en faisant passer ses défenseurs pour des chevaliers du « principe de réalité ». C’est ainsi que le cadastre de la vie et ses arpenteurs, comme les réformistes-qui-font-ce-qu’ils-peuvent avec leur positivisme illogique et leur cynisme confortable, comme les écologistes de caserne et autres politiciens de la décroissance qui ne cherchent qu’à écologiciser l’économie pour lui donner un visage humain, ne s’attachent plus à effacer les causes de la violence de la crise de la valeur, c’est impossible pour eux - il faudrait en effet changer toutes les données alors qu’ils n’aspirent qu’ à la gestion loyale d’un monde désormais sans autre projet que son infinie parthénogenèse : « Dormez tranquilles, bonnes gens, consommez, circulez, il n’y a rien à comprendre, il n’y a plus rien à vivre, comptez sur nous ! nous comptons sur vous ! » ne cessent-ils de proférer en rêvant de se retrouver un jour au joystick de la Méga-machine et de planifier l’espérance et le sauvetage de la Planète.

Ecologistes, ne vous laissez pas rabrutir. Ne vous asseyez plus. Finissons-en une fois pour toute avec la critique d’élevage des seuls excès de la croissance économique ou des prétendues « dérives » de la publicité dont chaque nouveau mesonge ne fait qu’avouer le précédent. Cette pseudo-critique nous pond finalement comme sauraient le faire tous les prêtres à courte et longue robe de l’intégrisme économique, qu’il faut que les publicitaires nous dessinent de jolis sucettes 70 x 50 cm et que - quand même, allez ! - « l’économie est très importante » [5]. Le renouveau qu’on nous vend dans les étalages des agences de l’antipub sous l’étiquette de la « décroissance soutenable », sous celles de l’anti-productivisme économiciste et de l’écologicisation des sciences économiques ou que veulent nous refourger les économistes en chef d’ATTAC, ne sont qu’un vieux délire. Malaise, silence, aboiements... ce qui se passe quand quelques objecteurs de croissance manifestent que l’ensemble de l’économie et de ses « alternatives » ne sont que du vent, que le produit est un prétexte occasionnel, que seuls comptent véritablement l’étiquette, le nom, le mot, que la décroissance n’est que le mouvement vers la sortie et le dépérissement de l’économie.

Le slogan écologiste de l’antiproductivisme n’est pas et n’a jamais été celui de la décroissance [6], car produire pour produire (le productivisme), l’existence de l’argent comme fin en soi, comme celle de la croissance pour la croissance, sont à critiquer dans leurs fondements non dans leurs simples « excès » dont il faudrait gérer les nuisances pour mieux en éterniser les conditions de possibilité. L’économie et la croissance ne sont pas seulement à mettre en cause parce qu’ils sont devenues leur propre fin, ils faut aussi s’en débarrasser à la fois comme fin et surtout comme simple moyen, c’est-à-dire comme processus de valorisation a-trophiant la joie de vivre. La croissance économique n’est donc pas seulement « insoutenable » - point besoin d’une bio-économie utilitariste et économiciste opérée par le cybernéticien et Grand Horloger Georgescu-Roegen -, elle n’est simplement pas souhaitable, car l’économie et ses représentations sont d’abord et avant tout l’a-trophisation des potentialités subjectives, l’artificialisation et la méga-machinisation de nos vies inobjectivables. Les beaux calculs des expertocrates bio-économistes ne disent rien de plus que ce que le bon sens et ce qu’il reste de « common decency » (George Orwell) chez les gens ordinaires que nous sommes, voient et comprennent par eux-mêmes de leur propre mise en abîme sous les incessants coups de butoirs des représentations économiques. Point besoin d’une nouvelle science de la domination et de se réclamer pour sa propre respectabilité d’un énième économiste. La vie est pour l’économique la dramatique de l’incalculable, il s’agit donc de dramatiser nos vies !

Les écologistes comme les altermondialistes ne cessent de se scandaliser de l’accumulation tautologique de l’argent, et certains d’entre eux pensent même porter une critique de la croissance avec les armes et sur le terrain même des économistes. Mais ces « alternatifs » ne se soucient jamais de l’accumulation tautologique de travail abstrait qui se représente dans la valeur et qui à son tour se représente dans la valeur d’échange, c’est-à-dire dans l’argent. La critique des « antiproductivistes », des écologistes, des partisans de la socialisation de la production, comme celle de l’antipub et des politiciens de la décroissance est à chaque fois inconséquente à l’image de nos vies mutilées. Car la croissance de la valeur n’est finalement pas si négative pour nos altermondialistes et écologistes décroissants. Pour eux non seulement ils nous faudrait travailler encore plus dans une société de décroissance, mais plus encore le travail constitue à leur yeux, le contraire, concret et positif, de l’abstraction représentée dans l’argent. En découle un programme commun à tous ces alternatifs d’une société basée entièrement sur le « travail honnête » de grand-papa (les petites épiceries de quartiers comme horizon poujadiste des écologistes traditionnels, alors que « Small is not beautiful », car le problème au fondement de la croissance n’est pas seulement une question de « taille », mais plus encore celui de sa « forme » en soi) où il n’y aurait pas d’appropriation de plus-value. Selon les circonstances et les variantes plus où moins marxistes ou plus ou moins écologistes/décroissantes, la réalisation de ce programme simplement anti-capitaliste et anti-productiviste mais restant prisonnier de l’ontologie capitaliste de la valeur, peut prendre la forme d’un réseau de coopératives, où les travailleurs travaillent sans patron, ou d’un « Etat ouvrier » ou « décroissant » où l’administration de la plus-value est réglée et administrée (à coup de revenu maximum de décroissance, revenu inconditionnel d’existence et autres éco-taxes comme le principe économiciste « pollueur-payeur ») par des instances censées représentées tous les salariés-consommateurs ou du moins leur donnant des recettes toutes faites pour mieux huiler et réguler leur survie quotidienne : le parti-Etat ou le Ppld. Jamais la production et la consommation ne sont critiquées dans leurs conditions de possibilité, c’est-à-dire comme processus de valorisation. L’anticapitalisme primaire et tronquée du marxisme altermondialiste et de nos écologistes de caserne ne s’en prend qu’à la seule plus-value, c’est-à-dire la valeur d’échange en elle-même et pour elle-même, mais toujours pour mieux éterniser sa condition de possibilité dans la forme-valeur. La marchandise est alors l’horizon indépassable de cet anti-capitalisme. Il n’y a aujourd’hui d’écologie institutionnelle comme « alternative » que marchande [7]. On en reste toujours à la critique spectaculaire de ce qui inlassablement continue à flotter à la surface gélatineuse de l’économie spectaculaire, qu’ils veulent fondamentalement sauver. Et certains trop zélés et trop pressés avec leur demi-savoir s’évertuent ainsi à programmer déjà le sauvetage de la planète comme L. Riefenstahl se préparait à filmer un défilé des Jeunesses Hitlériennes.

La question de l’équivalence généralisée compris dans le concept de valeur, ainsi que celle d’une intervention sur la société de croissance, c’est-à-dire d’une action subversive pour contester le salariat comme processus de valorisation et non plus seulement comme condition juridique de subordination entre un patron et ses salariés (ainsi la perspective auto-gestionnaire aussi sympathique qu’elle soit, ne résout en rien le problème posé par les sociétés de croissance), sont au cœur d’une critique conséquente et non tronquée de la croissance économique, car elles s’en prennent véritablement aux conditions de possibilité de l’existence même de celle-ci, c’est-à-dire aux catégories de base de l’économie inventée. La décroissance ce n’est pas rendre compte d’un squelette à terre, mais d’une squelette cadavérique recouvert de chair et qui se meurt debout. Il n’est pas question de continuer avec une critique tronquée du capitalisme pour mieux éterniser son ontologie en lui fournissant un logiciel écologiste de premiers soins et de jouer les médecins « décroissants » au chevet d’un malade en pleine décomposition. La décroissance n’est pas soluble dans l’écologie marchande. Il faut sortir de la croissance comme il faut sortir de l’écologisme antiproductiviste des années 70. Seule dans cette perspective pratique de la décroissance, la « valeur » de la société de croissance peut être dénoncée comme fausse (spectaculaire) et détruite.

Que la crise s’aggrave ! Que la vie l’emporte !

Clément Homs, février 2007.

Notes :

[1] F. Nietzsche, Le gai savoir, § 349.

[2] Georg Simmel, « Métropoles et mentalité », in L’école de Chicago, Naissance de l’écologie urbaine, Ed. Aubier, Paris, 1984, p. 66.

[3] Pour prendre compte de l’actuel changement de paradigme dans la critique du capitalisme, c’est-à-dire le passage du vieux paradigme obsolète « lutte des classes » et « exploitation » propre au marxisme du mouvement ouvrier et de l’actuel altermondialisme, au paradigme de la « critique catégorielle » - comme dit Robert Kurz - qui passe désormais par la critique de la « forme-valeur », on verra surtout l’ouvrage admirable du phénoménologue Michel Henry, Marx, 2 tomes, Tel, Gallimard, 1976 (réédition 1991), tome 1 : « Une philosophie de la réalité » ; tome 2 : « Une philosophie de l’économie » qui pose la critique fondamentale de Marx comme opposée aux « marxismes qui ne sont que l’ensemble des contre-sens qui ont été faits sur Marx ». Pour ceux qui voudraient commencer là-dessus il faut évidemment revoir le texte magnifique de Marx, Le caractére fétiche de la marchandise et son secret (re-publié par les éditions Allia, 2006 en un petit livre). Sur ce même paradigme on peut voir entre autres, Anselm Jappe, Les Aventures de la marchandise. Pour une nouvelle critique de la valeur, Denoël, 2003 ; Robert Kurz, Critique de la démocratie balistique. La Gauche à l’épreuve des guerres d’ordre mondial, Mille et une nuits, 2006 ; ou encore du Groupe allemand Krisis, Manifeste contre le travail, 10-18, Léo Scheer, 2002.

[4] Ivan Illich, Le Travail fantôme, Ed. du Seuil, 1981, p. 67.

[5] Telle est par exemple la position écologiste somme toute classique dans ces milieux car déjà présente dans les ambiguïtés de l’écologisme des années 70, et remis au goût du jour aujourd’hui par l’écologiste V. Cheynet dans son article, « L’universalisme raison de notre combat pour la décroissance », in Cahiers de l’IEEDS, n°1.

[6] Voir là dessus, l’ « Ouverture » de S. Latouche de l’ouvrage B. Guibert et S. Latouche (ss. dir), Antiproductivisme, altermondialisme, décroissance, Parangon, 2006, p. 17-18. Il écrit : « Le retour inattendu du ‘‘ développement ’’ à travers le durable sert en fait de cheval de Troie pour réintroduire par la fenêtre dans la pensée critique, voire antiproductiviste, la croissance économique de la production matérielle prédatrice et écodestructrice, que l’on avait chassée par la porte. La critique radicale du développement est le shibboleth de l’alternative authentique. L’antiproductivisme peut laisser la porte ouverte à un développement ‘‘ modéré ’’ : critique des excès de la croissance, du mal-développement, mais au lieu de jeter le bébé on ne jette que l’eau du bain... »

[7] Michel Bounan, Remarques sur l’écologie marchande, in Sans valeur marchande, Allia, 2001. Si Bounan a bien raison de polémiquer avec l’Encyclopédie des nuisances en lui mettant sous les yeux que la question est bien plus profonde que le retour à une petite paysannerie de subsistance et que la « science galiléenne » (voir pour un approfondissement de ce que dit Bounan, Michel Henry, La barbarie, puf, 2005, 1987) est de toute façon la condition de possibilité de l’organisation scientifique de l’échange marchand, il y a bien trop d’ennemis à abattre ensemble, pour polémiquer sur des détails certes très importants, mais qui dans la situation où nous sommes, n’introduisent en rien à une réappropriation concrète de nos vies (B. Louart, Introduction à la réappropriation..., in Quelques éléments d’une critique de la société industrielle, juin 2003, disponible sur le site internet de Notes et Morceaux Choisis). La question écologique est désormais un angle d’attaque concret pour abattre l’économie. Tout ne se fera pas concrètement dans la pratique anti-économique en un seul jour car le processus de modernisation s’est lui aussi fait par paliers successifs, à moins de croire encore à l’eschatologie messianique de la « Table Rase ». Dans un premier temps, à côté d’une réappropriation générale au travers de l’auto-production, auto-consommation, auto-construction, il pourrait y avoir encore des éléments qui soient encore à échanger. L’intégration de nos vies est aujourd’hui si poussée, que jouer au purisme ne sert à rien pour ce qui est de la pratique de la réappropriation. Si l’on veut faire autre chose que développer d’impeccables analyses sans donner de moyens pour les incarner dans une pratique concrète, c’est qu’encore une fois on a rater une réflexion sur les leviers et les forces sociales pour introduire à la réappropriation de nos propres vies quotidiennes. Alors certes, le très intéressant article de M. Amiech, « Les Etats-Unis avant la grande industrie » (in Notes et Morceaux Choisis, n°7, déc. 2006), dans son analyse du gonflement des structures organisationnelles des entreprises américaines sous l’effet de l’introduction du chemin de fer, présuppose peut-être trop qu’auparavant la société marchande de la valeur n’existait pas. Certes on peut encore émettre des doutes sur l’idée qu’« avancer de nos jours devant une personne de gauche que les paysans du Doubs au temps de Courbet, disposaient probablement de bases concrètes bien meilleures que nous pour construire une société juste et humaine » (M. Amiech et J. Mattern, Le Cauchemar de Don Quichotte, Climats, 2003, p. 98), présuppose encore une fois que la paysannerie était grandement étrangère à la sphère des échanges marchands, ce qui à cette époque n’est plus en partie le cas, puisque la « révolution agraire » menée par les « agrariens » (notamment les physiocrates) pousse dès le XVIIe siècle la paysannerie à échanger sa production contre de l’argent. Cependant, si l’on se dégage du débat franco-français, il faut bien reconnaître que même imparfaite cette perspective offre au moins des leviers concrets et des forces sociales réelles pour résister à la marchandisation actuelle de centaines de millions de paysans actuels en Amérique latine, en Inde, en Afrique et en Asie. Cf. Silvia Perez-Vitoria, Le retour des paysans, Actes Sud, 2005, ou encore S. Latouche, L’Autre Afrique, Albin Michel, 1999. Il pourrait en être de même de tous nos actuels « naufragés du développement », à l’image des mouvements indigénistes, qui sont des polarités concrètes de résistances à la mondialisation de l’organisation scientifique de l’échange. Pour dire aujourd’hui quelque chose de valable pour ce qui est d’une réappropriation et d’une résistance concrète à la mise en économie du monde, il est indispensable de porter son regard en-deçà de son objet pour voir déjà à partir de quoi on pourra commencer à l’entamer. Sinon barricader dans son lupanar théorique on risque toujours de ne s’adresser qu’aux mêmes milieux groupusculaires. Et avec ou sans nous, dehors le futur sans avenir ne pourra toujours que triompher. C’est le moindre producteur/consommateur qu’il nous faut convaincre. Il s’agit d’une mise en réflexion généralisée du producteur/consommateur à partir de là où il se trouve, et qui puisse susciter chez lui l’envie et la nécessité de se poser à nouveaux des questions fondamentales (c’est-à-dire aux fondements) sur nos pratiques.
clement h.
 
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Messagepar Electron libre » Mardi 06 Fév 2007 12:27

Très bon article.

Merci Clément.
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Electron libre
 
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Messagepar miguelito » Mardi 06 Fév 2007 12:33

Salut Clément,
Vu le nombre de réponses que chacun de tes messages engendre ici, je crois que tu fais bien de préciser que ce dernier texte m’intéressera plus que d’autres… Surtout quand on voit les réactions de certains sur ce forum.

Je viens de prendre connaissance de ton texte qui redit, avec moult références d’une grande variété (On croise ainsi Baudelaire et Chirac !) et dans ton style propre, que l’économie est un mensonge. J’espère que ta façon de présenter les choses sera plus porteuse que la mienne.
As-tu remarqué comment les économistes de toutes obédiences se réclament du matérialisme tout en condamnant la métaphysique (souvent platement confondue avec la religion ou la superstition !) alors même que leur croyance est soumise à la plus détestable des métaphysiques ?

Bref, je n’ai pas grand-chose à redire sur le fond de ton analyse. Je pense par contre que Bounan fais bien d’accrocher l’EdN sur des détails qui ne sont pas anodins. Je pense qu’il ne faut surtout pas mélanger la critique intelligente avec les querelles alimentées par les différents cercles qui forment des « milieux ». Nous en cessons de le dire : tous les milieux sont à déserter, surtout les milieux culturels et militants. Et je trouve dommage que certaines personnes se contentent de ressasser leur rancœur personnelle au lieu de débattre réellement, c’est-à-dire de défendre jusqu’au bout leur positon tout en attaquant réellement (c’est-à-dire sans déformer et sans mentir) les positions opposées. Quand on voit la réaction d’un Bertrand Louart ou d’un Alain-Claude Galtié face à ce que nous avançons, il y a de quoi s’énerver !
Bref, tout ça pour dire qu’il faut discuter surtout des désaccords et pousser dans les derniers retranchements les points de vue auxquels nous sommes confrontés. Pas par sport ou par ennui, mais pour faire jaillir de la vérité et pour se doter des armes les mieux aiguisées. Ainsi parviendrons-nous à élaborer une belle théorie à expérimenter, ce qui ne constitue rien d’autre que de passer à l’action subversive, comme tu dis.
La réappropriation est une nécessité mais reste insuffisante pour mener l’assaut contre la société économique. Aussi, pour qu’une telle théorie puisse être portée, il convient de tisser de véritables liens entre tous ceux qui sont animés par les mêmes aspirations. Cela passe par la constitution d’amitiés sincères qui ne sont possibles que parce qu’elles ont abandonné toutes les considérations qui ont cours dans les « milieux », tous les rôles, tous les « moi-je », toutes les mesquineries et toute la tiédeur dont sont capables les animateurs de tels « milieux ». Il ne s’agit pas de faire en sorte que tout le monde soit d’accord, mais de savoir jusqu’où l’on peut aller ensemble, de pointer les divergences aussi bien que les accords et de les jauger.

Nos démarches semblent converger sur bien des aspects, allons encore plus loin pour faire croître notre puissance et détruire ce monde du mensonge !

Pour m’envoyer du courrier : autonomie@no-log.org
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Messagepar Paul Anton » Mardi 06 Fév 2007 19:38

L’économie est un mensonge…

Oui…oui…. Qui te dis que je ne m’y intéresse pas…. Si je te dis que je suis en train de lire un ouvrage sur l’histoire des faits et des idées économiques…. :twisted:

Je pancherai plutôt pour une coupure épistémologique qui remonte à l’antiquité et qui s’achève au 16ème siècle. L’économie provient de la philosophie.

Clément pourrait-il éclaicir ma lanterne sur le complément dialectique de l'ontologie capitaliste ?
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
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Messagepar lucien » Mardi 06 Fév 2007 23:46

Personne ici ne remet en cause l'intérêt des contributions de clément, bien au contraire, même si Anton ne me facilite pas la tache face à l'indécrottable miguelito ! :lol: :wink:

Miguelito : peux-tu mettre à jour ton adresse mail dans ton profil (je reçois des messages d'erreurs venant d'acratie@...), merci.
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Messagepar douddu » Vendredi 09 Fév 2007 10:40

une question

En quoi l'antiéconomisme peut il induire l'abolition de toutes les formes de domination ?

Cela paceque je m'étonne toujours de propostions de ce genre :
la gratuité des services publics constitue un des leviers permettant de faire basculer ce monde inique vers une société sans classes ni Etat !
Tract FA 08/02/2007

tout cela est balancé en faisant fi des leçons historiques concernant la gratuité et même la suppression des rapports marchands dans les sociétes hiérarchisées et autoritaires .

attention , je ne dis pas être contre la gratuité ou contre l'antiéconomisme , je soutien que les principes anarchistes transcendent les objectifs antiéconomiques . En effet si l'abolition des rapports économiques est contenue dans le communisme libertaire il ne me parait pas que l'abolition des rapports économiques contiennent une société libertaire .
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Messagepar miguelito » Vendredi 09 Fév 2007 11:24

Je suis un ennemi de l'économie. Mais je ne parle pas de "l'anti-économisme", ce qui risquerait de nous faire retomber dans une spécialisation de la pensée, ou même - encore pire - dans l'idéologie.

Je conçois aisément que l'on pourrait adopter un point de vue anti-économie sans pour autant remettre en cause la domination en général.

Mon point de vue opposé à l'économie ne consiste pas à réclamer la gratuité D'abord parce que je ne réclame rien. Ensuite parce que je pense que la gratuité ne signifie pas mort de l'économie. Il convient de repréciser ici ce que nous entendons par économie : c'est le point de vue qui prétend que l'humanité doit s'organiser autour des besoins, que la question consistant à répondre à ces besoins est essentielle, centrale, et que toutes les autres questions dépendent de cette question première. Aussi, de nombreux communistes (libertaires ou pas) sont des économistes dans ce sens où ils mettent en avant une construction sociale basée d'abord sur cette question. Aussi, entend-on souvent parler d'économie libertaire, ou d'autogestion, bref, d'un système économique qui prétend fonctionner selon des principes libertaires. Par conséquent, le communisme libertaire n'abolit pas forcément les rapports économiques. Ils contient a priori l'abolition des rapports capitalistes (le capitalisme est une façon parmi d'autres de gérer l'économie) seulement.

La thèse qui dit que l'économie est un mensonge s'inscrit dans une démarche plus vaste. Concentrer la critique de nos interventions sur ce seul point sans voir le reste entrainerait des interprétations douteuses de notre démarche.
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Messagepar douddu » Vendredi 09 Fév 2007 15:53

D'accord ,cette thése s'inscrit dans une démarche plus vaste , mais l'anarchisme également puiqu'il prétend lutter contre toute domination (pas seulement la domination économique) .

En quoi là où l'anarchisme est une philosophie, une idéologie, cette thése ne le serait pas?
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Messagepar miguelito » Vendredi 09 Fév 2007 16:33

L'anarchisme prétend combattre toutes les dominations ? Peut-être, encore que cette idéologie se caractérise par le fait d'être prônée de manière bien divergentes. On trouve ainsi des anarchistes qui n'ont pas hésité à occuper des fonctions de minstres par exemple...

C'est là un trait particulier aux idéologies et aux religions : on y trouve des orthodoxes, des rénovateurs, des pragmatiques, des puristes, etc. Et tous prétendent avoir la meilleure version de leur idéologie ou religion.

Elaborer une théorie est tout autre chose : il s'agit d'émettre des hypothèses, de faire des expériences, de mettre à l'épreuve ce qui est pensé et ce qui est entrepris. Cela dit, une théorie peut très bien devenir une idéologie. C'est une réalité qui nous incite à rester vigilants.

Quant à la philosophie, ou aux philosophies, c'est là un mot assez étrange. Il signifie d'abord "amour de la sagesse" ! Mais quelle sagesse ? Il renvoie plus généralement à deux choses : il est pris comme synonyme d'idéologie (on parlera de philosophie marxiste ou musulmane, par exemples) ou bien il désigne plus simplement le fait de penser et d'énoncer cette pensée.

Le propre d'une idéologie est de figer les choses. Elle fige l'analyse d'une situation (aussi bien du présent que du passé) et elle voudrait figer l'avenir en proposant une société universelle, une société idéale et modèle. Tout cela est bien étranger à notre démarche.
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Messagepar douddu » Vendredi 09 Fév 2007 17:55

Il convient de repréciser ici ce que nous entendons par économie : c'est le point de vue qui prétend que l'humanité doit s'organiser autour des besoins, que la question consistant à répondre à ces besoins est essentielle, centrale, et que toutes les autres questions dépendent de cette question première.


dois je comprendre que tu reconnais la nécéssité de s'organiser , autour d'autres questions ? .

Je veux bien admettre que la réponse aux besoins n'est pas une question centrale , que c'est une question secondaire . Mais si on reconnait que la société s'organise autour de quelque chose , ce quelque chose qui ne serait pas matériel serait donc idéal .


Mais on parle d'une théorie qui réfute l'idéologie , pour une raison trés claire , l'idéologie figerait les choses . Cela dépend ce que on met dans idéologie : les principes, les moyens ou les finalitées?

Les moyens , parmi lesquels la réflexion, l'analyse, ne sont absolument pas figés , et l'évolution des tactiques et stratégies au sein dela CNT-AIT le démontre tous les jours . Ce qui est figé ce sont les principes .

Donc, si la théorie dont on parle n'a pas de principes en quoi intéresse t-elle le mouvement émancipateur ? Dans la mesure où ce mouvement a au un moins un principe intangible , figé, l'émancipation .

Et si elle a des principes, en quoi différe t elle d'une idéologie ?
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Messagepar lucien » Vendredi 09 Fév 2007 22:03

miguelito a écrit:Il convient de repréciser ici ce que nous entendons par économie : c'est le point de vue qui prétend que l'humanité doit s'organiser autour des besoins, que la question consistant à répondre à ces besoins est essentielle, centrale, et que toutes les autres questions dépendent de cette question première[1]. Aussi, de nombreux communistes (libertaires ou pas) sont des économistes dans ce sens où ils mettent en avant une construction sociale basée d'abord sur cette question[2]. Aussi, entend-on souvent parler d'économie libertaire, ou d'autogestion[3], bref, d'un système économique qui prétend fonctionner selon des principes libertaires.
[1] Ca se complique !

Quelqu'un estimant que la question essentielle réside non pas dans la réponse à ses besoins mais dans la nécessité de s'extraire de toute forme de domination et qui, constatant que le système actuel est bati autour et pour l'économie : comment, pour s'émanciper, ne peut-il pas réfléchir notamment à d'autres moyens pour répondre à ses besoins et cela en fait-il un économiste ?

Est-ce qu'un groupe humain qui organise la réponse à ses besoins, simplement pour que les individus qui le constituent passent ainsi moins de temps à y répondre et passent plus de temps à des choses plus intéressantes, est un groupe d'économistes (la question essentielle étant pour lui de se libérer de ces contraintes) ?

Est-ce qu'un groupe humain libéré de l'économie (= pour qui répondre à ses besoins n'est pas chose essentielle) ne risque-t-il pas de subir ou commettre certaines formes de domination ?

[2] Sont-ils économistes parce que, souhaitant l'émancipation de leur groupe humain (la fin), ils pensent que, après avoir mis à terre toutes les formes de domination, il est pertinent de s'organiser (le moyen) pour répondre efficacement aux besoins primaires du groupe et donc de lui minimiser la dernière des contraintes ? Je suis bien d'accord sur le fait qu'à la question : "que proposez-vous", la réponse de nombre d'anar' soit "le communisme libertaire" ; ça fait très économique mais, encore une fois, ça n'est qu'un moyen de s'émanciper. Une fois que toutes les formes de domination ont été ruinée, j'ai du mal à voir sur quoi d'autre baser une construction sociale et s'il n'est dans ce cas pas judicieux de rejeter toute construction sociale !

[3] Il me semble que le terme d'autogestion va de soit avec le communisme libertaire et que son emploi dans ce cadre-là n'est par conséquent pas judicieux ; je le trouve beaucoup plus intéressant employé dans le cadre du système actuel ("autogérons nos luttes !") mais j'aurai du mal à le différencier de l'autonomie.

Ma pensée est confuse (j'espère que vous me suivez !) mais sans a priori, alors n'hésitez pas à réagir !
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Messagepar tomatok » Samedi 10 Fév 2007 0:28

je viens de lire en diag donc j'y reviendrai plus tard quand j'aurai le temps, ceci dit je ne comprends pas pourquoi miguelito veut réduire "idéologie" à "chose figée". ça me parait tellement absurde... pour moi l'anarchisme ce sont des principes et après tu te démerdes avec ça ! tu parles d'expérimentations, etc... mais pour moi il serait impossible qu'il en soit autrement ! je ne vois pas où les choses sont déjà prévues à l'avance, cadrillées dans l'anarchisme ! il n'y a -peut-être- que des anars type FA qui vivent dans les bouquins et ne conçoivent l'anarchisme que comme quelque chose de figé, de bloqué sur bakounine proudhon kropotkine, tellement figé qu'ils sont même pas foutu d'essayer de mettre en application leurs principes au quotidien (cf la présence dans les syndicats par exemple ou les positions totalement farfelues qu'on peut lire régulièrement dans le ML).
enfin j'en sais rien mais l'anarchie est libre, donc par conséquent toujours en mouvement et pleine d'imprévues ! ;-)
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Messagepar lucien » Lundi 12 Fév 2007 1:06

Je vais également dans le sens de douddu et tomatok sur la faculté d'expérimentation de l'anarchisme.

Pour en revenir à la satisfaction des besoins, suis tombé par hasard là-dessus (j'en espère des critiques !):

# Que l'assujettissement économique du travailleur au détenteur des moyens du travail, c'est-à-dire des sources de la vie, est la cause première de la servitude dans toutes ses formes, de la misère sociale, de l'avilissement intellectuel et de la dépendance politique ;

Enfin, est-ce que les activités « vernaculaires » d'Illich pourraient être un des fondements de l'Association ?
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Messagepar miguelito » Lundi 12 Fév 2007 14:04

Douddu demande s’il doit comprendre que je reconnais la nécessité de s’organiser autour d’autres questions que l’économie ?

Oui, depuis le temps que je l’affirme sur ce forum !

Toujours pour Douddu : je ne parle pas de LA société. La société est un mensonge et c’est une préoccupation d’idéologues. La seule chose que je reconnaisse, c’est le fait que tous les humains ont cette capacité de débattre. Or, si je suis pour le débat de l’humanité sur elle-même ça n’est pas dans le but de savoir comment cette humanité doit s’organiser en société. Non, le débat doit porter sur les contradictions qui traversent le genre humain, il doit être synonyme de libre jeux entre les différentes positions jusqu’à l’achèvement de ce jeu. Nous souhaitons que l’achèvement du débat consiste en une fin qui nous convienne, en une réalisation jubilatoire de notre démarche. Pour en arriver là, il faut être victorieux, c’est-à-dire qu’il faut venir à bout des positions qui vont dans un sens opposé aux nôtres. Nous concevons que le débat de l’humanité sur elle-même pourrait bien s’achever d’une tout autre manière : par la catastrophe par exemple. Cela signifierait alors que nous avons perdu.

Une fois que l’on a dit ça, nous pouvons répondre aux nombreuses questions que suscitent cette démarche.

Douddu demande si la société s’organise autour de quelque chose d’idéal – étant entendu que pour lui idéal = qui n’est pas matériel. En vérité, Douddu nous demande plutôt si nous nous organisons autour de quelque chose d’idéal. La réponse est évidemment oui : notre moteur est constitué de notre insatisfaction comme de notre désir et notre volonté de réaliser quelque chose, de répondre à la question : que faire de nos vies ? Mais cela étant dit, qu’est-ce que l’économie si ce n’est quelque chose d’immatériel ? L’économie, comme toute idéologie et comme toute croyance, est idéale. Qu’une croyance soit opérationnelle, qu’elle pousse effectivement à l’action ne fait pas d’elle quelque chose de matériel. L’économie ça n’est pas le travail ni la production. L’économie c’est la pensée qui dit que le travail et la production sont les choses autour desquelles la vie s’organise.

En lisant ces propos sur l’idéal et le matériel, je me demande s’il n’y a pas un soupçon derrière. J’ai déjà lu sur ce forum des interventions qui laissent entendre que la croyance ou l’idéalité sont forcément mystiques ou religieuses. Que les matérialistes et les athées seraient indemnes de toute métaphysique et de toute croyance (alors qu’à l’évidence ils sont croyant mais, de surcroît, ils pratiquent allègrement la religion la plus répandue) En vérité, chacun croit en quelque chose (« croire » ne signifie pas « croire en dieu ») et chacun est animé en fonction d’idées, de principes ou autre choses qui sont immatériels par nature.

L’idéologie est constituée de ses moyens, de ses buts et de ses principes. En réalité, tout cela est mêlé. On les sépare abstraitement mais les uns sont contenus dans les autres, comme je ne cesse de le dire ici. Elle est figée parce qu’elle s’enferme dans sa vision du monde (encore une fois, cela vaut pour toutes les idéologies, y compris pour les idéologies qui n’ont rien à voir entre elles) Que la façon de défendre ou prôner une même idéologie varie (comme nous l’avons vu avec l’exemple de l’anarchisme) ni change rien. Au contraire, ce sont alors des querelles dignes des théologiens qui ont alors cours. La belle affaire pour nous autres ?

Douddu nous parle des principes comme étant le seul élément figé dans une idéologie. Puis il dit en gros que s’il n’y a pas de principe dans la théorie que nous élaborons, celle-ci ne peut intéresser le « mouvement émancipateur ». J’interprète ses propos et si cette interprétation est fausse, qu’il me le dise. Donc, si je comprends bien les choses, ceux qui s’inscrivent dans « le mouvement émancipateur » le font à partir de principes. Avant d’aller plus loin, nous ne parlons pas de mouvement émancipateur. D’abord parce que nous aurions de grosses difficultés pour tenter de définir ce qui ferait l’unité d’un tel mouvement et savoir qui peut être classé en son sein, ensuite parce que parler d’un mouvement émancipateur ne dit rien. S’émanciper ? Mais il est des capitalistes qui veulent s’émanciper de l’Etat par exemple. Encore faut-il dire s’émanciper de quoi et pourquoi. Et en posant ces questions, les divergences apparaissent enfin nettement. Que partageons-nous avec les idéologues du type CCI, eux qui se rangent dans ce « mouvement émancipateur » ? Rien !

Dans notre démarche qui consiste à vouloir savoir ce que nous voulons faire de nos vies, nous rencontrons de l’hostilité, nous rencontrons des choses qui nous contraignent, qui nous interdisent, qui nous offensent. Et c’est de là que nous partons : d’une sensibilité, d’un vécu. Notre théorie se construit à partir de cette sensibilité. Et les liens que nous tissons pour être plus forts afin que notre théorie soit accomplie se tissent à partir du partage de cette sensibilité là. Bien sûr, dire les choses ainsi constitue un résumé, les choses sont évidemment plus subtiles. Ainsi, ce que nous découvrons parfois, c’est que des gens imbibés d’idéologie s’avèrent partager cette sensibilité. Alors surgit une possibilité, un lien – lequel se tisse et se noue en-dehors ou même contre l’infection idéologique. J’en suis l’exemple concret : j’ai longtemps défendu l’idéologie anarchiste, il y a peu encore j’étais un économiste ! Ensuite, la curiosité et la réflexion, le partage d’émotions au cœur de l’action, toutes ces choses ont fait infléchir ma position initiale. Plutôt que de parler avec des principes, je me suis mis à parler avec ma tête et mon cœur. Bien sûr, les principes que je défendais auparavant étaient une manière très maladroite – et pour tout dire inadéquate – d’exprimer le fond de ma démarche. Il aura donc fallu revoir tout ce à quoi je croyais, remettre en cause ce qui était tenu pour incontournable, mettre enfin à l’épreuve tout l’arsenal idéologique. Ainsi le fond de ma pensée a pu s’exprimer réellement et toute l’action qui en découle s’est détourné des recettes toutes faites, des fausses solutions que sont la démocratie ou la gestion sous toutes leurs formes.

Mais je m’éloigne de la discussion. Répondons donc à la question de l’émancipation : quoi que nous le fassions pour des motivations sensiblement divergentes et de manière différente, reconnaissons que nous avons en commun la volonté de nous libérer de tout un tas de choses comme l’Etat, le salariat, la représentation politique, etc. Restons-en à cette vue simplifiée et – pour une fois – mettons de côté nos profondes divergences pour nous concentrer sur cette autre question essentielle : l’émancipation pour quoi faire ? Là où, me semble-t-il, les idéologies veulent instituer une autre société, nous posons cette question. Là où certains rêvent d’un paradis sur terre, du gel des positions et semblent se satisfaire d’un improbable état de statu quo universel, synonyme de paix éternelle, nous réfléchissons à ce qui pourraient advenir. Car les choses ne sont pas simples. Imaginons que partout l’Etat soit défait, que partout l’édifice économique ne soit plus que poussière, que se passerait-il ? Nous vivrions heureux pour toujours ? Les nouvelles générations remplaceraient doucement les anciennes ad vitam aeternam ? Pour nous, même à imaginer que cela soit possible, nous ne voudrions pas d’un tel monde. Aussi se pose la question de la fin de toute chose et par conséquent de notre fin propre, de l’achèvement de notre monde. Bien sûr, nous posons la question mais nous n’avons pas la réponse.

J’en viens aux questions de Lucien. J’ai déjà répondu à la première : répondre à ses besoins, travailler, ça n’est pas de l’économie dans la mesure où ces activités sont inséparables d’une forme de vie cohérente. Nous répondons à nos besoins parce que nous voulons réaliser nos vies. Notre subsistance dépend de notre existence, l’économie prétend l’inverse. Autrement dit : à quoi bon vivre si ce n’est que pour satisfaire un besoin physiologique ? Tout cela a été développé quand nous avons parlé de réappropriation, d’autonomie matérielle, etc. C’est marrant ça : certains n’ont bien voulu voir que l’aspect pratique de notre réappropriation matérielle au point de nous taxer d’ »alternativistes » quand d’autres ne l’ont tout simplement pas vu !

J’ai déjà répondu à la deuxième question : on peut très bien ne pas être économiste et dominer ou être dominé. C’est possible, me semble-t-il. Mais je ne vois pas en quoi cette question est intéressante … A moins de faire une fixation sur « l’anti-économisme » comme d’autres l’ont fait avec « l’anti-industrialisme ». Cela me permet de revenir sur l’idéologie et le militantisme : c’est un fait avéré que la plupart des militants ont besoin d’étiqueter les choses et les gens. Ils pensent que chacun à son idéologie et que d’ailleurs tout est idéologique.

Je pense avoir répondu aussi à la question autour de la construction sociale, du paradis sur terre appelé « communisme libertaire ». Encore que Lucien laisse entendre que le communisme libertaire pourrait être un moyen vers l’émancipation. Il me semblait que ce communisme là était un aboutissement, qu’il désignait une société sans classe ni état construite au terme d’une lutte contre l’Etat et le capitalisme. Lucien, si ce communisme libertaire est un moyen pour l’émancipation, de quelle émancipation parles-tu ?

Enfin, autogestion est un terme d’économiste. Autogérer une lutte, c’est donc la gérer tandis que l’autonomie veut vivre la lutte, l’éprouver pleinement. C’est un peu comme la différence entre la sensibilité partagée et les principes idéologiques.

Pour Tomatok : je pense en effet que tout est prévisible chez certains anarchistes, y compris et surtout leurs incohérences. Pour le reste, le fait d’expérimenter une idéologie laisse indemne celle-ci. Prenons l’exemple espagnol : il y a eu expérimentation et pourtant le discours anarchiste reste le même : autogérer l’usine et les champs, mettre en place la démocratie directe à tous les étages, etc. La seule différence entre les tenants de cette idéologie réside dans l’usage possible ou pas de certains moyens (les élections, le syndicalisme…)

Je vais aller voir le sujet mis en lien par Lucien et y répondrai là-bas.
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Messagepar Federica_M » Lundi 12 Fév 2007 15:51

Miguelito,

Encore une fois je crois relever quelque chose de contradictoire dans ta démarche :

tu dis

> Nous souhaitons que l’achèvement du débat consiste en une fin qui nous convienne, en une réalisation jubilatoire de notre démarche.

puis

> Imaginons que partout l’Etat soit défait, que partout l’édifice économique ne soit plus que poussière, que se passerait-il ? Nous vivrions heureux pour toujours ? Les nouvelles générations remplaceraient doucement les anciennes ad vitam aeternam ? Pour nous, même à imaginer que cela soit possible, nous ne voudrions pas d’un tel monde.

Ainsi, tu ne souhaite pas la victoire que tu appelles pourtant de tes voeux à longuer de messages ? Je ne te suis plus !

Tu critiques les religieux (cf autres messages) qui sont en quetes d'infini mais toi même tu appelles à un combat infini ! Tu es dans la même démarche donc ?

Si je pousse plus loin la sensibilté que me provoque ton texte (et d'autres), je dirai qu'une fois de plus on assiste à l'apologie de la guerre de tous contre tous (les rapports vus uniquement sous le biais de la conflictivité, telles des lames de coutraux quel'on frotte l'une sur l'autre pour mieux les aiguiser ...) qui se soldera par la victoire d'une seule position , la tienne

Il se peut, finalement, que je ne comprenne rien à ce que tu dises. Mais ta prose est - à mon avis - plutôt une tentative désespérée d'essayer de montrer en quoi ce que tu avances est radicalement différent de ce que nous pouvons faire et dire ... tu ne m'as toujours pas convaincue...

Mais il est vrai que la divergence est à créer car elle seule permet la singularité ... (les publicitaires ont bien compris à quel point ce désir d'individualité était moteur : cf la pub Hugo Boss "n'imitez pas, innovez" pourtant reproduite à des millions d'exemplaires ...)

Par contre la sollicitude avec laquelle tu traites certains sur le forum (et envoies chier ceux que tu estampille pour l'éternité comme irrécupérable car dans une organisation ...) montre que le stade primitif de l'économie (chasseur / cueilleur) des milieux militants à encore de beaux restes ... :-)

Malgré tout, je persiste à ne pas t'en vouloir et à apprécier souvent tes contributions.
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Messagepar Federica_M » Lundi 12 Fév 2007 16:02

Ceci étant dit, j'ai lu récemment dans Courant Alternatif (journal de l'OCL) un article au sujet de la grippe aviaire, tiré d'info issue d'une ONG GRAIN (quelqu'un à des infos ?), article repris par les joyeux gais lurons non pas du 118 218 mais Jack et Jano du 91 (mais avec encore plus d'approxiamtions et de confusion ... mais qui s'en étonnera) ou en gros on nous dit que l'influenza c'est la faute à la grosse industrie et que la solution pour se prémunir c'est les petites exploitations, selon le principe "small is beautifull".

C'est bourré de conneries sous un vernis qui se veut scientifique, et c'est en fait une apologie de "l'économie de quartier" (je ne sias pas commetn appeler ça autrement) complètementà côté dela plaque ! (la propagation de la maladie s'est faite largement par les petites explotiations et les petits producteurs, notamment en Afrique et en Asie ...)

En fait, la solution n'est pas dans la petite économie contre la grosse, mais la remise en cause totale de l'économie. Je vais essayer d'écrire qq chose là dessus, et de le passer au feu de la critique du forum, histoire qu'on essaye de voir si on peut attérir un peu en partant sur des faits concrets ... (ca aide parfois à bien comprendre)
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Une petite dernière

Messagepar Federica_M » Lundi 12 Fév 2007 16:05

En lisant le texte de Clément, une réflexion me vient :

j'en suis arrivé à penser depuis qq temps que ce qui définit / caractérise l'anarchisme, c'est entre autre le refus de la représentation (qu'elle soit politique, sociale, médiatique, etc ...)

Finalement l'économie est aussi une forme de représentation des rapports humains, ce pourquoi elle doit être rejettée ?
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Messagepar miguelito » Lundi 12 Fév 2007 16:07

Oula ! Là, tu n'as vraiment rien compris. Où as-tu vu que je voulais d'une lutte sans fin ? Non, je dis, en accord avec la téléologie moderne, que l'infini est une chose dont nous ne pouvons pas faire l'expérience. Par conséquant, il cpnvient d'imaginer notre fin. Nous ne pouvons dire ce qu'elle serait ou sera mais nous la concevons comme quelque chose de sympathique, jubilatoire, orgasmique, bref, une belle fin. Et la fin de l'Etat et du capitalisme, ça n'est pas notre fin à nous. Supprimer l'Etat et le capitalisme ne signifie pas que notre fin à nous.

Ceux qui croient en la possibilité d'une paix éternelle, d'une démocratie universelle permettant à chacun de manger à sa faim, ceux-là croient en l'infini, ceux là veulent éterniser le monde et donc le conserver. Non pas.

Il n'y a donc pas de contradiction dans mon propos mais une grande confusion dans ta tête. Quant à dire que je balance mes messages dans le seul but de dire : voyez comme je suis différent, môa !! alors là tu te gourres. Je dirai même que ça n'est pas moi qui tantôt fustige l'incompréhensibilité de ma théorie et tantôt dit que c'est exactement la même chose que l'anarchosyndicalisme made in CNT-AIT. Qui tourne en bourrique ici, les militants schizophrèneS ou moi ? Les athées qui découvrent qu'ils ont des croyances ou moi ?

Je ne fais pas l'apologie de la guerre de tous contre tous, je prends acte que nous sommes dans un état de guerre civile mondiale. Ce que je dis, c'est qu'il faut prendre position dans cette guerre. Se masquer les yeux, être pacifiste sont des façons de prendre positions. Sauf que ces positions sont vouées à l'échec. Et nous, nous vouoons la victoire, nous voulons être heureux avec nos amis (se qui n'empêche pas de refléchir à la fin) et terrasser nos ennemis. Qu'est-ce qui te dérange là-dedans ?

Et pour finir (enfin, pour finir mon message) le stade chasseur/cueilleur n'est de l'économie que pour ceux qui croient en l'économie. Visiblement, tu n'en démords pas, dès que quelqu'un répond à ses besoins tu en fait un économiste. T'es vraiment borné...
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Messagepar miguelito » Lundi 12 Fév 2007 16:12

Ah ! Federica, je ne souhaite pas te convaincre. J'expose juste mes idées, après que tu ne sois pas d'accord avec, c'est pas grave.

Sur la représentation, vu ce qui a été écrit ici sur le "sujet révolutionnaire" je doute que l'anarchisme soit en opposition taotale avec cette conception (qu'il ne faut pas confondre avec la délégation de pouvoir).
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Messagepar lucien » Mardi 13 Fév 2007 1:01

miguelito a écrit:Nous souhaitons que l’achèvement du débat consiste en une fin qui nous convienne, en une réalisation jubilatoire de notre démarche. Pour en arriver là, il faut être victorieux, c’est-à-dire qu’il faut venir à bout des positions qui vont dans un sens opposé aux nôtres. Nous concevons que le débat de l’humanité sur elle-même pourrait bien s’achever d’une tout autre manière : par la catastrophe par exemple. Cela signifierait alors que nous avons perdu. [...] Aussi se pose la question de la fin de toute chose et par conséquent de notre fin propre, de l’achèvement de notre monde.
Tout un programme (ça vient d'où ces belles idées ?) ! Une question que je me pose de temps en temps, et qui me revient à l'esprit en te lisant : à l'image de copains, pourquoi ne pas avoir choisi le vagabondage, autrement plus jouissif et aux résultats immédiats, plutôt que de t'ennuyer à ressasser une fin du monde que tu ne connaîtras même pas, avec en plus les chaînes du salariat ?

miguelito a écrit:La réponse est évidemment oui : notre moteur est constitué de notre insatisfaction comme de notre désir et notre volonté de réaliser quelque chose, de répondre à la question : que faire de nos vies ?
Sans réponse satisfaisante à cette question universelle, tu fais le choix d'une fin jubilatoire : c'est bien ça ?

miguelito a écrit:Et c’est de là que nous partons : d’une sensibilité, d’un vécu. Notre théorie se construit à partir de cette sensibilité. Et les liens que nous tissons pour être plus forts afin que notre théorie soit accomplie se tissent à partir du partage de cette sensibilité là.
Je crois que c'est le cas de beaucoup de gens ici.

Sur la question du paradis sur terre et de la paix éternelle, je ne sais pas qui attend cela d'une révolution...
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miguelito a écrit:J’ai déjà répondu à la deuxième question : on peut très bien ne pas être économiste et dominer ou être dominé. C’est possible, me semble-t-il. Mais je ne vois pas en quoi cette question est intéressante …
Il me semble simplement qu'organiser la satisfaction des besoins primaires permet d'éviter certaines formes de domination, ce que je trouve intéressant en comparaison d'une situation où ton voisin te fout sur la gueule pour avoir de l'eau.

Une fois que toutes les formes de domination ont été ruinée, j'ai du mal à voir sur quoi d'autre baser une construction sociale et s'il n'est dans ce cas pas judicieux de rejeter toute construction sociale !
J'ai peut-être manqué ta réponse mais je préfère resolliciter ton point de vue là-dessus.

Par ailleurs, quand je parle d'émancipation via le communisme libertaire, c'est une émancipation vis à vis du salariat, de la domination hiérarchique, du temps passé au travail pour subvenir à ses besoins élémentaires... A ce stade, le reste (épanouissement personnel) en serait a priori grandement facilité. Cela dit, tout n'est qu'hypothèse, le contexte dans lequel nous vivons exigeant de passer par d'autres voies un minimum émancipatrices.

miguelito a écrit:C’est marrant ça : certains n’ont bien voulu voir que l’aspect pratique de notre réappropriation matérielle au point de nous taxer d’ »alternativistes » quand d’autres ne l’ont tout simplement pas vu !
Heureusement qu'il ne t'arrive pas de zapper des propos à maintes fois répéter !

miguelito a écrit:A moins de faire une fixation sur « l’anti-économisme » comme d’autres l’ont fait avec « l’anti-industrialisme ». Cela me permet de revenir sur l’idéologie et le militantisme : c’est un fait avéré que la plupart des militants ont besoin d’étiqueter les choses et les gens. Ils pensent que chacun à son idéologie et que d’ailleurs tout est idéologique.
Ce n'est pas la première fois que tu traites les gens de militants économistes pour leur reprocher ensuite de vouloir étiqueter tout un chacun...
Chacun ses défauts.
Le monde ne se compose pas d'anges révolutionnaires, de travailleurs généreux d'une part, de diables réactionnaires et de capitalistes cupides de l'autre.
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