On peut dire que nous rentrons dans l’aspect le plus délicat de la problématique :
Pour l’Espagne, je pense que les anarchistes, lorsque ces derniers accomplirent la révolution, prirent conscience du
devenir même de la révolution porté par l’échec du coup d’état des fascistes, soucieux d’éliminer le mouvement révolutionnaire (voir l’interview de Fédérica Montseny accordée en 1982).
Je rappelle également que c’est un pays, dont l’économie fut complètement sous perfusion, régulée par
le capital financier, (voir l’ultra-impérialisme et la polémique entre Lénine-Kautsky), ayant du même coup raté son décollage industriel lors du XIX siècle. Ces foyers industriels furent la Catalogne et les Asturies. Bref, on est loin du développement continuel des forces productives si chère à ce bon vieux Marx, d’où la limite et l’erreur de l’analyse marxiste, sans escompter qu’une bonne partie de la population essuie le post-féodalisme (des éléments résiduels se mêlant au capitalisme).
D’autre part, le triomphe de la réaction atteint
une amplitude planétaire à cette époque :
Le mouvement anarchiste argentin subit de plein fouet la répression. Le général Uriburu s’empara du pouvoir le 6 septembre 1930, en destituant le gouvernement d’Irigoyen. Le nouveau régime procéda à de nombreuses expulsions d’anarchistes, en vertu de « la loi de résidence. Ainsi, 12 000 prisonniers politiques furent dénombrés et la FORA devint une organisation fantôme. En Uruguay, on assiste à une tentative de réorganisation du mouvement syndical, autour de l’initiative « bloc d’unité ouvrière » ; dès 1927, le mouvement anarchiste (plus exactement anarcho-syndicaliste) regroupant la FORU et l’USU eut de plus en plus de mal à résister aux coups de butoir du pouvoir bourgeois, s’effaçant au profit de l’anarchisme « expropriateur » qui comptait dans son rang, en autre, Roscigna ; ce dernier fut exécuté en 1937.
Les membres actifs de la FAUD se retrouvèrent contraints de quitter l’Allemagne (je conseille de lire la brochure « la résistance anarcho-syndicaliste allemande au nazisme », notamment au sujet des réseaux de la FAUD et les liens tissés avec les conseillistes de hollande) pour éviter les travaux forcés dans les camps. En Italie les anarchistes se divisèrent sur la question du « front unique » anti-fasciste, celui-ci sous-entendant trois choix (le non-choix n’existe pas) :
S’allier avec les antimonarchistes : républicains, socialistes et communistes, en dynamisant par exemple le mouvement : « Giustizia e liberta » ; celui-ci se créa en octobre 1929 à l’initiative de Rosselli, de lussu et de Nitti. Ce qui revient à dire, que la lutte de classe s’efface au profit de la lutte humaine, selon l’expression usitée par Fabbri ; cette position fut défendue par Molaschi.
Quant à Fabbri et Malatesta, ils défendirent une position médiane : « l’alliance se conçoit mais elle ne doit pas nous détourner du but à atteindre » ; lors d’un meeting à Ancône, Malatesta affirma que les conditions optimales, débouchant sur la révolution se présentaient du fait de l’occasion de la situation, et qu’ils ne fallaient surtout pas les rater.
La dernière position, dont le tenant était Schicci, incita au rejet de toute conclusion d’alliance (même conjoncturelle).
A mon avis, il est important de démêler ce qui est
« particulier » ou
« général » dans chaque situation historique et de soumettre à notre jugement tous les aspects : théorique, idéologique, tactique, stratégique..., concernant celles-ci, pour en dégager tant une analyse qu’une praxis, ainsi que toutes les conséquences des choix politiques.
Appliquer à la situation espagnole, en tenant compte précisément, du contexte national et international : la défaite du prolétariat lors des années 1920-30, l’ascension des fascismes, la radicalisation de la bourgeoisie, les échecs des fronts populaires, etc.
On en déduit que, bien qu’ils (les anarcho-syndicalistes) furent très puissants ; il n’en resta pas moins, que toute une partie du prolétariat était encore sous l’influence de la sociale-démocratie : le PSOE, le PCF, l’UGT, les basques, les catalanistes…, marquant d’emblée des divergences dans le « front anti-fasciste ». En effet, fallait-il tenir compte de cela et un
« minima » ou
« un maxima » des alliances ? La CNT d’Espagne, forte de son poids, devait-elle éliminer ces composantes, ce qui aurait abouti à
la dictature anarcho-syndicaliste / anarchiste et à la négation des principes libertaires (éthique=surmoi...) ?
En la matière,
si l’idéologie se confronte au socio-logique, et par là ne peut s’affranchir des réalités objectives, des rapports de force, des contradictions du contexte...d’où les difficultés et
les disjonctions discursives (voir article « retour sur le possibilisme marxiste et anarchiste »). Il faut donc partir de la réalité pour aller au devenir fixé par son idéologie,
puisque celle-ci se mue socialement et non pas du fait de sa seule existence. Toutefois, l’idéologie reste heureusement un élément normatif puissant. De la sorte, la CNT d’Espagne ne voulut pas de la dictature anarchiste ; elle ne sombra donc pas dans le fiasco tragique et historique du bolchevisme. Cela de nos jours, nous permet de présenter l’espoir de l’anarcho-syndicalisme et du communisme libertaire comme
devenir possible (ou un autre futur).
Pour en revenir au refus de la sclérose idéologique, il y a longtemps que la CNT-AIT a mise en pratique ce point de vue. Actuellement, au niveau de la CNT-AIT, des militants venus d’horizons variés (anarchiste, autonome, conseilliste, situationniste) cohabitent très bien ; ce qui a sans doute forgé les positions actuelles de la CNT-AIT (voir liste CAS, les suppléments régionaux de Normandie-Bretagne, Gard, CS midi pyrénéen, national, site Internet Gard, Paris). Il me parait donc, que les critiques émanant de certains situationnistes ne sont pas valides envers la CNT-AIT, car cette dernière a intégré ces critiques. Je partage avec toi sur ce point la même analyse. Je constate aussi que tu fais référence au concept de
néo-réformisme. Je vois que tu parcours nos écrits ; d’ailleurs qu’en penses-tu ? J’invite nos internautes à en faire de même. Ton intervention est judicieuse et honnête, ce qui ne peut rendre que le dialogue fécond.
Au sujet de la Hongrie : les anarchistes rentrèrent au PC en décembre 1918, il s’agit en autre de Lukacs, Szamuelly et Corvin. Une minorité oppositionnelle se dégagea néanmoins en fondant l’union anarchiste autonome. IL est vrai que beaucoup de marxistes furent en rupture avec leur idéologie: l
e conseillisme marxiste anti-autoritaire, le luxembourgisme..., d’où la confusion.
Au sujet des bras armés... : OPR33, cela rentre, à mon avis dans le cadre
d’un débat sur la violence prolétarienne : violence « de masse » ou violence « de bras armés » (avant-garde formelle - informelle).
Sinon voir articles Jean Picard:
LES NEO-REFORMISTES, ETERNELS DEFENSEURS DES INSTITUTIONS
LES DIX POMPES A FINANCES DES CONFEDERATIONS SYNDICALES
LE REFORMISME EST L’ALLIE DU CAPITALISME
Voir dossier anti-confusion
REFLEXIONS MILITANTES
Voir dossiers
sur http://cnt-ait.info
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"