% ATTAC & contre-attaque

Mille-feuilles à tendance séditieuse.

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Messagepar Léa » Samedi 13 Aoû 2005 1:00

Les paradis fiscaux, le néoréformisme et le rôle de l'État dans le nouvel ordre mondial

Depuis quelques temps, la question des paradis fiscaux agite la gauche néoréformiste. La presse française, notamment L'Humanité et Le Monde Diplomatique, y ont consacré plusieurs articles ces derniers mois. L'association ATTAC vient de publier aux éditions 1001 Nuits un petit livre consacré à ce sujet (1). Celui-ci, qui bénéficie d'une importante couverture promotionnelle, propose une étude du phénomène d'évasion fiscale, rédigée par le conseil scientifique d'ATTAC, et publie un large extrait du rapport parlementaire français sur le Lichtenstein, qui occupe la moitié des cent pages du livre. On aurait peine à trouver une divergence de fond entre ces deux analyses. Il est vrai que cette question intéresse depuis plusieurs années les états de l'Union Européenne. Aujourd'Hui, la France semble envisager sérieusement des sanctions contre la principauté du Lichtenstein, l'un des principaux pôles d'attraction de l'évasion fiscale en Europe en raison de son secret bancaire réputé plus inviolable que celui de la Suisse. Le Royaume-Uni, pour sa part, a déjà fait le ménage depuis 1998, en faisant pression sur les îles anglo-normandes. La société FINOR, spécialisée dans le conseil et l'aide à la création de sociétés "offshore" recommande à ses clients : "de ne plus recourir aux territorialités britanniques (Ile de Man, Jersey, Guernesey, Iles des Caraïbes, etc...) pour la création de leur société ni pour l'ouverture ou le maintien de comptes bancaires. Bien que ces juridictions aient été des paradis fiscaux privilégiés de longues années durant, ils ne sont plus aujourd'hui la solution appropriée à la protection de votre patrimoine du fait des réformes législatives en cours dans les pays membres de l'Union Européenne." (2). On ne saurait être plus clair. Au demeurant, la même société recommande à ses clients de s'installer en Grande-Bretagne pour la création de sociétés, en raison d'une législation plus avantageuse qu'en France.

Qu'est-ce qu'un paradis fiscal ? Chaque pays apparaît donc aux yeux des capitalistes comme un ensemble de caractéristiques techniques, constituant une offre plus ou moins adaptée à leurs besoins. Le principe de base du offshore, c'est d'implanter, de manière plus ou moins fictive, son entreprise dans un pays possédant une législation fiscale appropriée, c'est-à-dire la plus légère possible. Le choix d'implantation se fait en fonction de plusieurs critères : stabilité politique et économique, infrastructures techniques et bancaires, flexibilité de la législation, système d'imposition. On notera bien le premier critère, qui correspond aux attributions classiques de l'État : assurer un ordre propice au bon développement des affaires. Mais les autres critères son intéressants à analyser, notamment la législation idéale tels qu'elle est définie par la société FINOR déjà évoquée : "Celle-ci doit être moderne et flexible, adaptée au affaires internationales : faible capital de départ, obligations d'enregistrement non nécessaires ou limitées au strict minimum, possibilité de tenir les conseils d'administration et les assemblées générales d'actionnaires partout dans le monde, possibilité d'émettre des certificats d'actions au porteur, possibilité d'absence de tenue de comptabilité, possibilité de nommer des administrateurs ou actionnaires mandataires professionnels, garantie d'une complète confidentialité quant aux affaires du client." Autrement dit, elle doit être adaptée aux principes du blanchiment de l'argent issu d'activités non-officielles, puisqu'il est absolument impossible dans ces conditions de tracer la provenance et la destination de l'argent. On sait que les principaux trafics couverts par ce système sont la drogue et le pillage de l'art africain (3), c'est-à-dire des secteurs criminalisés depuis relativement peu de temps et qui font l'objet d'une tolérance active dans les plus hautes sphères des états du "premier monde". Mais plus généralement, cette législation idéale doit permettre aux entreprises d'échapper à une fiscalité jugée trop lourde et trop inquisitrice.

Ces caractéristiques ne concernent que certains types de sociétés, plus particulièrement celles qu s'occupent de commerce et de service, d'assurance, de banques, des compagnies maritimes, ou les sociétés d'investissement, autrement dit de groupes capitalistes qui fondent leur richesse sur des activités non-productives. Mais les autres ne fonctionnent pas autrement, elles recherchent simplement d'autres conditions. On connaît le cas de Nike et de Totalfina avec l'Indonésie. Les critères sont alors ceux du dumping social (stabilité politique, faible organisation de la classe ouvrière, faibles salaires et charges, disponibilité de la main d'œuvre) ou écologique (faible législation sur les activités polluantes ou destructrices). Il existe également un dumping de compétences (haute technicité pour de faibles salaires), dont l'Inde est un cas connu : les sociétés informatiques y emploient des développeurs bien formés pour des salaires très inférieurs à leurs équivalents américains ou européens. L'offre d'un pays peut également tenir à la disponibilité des matières premières ou la facilité des transports. On touche ici à la définition même de l'État dans la phase actuelle de développement du capitalisme : une société de services fondée sur une territorialité et une population (4). Ce phénomène existait déjà au niveau national, avec une concurrence entre les villes, exacerbée par le système des zones franches et des zones industrielles. Il n'a donc fait que se développer au niveau planétaire.

Une guerre pour la conquête du marché fiscal Pourquoi donc les états européens ont ils décidé de s'attaquer aux paradis fiscaux, en commençant par ceux sur lesquels ils peuvent effectivement faire des pressions, comme les îles anglo-normandes ou le Lichtenstein ? La raison principale de cette mobilisation est d'ordre financier : le manque à gagner lié à l'évasion fiscale est énorme. Il se créerait actuellement au monde 140 000 sociétés offshore par an. En 1998, lorsque le gouvernement britannique s'est attaqué aux îles anglo-normandes, les sommes déposées dans ces paradis fiscaux atteignaient 350 milliards de livres, soit près de la moitié du Produit Intérieur Brut annuel britannique. Un tiers provenait du Royaume-Uni (5). En France, ce manque à gagner est estimé à 250 milliards de francs (6). Autrement dit, les États se livrent une véritable guerre économique destinée à maintenir leurs rentrées fiscales. De ce point de vue, le monde est un vaste marché fiscal, dans lequel chaque pays tente de se tailler la meilleure part. Ces recettes fiscales ont deux objectifs : faire vivre la bourgeoisie publique (élus et hauts fonctionnaires) et permettre à l'État de tenir ses promesses vis-à-vis de ses clients privés, en terme d'équipement, de subventions aux entreprises, de paix sociale, etc. Dans le "nouvel ordre mondial", la rivalité entre états se trouve exacerbée, puisqu'aux conflits territoriaux s'est ajoutée la concurrence pour la captation d'entreprises génératrices de recettes fiscales. Or, les paradis fiscaux sont des pays qui, en offrant des conditions particulières, se posent en moins-disant fiscaux. Cette tactique est payante pour eux, car elle permet à des états dépourvus de matières premières, d'un territoire étendu et d'une population importante, de rivaliser économiquement avec les "grands" en axant leur développement sur la mise à disposition de banques ou de cabinets juridiques. Au Liechtenstein, comme le signale le rapport parlementaire français, 8 députés sur 25 sont avocats ou liés à des structures financières (7) : la collusion entre bourgeoisie "publique" et privée est ici totale. Mais cette divergence d'intérêts rend ces pays dangereux pour les États qui vivent, au contraire, de leurs revenus fiscaux. Ainsi, le rapport parlementaire français met en avant la menace suivante : "Le Lichtenstein pourrait constituer un premier cas d'application de cette législation qui ne sera toutefois pleinement efficace que lorsque sera adoptée par l'ensemble des pays industriels afin de mettre au ban de la communauté internationale les États qui ne méritent pas d'y être intégrés" (8 ).

La "mondialisation du capitalisme" (9) repose effectivement sur un double principe : l'émergence d'un super-état mondial, jouant exactement le même rôle de société de services, spécialisé dans l'arbitrage de conflits et le maintien de l'ordre ; parallèlement, le maintien (voire la multiplication) des états nationaux, permettant aux entreprises de choisir les meilleurs conditions avec une offre suffisamment variée. Dans le cas des paradis fiscaux, le rôle du super-état mondial serait donc de garantir les droits des entreprises-état les plus puissantes en mettant au pas les rivaux les plus agressifs.

ATTAC, le miroir idéologique du capitalisme d'économie mixte Pourquoi ATTAC s'intéresse-t-elle d'aussi près aux paradis fiscaux ? Autrement dit, quel rôle vient jouer la gauche néoréformiste dans cette guerre économique entre états pour le contrôle du marché fiscal ? La première réponse, telle qu'elle apparaît dans les textes de cette association, vient d'une logique prospective sur la faisabilité de la fameuse Taxe Tobin sur les transactions financières. Comment taxer les transferts de capitaux si ceux-ci échappent pour l'essentiel à l'attention des organismes chargés de recouvrer cet impôt ? De ce point de vue, les néoréformistes sont simplement conséquents avec eux-mêmes. Mais il est tout de même intéressant de constater une telle convergence de vue entre une commission parlementaire et une association qui se proclame indépendante. Dans une analyse matérialiste, cette prise de position apparaît nettement comme un habillage idéologique au service des intérêts de classe du capitalisme d'état, c'est-à-dire des élus et des haut fonctionnaires qui tirent leurs ressources de la fiscalité, et du capitalisme d'économie mixte, c'est-à-dire des capitalistes privés possédant des entreprises domiciliées en France, qui acceptent d'être soumis à une forte pression fiscale en échange d'importantes subventions (y compris sous la forme d'allégements fiscaux ou de primes à l'emploi précaire) et de la conquête de marchés publics, voire des privatisations. Ils ont donc intérêt à ce que l'État français bénéficie de revenus importants, sous peine de voir se tarir la manne. Une partie des capitalistes privés est donc susceptible de faire corps avec leurs homologues publics pour combattre l'évasion fiscale. Ils y sont d'autant plus poussés que, plus la perte de capitaux est importante pour l'État, plus la pression fiscale sur leur entreprise risque d'augmenter. Les élus territoriaux (municipaux, départementaux ou régionaux), qui forment une couche importante de la bourgeoisie publique, sont également intéressés au maintien sur place des entreprises, pour des raisons multiples : fiscalité, système des marchés publics, liens sociaux directs.

La position d'ATTAC se ressent très fort de ses liens à la fois avec les partis de gouvernement (particulièrement le PCF) et les élus territoriaux : une région (Limousin), un département (Seine-Saint-Denis) et 64 villes, principalement communistes et socialistes, sont adhérentes d'ATTAC en tant que personnes morales, comme le révèle l'autre livre paru récemment aux 1001 nuits, Tout sur ATTAC (10). On comprend mieux dans ces conditions le discret chauvinisme d'ATTAC, qui, sans donner dans le nationalisme agressif, considère l'existence des États et des frontières comme allant de soi, et défend le maintien des entreprises "au pays" (la souveraineté alimentaire des peuples prônée par la confédération paysanne étant une manifestation de cette approche), remake du Produisons français et du Achetons français du PCF d'antan. Par une chaîne d'imbrications, sur laquelle l'analyse de la composition réelle d'ATTAC serait sans doute éclairante, l'association se retrouve à soutenir exactement les mêmes positions que l'état, tout en donnant une coloration plus militante, plus revendicatrice.

Par ses positions hyper-étatistes, favorables à l'intervention de l'État dans l'économie, donc au capitalisme d'économie mixte, ATTAC constitue un bon vecteur de diffusion idéologique pour regagner le terrain perdu par la bourgeoisie publique ou parapublique face à l'offensive du privé représenté par le courant néolibéral. Elle se positionne ainsi sur la ligne de front dans une guerre entre l'État et le capital privé, guerre larvée en raison de la nécessaire complémentarité entre les deux. Il n'est pas nécessaire pour cela que les militants en soient conscients puisqu'il s'agit d'une entreprises idéologique, voire "spectaculaire" au sens situationniste.

État ou service public ? Le mensonge idéologique qui sert de fondement au capitalisme d'économie mixte, c'est l'amalgame entre état et service public. L'état n'est pas public, malgré les apparences, et il n'est pas une abstraction. Il est constitué par une classe d'individus, dont le pouvoir repose en définitive sur l'usage de la force ("L'État, c'est une bande d'hommes armés", selon l'expression d'Engels). Cette classe se compose à la fois de politiciens et de bureaucrates, la délimitation étant souvent floue (en France, l'ENA forme à la fois les dirigeants politiques, les hauts fonctionnaires et les patrons d'entreprises liées à l'État).Elle se constitue autour d'un intérêt commun au maintien du système dont ils sont les principaux bénéficiaires. Le fait d'assumer un certain nombre de tâches définies comme étant des services publics fait aujourd'hui simplement partie de l'offre proposée aux entreprises par l'État. Quel est le portrait de la France sur le marché mondial des implantations d'entreprises : un équipement structurel (transports, énergie), une population en état de travailler (paix sociale, contrôle social, système de santé, scolarisation), un environnement idéal pour les cadres (sécurité, tourisme, culture). Le service public est donc parfaitement instrumentalisé dans ce processus, puisqu'il vise en définitive non pas à la satisfaction de la population, mais à dégager des profits pour la bourgeoisie "publique". En France, il existe une forte culture de "gauche", attachée au service public. ATTAC s'appuie sur cette culture, sur des principes considérés comme acquis et jamais rediscutés qui amènent à dénoncer l'État sur son désengagement plutôt que sur son existence même. Le rôle des néoréformistes consiste simplement à redorer le blason terni de l'État en mettant leur puissante propagande sous le signe de ce amalgame état / service public, qui revient constamment dans leurs déclarations.

La critique de la notion de service public, déjà entreprise par les libertaires, est donc une tâche essentielle aujourd'hui pour détacher celle-ci de l'État, de même que la dénonciation de la légitimité de l'impôt est une arme importante dans ce travail. Affirmer que l'économie doit avoir pour objectif la création de biens et de services utiles à chaque individu et non d'engendrer des profits financiers pour quelques uns, c'est également démontrer que tout devrait être service public, et dénoncer le caractère arbitraire de ce qui est actuellement défini comme tel. Pourquoi l'eau devrait être un service public comme le réclame ATTAC, mais pas la nourriture ou l'habillement ? C'est ce type d'absurdité qui n'est jamais remis en cause par les néoréformistes.

Mondialisation ou mondialisme ? L'analyse du rôle de l'État dans le "nouvel ordre mondial" montre clairement la complémentarité entre états nationaux, super-état mondial et globalisation des échanges, mais aussi de constater les effets de leur concurrence. La "mondialisation" tant décriée de gauche à droite, ne mène pas au mondialisme, c'est-à-dire à l'unification mondiale, mais au contraire à la multiplication des États, possédant chacun une offre différente. L'existence de paradis fiscaux, dont certains sont de création récente (comme l'île de l'Aiguille depuis 1995), n'est donc pas une tare du système, mais une manifestation normale. Soutenir les néoréformistes sur ce terrain reviendrait à prendre place dans la lutte entre deux formes de piraterie dans la guerre pour le contrôle du marché fiscal. La seule manière concrète de lutter contre les paradis fiscaux et la "logique de profit", c'est la lutte contre toute forme d'État, de nationalisme et de capitalisme, c'est-à-dire le combat pour un véritable mondialisme libertaire et égalitaire.

Nicolas (05/07/00)


(1) ATTAC (2000), Les paradis fiscaux, Mille et une nuits.
(2) les informations sont extraites de leur site internet, qui constitue une bonne documentation sur la question. C'est un site de capitalistes qui s'adressent aux capitalistes, sans demi-mesure.
(3) Philippe Baqué (1999), Un nouvel or noir, pillage des œuvres d'art en Afrique, Paris-Méditerranée. (Philippe Baquet est journaliste au Monde Diplomatique)
(4) UR Rhône-Alpes de la FA (1996), Mondialisation du capitalisme et lutte de classe, Analyse anarchiste de l'évolution de l'état, du capitalisme et des perspectives de révolution sociale, Éditions du Monde Libertaire.
(5) Le Monde du 21 novembre 1998.
(6) in Les paradis fiscaux, p. 16.
(7) in Les paradis fiscaux, p. 99.
(8 ) in Les paradis fiscaux, p. 58.
(9) pour une critique de l'usage abusif du mot mondialisation : De la "Mondialisation du capitalisme" à la "Mondialisation" : une simple question de vocabulaire ?
(10) ATTAC 2000, Tout sur ATTAC, Mille et une nuits.
:arrow: http://www.mondialisme.org/article.php3?id_article=40
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Messagepar Léa » Samedi 13 Aoû 2005 1:12

L'idéologie et le fonctionnement d'ATTAC

Le Cercle social a entamé l'étude critique d'ATTAC et du néoréformisme par l'analyse du livre publié par cette association sur les paradis fiscaux. Ce premier article analysait la lutte contre les paradis fiscaux en termes de lutte des états pour le contrôle de la masse fiscale globale, et la position néoréformiste comme une idéologie liée au capitalisme d'économie mixte, au renforcement du rôle de l'état dans l'économie. Ce premier article insistait également sur le fait que la globalisation s'appuyait en même temps sur la multiplication du nombre d'états territoriaux et sur la mise en place d'un état mondial, sans qu'il y ait contradiction entre les deux. Du même coup, la position d'ATTAC apparaissait comme ambiguë, pouvant à la fois être interprétée comme souverainiste ou au contraire liée à la mise en place de cet état mondial. Mais la caractérisation restait floue, et l'article péchait par son schématisme. Il apparaissait nécessaire, pour approfondir cette question, de se pencher plus en détail sur l'idéologie et le fonctionnement de l'Association pour la taxation des transaction financières pour l'aide aux citoyens.

La nécessaire taxation des transactions financières

D'un programme d'abord limité à la propagande en faveur de la « taxe Tobin », ATTAC a évolué, puisque son champ d'investigation s'est considérablement diversifié, débordant largement en dehors des strictes questions économiques. On ne peut néanmoins entreprendre une critique d'ATTAC sans l'évoquer. La taxe Tobin a pour objectif de limiter les transactions de devises très rapides, à but purement spéculatif, facilitées par les réseaux informatiques qui permettent des échanges d'une place financière à l'autre en un temps record (1). La taxation rend l'opération moins lucrative, donc décourage potentiellement les spéculateurs. Après la crise asiatique, provoquée par la spéculation sur les monnaies asiatiques, et les appels à la stabilisation du système émanant de financiers réputés comme Georges Soros, une telle taxation constituerait vraisemblablement une bonne protection du système monétaire international et limiterait les effets désastreux des krachs boursiers. Il s'agit effectivement d'une réforme du système capitaliste, destinée à le stabiliser et à lui permettre de durer. Il n'y a rien de scandaleux pour la gauche mondiale de se poser en avant-garde de cette réforme. Le seul scandale, ce serait d'essayer d'y voir quoi que ce soit de révolutionnaire. La parabole du « grain de sable », selon laquelle la taxe Tobin serait un grain de sable dans le système bien huilé du capitalisme financier paraît bien naïve.

Cela ne veut pas dire que la taxe Tobin va de soit et qu'elle va s'imposer naturellement, sans heurt et sans remous. Elle trouve ses détracteurs naturels dans les spéculateurs, les fonds de pension, les banques et places boursières, les aventuriers de la finance, tous ceux qui espèrent faire des profits faciles et immédiats sur les échanges de devises. Or, ces adversaires ont la dent dure, car, précisément, ils sont très riches. Avec cet argent, ils peuvent acheter plein de choses utiles pour se défendre : des journaux, des politiciens, des idéologues, des gouvernements. D'un autre côté, il y a un certain nombre de partisans naturels ou potentiels, à commencer par tous ceux qui ont fondé leur fortune sur le long terme, les valeurs sûres, et surtout, ceux qui pourraient être amenés un jour ou l'autre à gérer la manne financière de la taxe, à y prélever la quote-part qui assurera leur train de vie somptuaire : les politiques et les technocrates de tous poils.

Pour l'instant, l'opposition est encore forte, mais le lobby Tobin est puissant et organisé au sein de la gauche mondiale, qui trouve là le moyen de retrouver sa position idéologique de jadis, lors de l'ère bénite du keynesianisme et de l'état providence. On ne peut pas encore dire aujourd'hui si la taxe Tobin va, sous une forme ou une autre, voir le jour, mais on peut lui accorder le bénéfice du probable. Probable, parce que le capitalisme, même lorsqu'il se veut libéral, ne s'est jamais laissé intimider longtemps par les rodomontades de quelques spéculateurs qui, au nom des principes du capital, mettaient en danger sa survie à long terme. Depuis que le capitalisme existe, il a toujours confié à l'état le rôle de stabilisateur du système. Il n'a aucune raison de ne pas reproduire aujourd'hui à l'échelle mondiale ce qu'il a fait jadis à l'échelle nationale. C'est d'ailleurs exactement ce qu'il a fait depuis 1945, en multipliant les institutions internationales destinées à stabiliser le système, processus accéléré depuis une dizaine d'années, c'est-à-dire depuis qu'il n'existe plus qu'un seul modèle dominant de capitalisme.

La composition d'ATTAC et ses liens avec la gauche gouvernementale

Quel rôle peut jouer une association comme ATTAC dans ce processus ? Pour l'expliquer, il faut d'abord mener la critique un peu plus loin, en expliquant qui est réellement ATTAC. L'association revendique 27 000 adhérents. S'il existe sans doute des analyses sociologiques pour mieux les cerner, je n'ai pas pu m'en procurer et ne rentrerai donc pas dans cet aspect des choses(2). Le nombre d'adhérents ne nous dit pas le nombre réel de militants, de personnes investies dans la vie de l'association. Au vu du nombre des comités locaux, on peut présager que ce nombre est relativement important. Les conférences et rencontres avec des auteurs amènent un certain monde, c'est indéniable. Mais, il faut relativiser ce nombre au regard de celui des adhérents des partis politiques de gauche. C'est trois fois moins que le PCF encore aujourd'hui, et sans comparaison possible avec ce qu'il a été jadis. Il faut remarquer la difficulté du décompte des adhérents, en raison de l'adhésion directe d'organisations, notamment syndicales. En toute bonne logique, on devrait par exemple compter les syndiqués du SUD - syndicat qui fait partie des fondateurs - comme membres d'ATTAC, ce qui gonflerait immédiatement le score final. Les chiffres ne donnent sans doute que le nombre d'adhérents directs à titre personnel. Cela ne préjuge pas des adhésions multiples, un même individu pouvant être militant d'un syndicat membre et adhérent direct. Il existe donc surtout une galaxie ATTAC, fédérée autour de noyaux d'organisation dans chaque localité. Quant au succès d'ATTAC, il n'existe que relativement à la rapidité de croissance, au sortir d'une longue période de morosité politique. A strictement parler, ATTAC est donc une petite organisation à l'échelle de la gauche, mais elle s'est remarquablement inscrite dans ses réseaux.

Sur le lien avec les partis politiques, il faut signaler une décision du Conseil d'administration intitulée « ATTAC et le politique » (3). Le texte précise : « Les adhésions des structures politiques locales des partis ou des structures politiques locales ne seront plus acceptées à compter du 10 juillet 2000. Celles d'entre elles qui ont déjà effectué cette démarche ne sont pas concernées et restent adhérentes de l'association ». Autrement dit, dans un certain nombre de localités, des sections de partis politiques font partie d'ATTAC. Quels partis ? Le texte ne le dit pas, mais on peut penser qu'il s'agit des même qui fournissent des membres aux coordinations d'élus locaux, c'est-à-dire le PS, le PCF et les Verts. Nombreux sont les élus locaux qui ne dédaignent pas les réunions d'ATTAC en cette période d'élections municipale. A Angoulême (Charente), par exemple, le député PS, candidat à la mairie, est également membre d'ATTAC et participe effectivement aux réunions. Cherche-t-il à se réconcilier avec la gauche associative locale, en froid avec le PS sur la question des sans-papiers ? On trouve aussi dans les textes d'ATTAC des illusions presque comiques sur le rôle de la classe politique. Un exemple parmi d'autres, issu d'un compte-rendu d'une réunion d'ATTAC - Paris XIIIe : « Pour ce qui concerne les négociations de l'OMC, nos députés sont comme nous : exclus du débat comme tous les citoyens, ils devraient se sentir interpellés voire alarmés par l'absence totale de démocratie dans le processus de négociation. » Pauvres députés victimes de l'exclusion !

A l'inverse, malgré son impact médiatique, ATTAC ne cherche pas à créer des listes électorales, et recommande à ses adhérents de ne pas se servir de leur appartenance à l'association comme argument électoral. ATTAC se considère en effet comme une association et non comme un parti politique, et surtout, comme une forme de contre-pouvoir « citoyen ». Mais cette position lui évite surtout de se poser en concurrente des partis politiques de la gauche gouvernementale, ou de risquer d'opposer publiquement deux candidats membres de l'association. Elle constitue à la fois une force vive en relais de partis dont la capacité militante est moribonde, et une forme de liant pour la gauche « plurielle ».

Effectivement, ATTAC est un conglomérat d'organisations, de collectivités territoriales et d'adhérents directs.L'adhésion des collectivités territoriales est sans doute l'un des aspects les plus révélateurs - et les plus choquant - d'ATTAC. Qu'une ville, un département ou même une région adhère à une association dont l'objet est essentiellement politique ne lasse pas de surprendre. La contribution d'ailleurs fort modique, puisque le montant de l'adhésion s'élève à 1000 F pour les collectivités. Mais de fait, elle rend chaque habitant de la collectivité adhérent d'ATTAC, le plus souvent sans le savoir. Ces collectivités sont le plus souvent socialistes (comme Villeneuve d'Ascq, dans le Nord) ou communistes (comme la région Limousin), ce qui en dit long sur le degré d'imbrication d'ATTAC avec les partis de la gauche gouvernementale. Il serait intéressant de vérifier en détail la politique de chacune des collectivités concernées. On peut citer par exemple le cas de Parthenay (Deux-Sèvres), où un conflit a opposé le maire socialiste et les « emplois-jeunes » de la ville, auxquels était refusée une couverture sociale complète. La politique municipale n'est pas toujours à la hauteur des beaux idéaux d'ATTAC. Cette question de l'accord entre la politique municipale et l'adhésion à ATTAC est un sujet d'interrogation pour certains membres de l'association, si l'on en croit les conclusions de l'université d'été 2000. Mais à l'heure actuelle, il ne semble pas qu'une ville ait été exclue pour sa politique antisociale.

Quel mal y a-t-il pour une organisation réformiste à être liée à la gauche gouvernementale ? Bien évidemment, l'objectif d'ATTAC est d'obtenir l'inscription dans la loi des mesures économiques qu'elle préconise. Dans ces conditions, des relais politiques et parlementaires lui sont indispensables. Mais il existe une contradiction entre ce dévolu jeté sur la gauche et les objectifs même d'ATTAC. Quel est le gouvernement qui participe à la mise en place des organes internationaux de la globalisation capitaliste ? Quel est le gouvernement qui ouvre au capital privé les « services publics » ? Quel est le gouvernement qui autorise les OGM ? C'est le gouvernement PS-PCF-PRG-MDC-Verts. Les mêmes partis qui fournissent des membres au comité ATTAC de l'assemblée nationale, qui fournissent des élus et des collectivités territoriales... Même si on accepte ATTAC telle qu'elle est, c'est-à-dire réformiste, on ne peut qu'être interloqué-e par la contradiction entre ses objectifs officiels et la politique des partis politiques auxquels elle est liée.

ATTAC est-elle chauvine ?

On vient de mentionner le MDC, puisque son n° 2, Georges Sarre, est effectivement membre de la coordination des élus ATTAC à l'assemblée nationale. Le Mouvement des Citoyens est un parti souverainiste, au discours patriotique prononcé, lié par la personne de son chef Jean-Pierre Chevènement au Baasisme syrien ou irakien, et qui oscille depuis sa scission avec le PS entre rester dans le giron de la gauche ou former un front souverainiste avec le RPF de Charles Pasqua. On peut sans hésitation le qualifier de chauvin. C'est une épithète qui a souvent été accolé à ATTAC, en raison de son anti-américanisme et de son protectionnisme. La réalité est plus complexe.

A la marge d'ATTAC, on ne peut oublier de mentionner l'appel signé par 476 parlementaires de différents pays européens, sur l'initiative du socialiste Yann Gallut, en faveur de la taxe Tobin. Hasard de l'ordre alphabétique, le deuxième nom dans la liste des signataires se trouve être William Abitbol, ancien activiste d'extrême-droite et aujourd'hui conseiller de Charles Pasqua. Signe des temps, il se trouve ainsi au côtés d'Alain Krivine, dont la Ligue Communiste fut jadis dissoute pour avoir empêché manu militari la tenue d'un meeting d'Ordre Nouveau, dont William Abitbol était membre... On ne saurait mieux illustrer le rapprochement entre « nationalistes » de droite et de gauche autour de "l'antimondialisation".

Pourtant, ATTAC se défend vigoureusement de l'accusation de chauvinisme. Son argument majeur est le caractère international de son action. En effet, l'association a essaimé dans de nombreux pays et entretient des liens étroits avec d'autres réseaux « anti-mondialisation ». Elle n'est pas à proprement parler anti-américaine, puisqu'elle collabore avec des organisations et des syndicats américains, et elle n'est pas non plus protectionniste au sens classique du terme. Ces arguments sont également ceux qui ont été employés par José Bové et la Confédération paysanne (syndicat qui fait partie des fondateurs d'ATTAC). Pourtant, le discours du syndicat agricole sur la souveraineté alimentaire, volontiers repris par ATTAC, n'est pas exempt de protectionnisme. Et malgré la mise au point de José Bové, l'anti-américanisme a joué une part non-négligeable dans le succès de l'opération de Millau.

Ces quelques exemples montrent, sans avoir besoin de les multiplier, que le positionnement d'ATTAC n'est pas facile à caractériser. Mais vouloir opposer souverainisme et internationalisme repose sur des conceptions fausses de l'un et de l'autre. Le souverainisme n'est pas un nationalisme agressif et raciste, mais une forme de "libération nationale" qui considère la France comme une nation opprimée par l'impérialisme US. Il s'appuie donc assez facilement sur un discours de gauche. L'internationalisme n'a été conçu, au XXe siècle, que comme une solidarité avec les peuples en lutte ou avec les luttes qui se déroulent dans d'autres pays, et non comme une union mondiale des luttes (ce que nous appelons mondialisme).

Ces différences de vision, masquées par une volonté unificatrice qui évite de trancher sur le fond, reflètent une convergence provisoire entre deux intérêts, face à un ennemi commun, le capitalisme libéral des transnationales. D'un côté, les petites et moyennes entreprises, les fonctionnaires et salariés des entreprises publiques privatisables peuvent se sentir menacés par la globalisation et la logique libérale. ATTAC peut constituer pour eux une forme de manifestation de leur crainte, même si elle s'exprime d'une manière confuse et qu'elle mélange les intérêts des petits patrons et ceux de leurs salariés. Pour ceux-là, le souverainisme et le protectionnisme peuvent apparaître comme des solutions. Mais il ne semble pas qu'ils soient majoritaires dans ATTAC.

De l'autre côté, il y a le phénomène évoqué plus haut : la taxation des transactions financières constitue l'un des éléments possibles dans la mise en place de la "gouvernance globale", c'est-à-dire de l'état mondial superposé aux états nationaux. Or, pour cette autre tendance, ATTAC et le mouvement antimondialisation constituent un levier puissant : ils doivent exercer une pression sur les capitalistes privés en leur montrant la fragilité du système. Surfer sur l'anticapitalisme est donc une stratégie parfaitement adaptée, tant que cet anticapitalisme se limite à mettre en avant l'inéluctabilité de la gouvernance globale. Le souverainisme leur est profondément étranger. Si le souverainisme et le nationalisme sont effectivement hostiles à la "mondialisation", la tendance à la gouvernance globale constitue au contraire l'aile la plus avancée de la globalisation.

Dans cette tendance, on peut par exemple ranger Jacques Capdevielle, directeur de recherche au Centre d'étude de la vie politique française, qui se fonde sur la pensée d'Habermas pour développer une véritable stratégie du dépassement de l'état-nation. Pour lui, celui-ci est passe par la « prise de conscience d'une solidarité cosmopolitique ». Les partis politiques sont trop sclérosés pour en prendre l'initiative.C'est donc aux mouvements sociaux de porter cette idée : « Il leur faut créer cet espace européen de façon programmatique, en poursuivant un double but : créer une Europe sociale, et faire en sorte qu'elle jette tout son poids dans la balance du cosmopolitisme » (4). De même, dans un texte émaillé de réminiscences marxistes-léninistes, Samin Amir propose d'œuvrer à « la construction d'un monde pluricentrique non néo-impérialiste ». Il trace clairement le programme politique :

« Mais il y a aussi le besoin de définir les éléments d'un internationalisme populaire capable de donner aux luttes sociales une portée mondialiste, et par là de contribuer positivement à l'élaboration d'une autre mondialisation que celle proposée par le libéralisme. A la fois défendre l'autonomie des nations, élargir l'espace de son déploiement, et éviter l'enfermement dans les impasses du nationalisme chauvin définit le cadre des alternatives à développer. Le niveau régional est sans doute ici celui qui permet le moins difficilement cette construction nécessaire, qu'il s'agisse du panafricanisme, de l'unité arabe, du front latino-américain ou de la construction européenne en lui donnant un contenu social progressiste et d'autres projets régionaux.

Le niveau mondial ne doit pas pour autant être négligé. Les batailles sont ici à mener sur différents plans. Sur celui de la politique l'objectif ne saurait être autre que le combat contre l'hégémonisme américain et son arrogance militaire. Dans cette perspective, une relance du rôle et des fonctions de l'ONU pourrait constituer l'un des objectifs communs des luttes des forces politiques démocratiques opérant à l'échelle mondiale »(5).

Respect des états-nations, constructions de blocs continentaux, lutte contre l'impérialisme américain, réforme des institutions mondiales :voilà qui caractérise assez bien l'orientation générale d'ATTAC et du néoréformisme de la gauche mondiale. Dans cette perspective, on ne peut parlerde mouvement anti-mondialisation, mais d'aile gauche de la globalisation. ATTAC est donc à la confluence de deux tendances, et son apparente indécision sur la question nationale est le produit de cette contradiction. Mais comme on le verra plus loin, le fonctionnement figé de l'association empêche cette contradiction d'apparaître de manière trop flagrante pour l'instant.

ATTAC et le christianisme

Parmi les membres fondateurs d'ATTAC, on trouve des revues catholiques de gauche : Témoignage Chrétien (dont le représentant, Bernard Ginisty, est membre du conseil d'administration), Golias, et des associations d'inspiration chrétienne comme Artisans du monde ou Droit au logement. Ils voisinent avec plusieurs associations laïques, et avec le courant laïque animé par Bruno Courcelle. En cela, ATTAC n 'est pas sans rappeler l'ancien Parti Socialiste Unifié, qui présentait cette même particularité de faire cohabiter chrétiens et anticléricaux. Il faut ajouter que certaines personnalités connues d'ATTAC ont une formation chrétienne, comme son vice-président François Dufour (issu de la Jeunesse Agricole Chrétienne) et même son symbole le plus médiatique, José Bové, qui ne cache pas son attachement à la pensée de l'anarchiste chrétien Jacques Ellul.

Témoignage Chrétien est un monument historique de la gauche chrétienne, puisqu'elle puise ses racines dans la Résistance. Pendant longtemps, elle fut la voix officielle des catholiques de gauche. Golias, pour sa part, est née plus récemment, autour du théologien Christian Terras. Apparemment progressiste, très engagée contre les sectes et l'extrême-droite, elle représente surtout une version réactualisée d'un gallicanisme violemment opposé au Pape et à la hiérarchie, prônant un renforcement du pouvoir des paroisses et le mariage des prêtres, et plutôt hostile à l'œcuménisme.

Mais au-delà, le message d'ATTAC porte ses fruits au sein de l'église catholique. Qu'on en juge par cet extrait issu du site Internet Catholink :

"Surprise au Grand Conseil genevois, début septembre : une proposition de motion était lancée par plusieurs députés "sur la taxation des transactions financières". [...] Une idée qui avance aussi au sein des Églises : la Commission Tiers Monde de l'Église catholique (COTMEC) à Genève a en effet proposé que les revendications à la base de la Taxe Tobin soient appuyées par les Églises dans le cadre de la Consultation œcuménique sur l'avenir social et économique de la Suisse" (6).

Ce n'est pas un cas isolé. Il faut rappeler le rapprochement entre la revendication d'ATTAC en faveur de l'annulation de la dette des pays du tiers-monde et la campagne « Jubilé 2000 » pour l'annulation de la dette des pays les plus pauvres, lancée directement par le Vatican et relayée par toutes les églises du monde. Dans les documents d'ATTAC, les références à la campagne Jubilé 2000 sont fréquentes, sans susciter de questions particulières. Il faut aussi remarquer que pas moins de vingt-quatre millions de signatures ont été recueillies sur la proposition d'annulation de la dette, sans susciter de réaction particulière de la part des institutions internationales. Sans doute l'église catholique, apostolique et romaine n'est-elle pas considérée comme une agitatrice trop dangereuse… L'un de succès les plus paradoxaux de cette campagne, c'est d'avoir réussi à faire inscrire cette revendication au programme de la marche mondiale des femmes et surtout d'avoir fait mentionner expressément l'intitulé Jubilé 2000 dans l'appel. L'église catholique au secours des droits des femmes...Ce pauvre Paul de Tarse ne doit pas jubiler !

La présence de chrétiens dans ATTAC ne peut pas être interprétée comme l'acte d'une poignée de croyants isolés et rejetés par leur hiérarchie - comme ce fut souvent le cas dans l'après-guerre - mais comme l'un des nombreux signes du rôle mondial aujourd'hui joué par l'Église catholique dans le monde, celui d'une nouvelle forme de social-démocratie, d'une puissante force réformiste. Cela ne signifie pas, loin de là, qu'il n'existe plus de tendance réactionnaire dans l'Église, mais il existe de manière généralisée un rapprochement entre social-démocratie et église Catholique. Le travail du Vatican en direction du tiers-monde, son spectaculaire rapprochement avec Cuba contre les USA, ses prises de position en faveur de la paix et son travail de diplomatie (notamment via la communauté San'Egidio) montrent à quel point cette convergence n'est pas fortuite. Le précédent président de l'Internationale socialiste, le français Pierre Mauroy, était discrètement catholique. Son successeur, le portugais António Guterres l'est ouvertement, et certains n'hésitent pas à lui prêter une proximité avec l'Opus Dei.

Le fonctionnement antidémocratique d'ATTAC

Le fonctionnement d'ATTAC repose sur un conseil de trente administrateurs, élus pour trois ans et rééligibles. Parmi ces 30 personnes, 12 seulement sont élues par l'assemblée générale des adhérents directs et 18 sont choisies parmi le Collège des fondateurs. Ce dernier est constitué de représentants des organisations syndicales et associations ayant participé à la création d'ATTAC, ainsi que de personnes cooptées (7).

A chaque réunion du conseil d'administration, une équipe dirigeante cooptée détient donc 60 % des voix. Autrement dit, même si une majorité d'adhérents souhaitait infléchir la ligne d'ATTAC dans un sens ou dans un autre, elle ne pourrait le faire statutairement sans se heurter à ce « sénat » chargé de veiller au maintien de l'association dans ses rails initiaux. Un tel fonctionnement est en totale contradiction avec le discours démocratique officiellement affiché. ATTAC se présente volontiers comme un mouvement d'éducation populaire, mais elle ne développe visiblement pas l'esprit critique de ses adhérents.

Pourquoi une telle disposition ? Officiellement, pour préserver la pluralité, c'est-à-dire éviter que l'une des composantes ne prenne le pas sur les autres : la confiance règne entre les fondateurs ! On peut également supposer d'autres intentions moins avouables. Se réserver le leadership intellectuel sur le mouvement, dans un système curieusement inspiré de la cooptation et des collèges universitaires ? C'est possible, car en dehors même de toute critique, le mouvement peut générer une dynamique interne, fondée sur le travail des militants les plus actifs, qui pourraient souhaiter prendre part dans les décisions concernant les associations. Décalque des bureaucraties politiques et syndicales ? Également possible. Les hommes et les femmes d'appareil ne sont pas nécessairement disposés, ni même simplement habitués à voir les militants intervenir dans la direction des affaires. Demander à des dirigeants syndicaux ou associatifs, et pire encore à des militants socialistes ou communistes d'avoir une culture de la démocratie serait une aimable naïveté. Éviter une infiltration, notamment par les gauchistes ? Probable. Des expériences répétées, notamment SOS racisme et Ras L'Front pour ne citer que les plus récentes, ont montré la redoutable capacité des trotskistes à prendre place dans les réseaux associatifs mis en place par la gauche social-démocrate.

A titre d'hypothèse, on peut réfléchir sur la campagne quasi-calomnieuse à l'encontre du député européen Alain Krivine, porte-parole de la LCR. Son abstention dans un vote sur un budget d'étude de faisabilité de la taxe Tobin au parlement européen a été montée en épingle par la presse de gauche. Elle constitue un grief courant et un axe de cristallisation de la méfiance à l'encontre des militants de la LCR. Or, le député, qui s'est expliqué de cette abstention, n'a pas ménagé ses efforts en faveur d'ATTAC, dont il a constitué le comité au parlement européen. Mais les dirigeants du mouvement, et plus encore leurs amis de la gauche gouvernementale, n'ont probablement pas l'intention de couver les œufs du coucou trotskiste. On peut certainement en dire autant de la méfiance éprouvée à l'égard du groupe activiste Socialisme par en bas, qui ne ménage pourtant pas ses efforts pour se grimer en loyales jeunesses d'ATTAC (8 ). Cette méfiance anti-gauchiste est-elle exclusive des autres explications ? Probablement non. Est-ce une excuse valable pour un fonctionnement antidémocratique ? Qu'on se rassure. C'est la même association qui écrit : « Cela concerne tous les citoyens. L'habitude prise de négocier entre chefs et experts nous paraît être une perversion de l'idée de démocratie. C'est devenu une tradition de transformer le citoyen de base en spectateur passif de décisions qui se prennent sans lui et hors de lui. Il est clair que cette tradition relève d'un autoritarisme qui contredit toutes les évolutions historiques de participation citoyenne à la vie politique. » (courriel d'information n° 168 - 15 septembre 2000). La participation citoyenne, est-ce transformer un adhérent de base en spectateur passif de décisions qui se prennent sans lui et hors de lui ?

Si on avait le moindre doute sur la réalité d'ATTAC, voici un morceau de bravoure extrait de La lettre d'ATTAC 45 (Numéro 2, 1er mars 2000) :

« Les orientations nationales d'ATTAC : le 19 février dernier, la réunion des comités locaux à Saint-Denis a été l'occasion de fêter les 20 000 adhérents d'Attac. Deux fois plus que l'année dernière. Beaucoup d'adhésions sont arrivées après Seattle. Aujourd'hui, Attac est consulté régulièrement par le Ministère des Finances et d'autres institutions gouvernementales. Devant un tel succès, le conseil d'administration d'Attac national a dû revoir son organisation. Le local trop étroit (un petit F2 parisien) ne sont plus adaptés, un déménagement est prévu dans les mois qui viennent. La gestion des adhésions a été confiée à une société privée basée en Picardie qui travaille déjà pour Greenpeace, la fondation Abbé Pierre, Témoignages Chrétien, Libération, etc... Elle garantit la confidentialité du fichier et surtout un envoi régulier aux comités locaux des listings remis à jour. Cette sous-traitance permettra au siège d'Attac de consacrer plus de temps à l'une de ses priorités pour l'année en cours : la communication. »

Autrement dit, ATTAC est un brain-trust qui travaille pour le ministère des Finances, et qui, tout en dénonçant la logique néolibérale du tout-privé et de l'externalisation, se décharge de sa propre gestion associative au profit d'une entreprise privée ! Adhérents d'ATTAC, pour qui vous prend-on ?

Conclusion

Certains points abordés dans l'article, comme le lien entre Église catholique et Social-démocratie, la mise en place d'un État mondial ou même simplement l'analyse mondialiste-révolutionnaire de l'État mériteraient d'être développés plus complètement, pour éviter une analyse trop schématique. Néanmoins, au terme de ce second volet de l'étude sur ATTAC, plusieurs contradictions apparaissent au sein de l'association :

·La participation de la gauche gouvernementale entre en conflit avec les positions prônéespar ATTAC.

·L'adhésion de collectivités territoriales dont la politique peut aller à l'encontre de ces mêmes positions du mouvement.

·Le souverainisme contre l'idée de « gouvernance mondiale ».

·L'idéal démocratique des adhérent-e-s contre le fonctionnement figé et contrôlé depuis l'extérieur de l'association.

·Confrontation entre les sociaux-démocrates et les différents courants trotskistes présents au sein d'ATTAC.

Nicolas (08/02/01)


(1) Une bonne explication de ce phénomène dans la brochure « La sphère de circulation du capital », Échanges, 2001.
(2) Une thèse de sociologie, rédigée par un adhérent d'ATTAC, est en cours sur ce sujet.
(3) « ATTAC et le politique », disponible sur le site Internet www.attac.org.
(4) Jacques Capdevielle, « Après l'état-nation, Portée et limites de l'apport habermassien pour penser la crise actuelle des modes de légitimation politique », www.attac.org.
(5) Samin Amir, « L'autre Davos », www.attac.org. (15 janvier 1999)
(6) Source : Catholink
(7) Pour le fonctionnement et les statuts d'ATTAC, voir Tout sur ATTAC, Mille et un nuits, 2000.
(8 ) C'est l'objectif avoué de la nouvelle ligne politique de Socialisme par en bas, symbolisée par le changement de nom de leur journal, désormais nommé "L'Étincelle".
:arrow: http://www.mondialisme.org/article.php3?id_article=1
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Messagepar Paul Anton » Samedi 13 Aoû 2005 11:01

...encore de la lecture... :twisted:
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
Paul Anton
 
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Messagepar goldfax » Dimanche 14 Aoû 2005 12:53

Paul Anton a écrit:...encore de la lecture... :twisted:


:shock: :wink:
ouais... pfffffffffffffffffff !... 8)
goldfax
 

Messagepar Léa » Dimanche 14 Aoû 2005 15:59

goldfax a écrit:
Paul Anton a écrit:...encore de la lecture... :twisted:
:shock: :wink: ouais... pfffffffffffffffffff !... 8)
Et après, il y a même une interrogation notée sur 20, et ça compte pour la moyenne générale ! :lol:
J'attends aussi la participation de jeune-en-question et papiyola :wink:
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Messagepar Paul Anton » Dimanche 14 Aoû 2005 18:50

Ne sois pas trop sévère... :D

Bref, ATTAC et le Négrisme sont-ils jumeaux :?:

http://cnt.ait.caen.free.fr/forum/viewtopic.php?t=547
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
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Messagepar goldfax » Mardi 16 Aoû 2005 7:06

Paul Anton a écrit:Ne sois pas trop sévère... :D

Bref, ATTAC et le Négrisme sont-ils jumeaux :?:

http://cnt.ait.caen.free.fr/forum/viewtopic.php?t=547


En plus tu nous rajoute du boulot ! :shock: :evil:
Je vais lire tout ça, mais pas tout de suite, je vais être en retard au boulot sinon...
goldfax
 

Messagepar Léa » Mercredi 17 Aoû 2005 9:36

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Messagepar Léa » Dimanche 21 Aoû 2005 19:04

Je viens juste de m'en souvenir, mais voici 3 articles (et encore de la lecture :lol: ) publié par la revue Oiseau-tempête. Je "redirige" juste vers les liens concernés :
:arrow: Contre-Attac : tromperie sur la marchandise Par Claude Guillon
:arrow: Contre-Attac : du leurre sur toast Par Barthélémy Schwartz
:arrow: Contre-Attac : La fuite en avant et la poursuite du même Par Jérôme

Bon click et bonne lecture :wink:
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Messagepar Léa » Mardi 23 Aoû 2005 10:19

Image

GENES : L’ ATTACTIQUE DES JESUITES

Le dernier congrès de l’AIT (Association Internationale des Travailleurs), en Décembre 2000 à Madrid a eu pour thème : "Contre le capitalisme mondial et ses conséquences : internationalisme prolétarien". Comme l’écrivait dans son éditorial de juin 2001 le journal "CNT", organe de la section espagnole de l’AIT : "Il n’est pas question pour les individus conscients et révolutionnaires de substituer le néo-libéralisme à un néo-keynesisme. Il s’agit au contraire d’éliminer les deux en parvenant à une organisation économique autogestionnaire, prolétarienne et internationaliste".

Le cataclysme politico-économique du 11 Septembre 2001 montre combien il est sensé de proposer une organisation économique à la base, qui utilise les richesses pour les besoins de tous et pas pour les privilèges de quelques uns. Les masses actuellement dépossédées, exploitées, affamées, demandent la justice sociale. Elles demandent la fin de la croissance des profits pour les uns et de la misère pour les autres. Elles demandent la fin du mode de développement imposé par le capitalisme. Sans cela, jamais nous n’arriverons à ce que cessent les haines et les guerres. En ce moment historique, il nous faut mettre l’accent sur certaines tactiques de la bourgeoisie. Retour sur les événements de Gênes.


LE CITOYEN DON CAMILLO

De nombreux mouvements catholiques ont ainsi sereinement adhéré au Genoa Social Forum (GSF), qui réunit presque tous les opposants au G8 (...) quelques prêtres iront avec les Tute Bianche affronter les forces de l’ordre (...) ’Je chercherai à pénétrer dans la zone rouge’ a par exemple indiqué hier le prêtre napolitain Don Vitaliano Della Sala." ("Libération", 20 juillet 2001). Ces propos édifiants nous rappellent que, malgré l’extraordinaire appareil répressif déployé, les curés (250 congrégations religieuses étaient représentées chez les organisateurs) continuaient à appeler, à la veille de la mobilisation, à pénétrer dans la zone défendue par l’armée. Ils ne faisaient en cela que suivre les consignes d’Attac. L’état italien, qui savait donc à quoi s’attendre, a eu toute latitude pour préparer et piéger le terrain en sa faveur. Les états réunis à Gênes (il y a là même Bouteflika, qui vient de s’illustrer par de nouveaux massacres en Algérie) vont disposer d’une foule de contestataires et pouvoir les manipuler. Gênes est en état de siège. La circulation est interdite. L’eau est coupée. Des arrestations préventives ont lieu dans la mouvance autonome. La population est excédée. D’importantes grèves ont eu lieu auparavant dans cette ville. Il est temps pour le pouvoir de montrer sa force. De montrer sa force sauvage d’abord, en cognant les opposants. De montrer sa force dialectique ensuite en les diffamant. Son objectif est simple : réduire d’abord par la force et soumettre ensuite les esprits. Pour cela rien de mieux que de provoquer la bataille sur le terrain choisi et de posséder des complices parmi les dirigeants même de l’opposition. Deux règles essentielles du Wargame qui se met en place, comme cela a déjà été écrit à propos du sommet de Nice. Ces leaders, qui disent tout et son contraire, qui appellent à envahir la zone rouge puis dénoncent les manifestants violents, qui sont ils ? Ils ne sont pas de nos amis ! Voilà Bové, entre deux poignées de mains à Pasqua et aux patrons du Roquefort. Voilà Cassen, journaliste du Monde diplomatique, président d’Attac, cette organisation en affaires avec Matra. Voilà Susan Geoges, vice-présidente d’Attac et auteur de l’ennuyeux "Rapport Lugano". Derrière eux, les seconds couteaux de la LCR, comme Aguitton. Ils n’aiment les encagoulés qu’affublés du titre de sous commandant, comme Marcos... Ou bien morts, comme Carlo Giulani, subitement devenu si respectable : présenté au départ comme un "punk anarchiste" de la pire espèce, ce manifestant abattu le 20 juillet à Gênes, redevient en 48 heures chrono, face à l’indignation provoquée par son assassinat, un paisible étudiant en histoire membre d’Amnesty International. Quant aux autres...


"MILLE DéLINQUANTS DU BLACK-BLOCK" (La Republica)

Vraiment, les pourfendeurs de l’horreur économique sont surprenants. Voilà qu’après avoir embrigadé Marcos-le-guérillero (il va adhérer à Attac), ils hurlent contre les lanceurs de pavés. Qu’après avoir saccagé un Mac Do (certes après négociation avec les Renseignements Généraux) (voir nos précédents numéros), ils n’aiment pas que l’on brûle des poubelles. Sans parler de ceux qui, comme Liepetz, alliés politiques d’Attac et Cie, réclament l’amnistie des "nationalistes" corses tout en dénonçant la violence des manifestants. Tous ces gens ont une approche bien sélective de la violence ! "Le GSF avait pris toutes les dispositions pour que ses composantes manifestent sans violence (...). La machination policière (...) est étayée par des témoignages personnels comme celui d’un ecclésiastique, publié dans la Republicca du 22/01, ainsi que par les vidéos où l’on voit des éléments du Black-Block sortir des fourgons de carabiniers et deviser tranquillement avec eux". Ces quelques lignes, divinement inspirées, sont extraites du communiqué de presse du 26 juillet 2001 du "Bureau National d’Attac". Un joyau de jésuitisme : c’est Bernadette Soubirou dans une mise en scène de Sergio Leone ! Cet extrait tiré de trois pages du même tonneau mérite bien quelques commentaires. Attac et le GSF se dédouanent rapidement de leur appel initial à pénétrer dans la zone rouge. "Le GSF avait pris toutes les dispositions" écrivent-ils... Lesquelles ? Il est intéressant de savoir que Attac avait négocié avec la police, de l’aveu même de Bernard Cassen (Dépêche AFP, 23/07/01). Cette conduite de collaboration avec les forces de l’ordre, au mépris de la masse des manifestants, est une habitude, Mais visiblement, il y a eu débordement par la foule, qui n’avait rien négocié ; et le service d’ordre des organisateurs (souvent des "policiers de gauche" d’ailleurs) a reçu quelque baffes de manifestants en colère. Alors Attac et GSF tentent le coup double : 1° Bien que, comme on le sait, ils aient appelé à attaquer la zone interdite (tout en négociant on ne sait trop quoi), ce qui constitue quand même l’amorce de la provocation nécessaire et la justification du déploiement de l’appareil militaire, ils évacuent la responsabilité politique des événements sur le Black-Block, c’est-à-dire, par extension, sur tous ceux qui n’ont pas obéi à leurs mots d’ordres stupides et contradictoires. 2° Ils dénoncent des "éléments" du Black-Block comme appartenant à la police, voire comme fascistes. Ce procédé, qui n’est pas sans rappeler les procès de Moscou, est destiné à jeter le discrédit sur tous leurs adversaires politiques, sur tous ceux qui sont susceptibles de déséquilibrer le rapport de force à l’intérieur du mouvement... Gonflé, lorsqu’on connaît l’apport des activistes du Black-Block à Seattle pour la promotion des contre-sommets ! Quels sont les témoins, ou plutôt les complices politiques, cités par Attac dans cette manœuvre ? Ils sont représentatifs du front qui s’apprête à aider le pouvoir à réprimer toutes les révoltes à venir : un ecclésiastique (comme par miracle le même, cité plus haut, le Don Vitaliano Della Sala, qui appelait à pénétrer dans la zone rouge !) et le journal de la petite bourgeoisie de gauche italienne "La Republica". La "preuve" sur laquelle Attac appuie ses diffamations est une bande vidéo, laquelle prouve simplement que les flics ont fait comme d’habitude, c’est-à-dire s’habiller en manifestants pour s’introduire dans les cortèges.


PORT DE CAGOULE RéSERVé AUX CADRES SUPéRIEURS

"Si l’on peut comprendre que, à Gênes comme à Göteborg, des policiers cernés par des manifestants déchaînés aient pris peur au point d’utiliser leurs armes"... Celui qui a lu cette phrase dans l’éditorial du "Monde" du 22-23 Juillet comprend immédiatement la position de la bourgeoisie occidentale adepte de Bové, Marcos, Attac et consorts. La bourgeoisie n’admet que ses propres violences. Elle nous déclare, au travers de ses organisations, au travers de ses médias, ce qu’elle admet et ce qu’elle n’admettra pas. Comme d’habitude, la bourgeoisie, progressiste ou pas, n’admet la violence, ou son simulacre, que si elle émane de ses propres rangs. Et ce qui semblait hier encore flou devient plus limpide. "Des témoienages existent en effet de la complicité des autorités avec les groupes provocateurs du Black-Block qui ont ravagé certaines parties de la capitale ligure". Ces propos sont de Susan George dans "Le Monde Diplomatique" (août 2001). Là encore, "les témoignages" se réduisent à celui de notre Don Camillo, pardon Don Vitaliano. à croire qu’il n’y a pas d’autre curé dans toute l’Italie ! Ces écrits puent la haine. On sent planer l’ombre des Noske et des Azaña, de tous ces "hommes de gauche" qui ont traversé le XXème siècle en fusillant des ouvriers... Des "voyous déguisés en protestataires" titre le "Wall Street Journal". Presse de droite et presse de gauche adoptent la même ligne éditoriale, se donnent la main contre l’ennemi commun : le révolté. Cela ressemble à la phrase des "républicains" espagnols concernant les anarchistes et révolutionnaires de 1936 : "Des voyous avec la carte de la CNT".

La logique est identique, la bourgeoisie fait son tri : d’un côté les opposants respectables, de l’autre les délinquants. Un bon nombre de groupes anarchistes français, comme les Vignoles, AL, la FA, à la recherche d’encarts publicitaires dans les médias bourgeois, cèdent à cette pression. Ils sont en quête de quelques miettes de représentativité, de crédibilité, de cette audience virtuelle que seule peut leur octroyer la soumission aux dirigeants politiques de la nouvelle gauche. C’est comme cela que s’interprètent leurs appels communs à manifester avec Attac à Paris et à Lyon. Alors que les positions d’Attac sont connues, la propension demeure pour eux, même après Gênes, à participer aux actions de ces organisations qui diffament et encouragent l’état à réprimer. Pour finir, une perle parmi tant d’autres :"La police italienne a été d’un incroyable complaisance avec les extrémistes". C’est signé : Oncle Bernard, pseudo de B. Marie, dirigeant d’Attac, dans "Charlie Hebdo" n°475, 25/07/2001. Les amis de Carlo Giulani apprécieront.


POURQUOI CETTE COMéDIE ?

Le monde n’a pas fini d’être traversé de révoltes comme en Corée, en Indonésie, en Algérie, en Bolivie. Insidieusement, au sein même du mouvement anti-mondialisation (si bien relayé internationalement par les médias), se constitue ainsi la classique première ligne de défense du système capitaliste. Les gens raisonnables arrivent, avec, qui leurs gros sabots, qui leurs soutanes, pour nous expliquer ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Point important pour nous, c’est en France, avec Attac, avec les trotskistes de la LCR et autour du "Monde Diplomatique", que s’est constitué l’un des noyaux durs de cette réaction. Proche des sphères gouvernementales et financières, soutenu par les élites intellectuelles et artistiques, ce noyau a pu occuper le terrain de la contestation pour mieux le miner. C’était l’enjeu de la mobilisation ratée de Millau. Depuis plus de deux ans, nous dénonçons cette manœuvre d’envergure internationale. Nous sommes encore trop peu nombreux à le faire. Car entendons nous bien : la démarche des dirigeants d’Attac et Cie est de plus en plus claire. La voici : tous ceux et celles qui se révoltent et se rebellent, qui marchent sans compromis pour la justice sociale, sans obéir à la nouvelle gauche, en dehors de la voie électoraliste et parlementaire, tous ceux-là sont diffamés comme flics, fascistes ou voyous... Donc il faut que l’état ne soit plus "complaisant", qu’il fasse son œuvre de bourreau contre eux. Nous ne pouvons pas cautionner par des appels unitaires ceux qui avancent un tel raisonnement. Pour notre part, nous ne pouvons que nous ranger derrière les non-respectables, les non-crédibles, les exploités, les diffamés et les réprimés. Même si, comme c’est le cas dans ces histoires de contre-sommet, nous ne partageons ni leur approche instinctive et spontanée, ni leur mode d’intervention dans des situations qui ne sont que des pièges tactiques et politiques créés par des leaders dont nous dénonçons ici la duplicité. En ce qui concerne le mouvement anarchiste, libertaire ou anarcho-syndicaliste, il est clair que la ligne de référence passe également par là. Il n’est plus acceptable de voir certains groupes continuer à se faire les complices d’organisations comme Attac, qui, comme on l’a vu dans les citations ci-dessus, appellent à plus de répression et préparent le terrain pour les prochains massacres de l’Etat.

P.P.
ARTICLE DU COMBAT SYNDICALISTE (AIT) / OCTOBRE - NOVEMBRE 2001 - Mise en ligne samedi 20 octobre 2001
:arrow: source : GENES : L’ ATTACTIQUE DES JESUITES
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Messagepar goldfax » Mardi 23 Aoû 2005 11:02

Très bien cet article ! :wink:

J'ai un vague souvenir de manifs à Rouen. Avec un copain qui est prof et ses élèves, nous nous étions donné rendez-vous sur le parvis de la cathédrale pour des manifs contre la guerre en Irak...
Les types d'Attac sont venus lorgner sur nos jeunes et essayer de distribuer des tracts. Le copain a expliqué ce qu'était exactement Attac (cf. l'article que Léa vient de mettre) et les militants se sont barrés, pestant, limite insultants...
Nous, le pote et moi, ça nous a fait rire... :lol: :wink:
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Messagepar Léa » Lundi 06 Fév 2006 21:25

prés en bulle \":lol:\" a écrit:Pour l’abolition du salariat

Le 18 août 2003, Jacques Nikonoff, président d’Attac France (Association pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens), déclarait : "Combien étions-nous au Larzac : 250 000, 300 000, plus encore ? […] Le Larzac est le rassemblement le plus important réalisé en France à ce jour par les altermondialistes. Une force est née" (Libération). À l’heure où l’altermondialisme connaît un relatif succès, il n’est pas inutile de revenir sur la proposition phare d’Attac, la taxe Tobin, qui vise à imposer les transactions monétaires (opérations de change d’une monnaie à une autre). Cette mesure est-elle vraiment la "proposition alternative, concrète, opérationnelle, efficace" dont parle Nikonoff ? Cette gauche lutte-t-elle contre le "système capitaliste mondialisé" comme elle le prétend ? C’est à ces questions de fond que le texte ci-dessous tente de répondre. Ce texte est traduit de l’allemand ; il a pour auteur Ernst Lohoff, corédacteur de la revue de critique sociale allemande Krisis.


Luc Mercier


Le spéculateur déchaîné
Taxe Tobin et nationalisme keynésien : une mixture indigeste

Par définition, les prix Nobel d’économie ne peuvent avoir aucune pensée émancipatrice. L’idiot spécialisé James Tobin qui a été nobélisé en 1981 ne fait pas exception. Sa proposition est particulièrement inepte et ne parvient pas à se traduire dans les faits bien qu’elle circule depuis un certain temps. Cette proposition vise à domestiquer, dans le sens du bon vieux capitalisme industriel à la protestante, la superstructure financière qui s’est détachée de l’économie réelle, en taxant d’un pour cent – rien que ça ! – la spéculation sur les monnaies afin de ramener le beau capital-argent vers l’investissement créateur de postes de travail dans les moulins fordistes qui, désormais, tournent à vide – de sorte que l’ilote de l’économie de marché puisse continuer à gagner sa bière à la sueur de son front.

Les conceptologues préposés à la création de "travail" ne spéculent jamais que sur la bassesse de l’esclave salarié, au lieu de saisir l’occasion qu’offre la crise de la "société de travail" pour porter un coup libérateur au moins verbal en dénonçant comme une coercition absurde l’éternelle ergothérapie au service de la fin en soi capitaliste(1). Ce ne sont pas des postes de travail qu’il nous faut, mais une utilisation radicalement différente des forces productives, une utilisation qui échappe à la rationalité de l’économie d’entreprise : depuis longtemps, les forces productives pourraient rendre possibles une grande quantité de temps libre et une vie décente pour tous.

Indépendamment de son but misérable, cette vilaine petite construction technico-financière se révèle totalement insoutenable, même sur le plan objectif. Comme toutes les élucubrations d’épicier qui portent sur le sujet, la proposition Tobin confond systématiquement la cause et l’effet. On fait comme si la rareté des investissements dans l’économie réelle et le chômage de masse étaient les produits du capitalisme de casino, du capitalisme de spéculation. En réalité, le rapport est complètement inversé : c’est parce que l’accroissement de productivité dû à la troisième révolution industrielle (la micro-informatique) à partir des années 80 a dépassé l’expansion des marchés et a rendu non rentables les investissements dans l’économie réelle créateurs de postes de travail, que le capital-argent afflue vers les marchés financiers et engendre des bulles spéculatives toujours plus importantes.

Le problème se révèle donc être la limite interne du capital "productif" même, qui, dans son mouvement aveugle, médiatisé par la concurrence, a rationalisé le "travail" à grande échelle et se montre ainsi dans toute son absurdité. La fièvre spéculative ne fait que rendre manifeste cette contradiction interne du mode de production existant, tout comme la fièvre du corps ne fait que signaler la maladie sans en indiquer la cause.

En tant que mesure sectorielle, la taxation financière n’attirerait pas le capital-argent vers l’investissement dans l’économie réelle, elle n’aboutirait qu’à une transformation à l’intérieur même de la spéculation. Quant à une action concertée et plus large visant à l’arrêt administratif de la spéculation, elle provoquerait en un clin d’œil l’effondrement du "capital fictif" – effondrement de toute façon programmé. Même les doux rêveurs tendance réalisme(2) qui soutiennent le projeticule Tobin s’apercevraient alors que toute leur construction ne s’appuie pas sur de solides écus, mais sur une énorme bulle de savon.

La taxe Tobin ignore également tout du rapport précaire existant entre les centres capitalistes et la périphérie dans le contexte de la suraccumulation structurelle mondiale. L’Europe de l’Est, l’Amérique latine, l’Asie et l’Afrique sont depuis longtemps dépendantes de l’afflux permanent du capital-argent extérieur pour pouvoir seulement continuer à simuler leur participation au marché mondial. La pression spéculative sur les taux de change des pays de la périphérie n’est, elle aussi, que l’effet et non la cause de cette situation de toute façon intenable à la longue.

La taxation de la spéculation financière mettrait seulement hors d’usage le mécanisme de régulation des taux de change et bloquerait ainsi l’afflux du capital-argent. C’est manifestement le but recherché quand les apologistes de la taxe Tobin vantent la possibilité alors redonnée aux États d’abaisser " indépendamment les uns des autres " les taux d’intérêt afin de relancer l’économie. Naturellement, cela ne s’appliquerait qu’aux exportateurs de capital net(3) : on suggérera donc aux " créditeurs allemands " de bien vouloir rester au pays et d’investir leur capital-argent de manière honnêtement patriotique.

Certes, ce dernier cri du social-nationalisme keynésien reste à bon droit sans écho, car ce n’est pas l’humanisme qui guide les fonds d’investissement vers les pays lointains, ce n’est rien d’autre que la poussée à la valorisation de l’argent qui ne trouve plus à se réinvestir sur place de façon rentable. La taxe Tobin ne sera jamais mise en place parce que les acteurs du marché financier et les banques centrales savent pertinemment qu’une intervention aussi naïve ne ferait qu’accélérer grandement l’inéluctable crise financière mondiale. Mais cela fournira le prétexte aux défenseurs de la taxe de crier – en compagnie du super-parrain malaisien Mahathir(4) – au complot fomenté par les spéculateurs et les juifs.

En réalité, ce réformisme particulièrement mal ficelé du type "De l’argent, il y en a !" et qui s’appuie sur une mathématique d’école primaire a une signification purement idéologique et il conduira à un résultat fort différent du résultat escompté : porter la conscience sociale à une compréhension irrationnelle de la crise et livrer des boucs émissaires au parti philistin local, ensauvagé et interclassiste du "travail".

Post-scriptum 2003

Le texte qui précède date du printemps 1999, d’une époque donc où la spéculation boursière de ladite new economy approchait de son apogée. Le krach boursier qui a commencé un an plus tard est venu renforcer la critique du concept de la taxe Tobin, qui s’exprime dans ces lignes. Ceux qui pensent que, par le biais d’un contrôle des marchés financiers, on pourrait retransformer le " capitalisme de casino " en un capitalisme réglementé de façon quasi keynésienne n’ont pas compris le caractère structurel et les causes profondes du processus de crise auquel on assiste actuellement au niveau mondial. Les marchés financiers et leurs bulles spéculatives ne sont pas la cause de la crise. Au contraire, crédit et spéculation (le " capital fictif " chez Marx) ne servent qu’à ajourner provisoirement celle-ci. C’est pourquoi le crash de la new economy a été suivi par une récession mondiale. Et c’est aussi pourquoi les gouvernements ne prélèvent plus (comme au cours des années 90) de l’argent sur les marchés financiers, mais qu’à l’inverse ils injectent des liquidités au moyen de taux d’intérêts peu élevés dans l’économie mondiale afin de la faire redémarrer. Il n’y a guère de chances que cette opération réussisse, fût-ce à moyen terme. Le processus de crise ira au contraire en se renforçant irrémédiablement et en accélérant ainsi la précarisation générale. Il est temps de dire adieu aux illusions politiques, telles que la taxe Tobin, et de comprendre que, premièrement, le capitalisme touche à ses limites absolues et que, deuxièmement, la question de son nécessaire dépassement doit être posée d’une façon entièrement nouvelle.

par Ernst Lohoff / Traduction L.M.

NOTES :
(1) Le capitalisme est une fin en soi, il est production pour la production, auto-valorisation de la valeur. Sous le capitalisme, la production est en effet totalement déconnectée des besoins : le travail sert de vecteur à la valorisation, et les produits sont des supports de valeur avant d’être des biens d’usage. Cf. par exemple "Subordination réelle du travail au capital", in " Matériaux pour l’"Économie" ", Œuvres économiques II, Marx, Pléiade (ndt).
(2) Lohoff parle de Realo-Traumtänzer comme on parle de Realo-Grünen, les Verts réalistes (ndt).
(3) Les pays qui exportent plus de capital qu’ils n’en importent.
(4) Ancien Premier ministre de Malaisie (ndt).


• Pour en savoir davantage…

… sur la critique du capitalisme développée par le groupe Krisis, on peut lire en français : Manifeste contre le travail, de R. Kurz, E. Lohoff et N. Trenkle, éd. Léo Scheer (2002) ; Lire Marx, de R. Kurz, éd. La Balustrade (2002) ; Les Aventures de la marchandise / Pour une nouvelle critique de la valeur, d’A. Jappe, éd. Denoël (2003) ; Les Habits neufs de l’empire / Remarques sur Negri, Hardt et Rufin, d’A. Jappe et de R. Kurz, éd. Léo Scheer (2003).

On peut lire également Marx est-il devenu muet ?, de Moishe Postone, un auteur américain aux thèses proches de celles de Krisis. L’ouvrage a été publié par les éditions de L’Aube (2003).

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Messagepar goldfax » Lundi 06 Fév 2006 23:11

J'va lire ça dans mon lit ! Je suis crevé...
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