Faut-il donner raison au réseau ?

Mille-feuilles à tendance séditieuse.

Messagepar diogène » Vendredi 16 Jan 2009 10:13

Jipé, je ne sais s’il s agit d’ignorance ou de mauvaise foi mais ton article pro domo sur le fédéralisme est truffé d’occultations et de fausses références.

L’idée de réseau est antérieure aux alter-mondialistes et elle est aussi vieille que l’anarchisme ; d’ailleurs, elle a plusieurs sens. Le fait que des non anarchistes utilisent la référence au réseau ne déqualifie en rien cette idée ou bien, alors, étendons ce point de vue à l’idée de fédéralisme, de démocratie, de justice, etc. Car ces vocables sont utilisés par les capitalistes et les politiciens, des Etats sont eux-mêmes organisés en système fédéraliste. D’après moi et beaucoup d’autres, le réseau peut être parfaitement anti-autoritaire, libertaire et synonyme de fédéralisme. Le post du texte de Paul Anton ci-dessus est très clair. Ce qui fait qu’à Caen, nous n’opposons pas réseau et fédéralisme : c’est un faux débat.

De plus, le congrès de 1993 recommande de mettre en réseau les groupes CNT dits secteurs d’entreprises. Jipé, tu devrais comprendre qu’à trop décrier le réseautisme, c’est le fédéralisme que tu discrédites, puisque tu le dis toi-même : « tout ce que permet le réseau de positif est dans le fédéralisme… ».

Le fond du débat n’est pas celui d’une terminologie (réseau/fédéral) mais sur les liaisons organiques : verticalisme ou horizontalisme, pouvoir aux entités associées ou celui des bureaux, politburo ou assembléisme, bureaucratie ou démocratie directe. Beaucoup de syndicats souhaitent modifier les statuts (charte et liaisons organiques) notamment parce qu’ils sont obsolètes et insuffisants pour empêcher le centralisme et le pouvoir des mandatés. C’est cela qui a produit la scission de 1993 car nous reprochions aux Vignoles de verticaliser et de bureaucratiser la confédération. Bien après la scission, nous avons eu des personnes qui voulaient que les secrétariats puissent décider (voir motion du congrès de 1997), tu le sais fort bien Jipé. C’est cela qui a poussé des syndicats à aller dans un sens réseautique.

Sur l’origine de l’idée de réseau : lire ci-après le texte qui contredit sérieusement ton texte et confirme mon propos.

Les pro-réseaux n’ont jamais dit que les difficultés de propagation de l’anarchosyndicalisme tenaient dans ces statuts seuls, tu nous prends pour des idiots.

Quand tu affirmes : « confondre la forme que revêt une organisation… et les principes qui l’inspirent n’est pas acceptable. » Il me semble que les anarchistes déclarent que le fond et la forme sont insécables…

Lorsque tu poses la question : en quoi « le fédéralisme libertaire est-il centralisateur et anti-autonomie, etc. » ? Mais en rien, si le dit fédéralisme est effectivement libertaire, c’est ce que promeut l’idée de réseau ; il reste la question de mettre sa pratique à la hauteur du principe évoqué. C’est souvent là l’origine du problème et du conflit.

Tu en fais de trop et tu fantasmes quand tu dis que le réseau induit l’absence de solidarité, entraîne la concurrence, exclut et impose la loi du plus fort. Tu sembles oublier que les adeptes du réseau professent le communisme anarchiste. Il suffit de vérifier sur les sites Internet leurs dires et pratiques.

Le fédéralisme libertaire est la plus haute expression de l’autonomie et le réseau libertaire est la plus haute pratique du fédéralisme.

Je te laisse méditer.

Diogène.
Avatar de l’utilisateur
diogène
 
Messages: 91
Inscription: Mercredi 13 Avr 2005 21:15
Localisation: un tonneau

Messagepar diogène » Vendredi 16 Jan 2009 10:16

Le devenir du rhizome
Xavier de la Vega

Sciences Humaines N° Spécial N° 3 - Mai -Juin 2005
Foucault, Derrida, Deleuze : Pensées rebelles
http://www.scienceshumaines.com/

Les concepts philosophiques ont leur vie propre, qui échappe parfois à leurs auteurs. Ainsi, le « rhizome » de Gilles Deleuze et Félix Guattari s'épanouit dans le management. Mais n'oublions pas que les deux complices cultivaient l'art de la riposte.

Dans Qu'est-ce que la philosophie ?, texte publié quelques mois avant la mort de Félix Guattari (1992), quatre ans avant celle de Gilles Deleuze (1995), les deux auteurs évoquaient avec leur férocité coutumière la déchéance du mot « concept ». Alors que, affirment-ils, « la philosophie est l'art de former, d'inventer, de fabriquer des concepts », elle a rencontré dans cette entreprise de nombreux rivaux, du plus honorable (les sciences de l'homme) au plus « calamiteux » (le marketing et la publicité). « Certes, écrivent les deux complices, il est douloureux d'apprendre que "concept" désigne une société de service ou d'ingénierie informatique (1). »

Des concepts, G. Deleuze et F. Guattari en ont créé par dizaines, avec jubilation. L'écho de certains d'entre eux se fait toujours entendre, cela jusque dans des champs que les deux auteurs n'auraient peut-être pas soupçonnés. Prenons « Rhizome », titre d'un article publié en 1976, devenu par la suite l'introduction de Mille Plateaux (1980). Lorsque l'on tape « rhizome » dans un moteur de recherche quelconque, on accède, aux côtés de sites musicaux, d'art contemporain ou altermondialistes - destinations que n'auraient certes pas reniées les deux philosophes - aux pages web de plusieurs sociétés de consulting et de communication qui ont en commun d'avoir érigé le vocable deleuzo-guattarien en image de marque. Rhizome. com... Doit-on voir là un dévoiement sans vergogne d'une pensée critique ? Ou bien faut-il au contraire considérer qu'il y a somme toute quelque logique à ce que certains éléments de son vocabulaire se « déterritorialisent », au point de se sentir comme des coqs en pâte dans le management ? Enfin, G. Deleuze et F. Guattari ont-ils exprimé une riposte à ce « devenir-management » de leur pensée ?

Un mode de coordination décentralisé

Lorsque les deux penseurs définissent le rhizome, ils ne décrivent pas autre chose que ce que l'on désigne à présent par le terme de réseau. Le mot est à entendre, dans un premier registre, comme un concept abstrait, alternatif à celui de structure, permettant de penser la logique d'organisation et de transformation de la société. Mais dans un second registre, plus concret, le terme renvoie à un mode d'interrelations décentralisé. « N'importe quel point d'un rhizome peut être connecté avec n'importe quel autre, et doit l'être. C'est très différent de l'arbre ou de la racine qui fixent un point, un ordre », énonce le « principe de connexion » du rhizome. Le rhizome s'oppose aux « arborescences », « aux systèmes centrés » dont les éléments convergent vers un pivot, un principe d'autorité centralisée. Il s'apparente plutôt aux « systèmes acentrés, réseaux d'automates finis, où la communication se fait d'un voisin à un voisin quelconque (...) de telle façon que les opérations locales se coordonnent et que le résultat final global se synchronise indépendamment d'une instance centrale ». Ainsi, dans le problème du peloton de tireurs, « un général est-il nécessaire pour que nindividus arrivent en même temps à l'état feu ? » Le rhizome pointe vers un mode horizontal et décentralisé de coordination où les tireurs parviennent à se mettre d'accord sans l'intervention d'une instance hiérarchique. C'est « la solution sans général (2) ».

Il n'est dès lors guère étonnant que certains auteurs ou praticiens du champ managérial s'emparent du vocable deleuzo-guattarien. « Organisation réticulaire », « entreprise-réseau », « firme postmoderne » : tous ces vocables en vogue, tant dans la littérature managériale que dans la réflexion théorique sur les organisations, renvoient à la nécessité pour les firmes d'adopter des procédures d'organisation plus souples, plus décentralisées, de manière à réagir rapidement aux évolutions du marché. L'image du réseau s'applique aussi bien aux relations entre les différentes unités d'une firme, entre les différents stades de la production d'un produit donné qu'à l'organisation du travail, chaque salarié recevant et émettant des informations de et vers l'ensemble des acteurs des processus de production et de commercialisation.

Il serait évidemment absurde de voir les deux philosophes comme les chantres de la firme postmoderne. S'ils s'attaquent à l'organisation bureaucratique, comme à l'appareil d'Etat, c'est plutôt pour dresser la « cartographie » des agencements de pouvoirs, des assujettissements et des devenirs balisés, comme des « lignes de fuite » par lesquelles les construits sociaux se modifient, se décomposent, lignes que l'on peut dès lors emprunter pour transformer la société. Pour G. Deleuze et F. Guattari, être révolutionnaire, c'est apprendre à « devenir nomade ». Or, pour Luc Boltanski et Eve Chiapello, c'est justement en abondant dans cette veine que G. Deleuze et F. Guattari, à l'instar d'autres représentants de la « pensée 68 », ont pu bien malgré eux nourrir la reformulation contemporaine de la pensée managériale, participant ainsi, selon l'analyse proposée par ces auteurs, à la genèse du « nouvel esprit du capitalisme (3) ».

A partir de l'analyse textuelle d'un certain nombre d'écrits managériaux des années 90, L. Boltanski et E. Chiapello ont repéré l'ensemble des principes de comportement qu'un cadre doit respecter pour être considéré comme un « bon manager » dans un univers de réseaux. Ce corps de préceptes s'applique particulièrement au management par projets, pratique qui consiste à traduire les objectifs de la firme en une série de missions (conduire un programme de recherche, ouvrir un nouveau point de vente, etc.) confiées à des équipes constituées spécialement pour l'occasion et dont la durée de vie se confond avec celle du projet. Dans ce contexte est un bon manager celui qui se maintient toujours en activité, qui passe d'un projet à l'autre, entretenant ses contacts afin de saisir les bonnes idées et réunir autour de lui les meilleurs collaborateurs.

Du dévoiement du rhizome par le discours managérial

C'est donc un nomade, un individu qui voyage léger, qui sait se délester de ce qui peut encombrer sa marche, qui échappe aux appartenances politiques, de classe ou de statut, et transgresse les frontières, mettant en rapport les milieux les plus divers. Exprimé dans les termes de G. Deleuze et F. Guattari, c'est celui qui se déplace sans cesse le long des « lignes de fuite » du rhizome, échappant à la « territorialité », à la « stratification », aux « codes » de l'organisation bureaucratique.

Quel statut doit-on conférer au credo antibureaucratique et « nomadique » de la littérature managériale contemporaine ? Certainement pas plus que ne lui accordent L. Boltanski et E. Chiapello, qui voient là un discours de « justification » du capitalisme contemporain, dont la raison d'être est de susciter l'adhésion de ses cadres - un discours qui, au passage, a pu apporter une caution aux politiques de flexibilisation du travail. Mais peut-être faut-il accorder à ce credo moins de crédit que ne le pensent ces auteurs. Il convient en effet d'interroger la prégnance réelle des normes édictées par les écrits managériaux dans le fonctionnement quotidien des entreprises. La firme bureaucratique est loin d'être enterrée, tant les nouvelles pratiques managériales, management par projets inclus, vont de pair avec une centralisation accrue des décisions stratégiques et la mise en oeuvre de procédures (comme le « reporting ») tout ce qu'il y a de bureaucratiques (4). Quant au supposé nomadisme des cadres, il convient de rappeler que « faire carrière » au sein d'une même entreprise, valeur bureaucratique s'il en est, demeure la préférence de trois quarts de ces salariés, jeunes et moins jeunes (5). Ce qui conduit à prendre les méthodes comme le management par projets ou la logique compétence (dispositif que l'on associe parfois à la notion de nomadisme (6)) pour ce qu'elles sont, en tout cas dans les grandes entreprises : des mécanismes de sélection du personnel en général et des élites managériales en particulier (7). Il n'en demeure pas moins que dans certains secteurs, particulièrement celui des nouvelles technologies de l'information et de la communication, et dans certaines activités (le consulting par exemple), les préceptes de la « cité par projets » décrits par L. Boltanski et E. Chiapello semblent correspondre aux pratiques observées (8 ).

Que la pensée de G. Deleuze et F. Guattari puisse ainsi se trouver acoquinée avec la littérature managériale illustre la difficulté qu'il y a à interpréter les transformations contemporaines du travail. Car tout s'y présente sous le jour de l'ambivalence. On vient de voir que la décentralisation administrative peut fort bien s'accompagner d'une centralisation accrue de la décision. Ou encore, il est indéniable que de nombreux salariés jouissent d'une autonomie accrue, associée au passage du taylorisme au « toyotisme », soit la mise en réseau des ateliers, l'interaction continuelle entre production et commercialisation. Mais cette évolution va de pair avec l'apparition de nouvelles formes de contrôle, elles aussi décentralisées (autocontrôle, surveillance par les pairs), qui ne sont sans doute pas pour rien dans l'intensification du travail observée par les sociologues (9). De même, avec les nouvelles formes d'organisations, le travail devient immatériel, s'enrichit d'une dimension communicationnelle qui implique interactivité permanente et affectivité. Mais si cela peut apparaître comme un enrichissement du travail, certains voient dans cet engagement intégral de la personne dans la sphère professionnelle un processus d'instrumentalisation, voire de marchandisation de la vie intime (10).

Si les écrits de G. Deleuze et F. Guattari, particulièrement Mille Plateaux, peuvent se révéler utiles pour comprendre le travail et le capitalisme d'aujourd'hui, c'est parce qu'ils donnent sens à cette ambivalence, en l'insérant dans une séquence dynamique, où l'un des termes constitue une riposte à l'autre. Parce qu'ils permettent d'articuler émancipation et domination, désir et pouvoir.

Au début est le désir

Dans le monde de G. Deleuze et F. Guattari, au début est le désir. De la même manière que dans la pensée de Michel Foucault le pouvoir ne peut être appréhendé que par les dispositifs concrets qui le matérialisent (comme le panoptique), pour G. Deleuze et F. Guattari, le désir est indissociable des « agencements » au sein desquels il s'exprime. On entend par agencement une articulation d'éléments discursifs et non discursifs, d'objets et d'actions. L'amour courtois en est un, qui assemble échanges verbaux et non verbaux, paroles et regards, invitations jamais consommées, pour prolonger indéfiniment la séduction (11). Le protocole de fabrication d'une oeuvre d'art ou la mise en oeuvre d'un projet quelconque en sont d'autres.

Au début donc est le désir. Le pouvoir ne vient qu'après, comme riposte, comme tentative d'encadrer, de brider, de canaliser le désir. C'est en cela que G. Deleuze et F. Guattari se démarquent de M. Foucault (12). Si l'analyse de ce dernier inspire certaines critiques contemporaines du travail, qui nourrissent les rangs de ceux qui voient dans les transformations contemporaines du travail un simple approfondissement des formes antérieures de subordination, la posture de G. Deleuze et F. Guattari suggère une vision sensiblement différente.

Empire(13), de Michael Hardt et Antonio Negri, impressionnante fresque des transformations du capitalisme et des relations internationales depuis l'après-guerre, est l'un des ouvrages où l'appareillage hétéroclite et foisonnant de Mille plateaux trouve le champ d'application le plus fructueux. Dans l'analyse que M. Hardt et A. Negri proposent des transformations du travail, l'accroissement de l'autonomie, l'enrichissement du contenu du travail, les formes concomitantes de décentralisation sont les conquêtes de la « multitude », soit l'ensemble des « subjectivités productrices et désirantes » des opprimés. Ces conquêtes sont pour eux le fruit des luttes contre les structures « disciplinaires » qui se sont fait jour à partir des années 60 de par le monde. Des revendications qui se sont exprimées tant par des conflits salariaux que par le refus du travail et l'expérimentation culturelle. Une analyse qui rejoint sur ce point celle de L. Boltanski et E. Chiapello sur le devenir des mouvements de 1968. Pour ces derniers, confrontées à des demandes nouvelles portant sur la nature même du travail, les firmes ont d'abord tenté de répondre par des solutions classiques (l'augmentation des salaires) sans pour autant restaurer ni l'adhésion des salariés ni la productivité, avant de se résoudre à réviser substantiellement les formes d'organisation du travail (14). Les transformations de ces dernières apparaissent donc, selon ces analyses, comme une victoire incontestable des salariés.

L'émancipation, une affaire de bricolage

Pour M. Hardt et A. Negri, G. Deleuze a été, dans un court essai publié en 1990 (15), l'un des premiers à observer que le déclin des « sociétés disciplinaires » théorisées par M. Foucault, ouvrait pourtant sur de nouvelles formes de pouvoirs. Aux « moulages » et aux mondes clos (famille, usine, hôpital...) des sociétés disciplinaires s'est substituée la « modulation » à l'air libre des « sociétés de contrôle ». Dans ces dernières, les mécanismes de surveillance n'ont pas disparu, mais reposent sur de nouveaux dispositifs, de nouvelles machines (informatique, télématique, mouchards et bracelets électroniques). Au « mot d'ordre » a succédé le « mot de passe », écrit G. Deleuze. « La société de contrôle pourrait ainsi être caractérisée par une intensification et une généralisation des appareils normalisants de la disciplinarité qui animent de l'intérieur nos pratiques communes et quotidiennes ; mais au contraire de la discipline, ce contrôle s'étend bien au-delà des sites structurés des institutions sociales, par le biais de réseaux souples, modulables et fluctuants », précisent M. Hardt et A. Negri.

Par sa capacité à dresser un panorama complet et cohérent des relations économiques et politiques de l'ère globale, Empire est d'ores et déjà devenu, et pas seulement dans les réseaux altermondialistes, un livre de référence. L'élaboration faite par les auteurs ne va pourtant pas sans susciter quelques interrogations. Ainsi, pour ceux-ci, le désir est l'apanage seul des multitudes, soit l'ensemble des populations subordonnées de la planète. N'y a-t-il pas pourtant un désir des capitalistes ? Les épopées des « capitaines d'industrie » relatées dans la presse managériale ou dans des films comme, sur Howard Hugues, le récent Aviator (Martin Scorsese, 2004), ou encore l'ascension tonitruante d'un Jean-Marie Messier, fût-elle délirante, ne traduisent-elles pas aussi l'existence d'un « agencement de désir » dans le capital ? On se demandera d'un autre côté, avec Jacques Rancière, si toutes les multitudes veulent nécessairement le bien (16).

Alors que nous sommes entrés dans une nouvelle phase de contestation de l'ordre économique, il reste que M. Hardt et A. Negri puisent dans l'énergie dionysiaque de G. Deleuze et F. Guattari pour révéler les potentialités de changement qui résident au coeur même de l'« Empire », le nouveau régime économique et politique mondial. Virtualités qui supposent, pour devenir « pouvoir d'agir », de retourner les forces de l'« Empire » contre lui-même.

Pour G. Deleuze et F. Guattari, l'émancipation n'est pas affaire de résistance, mais de bricolage. Les construits de désir et d'émancipation sont faits des mêmes matériaux que les dispositifs de pouvoirs : ce sont des agencements de signes et d'énoncés, de gestes et de machines. L'émancipation suppose un réagencement de ces matériaux, d'en faire une « machine de guerre ». Il n'y a sans doute pas de meilleur exemple que l'Internet, notre rhizome quotidien, pour leur donner raison. Internet a été inventé par l'armée américaine. Elle cherchait à se doter d'un système de communication dépourvu de centre, pouvant dès lors résister à une attaque contre n'importe lequel des points du réseau. En s'emparant d'Internet, les mouvements sociaux, des zapatistes aux altermondialistes, en ont fait leur propre machine de guerre, instrument de coordination des luttes et de contre-information. Laissons le dernier mot à G. Deleuze : « Il n'y a pas lieu de craindre ou d'espérer, mais de chercher de nouvelles armes. »

NOTES

[1] G. Deleuze et F. Guattari, Qu'est-ce que la philosophie ?, Minuit, 1991.

[2] G. Deleuze et F. Guattari, « Rhizome », in G. Deleuze et F. Guattari, Mille Plateaux, 1980, rééd. Minuit, 1997.

[3] L. Boltanski et E. Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Gallimard, 1999.

[4] Voir S. Clegg et D. Courpasson, « Political hybrids: Tocquevillian views on project organizations », Journal of Management Studies, vol. XLI, n° 4, juin 2004.

[5] Voir F. Dany et L. Rouban « Les cadres sont-ils nomades ? », in A. Karvar et L. Rouban (dir.), Les Cadres au travail. Les nouvelles règles du jeu, La Découverte, 2004.

[6] Il s'agirait de se constituer un « portefeuille de compétences », pour garantir son « employabilité » et pouvoir ainsi migrer d'une organisation à l'autre.

[7] Voir D. Courpasson, L'Action contrainte. Organisations libérales et domination, Puf, 2000.

[8] Voir P. Vendramin, Le Travail au singulier. Le lien social à l'épreuve de l'individualisation, L'Harmattan, 2004.

[9] Voir J. Bué, T. Coutrot et I. Puech (dir.), Conditions de travail : les enseignements de vingt ans d'enquête, Octarès, 2004.

[10] Voir notamment A.R. Hochschild, The Managed Heart: Commercialization of human feelings, University of California Press, 1983.

[11] Voir G. Deleuze et F. Guattari, « 28 novembre 1947 : comment se faire un corps sans organes », in G. Deleuze et F. Guattari, Mille Plateaux, op. cit.

[12] P. Patton, « Notes for a glossary », in G. Genosko (dir.), Deleuze and Guattari: Critical assessment of leading philosophers, Routlege, 2001.

[13] M. Hardt et A. Negri, Empire, Exils, 2000.

[14] L. Boltanski et E. Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, op. cit.

[15] G. Deleuze, « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », in G. Deleuze, Pourparlers 1972-1990, 1990, rééd. Minuit, 2003.

[16] J. Rancière, « Peuple ou multitude », Multitude, n° 9, mai-juin 2002.
Avatar de l’utilisateur
diogène
 
Messages: 91
Inscription: Mercredi 13 Avr 2005 21:15
Localisation: un tonneau

Messagepar diogène » Vendredi 16 Jan 2009 10:18

Le devenir du rhizome
Xavier de la Vega

:arrow: http://1libertaire.free.fr/Rhizome01.html
Avatar de l’utilisateur
diogène
 
Messages: 91
Inscription: Mercredi 13 Avr 2005 21:15
Localisation: un tonneau

Messagepar Paul Anton » Vendredi 16 Jan 2009 12:05

Pour continuer d'alimenter le débat, je mets à disposition des écrits de Malatesta sur :


L'ORGANISATION

Parmi ceux qui se réclament de l'anarchisme et se disent anarchistes, avec des adjectifs différents ou sans adjectif, il y a deux fractions : les partisans et les adversaires de l'organisation.

Si nous ne pouvons pas réussir à nous mettre d'accord, cherchons au moins à nous comprendre.

Et, avant tout, le problème étant triple, distinguons : l'organisation en général, principe et condition de la vie sociale, aujourd'hui et dans la société future ; l'organisation du « parti anarchiste » ; et l'organisation des forces populaires, en particulier celle des masses ouvrières, en vue de la résistance contre le gouvernement et contre le capitalisme...

L'erreur fondamentale des anarchistes qui sont opposés à l'organisation est de croire qu'il ne peut y avoir d'organisation sans autorisation - et, convaincus de cette hypothèse, de préférer renoncer à toute organisation plutôt que d'admettre la moindre autorité.

Or, il nous semble évident que l'organisation, autrement dit l'association dans un but déterminé, sous la forme et avec les moyens pour atteindre ce but, est nécessaire à la vie sociale. L'homme isolé ne peut même pas vivre la vie d'une brute ; il est incapable de se procurer sa nourriture, excepté dans les régions tropicales ou lorsque la population est extrêmement limitée ; et il est incapable, sans exception aucune, de s'élever à une vie quelque peu supérieure à celle de l'animal. Il doit donc s'unir à d'autres hommes ; ou plutôt, il se trouve uni à eux de fait, par suite de l'évolution antérieure de l'espèce ; il lui faut donc soit subir la volonté des autres (c'est l'esclavage), soit imposer sa propre volonté aux autres (c'est l'autorité), soit vivre en accord fraternel avec les autres pour le plus grand bien de tous (c'est l'association). Personne ne peut échapper à cette nécessité ; et même ceux qui sont le plus opposés à l'organisation subissent l'organisation générale de la société dans laquelle ils vivent ; de plus, dans les actes volontaires de leur vie, et aussi dans leur révolte contre l'organisation, ils s'unissent, se répartissent les tâches, s'organisent avec ceux qui sont en accord avec eux, et utilisent les moyens que la société met à leur disposition... à condition, naturellement, qu'il ne s'agisse pas seulement de vagues aspirations platoniques ou de rêves rêvés, mais de quelque chose qu'ils veulent vraiment et qu'ils font vraiment.

L'Agitaziorze, 4 juin 1897

Nous serions très heureux si nous pouvions tous nous mettre d'accord et unir les forces de l'anarchisme dans un mouvement fort, etc...
Il vaut mieux être désunis que mal unis. Mais nous aimerions espérer que chacun s'unisse à ses amis et qu'il n'y a pas de forces isolées, autrement dit perdues.

LAgitazione, 11 juin 1897

Le fait est qu'il peut exister une collectivité organisée sans autorité, c'est-à-dire sans coercition - et les anarchistes doivent l'admettre, sinon l'anarchisme n'aurait pas de sens, venons-en à l'organisation du parti anarchiste.

Un mathématicien, un chimiste, un psychologue, un sociologue peuvent dire qu'ils n'ont pas de programme, ou qu'ils n'ont d'autre programme que la recherche de la vérité ; ils veulent connaître, et non pas agir. Mais l'anarchisme et le socialisme ne sont pas des sciences : ce sont des buts, des projets que les anarchistes et les socialistes veulent mettre en pratique et qui ont donc besoin d'être formulés dans des programmes bien déterminés.

S'il s'avère que [ l'organisation crée des chefs ], et si, donc les anarchistes sont incapables de se regrouper et d'arriver à un accord entre eux sans se soumettre à une autorité, cela signifie qu'ils ne sont pas encore assez anarchistes et qu'avant de penser à établir l'anarchie dans le monde, ils doivent penser à se rendre eux-mêmes capables de vivre anarchiquement. Mais la solution n'est pas dans la non-organisation : elle est dans la plus grande conscience de chaque membre...

Dans les petites sociétés comme dans les grandes, l'origine et la justification de l'autorité se trouvent dans la désorganisation sociale, si l'on excepte la force brutale, qui n'intervient pas dans le cas qui nous occupe. Quand un besoin se fait sentir dans une société et que ses membres ne savent pas s'organiser spontanément eux-mêmes pour lui apporter une solution, il se présente quelqu'un, une autorité, qui lui donne une solution en se servant de la force de tous et en la dirigeant à sa fantaisie. Si les routes ne sont pas sûres et que le peuple ne trouve pas la solution à ce problème, c'est la police qui, en échange de quelque service rendu, se fait supporter et payer et s'impose et tyrannise ; si un produit devient nécessaire et que la collectivité ne sait pas se mettre d'accord avec les producteurs étrangers pour le faire venir, c'est le commerçant qui, profitant de la nécessité de vendre pour les uns et d'acheter pour les autres, impose les prix qu'il veut aux producteurs et aux consommateurs.

Il suffit de voir ce qui s'est toujours passé entre nous : moins nous nous sommes organisés et plus nous nous sommes retrouvés soumis à la volonté d'un individu. Et il naturel qu'il en soit ainsi...

Donc, bien loin de créer l'autorité, l'organisation est la seule solution contre l'autorité et la seule manière de faire en sorte que chacun d'entre nous s'habitue à prendre une part active et consciente au travail collectif et cesse d'être un instrument passif dans les mains des chefs...

Mais, nous dit-on, une organisation, cela suppose l'obligation de coordonner sa propre action avec celle des autres, ce qui viole et entrave l'initiative. Il nous semble, à nous, que ce qui prive réellement de liberté et rend l'initiative impossible, c'est l'isolement qui réduit à l'impuissance. La liberté n'est pas le droit abstrait mais la possibilité de faire quelque chose : c'est vrai pour nous, et aussi pour la société en général. C'est dans la coopération avec les autres hommes que l'homme trouve la raison d'être de son activité et de son pouvoir d'initiative.

L'Agitazione, 11 juin 1897

IL nous reste à parler de l'organisation des masses ouvrières en vue de la résistance contre le gouvernement et les patrons... Les travailleurs ne pourront jamais s'émanciper s'ils ne trouvent pas dans l'union la force morale, la force
économique et la force physique nécessaires pour venir à bout de la force organisée des oppresseurs.

Il y a eu des anarchistes - et il y en a encore, bien sûr, - qui, tout en reconnaissant la nécessité de s'organiser aujourd'hui pour la propagande et l'action, se sont montrés hostiles à toutes les organisations qui n'avaient pas pour objectif direct l'anarchisme et ne suivaient pas les méthodes anarchistes... Il leur semblait que toutes les forces organisées en vue d'un objectif, si radicalement révolutionnaire fût-il, étaient des forces soustraites à la révolution. Il nous semble, au contraire, que cette méthode condamnerait le mouvement anarchiste à une perpétuelle stérilité, et l'expérience nous donne amplement raison.

Pour faire de la propagande, il faut être parmi les gens, et c'est dans les associations ouvrières que l'ouvrier rencontre ses compagnons, en particulier ceux qui sont les plus disposés à comprendre et à accepter nos idées. Mais même si on pouvait faire toute la propagande qu'on voudrait en dehors des associations, elle ne pourrait sensibiliser la masse ouvrière. A l'exception d'un nombre limité d'individus plus instruits et capables de réflexion abstraite et d'enthousiasme théorique, l'ouvrier ne peut arriver d'un coup à l'anarchisme. Pour devenir vraiment anarchiste, et pas seulement de nom, il faut encore qu'il sente la solidarité qui l'unit à ses compagnons, qu'il apprenne à coopérer avec les autres pour défendre leurs intérêts communs et à comprendre, dans la lutte contre les patrons et le gouvernement qui est là pour les maintenir en place, que patrons et gouvernements sont des parasites inutiles et que les travailleurs pourraient mener eux-mêmes l'entreprise sociale. Ce n'est que quand il aura compris cela qu'il sera anarchiste, même s'il n'en prend pas le nom.

Par ailleurs, soutenir les organisations populaires de toute sorte est une conséquence logique de nos idées fondamentales et devrait donc faire partie intégrante de notre programme.

Un parti autoritaire dont le but est de s'emparer du pouvoir pour imposer ses idées est intéressé à ce que le peuple reste une masse amorphe, incapable de se débrouiller toute seule et, donc, toujours facile à dominer. En conséquence, il ne doit logiquement désirer que le peu d'organisation et le genre d'organisation qui l'intéressent pour arriver au pouvoir : organisation électorale s'il espère arriver au pouvoir par des moyens légaux, organisation militaire s'il compte, en revanche, sur une action violente.

Mais nous, anarchistes, nous voulons émanciper le peuple, nous voulons que le peuple s'émancipe. Nous ne croyons pas au bien qui serait fait d'en haut et imposé par la force ; nous voulons que la forme nouvelle de vie sociale naisse des entrailles du peuple, qu'elle corresponde au degré de développement atteint pas les hommes et puisse progresser à mesure que les hommes progressent. Ce qui nous importe, à nous, c'est que tous les intérêts et toutes les opinions trouvent dans une organisation consciente la possibilité de s'exprimer de façon valable et d'avoir sur la vie collective une influence en proportion de leur importance.

Nous nous sommes donné pour tâche de lutter contre l'organisation sociale actuelle et d'abattre les obstacles qui s'opposent à l'avènement d'une société nouvelle qui assure à tous la liberté et le bien-être. Pour atteindre ce but, nous nous sommes unis dans un parti et nous essayons d'être le plus nombreux et le plus forts qu'il est possible. Mais si, seul, était organisé notre parti ; si les travailleurs devaient rester isolés en autant d'éléments indifférents les uns envers les autres, unis seulement par la même chaîne ; si nous-mêmes, organisés avec les travailleurs en tant que travailleurs, nous n'arriverions à rien, ou nous pourrions tout au plus nous imposer... mais alors, ce ne serait pas le triomphe de l'anarchisme, ce serait le nôtre. Et nous aurions beau nous dire anarchistes, nous ne serions rien d'autre, en réalité, que de simples gouvernants, impuissants à faire le bien, comme tous les gouvernants...

L'Agitazione, 18 juin 1897

L'organisation, qui n'est autre que la pratique de la coopération et de la solidarité, est la condition naturelle et nécessaire, de la vie sociale ; elle est un fait inéluctable, qui s'impose à tous, dans la société humaine en général comme dans n'importe quel groupe de personnes qui ont en commun un but à atteindre.

L'homme ne veut et ne peut pas vivre isolé ; je dirais même qu'il ne peut être véritablement homme et satisfaire ses besoins matériels et moraux que dans la société, et en coopérant avec ses semblables : ceux qui ne disposent pas des moyens pour s'organiser librement avec ceux qui ont les mêmes intérêts et les mêmes sentiments, ou qui ne sont pas encore assez conscients pour le faire, ceux-là subissent fatalement l'organisation faite par les autres individus, généralement constitués en classe ou groupe dirigeant, dans le but d'exploiter à leur profit le travail d'autrui. L'oppression millénaire des masses par un petit nombre de privilégiés a toujours été la conséquence de l'incapacité du plus grand nombre à s'entendre et à s'organiser avec les autres travailleurs dans le domaine de la production, des loisirs, et pour se défendre au besoin contre qui voudrait les exploiter et les opprimer.

L'anarchisme est né pour remédier à cet état de choses...

Il Risveglio, 15 octobre 1927

Les bases d'une organisation anarchiste doivent être les suivantes, à mon avis : pleine autonomie, pleine indépendance et donc, pleine responsabilité des individus et des groupes ; libre accord entre ceux qui croient utile de s'unir pour coopérer dans un but commun ; devoir moral de tenir les engagements pris et de ne rien faire qui contredise le programme accepté. Ces bases étant posées, on adopte ensuite les formes pratiques et les rouages adéquats pour donner une vie réelle à l'organisation. D'où les groupes, les fédérations de groupes, les fédérations de fédérations, les réunions, les congrès, les comités chargés de la correspondance et autres. Mais tout cela doit se faire librement, de façon à ne pas entraver la pensée ni l'initiative de chacun, et dans le seul but d'augmenter la portée d'efforts qui, isolés, seraient impossibles ou de peu d'efficacité.

Ainsi, dans une organisation anarchiste, les congrès, bien qu'affligés en tant que corps représentatifs de toutes les imperfections que j'ai fait remarquer, sont exempts de tout autoritarisme parce qu'ils ne font pas la loi et n'imposent pas leurs propres décisions aux autres. Ils servent à maintenir et à intensifier les rapports personnels entre les compagnons les plus actifs ; à résumer et à susciter des études relevant de notre programme et concernant les voies et les moyens d'action ; à faire connaître à tous la situation des différentes régions et l'action qui est la plus urgente dans chacune d'entre elles ; à formuler les différentes opinions qui ont cours chez les anarchistes, et à en tirer une sorte de statistique - et leurs décisions ne sont pas des règles obligatoires mais des suggestions, des conseils, des propositions à soumettre à tous les intéressés, qui ne deviennent exécutoires que pour ceux qui les acceptent, et tant qu'ils les acceptent, et qui n'engagent qu'eux. Les différents organes administratifs qu'ils nomment - Commission de Correspondance, etc, etc. - n'ont aucun pouvoir de direction, ne prennent d'initiative que pour le compte de ceux qui sollicitent ces initiatives et les approuvent et n'ont pas autorité pour imposer leurs propres vues - qu'en tant que groupe de compagnons, ils peuvent naturellement défendre et propager, mais qu'ils ne peuvent pas présenter comme des opinions officielles de l'organisation. Ils publient les résolutions des congrès, les opinions et les propositions que les groupes et les individus leur communiquent ; et ils servent, pour qui veut s'en servir, à faciliter les relations entre les groupes et la coopération entre les groupes et la coopération entre ceux qui sont d'accord sur telle ou telle initiative : chacun est libre de se mettre directement en contact avec qui il veut, ou encore de se servir d'autres comités nommés par des groupements particuliers.

Dans une organisation anarchiste, chacun des membres peut professer toutes les opinions et utiliser toutes les tactiques qui ne contredisent pas les principes acceptés et ne nuisent pas à l'activité des autres. Dans tous les cas, telle ou telle organisation ne dure que tant que les raisons de s'unir sont plus fortes que les points de divergences ; sinon, elle se dissout pour laisser la place à d'autres groupements plus homogènes.

Certes, la durée, la permanence d'une organisation est une condition de réussite dans la longue lutte que nous devons soutenir et, par ailleurs, il est naturel que toute institution aspire, instinctivement, à durer indéfiniment. Mais la durée d'une organisation libertaire doit résulter des affinités spirituelles de ses membres et de sa faculté de s'adapter aux circonstances qui changent continuellement ; quand elle n'est plus capable d'accomplir une mission utile, il vaut mieux qu'elle meure.

Il Risveglio, 15 octobre 1927
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
Paul Anton
 
Messages: 3191
Inscription: Lundi 01 Nov 2004 16:19

Messagepar wiecha » Vendredi 16 Jan 2009 14:14

Salut,

Juste pour répondre à Nosotros, en attendant de lire les autres textes.

Effectivement à AC!, la "base " idéologique n'était pas très claire. Effectivement se débarasser de la bureaucratie est ce qui nous a lié avec d'autres collectifs. Mais bien au delà, nous avions en commun non pas une charte mais des principes actifs, et malgré les conflits je dois reconnaitre que nous les avons toujours, en majorité.

Mais je ne crois pas que des principes plus claires auraient résolu le problème, car c'est bien l'interprétation des principes qui est en cause, d'une part, et toute la latitude que peuvent donner, de toute façon ces principes.

Par exemple, pour reprendre l'exemple ci-dessus, si l'organisation Y est un syndicat de salariEes de l'ANPE, ce qui va poser problème c'est le regard porté sur ce que sont les agentEs de l'ANPE, et sur la nature du syndicat en question. Si l'organisation Y est une organisation de précaires qui défend le revenu garanti, ça va être le débat sur cette épineuse question.

Alors évidemment tu peux trancher toutes ces questions avec une "charte" très précise, très restrictive, mais dans ce cas et vu l'état actuel de la discussion et de la réflexion collective du mouvement "ouvrier" à mon avis tu te mets des barrières à la fois restrictives et inefficaces. Exemple type, tu vas dire " nous ne lierons pas avec des structures syndicales réformistes ". Et boum, tu vas réaliser sur le terrain, que la "coordination autonome des agentEs" regroupe en fait des bureaucrates syndicaux intelligents qui sont prêts à défendre même l'organisation en réseau, et de l'autre avec des syndicats de base composés de travailleurs sincères qui essaient de contrer leur bureaucratie. Et à laquelle celle-ci oppose un texte de la "coordination " qui prévoir une manif avec appel large dans deux mois pour contrer une grève locale dans un.

Et, donc il est à mon sens extrêmement difficile de définir une "charte" dans une période aussi mouvante que la nôtre. Et de l'autre, si tu fais plus large, la structure en réseau est souvent une forme d'évitement des conflits et donc de la réflexion, elle va de pair avec la culture du consensus, c'est par exemple le cas dans RESF.

Tu vas avoir des collectifs locaux qui vont développer une stratégie, qui, encore une fois influe forcément sur les autres, mais la critique dure le "vous ne pouvez pas faire ça sans en discuter, ça nous implique tous" est alors dénoncé et perçu comme une forme d'autoritarisme, alors que l'autoritarisme consiste aussi à ne pas tenir compte des effets de ses actions sur ses compagnons.

En fait quand tu me dis, "pas de site national ", pas de "journal national ", en un sens ça me parait propre à éviter un tas de conflits épuisants et stériles mais de l'autre, il me semble que c'est aussi une forme d'évitement des confrontations qui pour en être douloureuses ne sont pas moins nécessaires pour faire avancer le mouvement dans son ensemble, que celui-ci se matérialise ou non par l'existence d'outils communs d'expression, dans lesquels il faut bien à un moment ou à un autre confronter les points de vue.

L'histoire récente de toutes les structures du mouvement social qui se sont organiséEs en réseau, d'AC! à RESF montre une chose: cela favorise généralement un consensus sur le "plus petit dénominateur commun " et le donc le moins porteur et le moins rupturiste. Du côté AC!, le fait est par exemple que nous n'avons finalement pas progressé sur la réflexion au niveau global et que nous en sommes restés à un consensus qui ne nous permet plus d'avancer: l'autodéfense sociale, la solidarité au moins formelle contre la répression, l'animation des forums du site, par ailleurs extrêmement vivants. Pour le reste de fait, chacun a fini par choisir d'avancer dans son coin , de faire ses propres outils....Le fonctionnement en réseau est "préservé " mais comme un "faute de mieux" et dès qu'il s'agit d'aller plus loin, les conflits non résolus, non élucidés reviennent immédiatement sur le tapis, en masse et bloquent la construction commune. Et bien évidemment dans ce contexte, les nouveaux collectifs qui contactent le réseau se retrouvent confrontéEs à un réseau....qui n'a pas grand chose à leur proposer alors qu'un besoin d'agir de manière coordonnée et très large se fait sentir.

Et si certains éléments ne concernent peut-être pas le type de réseau que vous voulez créer, plus idéologique, je ne crois pas que la plupart de ces mécanismes soient spécifiques.
wiecha
 
Messages: 623
Inscription: Lundi 03 Déc 2007 23:56

Messagepar zebulon » Vendredi 16 Jan 2009 14:54

diogène a écrit:
Le fédéralisme libertaire est la plus haute expression de l’autonomie et le réseau libertaire est la plus haute pratique du fédéralisme.
Et ce d'ailleurs même avec une orga qui a beaucoup d'adhérents.
Le réseau libertaire est la plus haute pratique du fédéralisme libertaire en orga.

De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoin !
_________________
La liberté des uns se conjugue AVEC celle des autres
Avatar de l’utilisateur
zebulon
 
Messages: 798
Inscription: Mardi 17 Oct 2006 22:19

Messagepar lucien » Samedi 24 Jan 2009 12:16

zebulon a écrit:
diogène a écrit:
Le fédéralisme libertaire est la plus haute expression de l’autonomie et le réseau libertaire est la plus haute pratique du fédéralisme.
Et ce d'ailleurs même avec une orga qui a beaucoup d'adhérents.
Le réseau libertaire est la plus haute pratique du fédéralisme libertaire en orga.

De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoin !
Ta dernière phrase n'est-elle pas trop réductrice quand tu l'appliques à une organisation révolutionnaire ?
Le monde ne se compose pas d'anges révolutionnaires, de travailleurs généreux d'une part, de diables réactionnaires et de capitalistes cupides de l'autre.
Avatar de l’utilisateur
lucien
 
Messages: 3012
Inscription: Dimanche 31 Oct 2004 15:32
Localisation: Caen

Messagepar zebulon » Mardi 27 Jan 2009 9:08

lucien a écrit:Ta dernière phrase n'est-elle pas trop réductrice quand tu l'appliques à une organisation révolutionnaire ?
Perso non je ne pense pas.


Je pense que même pour une orga avec un nombre important d'adhérents, le principe du réseau reste le meilleur mode d'organisation.

Il faut être vigilant quant à la pensée exclusive et excluante (pensée binaire): ce n'est pas parce que je pense réseau que j'annihile toute les autres formes d'organisation. Je donne juste ma préférence. Je ne combats pas systématiquement toutes les formes d'organisations. J'en combats certaines. Les autres vivent leur vie. C'est ce qui crée de la diversité, de la complémentarité donc c'est ce qui accroît notre rapport de force.

Un exemple : je lutte avec la cnt-AIT, mais je conçois tout à fait la lutte de compagnons révolutionnaires qui luttent individuellement pour La Sociale.

Cependant toutes les formes d'organisation doivent pouvoir en permanence être remise en question autant dans leur globalité, si nécessaire, que partiellement. Dans un milieu révolutionnaire vivant, la critique, et aussi l'auto-critique bien sûr, doivent être permanentes.
La critique constructive doit être encouragée et stimulée. C'est ce qui fait avancer le schmilblick comme dirait l'autre, et c'est aussi ce qui permet de lutter contre le phénomène de sclérose et de fétichisme derrière lequel se planquent quelques "militants qui génèrent de l'inertie".

J'entends par "militants qui génèrent de l'inertie", ceux qui parmi les militants ne respectent pas le principe communiste libertaire : "De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins" :
Ce principe s'applique aussi au militantisme. En effet que ceux qui militent plus ne viennent pas reprocher à ceux qui militent moins d'être des fainéants. Mais que ceux qui militent moins ne viennent pas freiner des deux pieds, sans aucune force de proposition ni aucune critique constructive, l'action de ceux qui militent plus. Or les militants qui génèrent de l'inertie sont ceux qui justement freinent des deux pieds l'action de leur "compagnons" avec un mépris destructeur, sans aune action ni critique constructives, et qui de plus se cachent derrière la gesticulation fétichiste et bureaucratique. Ils sont pour cela facilement reconnaissables...

A bon entendeur !





________________________________
La susceptibilité n'a rien à faire en milieu révolutionnaire
Avatar de l’utilisateur
zebulon
 
Messages: 798
Inscription: Mardi 17 Oct 2006 22:19

Messagepar NOSOTROS » Mardi 27 Jan 2009 16:32

Il faut être vigilant quant à la pensée exclusive et excluante (pensée binaire): ce n'est pas parce que je pense réseau que j'annihile toute les autres formes d'organisation.


Exact !

Il faut aborder la réalité de façon "mouvante", non figée, dynamique. A mon sens ce qui a fait exploser le marxisme, c'est qu'il concevait un mode d'organisation figé, définit une fois pour toute. Elle ne pouvait qu'exploser, fatalement, du fait que les sociétés humaines ne sont pas reductibles à des fonctionnements mathématiques ou mécanistes "parfaits". Si on ne tient pas compte de la sensibilité aux conditions initiales (comme dirait les théoriciens du chaos) alors le système qui au départ pouvait donner l'illusion va dériver vers une barbarie sans nom.

Après quel est l'intérêt du réseau sur le fonctionnement "statutaire" tel que défini aujourd'hui par les Chartes et autres textes sacrés de la CNT AIT : le réseau contient en lui ces modes d'organisations (comme le faisait d'aillerus remarquer JP). Mais l'inverse n'est pas vrai. En ce sens, le réseau obtient ma préférence car il permet de passer d'un mode à l'autre (plus grande adaptabilité et donc dans une situation donnée permet le choix - donc la liberté - de configuration qui semble la mieux adaptée). Alors que dans le système actuel il n'y a pas d'alternative : c'est ça ... ou rien. (d'où le fait que toute proposition autre soit qualifiée de tentative de destruction. le réseau est au contraire une solution de sortie par le haut du du blocage organique actuel constaté par TOUS !)

D'un point de vue stratégique, c'est comme la différence d'approche entre le Front et le Biais (cf. François Jullien : stratégie comparée du sens en Chine et en grèce antique). Le front est compris dans le biais (c'est un biais de biais), le biais permet donc une plus grande liberté d'approche stratégique. De plus le biais permet l'esquive, c'est à dire de sauver ses forces, alors que l'attaque frontale ne connait que deux issues : la victoire totale (et l'anéantissement de l'adversaire) ou bien son propre anéantissement (qu'on pense au choc des phalanges grecques). Quand on est dans une situation de rapport de force défavorable, le biais est donc préférable ... (principe de la guerre asymétrique).

Toutes ces choses là ne sont pas nouvelles et ont été largement développées par les révolutionnaires, les anarchistes et les anarchosyndicalistes dans les 150 dernières années (on peut par exemple relire les mémoires de makhno, des livres sur la révolution Mexicaine et notamment les frères Magon, quelques bouquins sur la patagonie rebelle, ou des livres sur la période pré révolutionnaire en espagne, ou même sur la CGT première manière).

Et si justement le problème venait du fait que le mouvement librertaire a "oublié" toute sa culture stratégique, au profit d'une approche plus "folklorique", l'anarchisme étant vécu comme une démarche plus artistique (and life styliste diraient nos amis anglais) ?
Capitalismo delenda est
NOSOTROS
 
Messages: 3774
Inscription: Jeudi 18 Oct 2007 1:15

Messagepar lucien » Vendredi 30 Jan 2009 10:02

De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoin !
zebulon, il ne faudrait pas non plus considérer la CNT-AIT comme un supermarché où l'on n'y prend que ce qui nous intéresse. En tant qu'organisation révolutionnaire, elle ne peut se construire sur des rapports aussi simplistes. L'AIT a été construite afin de créer une solidarité entre des associations libres de travailleurs leur permettant de résister à la répression. Ce que nous souhaitons a priori tous, c'est une CNT-AIT forte dans le plus d'endroits possibles et tes propos donnent du grain à moudre à tes adversaires, qui s'inquiètent d'absence de solidarité dans ce projet : c'est pour cela que je t'interroge sur le manque de solidité de ton propos (je te remercie pour le compliment sur mes idées binaires). Crois-tu réellement qu'en cas de forte répression, une organisation basée sur le simple "de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoin" a la moindre chance de survie ? Les spécialistes es-réseau nous répondront que, justement, la répression est plus difficile lorsqu'elle doit s'attaquer individuellement à chaque entité du réseau, ce qui est vrai et c'est justement pour cela que nous ne souhaitons pas oppose réseau et fédéralisme. Personne ne rejette d'autres formes d'organisation et c'est toi qui fétichise le réseau, pour lequel tu as d'ailleurs une vision bien personnelle. Par ailleurs, envisages-tu ce même principe pour l'AIT et, finalement, si tu pouvais te passer de l'AIT le ferais-tu ?

Nosostros, on ne peut se plaindre d'un blocage organique quand on ne s'y investit que partiellement. Ton paragraphe sur la stratégie ne me fait ni chaud, ni froid, du moins ne me convaint pas... je te souhaite, en prenant de biais, de ne pas te retrouver dans le fossé.

Vous vous engouffrez dans le faux débat que vous tend vos adversaires... Fins stratèges ?
Le monde ne se compose pas d'anges révolutionnaires, de travailleurs généreux d'une part, de diables réactionnaires et de capitalistes cupides de l'autre.
Avatar de l’utilisateur
lucien
 
Messages: 3012
Inscription: Dimanche 31 Oct 2004 15:32
Localisation: Caen

Messagepar lucien » Vendredi 30 Jan 2009 10:26

Nosostros, je voulais aussi ajouter que je ne me considérais pas, contrairement à toi, dans un rapport de force défavorable... Décidément...
Le monde ne se compose pas d'anges révolutionnaires, de travailleurs généreux d'une part, de diables réactionnaires et de capitalistes cupides de l'autre.
Avatar de l’utilisateur
lucien
 
Messages: 3012
Inscription: Dimanche 31 Oct 2004 15:32
Localisation: Caen

Messagepar NOSOTROS » Vendredi 30 Jan 2009 12:51

? Je ne vois pas à quoi tu fais référence dans ton dernier commentaire ?

Par ailleurs comment faut il le comprendre : tu ne te considères pas dans un rapport de force, ou bien tu te considères dans un rapport de force et celui ci n'est pas défavorable ?

Ceci dit, deux points :

Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un faux débat. Car je crois qu'il s'agit précisément du débat sur le mode d'organisation que nous voulons, quels types de rapports entre les structures, etc ... Je crois qu'il y a ici en jeu l'opposition entre deux approches qui sont difficilement réconciliables (centralisme contre - justement - fédéralisme.) (Que ça te gonfle qu'elles apparaissent publiquement ici, je peux le comprendre.)

Après pour tempérer ce que j'ai dit, effectivement, il y a des auteurs très critiques de la pensée de Jullien (ce forum s'en est déjà fait l'écho), faisant remarquer que les Grecs aussi pratiquaient la stratégie indirecte et la guerre asymétrique, sous le nom de mètis. (qui en Grec veut dire ruse et ... Conseil ! :-) mais là je m'amuse à voir ce que je veux y voir, je m'égare donc :-) ) Qu'on pense à Ulysse et au Cyclope ...).

Cependant je crois vraiment qu'il y a de la part des pyramidaux chez nous une incapacité conceptuelle à penser l'asymétrique, le biais ... et donc le fédéralisme.

Car
De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoin !
,

la bonne vielle déclaration de l'AIT (première manière), c'est une affirmation de l'asymétrie, corrigée par le fédéralisme !

et dire

En tant qu'organisation révolutionnaire, elle ne peut se construire sur des rapports aussi simplistes.


C'est à mon avis passer à côté de la force, certes simple mais pas simplissiste, de cet énoncé.

Après les principes les plus simples sont parois très complexes à mettre en oeuvre. La preuve ...

il ne faudrait pas non plus considérer la CNT-AIT comme un supermarché où l'on n'y prend que ce qui nous intéresse


Si tu permets, je pense que tu fais une interprétation erroné de ce principe fondateur de l'AIT (première période, c'est pour dire ...). Car ce principe pose en premier le fait de donner et non de prendre. Or précisément, le problème qui nous préoccupe aujourd'hui, c'est que certains aimeraient bien prendre sans jamais donner... Le réseau est une structure dynamique, ce qui implique qu'il y ait une dynamique d'échange. Elle est alimentée par ce que les gens y donnent, et en l'absence de ce don, le réseau s'arrête. C'est précisément ce qui fait "peur" à nombre de personnes au sein de l'AIT : qu'en l'absence de participation effective à la vie de l'organisation (autrement que par un parasitage bureaucratique), leur "légitimité" soit remise en question ... Il n'est pas de sauveur suprême, ni dieu ni césar ni tribun ...
Dernière édition par NOSOTROS le Vendredi 30 Jan 2009 13:15, édité 1 fois.
Capitalismo delenda est
NOSOTROS
 
Messages: 3774
Inscription: Jeudi 18 Oct 2007 1:15

Messagepar NOSOTROS » Vendredi 30 Jan 2009 13:07

Pour illustrer ce que je viens de dire sur les conceptions qui s'opposent et la métis, j'ai été jetté un coup d'oeil sur Wikipédia. L'entrée est bien faite.

http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A8tis ... ce_antique)

Or que lis je :

Platon condamne la Mètis, car ses expressions semblent toutes aux antipodes des vertus que la Cité des Lois exige de ses citoyens.


Tiens, tu ne retrouve pas là l'appel au respect des statuts que nous pontifient les pyramidaux ?

Mais peut être vas tu me trouver un peu trop ... Cynique (précisément et étymologiquement ...) ;-)

Dans les précurseurs, Diogène (tiens tiens) me semble plus "affilié" à l'Anarchisme que Platon ... (la République ...)
Capitalismo delenda est
NOSOTROS
 
Messages: 3774
Inscription: Jeudi 18 Oct 2007 1:15

Messagepar miguelito » Vendredi 30 Jan 2009 17:43

Si je puis me permettre d'intervenir dans ce débat "interne", quand je lis ceci :

le réseau, c’est le développement en concurrence les uns des autres. On ne fonctionne qu’avec ceux avec qui l’on s’entend le mieux, ou qui ne disent rien parce qu’ils n’ont pas les moyens de fonctionner en autarcie.


Voilà tout ce qui me dégoute dans le militantisme et plus généralement chez ceux qui défendent la société idéale : forcer la solidarité, c'est-à-dire nier les conflits et l'origine de ceux-ci. On ne mettra jamais tout le monde d'accord. Il y a des façons de voir le monde différentes, irréductibles et le jeu entre ces différentes idées.
Nier cela c'est se masquer les yeux.
miguelito
 
Messages: 510
Inscription: Mercredi 08 Mar 2006 13:54

Messagepar NOSOTROS » Vendredi 30 Jan 2009 18:08

oui.

Sauf que ça c'est pas le militantisme, mais l'aliénation ...

C'est une vision enfermante de la société, contraignante, là où justement il nous faudrait au contraire avoir une approche "dépliée", ouverte, basée sur la liberté. (j'ai essayé d'exprimer ça ailleurs sur le forum :

Le réseau fédéral, en privilégiant les initiatives de la base, ne connait pas ce type d'exclusion ! En effet, ici les syndicats ne sont pas placés devant l'alternative fermée "vous etes avec la confédération ou vous etes en dehors", mais plutot dans une position d'invitation ouverte à participer. Vous pouvez accepter, ou vous pouvez décliner poliment (ou pas) l'invitation du syndicat, en expliquant les motivations politiques du refus si besoin. Mais ce refus ne place pas de fait le syndicat dans une position d'opposition, mais plutôt de critique constructive. Et cette critique ne fragilise pas l'ensemble de la confédération, puisque son identité globale n'est pas en jeu pour des points mineurs.

De plus comme il n'y a pas d'enjeu de faire des coalitions pour obtenir une majorité, chacun est plus libre de faire et de dire ce qu'il pense réellement. On évite les compromis batards, écoles de tous les politiciens en puissance.


Les désaccords sont donc vu ici comme aussi des éléments moteurs (au même titre que les accords) et non comme des éléments forcément destructeurs. Il n'y a pas de leadership à prendre ...
)

Le militantisme mène t il irrémédiablement, par une sorte de pente naturelle, vers cette aliénation ?

Autre sujet, qu'on peut aborder spécifiquement ... (et sur lesquel on ne se mettra pas tous d'accord ... justement ...)
Capitalismo delenda est
NOSOTROS
 
Messages: 3774
Inscription: Jeudi 18 Oct 2007 1:15

Messagepar zebulon » Vendredi 30 Jan 2009 20:21

lucien a écrit:
De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoin !
zebulon, il ne faudrait pas non plus considérer la CNT-AIT comme un supermarché où l'on n'y prend que ce qui nous intéresse. En tant qu'organisation révolutionnaire, elle ne peut se construire sur des rapports aussi simplistes. L'AIT a été construite afin de créer une solidarité entre des associations libres de travailleurs leur permettant de résister à la répression. Ce que nous souhaitons a priori tous, c'est une CNT-AIT forte dans le plus d'endroits possibles et tes propos donnent du grain à moudre à tes adversaires, qui s'inquiètent d'absence de solidarité dans ce projet : c'est pour cela que je t'interroge sur le manque de solidité de ton propos (je te remercie pour le compliment sur mes idées binaires). Crois-tu réellement qu'en cas de forte répression, une organisation basée sur le simple "de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoin" a la moindre chance de survie ? Les spécialistes es-réseau nous répondront que, justement, la répression est plus difficile lorsqu'elle doit s'attaquer individuellement à chaque entité du réseau, ce qui est vrai et c'est justement pour cela que nous ne souhaitons pas oppose réseau et fédéralisme. Personne ne rejette d'autres formes d'organisation et c'est toi qui fétichise le réseau, pour lequel tu as d'ailleurs une vision bien personnelle. Par ailleurs, envisages-tu ce même principe pour l'AIT et, finalement, si tu pouvais te passer de l'AIT le ferais-tu ?

Nosostros, on ne peut se plaindre d'un blocage organique quand on ne s'y investit que partiellement. Ton paragraphe sur la stratégie ne me fait ni chaud, ni froid, du moins ne me convaint pas... je te souhaite, en prenant de biais, de ne pas te retrouver dans le fossé.

Vous vous engouffrez dans le faux débat que vous tend vos adversaires... Fins stratèges ?


Lucien il y a beaucoup d'incompréhensions là.
Il est vrai que je ne suis pas toujours très claire avec une syntaxe souvent approximative.


Voici quelques réponses :


Tu me fais dire ce que je n'ai jamais dit :
Crois-tu réellement qu'en cas de forte répression, une organisation basée sur le simple "de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoin" a la moindre chance de survie ?
Je n'ai pas écrit ça, mais tu l'as cru...
(Peut-être penses-tu que la simplicité est l'expression du simplisme. C'est un débat très intéressant. Je pense que ce n'est pas le cas. Quand j'aurai plus le temps je m'exprimerai sur ce sujet.)



L'AIT a été construite afin de créer une solidarité entre des associations libres de travailleurs leur permettant de résister à la répression. Ce que nous souhaitons a priori tous, c'est une CNT-AIT forte dans le plus d'endroits possibles et tes propos donnent du grain à moudre à tes adversaires, qui s'inquiètent d'absence de solidarité dans ce projet : c'est pour cela que je t'interroge sur le manque de solidité de ton propos.

Pour moi l'idée "De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins" matérialise justement et parfaitement le concept de solidarité. Je suis très surpris que tu y vois le contraire. Un petit groupe qui subit la répression pourra bénéficier de l'action solidaire des autres groupes du réseau. Il n'y a absolument aucune contradiction.



je te remercie pour le compliment sur mes idées binaires)
Tu te méprends, je ne parlais pas de ton propos mais j'expliquais le mien... Je t'expliquais justement, à ta demande, que l'exclusif et l'excluant c'est du simplisme, et que mon propos sur le mode d'organisation en réseau ne se voulait ni exclusif ni excluant.
Il ne s'agissait donc pas d'un commentaire sur ton propos. Même si c'est ce que j'avais voulu dire, ça ne justifierait pas une irritabilité comme celle que tu laisses transparaître aujourd'hui.



c'est toi qui fétichise le réseau
Pour les mêmes raisons que ci-dessus je ne comprends pas que tu puisses dire ça...



pour lequel tu as d'ailleurs une vision bien personnelle.

Est-ce autorisée d'avoir des visions bien personnelles ?
Est-ce que je mérite le goulag ou la balle dans la nuque ? :)
Mais d'ailleurs quelle est cette vision si personnelle à laquelle tu fais allusion?
Je suis vraiment intéressé par ta réponse.



nous ne souhaitons pas oppose réseau et fédéralisme.

Oui.
Dis moi où aurais-je fait l'énormité d'écrire que réseau et fédéralisme s'opposaient ??
Ce serait l'erreur de l'année et se serait trahir le fédéralisme que de prétendre qu'en tant que partisan du réseau celui-ci s'oppose au fédéralisme. J'ai même dit que pour moi c'est " le réseau qui est la plus grande expression du fédéralisme". Que veux-tu de plus ?
Je n'exclue pas ni ne fétichise là, puisque je prends grand soin de préciser que c'est strictement personnel, et d'en remettre un couche bien explicitée en précisant aussi que cet avis n'est ...ni excluant ni exclusif !
Quoi de plus claire pour le coup ???



Sans rancune Lucien !

_________________________________
La susceptibilité n'a rien à faire en milieu révolutionnaire.

Solidairement
Avatar de l’utilisateur
zebulon
 
Messages: 798
Inscription: Mardi 17 Oct 2006 22:19

Messagepar zebulon » Vendredi 30 Jan 2009 20:28

lucien a écrit:Vous vous engouffrez dans le faux débat que vous tend vos adversaires...
Absolument pas.
Mais les aberrations méritent d'être relevées voilà tout.
Avatar de l’utilisateur
zebulon
 
Messages: 798
Inscription: Mardi 17 Oct 2006 22:19

Messagepar NOSOTROS » Vendredi 30 Jan 2009 21:56

tes adversaires, qui s'inquiètent d'absence de solidarité dans ce projet


Bof ...

"ses" ou "mes" adversaires peuvent bien dire ce qu'ils veulent, voire même faire semblant de "s'inquiéter", les faits parlent d'eux mêmes. Il est facile de voir à l'AIT qui EST solidiaire ... et qui ne l'est PAS ... Les exemples abondent.

Personne ne rejette d'autres formes d'organisation


Je ne voudrai pas parler pour eux, mais il me semble avoir compris que - ici, parmi ceux qui participent à la discusssion - JP ou Guillermo rejettent la forme d'organisation que nous essayons de développer. Ou je n'ai pas compris ?

Crois-tu réellement qu'en cas de forte répression, une organisation basée sur le simple "de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoin" a la moindre chance de survie ?


Je ne comprends pas ce que tu veux dire ? Qu'est ce que le fait d'être dans un cas de forte répression change ?

Si tu es dans une situation critique (à un point tel que ta survie est en jeu), comment peux tu faire plus que en fonction de tes moyens ?

Pour moi, "de chacun selon ses capacités" cela veut dire que - dans une situation donné - tu fais au MAXIMUM de tes capacités. Tu donnes tout ce que tu peux. Donc si il y a des copains qui ont besoin d'une solidarité, "de chacun selon ses capacités" veut dire qu'on doit faire tout ce qu'il est en notre pouvoir pour les aider, en fonction de leur besoin (pas la peine non plus d'en faire plus).

C'est cette souplesse que permet en effet le réseau fédéral : tu doses en fonction de l'effort nécessaire, mais pour rester autant que faire ce peut dans un ratio énergie investie / efficacité par rapport à l'objectif au meilleur possible. (avec en plus le fait que le réseau fédéral permet des synergies qui démultiplie l'effort produit). Ce qui n'est pas le cas dans un fonctionnement pyramidal où tu définis, une fois pour toute, le modèle d'affiche que tout le monde devra coller impérativement dans les deux années à venir, et ce quelque soit la conjoncture politique et sociale ...
Capitalismo delenda est
NOSOTROS
 
Messages: 3774
Inscription: Jeudi 18 Oct 2007 1:15

Messagepar soleilnoir » Samedi 31 Jan 2009 19:58

bloedverwant a écrit:Une discussion vivante :D

Pour y ajouter mes reflections:
Je veux pas y parler au nom de toute CNT Lille, mais je pense que nous, nous nous inscrivons dans le strategie réseau, plus que dans le strategie centralisé.


rien à redire ;-)
No future? Future is now!
Avatar de l’utilisateur
soleilnoir
 
Messages: 433
Inscription: Dimanche 14 Mai 2006 9:08
Localisation: Dans le Human District....

Messagepar lucien » Dimanche 01 Fév 2009 22:29

Pas le temps ce soir mais je vous réponds bien vite.
Tchô.
Le monde ne se compose pas d'anges révolutionnaires, de travailleurs généreux d'une part, de diables réactionnaires et de capitalistes cupides de l'autre.
Avatar de l’utilisateur
lucien
 
Messages: 3012
Inscription: Dimanche 31 Oct 2004 15:32
Localisation: Caen

PrécédenteSuivante

Retourner vers Discussions diverses