KEYNESIANISME, SOCIAL-DEMOCRATIE : L'IMPASSE ?

Mille-feuilles à tendance séditieuse.

KEYNESIANISME, SOCIAL-DEMOCRATIE : L'IMPASSE ?

Messagepar Paul Anton » Mercredi 12 Oct 2011 19:10

KEYNESIANISME, SOCIAL-DEMOCRATIE : L'IMPASSE ?

Le capitalisme est en proie à une crise qui dure maintenant depuis près de quarante ans. La crise de 1974 montra l'essoufflement des interventions de l'État connues sous le non de « médication keynésienne » pouvant se résumer à :
1.- Nationaliser des secteurs de l'économie en très grande difficulté. Ne pouvant résister à la concurrence et ne dégageant peu assez ou aucun bénéfices, ils sont purement et simplement transformés en des monopoles d'État (banques, automobile, bâtiment...) pour pallier aux insuffisances du secteur privé. Rappelons que la concurrence dans le capitalisme aboutit à la phase oligopolistique et monopolistique par cet effet de la centralisation consciente (trusts, cartels) qui s'accélère avec la crise - « un capital en tue beaucoup d'autres »*1.
2.- User massivement de l'emprunt et du crédit contre des intérêts, émettre de la monnaie pour financer les besoins afin de stimuler la croissance. Cela gonfle, certes, le déficit public, mais il s'atténue avec les recettes fiscales.
3.- Impulser une politique de grands travaux (autoroutes, logements, écoles...), développer la production d'armements (pour se préparer aux conflits impérialistes) et appuyer la recherche scientifique, etc.

Cette médication keynésienne fut appliquée pour la première fois aux États-Unis, via le New-Deal en 1934 pour répondre à la crise de 1929*2 et à la grande dépression des années 30*3, mais également contre le laissez-faire qui consistait à s'en remettre passivement aux lois du marché.
Cette médication rompait alors avec cette théorie économique bourgeoise voulant que l'équilibre de l'offre et de la demande se restaure par le va-et-vient de l'inflation et de la déflation. La médication keynésienne n'a fait que simplement la réinterpréter en partant du point de vue que la consommation détermine la production. Le capitalisme ne sera jamais basé sur les besoins des Hommes et des Femmes, mais uniquement sur sa propre valorisation qui est sa raison d'être. L'accumulation ne peut se réaliser qu'en capitalisant la plus-value par la vente des marchandises. En d'autres termes, « une quantité donnée de capital doit engendrer une quantité supérieure »*4. Les dépenses de l'État furent élevées pour répondre au besoin et au défaut d'accumulation, permettre d'obtenir de nouveaux marchés pour garantir l'expansion du capital et tout particulièrement du secteur privé qui doit nécessairement se poursuivre hors du cadre national devenu étroit ; bien qu'il soit un facteur stable.
Contredisant la théorie de l'allocation optimale des ressources d'Adam Smith et infirmant la loi des débouchés de Jean-Baptiste Say, le problème de la surproduction chronique illustre ce trop plein de capacités productives impactées par les bouleversements techniques et scientifiques, modifiant la composition du capital organique. Ce trop plein n'est rien d'autre que la suraccumulation résultant de la limite même de l'accumulation du capital. Précisons que les grands capitalistes peuvent momentanément, avec leur quantité de capitaux, se permettre une baisse du taux de profit lors de l'accumulation. Si cela devait perdurer dans le temps, l'existence du capitalisme se poserait donc. De plus, quand une grande puissance occidentale ne réussit pas à maintenir un taux de profit suffisant pour assurer la rente et l'expansion du capital, la guerre est une des solutions appropriées : médication keynésienne ou pas ! Cette médication s'accompagnant du « Plan Marshall »*5 n'aurait jamais pu engendrer la période dite des Trente Glorieuses sans la Seconde Guerre mondiale et ses destructions considérables physiques et monétaires de capital. Ce conflit avait permis de reconstituer une base de départ pour un nouvel essor : croissance de la production et du commerce, forte stabilité sociale avec le plein emploi*6 et prépondérance de la classe moyenne. Autrement dit, l'accumulation repartait de plus belle et même assez rapidement*7. Il y a donc bien cette séquence crise → dépression → guerre → reconstruction. C'est une vérité à laquelle il paraît très difficile de regimber. Néanmoins ce qui fut possible une fois ne saurait l'être « ad vitam aeternam », la médication keynésienne ne fait aucunement exception à cette règle. Car une économie ne peut se maintenir que temporairement par le déficit public ou le crédit pour répondre au manque de solvabilité. A long terme, une catastrophe se produit fatalement. De surcroît, le capitalisme n'est pas un mode de production statique. Il a besoin de la crise comme d'un mal nécessaire pour changer de forme : « se restructurer pour continuer à exister grâce au travail aliéné générateur de plus-value qui par la médiation de la propriété privée s'avère être l'essence même du mode de production capitaliste. »
Le signe avant coureur de la crise de 1974 fut la stagflation aux États-Unis en 1965. Dans les grands pays industrialisés de l'ancien bloc de l'Ouest, les capitalistes étaient confrontés à une diminution de la production industrielle*8, une baisse importante du taux de profit*9 et une augmentation des prix à la consommation*10 ; corrélativement, l'inflation galopait et le chômage redevenait massif*11. Dès lors, le libéralisme*12 a de nouveau eu le vent en poupe, il sonnait le glas de la médication keynésienne et de son « welfare state » (État-providence). Les libéraux ont accéléré la mondialisation, dans laquelle la circulation des capitaux et des marchandises ne doit rencontrer aucun obstacle comme le protectionnisme, par exemple. Pour y parvenir, ils ont imposé une révision des accords internationaux de juillet 1944 (« Bretton Woods ») et d'après-guerre*13. Cette dérégulation signifiait un affaiblissement puis un démantèlement du cadre national et une division internationale du travail*14, allant à son terme avec ses transferts de secteurs de production (le textile, la sidérurgie...) vers « le Tiers-Monde », tandis que d'autres étaient abandonnés à l'instar de l'industrie charbonnière. Des pays tels que la France et les États-Unis poursuivaient leur tertiarisation. Les différents gouvernements des pays occidentaux réussissaient à briser les reins de la classe ouvrière, annihilant au passage son identité. Ils en profitaient également pour dégrader l'ensemble de la condition salariale. Cela se traduisait par une recherche toujours plus accrue des gains de productivité et une amplification de la concurrence « à son plus haut degré l'asservissement réciproque où se tiennent les hommes. Elle est la grande force motrice qui tient toujours en activité notre ordre ou plutôt notre désordre social, vieux et débile. »*15 Cette même concurrence avec les coûts de production contribue à fixer les prix des marchandises, notamment la valeur de la force de travail. Lorsque les prix de vente sont élevés et qu'en proportion inverse les salaires ne suivent pas pour cause de stagnation, de rognage sur la part indirecte*16 ou sont portés à un taux minimum (SMIC) pour juste de quoi assurer la reproduction de la force de travail, la consommation ralentit et se trouve au point mort. Certes, le taux d'exploitation peut être plus important pour escompter restaurer la rentabilité du capital. Mais ce n'est guère suffisant et la récession atteint sa limite. Si l’accumulation du capital d’un côté signifie l’accumulation de la misère de l’autre, les capitalistes ne peuvent se permettre qu'elle soit endémique, puisqu'elle peut susciter des convulsions sociales et les menacer à terme ; surtout, si l'inflation, qui peut s'avérer être fort utile pour réduire la dette*17, comme sous l'ère du duo Ronald Reagan & Margaret Tatcher, aboutit à l'hyperinflation*18 lorsqu'elle n'est plus du tout maîtrisable.
Du crédit, encore du crédit et toujours du crédit et le capital est sauvé ?
Le crédit joue en effet un rôle très important dans le développement du capitalisme, qui s'est amplifié avec l'avènement du capital financier*19. Le crédit est l'existence idéale de l'argent qui est ce médiateur de l'échange. Son utilisation peut permettre de surmonter les difficultés rencontrées au cours de l'accumulation, mais de façon temporaire en définitive. Il est aujourd'hui la dernière chance du capitalisme tel un serpent se mordant la queue jusqu'à ce que ça lui soit fatal. En attendant, la situation, déjà fort mauvaise aux États-Unis, s'est dégradée avec « les subprimes » : ces actifs immobiliers dépourvus de valeur qui étaient financés par le crédit avec un taux de remboursement fluctuant au gré de l'inflation et au final non payable par plusieurs millions de ménages, car la part du remboursement se montait à une proportion trop importante de leurs revenus. On s'est retrouvé dans le même cas de figure que lors de la crise de 1929 (excepté le protectionnisme) : 1) l'interdépendance du système bancaire ; 2) la crise de confiance (s'étant décuplée, puisque la mondialisation a fait que toutes les économies nationales sont imbriquées les unes aux autres). En 2008, les bourses ont perdu des sommes astronomiques*20. Certaines banques ont purement été nationalisées. Afin d'éviter la répétition de la crise de 1929 qui aurait pu être bien pire sur le coup, les États ont été contraints d'intervenir en prêtant massivement de l'argent pour sauver les banques et les entreprises de la faillite. Mais leurs déficits se sont encore plus aggravés, ils sont maintenant abyssaux et par là-même plombent la reprise de la croissance. Ce ne sont pas les différents sommets internationaux (G4, G7, G8, G10, G16, G20...) qui vont changer grand chose pour l'instant, car les faits sont têtus. En 2010, la dette publique mondiale se chiffrait à 35 117 milliards de dollars. D'ici 2012, celle-ci pourrait représenter 125 % du PIB pour les États-Unis et l'Union Européenne, 270 % du PIB pour le Japon ! La faillite par l'effet domino de tous les États est envisageable et les plus menacés par ordre de probabilité sont : l'Islande, la Bulgarie, la Lituanie, l'Estonie, la Grèce, l'Espagne, la Lettonie, la Roumanie, la Grande-Bretagne, les États-Unis, l'Irlande et la Hongrie.
C’est pourquoi : 1) Les capitalistes doivent retrouver une accumulation convenable pour permettre les investissements et rester compétitif tout en réduisant la dette. Cela soulève le problème de la rente car les capitalistes forment une classe voulant maintenir ses intérêts. 2) Paradoxalement, les capitalistes se livrent à une concurrence acharnée entre eux pour avoir le plus de profit possible, mais toujours au détriment de la force de travail. Par conséquent, cette même concurrence accentue la centralisation des capitaux qui suppose la concentration. Dès lors, les capitalistes les plus faibles sont éliminés.

Formulons trois hypothèses. 1) Le capitalisme va-t-il inaugurer un « chaos » généralisé qui pourrait préfigurer un retour de l'accumulation primitive (sauvage) ? 2) Choisira-t-il au contraire d'épouser l'écologie avec le consentement de la prochaine gouvernance mondiale ? 3) N'est-il pas condamné à s'autodétruire ?
Évitons en tous cas de tirer des conclusions trop hâtives.

Paul Anton.

-1._ « Le capital monopolistique d'État » Paul Mattick. -2._ Krach boursier de Wall Street entre le jeudi 24 octobre et le mardi 29 octobre 1929 entraînant la ruine de millions d'épargnants aux Etats-Unis. -3._ Le PIB américain fut divisé par deux. Quinze millions de chômeurs et 1/3 de la population sombraient dans la pauvreté. -4._ « Le nouveau capitalisme et l'ancienne lutte de classes » Paul Mattick. -5._ Le 5 juin 1947, le secrétaire d'État Georges Marschall définit un programme à l'université Harvard pour reconstruire l'Europe de l'Ouest. Quatorze milliards de dollars furent apportés par les États-Unis entre 1948 et 1951 à la France, l'Italie, la Belgique, le Royaume-Uni, l'Allemagne ainsi qu'à douze autres pays. -6._ Pour les États-Unis, le chômage fluctuait entre 4,5 % et 5 % lors des dernières années de la guerre d'Indochine. -7._ Le taux d'accumulation s'était élevé presque à 25 % de la production globale pour l'Europe et le Japon. Les pays développés avaient multipliés par trois leur PIB. -8._ - 8,4 % en France et - 11,1% aux États-Unis pour le premier trimestre 1974. -9._ Pour la France, le taux de profit s’élevait à plus de 15 % de la valeur ajoutée par les entreprises au Produit National Brut (PNB) à la fin des années 40. Il était de moins 8 % en 1974. -10._ + 13,6% pour la France et + 11% pour les États-Unis. -11._ Seulement à 3,6 % en mars 1974 pour la France, alors qu'il plafonnait à 9,1 % pour les États-Unis. -12._ Ceci dit, il y a une différence notoire entre la doctrine pure et la mise en pratique du moins sur le plan économique. -13._ L'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1948, par exemple. -14._ Doit-elle se comprendre comme étant la stricte application de la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo dans le but d'optimaliser le volume de production ? -15._ « La première critique de l'économie politique » Engels. -16._ Le salaire socialisé englobe des prestations sur la santé et le logement ou des aides diverses. -17._ Pour rembourser la dette, il faut créer de la monnaie. -18._ L'Allemagne y fut confrontée entre 1922 et 1924. -19._ La fusion du capital industriel et capital bancaire. -20._ Fin octobre 2008, l'estimation était de 25 000 milliards de dollars depuis janvier de la même année.
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
Paul Anton
 
Messages: 3191
Inscription: Lundi 01 Nov 2004 16:19

Re: KEYNESIANISME, SOCIAL-DEMOCRATIE : L'IMPASSE ?

Messagepar Paul Anton » Mercredi 12 Oct 2011 19:13

Publié dans le journal Anarchosyndicalisme n°122 :

viewtopic.php?f=26&t=6540#p44915
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
Paul Anton
 
Messages: 3191
Inscription: Lundi 01 Nov 2004 16:19

Re: KEYNESIANISME, SOCIAL-DEMOCRATIE : L'IMPASSE ?

Messagepar Paul Anton » Mercredi 12 Oct 2011 19:14

Voir également :

viewtopic.php?f=8&t=6196
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
Paul Anton
 
Messages: 3191
Inscription: Lundi 01 Nov 2004 16:19

Re: KEYNESIANISME, SOCIAL-DEMOCRATIE : L'IMPASSE ?

Messagepar l autre » Dimanche 27 Jan 2013 14:23

Paul Anton a écrit:KEYNESIANISME, SOCIAL-DEMOCRATIE : L'IMPASSE ?

Le capitalisme est en proie à une crise qui dure maintenant depuis près de quarante ans. La crise de 1974 montra l'essoufflement des interventions de l'État connues sous le non de « médication keynésienne » pouvant se résumer à :
1.- Nationaliser des secteurs de l'économie en très grande difficulté. Ne pouvant résister à la concurrence et ne dégageant peu assez ou aucun bénéfices, ils sont purement et simplement transformés en des monopoles d'État (banques, automobile, bâtiment...) pour pallier aux insuffisances du secteur privé. Rappelons que la concurrence dans le capitalisme aboutit à la phase oligopolistique et monopolistique par cet effet de la centralisation consciente (trusts, cartels) qui s'accélère avec la crise - « un capital en tue beaucoup d'autres »*1.
2.- User massivement de l'emprunt et du crédit contre des intérêts, émettre de la monnaie pour financer les besoins afin de stimuler la croissance. Cela gonfle, certes, le déficit public, mais il s'atténue avec les recettes fiscales.
3.- Impulser une politique de grands travaux (autoroutes, logements, écoles...), développer la production d'armements (pour se préparer aux conflits impérialistes) et appuyer la recherche scientifique, etc.

Cette médication keynésienne fut appliquée pour la première fois aux États-Unis, via le New-Deal en 1934 pour répondre à la crise de 1929*2 et à la grande dépression des années 30*3, mais également contre le laissez-faire qui consistait à s'en remettre passivement aux lois du marché.
Cette médication rompait alors avec cette théorie économique bourgeoise voulant que l'équilibre de l'offre et de la demande se restaure par le va-et-vient de l'inflation et de la déflation. La médication keynésienne n'a fait que simplement la réinterpréter en partant du point de vue que la consommation détermine la production. Le capitalisme ne sera jamais basé sur les besoins des Hommes et des Femmes, mais uniquement sur sa propre valorisation qui est sa raison d'être. L'accumulation ne peut se réaliser qu'en capitalisant la plus-value par la vente des marchandises. En d'autres termes, « une quantité donnée de capital doit engendrer une quantité supérieure »*4. Les dépenses de l'État furent élevées pour répondre au besoin et au défaut d'accumulation, permettre d'obtenir de nouveaux marchés pour garantir l'expansion du capital et tout particulièrement du secteur privé qui doit nécessairement se poursuivre hors du cadre national devenu étroit ; bien qu'il soit un facteur stable.
Contredisant la théorie de l'allocation optimale des ressources d'Adam Smith et infirmant la loi des débouchés de Jean-Baptiste Say, le problème de la surproduction chronique illustre ce trop plein de capacités productives impactées par les bouleversements techniques et scientifiques, modifiant la composition du capital organique. Ce trop plein n'est rien d'autre que la suraccumulation résultant de la limite même de l'accumulation du capital. Précisons que les grands capitalistes peuvent momentanément, avec leur quantité de capitaux, se permettre une baisse du taux de profit lors de l'accumulation. Si cela devait perdurer dans le temps, l'existence du capitalisme se poserait donc. De plus, quand une grande puissance occidentale ne réussit pas à maintenir un taux de profit suffisant pour assurer la rente et l'expansion du capital, la guerre est une des solutions appropriées : médication keynésienne ou pas ! Cette médication s'accompagnant du « Plan Marshall »*5 n'aurait jamais pu engendrer la période dite des Trente Glorieuses sans la Seconde Guerre mondiale et ses destructions considérables physiques et monétaires de capital. Ce conflit avait permis de reconstituer une base de départ pour un nouvel essor : croissance de la production et du commerce, forte stabilité sociale avec le plein emploi*6 et prépondérance de la classe moyenne. Autrement dit, l'accumulation repartait de plus belle et même assez rapidement*7. Il y a donc bien cette séquence crise → dépression → guerre → reconstruction. C'est une vérité à laquelle il paraît très difficile de regimber. Néanmoins ce qui fut possible une fois ne saurait l'être « ad vitam aeternam », la médication keynésienne ne fait aucunement exception à cette règle. Car une économie ne peut se maintenir que temporairement par le déficit public ou le crédit pour répondre au manque de solvabilité. A long terme, une catastrophe se produit fatalement. De surcroît, le capitalisme n'est pas un mode de production statique. Il a besoin de la crise comme d'un mal nécessaire pour changer de forme : « se restructurer pour continuer à exister grâce au travail aliéné générateur de plus-value qui par la médiation de la propriété privée s'avère être l'essence même du mode de production capitaliste. »
Le signe avant coureur de la crise de 1974 fut la stagflation aux États-Unis en 1965. Dans les grands pays industrialisés de l'ancien bloc de l'Ouest, les capitalistes étaient confrontés à une diminution de la production industrielle*8, une baisse importante du taux de profit*9 et une augmentation des prix à la consommation*10 ; corrélativement, l'inflation galopait et le chômage redevenait massif*11. Dès lors, le libéralisme*12 a de nouveau eu le vent en poupe, il sonnait le glas de la médication keynésienne et de son « welfare state » (État-providence). Les libéraux ont accéléré la mondialisation, dans laquelle la circulation des capitaux et des marchandises ne doit rencontrer aucun obstacle comme le protectionnisme, par exemple. Pour y parvenir, ils ont imposé une révision des accords internationaux de juillet 1944 (« Bretton Woods ») et d'après-guerre*13. Cette dérégulation signifiait un affaiblissement puis un démantèlement du cadre national et une division internationale du travail*14, allant à son terme avec ses transferts de secteurs de production (le textile, la sidérurgie...) vers « le Tiers-Monde », tandis que d'autres étaient abandonnés à l'instar de l'industrie charbonnière. Des pays tels que la France et les États-Unis poursuivaient leur tertiarisation. Les différents gouvernements des pays occidentaux réussissaient à briser les reins de la classe ouvrière, annihilant au passage son identité. Ils en profitaient également pour dégrader l'ensemble de la condition salariale. Cela se traduisait par une recherche toujours plus accrue des gains de productivité et une amplification de la concurrence « à son plus haut degré l'asservissement réciproque où se tiennent les hommes. Elle est la grande force motrice qui tient toujours en activité notre ordre ou plutôt notre désordre social, vieux et débile. »*15 Cette même concurrence avec les coûts de production contribue à fixer les prix des marchandises, notamment la valeur de la force de travail. Lorsque les prix de vente sont élevés et qu'en proportion inverse les salaires ne suivent pas pour cause de stagnation, de rognage sur la part indirecte*16 ou sont portés à un taux minimum (SMIC) pour juste de quoi assurer la reproduction de la force de travail, la consommation ralentit et se trouve au point mort. Certes, le taux d'exploitation peut être plus important pour escompter restaurer la rentabilité du capital. Mais ce n'est guère suffisant et la récession atteint sa limite. Si l’accumulation du capital d’un côté signifie l’accumulation de la misère de l’autre, les capitalistes ne peuvent se permettre qu'elle soit endémique, puisqu'elle peut susciter des convulsions sociales et les menacer à terme ; surtout, si l'inflation, qui peut s'avérer être fort utile pour réduire la dette*17, comme sous l'ère du duo Ronald Reagan & Margaret Tatcher, aboutit à l'hyperinflation*18 lorsqu'elle n'est plus du tout maîtrisable.
Du crédit, encore du crédit et toujours du crédit et le capital est sauvé ?
Le crédit joue en effet un rôle très important dans le développement du capitalisme, qui s'est amplifié avec l'avènement du capital financier*19. Le crédit est l'existence idéale de l'argent qui est ce médiateur de l'échange. Son utilisation peut permettre de surmonter les difficultés rencontrées au cours de l'accumulation, mais de façon temporaire en définitive. Il est aujourd'hui la dernière chance du capitalisme tel un serpent se mordant la queue jusqu'à ce que ça lui soit fatal. En attendant, la situation, déjà fort mauvaise aux États-Unis, s'est dégradée avec « les subprimes » : ces actifs immobiliers dépourvus de valeur qui étaient financés par le crédit avec un taux de remboursement fluctuant au gré de l'inflation et au final non payable par plusieurs millions de ménages, car la part du remboursement se montait à une proportion trop importante de leurs revenus. On s'est retrouvé dans le même cas de figure que lors de la crise de 1929 (excepté le protectionnisme) : 1) l'interdépendance du système bancaire ; 2) la crise de confiance (s'étant décuplée, puisque la mondialisation a fait que toutes les économies nationales sont imbriquées les unes aux autres). En 2008, les bourses ont perdu des sommes astronomiques*20. Certaines banques ont purement été nationalisées. Afin d'éviter la répétition de la crise de 1929 qui aurait pu être bien pire sur le coup, les États ont été contraints d'intervenir en prêtant massivement de l'argent pour sauver les banques et les entreprises de la faillite. Mais leurs déficits se sont encore plus aggravés, ils sont maintenant abyssaux et par là-même plombent la reprise de la croissance. Ce ne sont pas les différents sommets internationaux (G4, G7, G8, G10, G16, G20...) qui vont changer grand chose pour l'instant, car les faits sont têtus. En 2010, la dette publique mondiale se chiffrait à 35 117 milliards de dollars. D'ici 2012, celle-ci pourrait représenter 125 % du PIB pour les États-Unis et l'Union Européenne, 270 % du PIB pour le Japon ! La faillite par l'effet domino de tous les États est envisageable et les plus menacés par ordre de probabilité sont : l'Islande, la Bulgarie, la Lituanie, l'Estonie, la Grèce, l'Espagne, la Lettonie, la Roumanie, la Grande-Bretagne, les États-Unis, l'Irlande et la Hongrie.
C’est pourquoi : 1) Les capitalistes doivent retrouver une accumulation convenable pour permettre les investissements et rester compétitif tout en réduisant la dette. Cela soulève le problème de la rente car les capitalistes forment une classe voulant maintenir ses intérêts. 2) Paradoxalement, les capitalistes se livrent à une concurrence acharnée entre eux pour avoir le plus de profit possible, mais toujours au détriment de la force de travail. Par conséquent, cette même concurrence accentue la centralisation des capitaux qui suppose la concentration. Dès lors, les capitalistes les plus faibles sont éliminés.

Formulons trois hypothèses. 1) Le capitalisme va-t-il inaugurer un « chaos » généralisé qui pourrait préfigurer un retour de l'accumulation primitive (sauvage) ? 2) Choisira-t-il au contraire d'épouser l'écologie avec le consentement de la prochaine gouvernance mondiale ? 3) N'est-il pas condamné à s'autodétruire ?
Évitons en tous cas de tirer des conclusions trop hâtives.

Paul Anton.

-1._ « Le capital monopolistique d'État » Paul Mattick. -2._ Krach boursier de Wall Street entre le jeudi 24 octobre et le mardi 29 octobre 1929 entraînant la ruine de millions d'épargnants aux Etats-Unis. -3._ Le PIB américain fut divisé par deux. Quinze millions de chômeurs et 1/3 de la population sombraient dans la pauvreté. -4._ « Le nouveau capitalisme et l'ancienne lutte de classes » Paul Mattick. -5._ Le 5 juin 1947, le secrétaire d'État Georges Marschall définit un programme à l'université Harvard pour reconstruire l'Europe de l'Ouest. Quatorze milliards de dollars furent apportés par les États-Unis entre 1948 et 1951 à la France, l'Italie, la Belgique, le Royaume-Uni, l'Allemagne ainsi qu'à douze autres pays. -6._ Pour les États-Unis, le chômage fluctuait entre 4,5 % et 5 % lors des dernières années de la guerre d'Indochine. -7._ Le taux d'accumulation s'était élevé presque à 25 % de la production globale pour l'Europe et le Japon. Les pays développés avaient multipliés par trois leur PIB. -8._ - 8,4 % en France et - 11,1% aux États-Unis pour le premier trimestre 1974. -9._ Pour la France, le taux de profit s’élevait à plus de 15 % de la valeur ajoutée par les entreprises au Produit National Brut (PNB) à la fin des années 40. Il était de moins 8 % en 1974. -10._ + 13,6% pour la France et + 11% pour les États-Unis. -11._ Seulement à 3,6 % en mars 1974 pour la France, alors qu'il plafonnait à 9,1 % pour les États-Unis. -12._ Ceci dit, il y a une différence notoire entre la doctrine pure et la mise en pratique du moins sur le plan économique. -13._ L'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1948, par exemple. -14._ Doit-elle se comprendre comme étant la stricte application de la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo dans le but d'optimaliser le volume de production ? -15._ « La première critique de l'économie politique » Engels. -16._ Le salaire socialisé englobe des prestations sur la santé et le logement ou des aides diverses. -17._ Pour rembourser la dette, il faut créer de la monnaie. -18._ L'Allemagne y fut confrontée entre 1922 et 1924. -19._ La fusion du capital industriel et capital bancaire. -20._ Fin octobre 2008, l'estimation était de 25 000 milliards de dollars depuis janvier de la même année.
l autre
 
Messages: 450
Inscription: Mercredi 11 Juil 2012 22:40

Re: KEYNESIANISME, SOCIAL-DEMOCRATIE : L'IMPASSE ?

Messagepar l autre » Dimanche 27 Jan 2013 14:37

Alors les internautes qu'en pensez-vous c'est bien ce qui se passe. la sociale-démocratie ne redistribue rien est pratique une politique libérale. Baisses des couts de productions'(les salaires) pour s"adapter a la division internationale du travail. Les salaries de l'automobile en luttes ont la choix de sauver un capitalisme pardon l'outil de production Français et par la le corporatisme nationaliste ou de chercher a étendre la lutte au niveau international c'est a dire constituer un bloc de tout les salariées des secteurs visées pour refuser leur mise en concurrence bref casser les directions syndicales nationalisto-corporatiste . Parce que dans ce cas comme le dit Paul Anton, le maintien national de la production ce que dit toute la gauche, ne peut se faire qu'en baissant les salaires pour un retour des bénéfices accumulation primitive sauvage.
l autre
 
Messages: 450
Inscription: Mercredi 11 Juil 2012 22:40

Re: KEYNESIANISME, SOCIAL-DEMOCRATIE : L'IMPASSE ?

Messagepar l autre » Dimanche 27 Jan 2013 14:44

Paul Anton a écrit:Publié dans le journal Anarchosyndicalisme n°122 :

viewtopic.php?f=26&t=6540#p44915
l autre
 
Messages: 450
Inscription: Mercredi 11 Juil 2012 22:40


Retourner vers Discussions diverses