L'inscription corporelle de l'esprit.

Mille-feuilles à tendance séditieuse.

Messagepar Léa » Jeudi 18 Jan 2007 2:22

tomatok a écrit:forum de caen : l'endroit où je suis sur de pas comprendre un topic sur 2 ! :lol:
T'as de la chance toi, t'es à 50%, moi j'en suis à 1/3 :lol: enfin faut pas faire de tels calculs sinon on va se faire engueuler, par certains membres, que nous avons une manière économiste d'afficher le ratio de notre incompréhension/compréhension :lol: :wink:
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Messagepar tomatok » Jeudi 18 Jan 2007 13:25

:lol: n'importe quoi ! :lol:
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Messagepar Electron libre » Vendredi 19 Jan 2007 0:19

Miguelito a écrit:J'ai pas tout pigé sur la notion de représentation. Il faudra que j'y retourne.


L'idée d'un monde pourvu de traits préétablis ou d'une information toute faite semble impossible à remettre en cause sans tomber dans une forme de subjectivisme, d'idéalisme ou de nihilisme. Ce sentiment surgit dès que nous sentons que nous ne pouvons plus nous fier au monde comme à un point de référence fixe et stable.

Cette angoisse que Descartes a mise en scène dans ses Méditations s'exprime sous la forme d'un dilemme: soit notre connaissance possède un fondement fixe et stable, un point d'où elle part, où elle s'établit et repose, soit nous ne pouvons échapper à une sorte d'obscurité, de chaos et de confusion.

Ou bien il y a un sol ou fondement absolu, ou bien tout s'écroule.

Un passage de la Critique de la raison pure de Kant exprime l'impact de cette angoisse cartésienne. Tout au long de la Critique, Kant construit l'édifice de sa théorie de la connaissance en affirmant que nous avons des catégories innées, a priori ou données, qui sont les fondements de la connaissance. Vers la fin de son argumentation

Kant a écrit:Jusqu'ici nous n'avons pas seulement parcouru le pays de l'entendement pur [les catégories a priori] en en examinant chaque partie avec soin, nous l'avons aussi mesuré et nous avons assigné à chaque chose en ce domaine sa place. Mais ce pays est une île que la nature elle-même a renfermée dans des bornes immuables. C'est le pays de la vérité (mot séduisant), enfermé d'un vaste et orageux océan, empire de l'illusion, où maint brouillard, maints bancs de glace en fusion présentent l'image trompeuse de pays nouveaux, attirent le navigateur parti à la découverte, l'entraînant en des aventures auxquelles il ne pourra plus s'arracher, mais dont il n'atteindra jamais le but.


Ainsi, la vérité règne dans un pays enchanté où tout est clair et, en dernière instance, fondé. Mais au-delà de cette petite île rugit le vaste et tumultueux océan de l'oscurité et de la confusion, le foyer de l'illusion.

Ce sentiment d'angoisse provient d'un besoin maladif d'un fondement sûr. Quand cette soif insatiable ne peut être assouvie, la seule issue semble être le nihilisme.

La quête d'un fondement peut revêtir diverses formes mais, étant donné la logique essentielle du représentationnisme, elle tend à chercher soit un fondement extérieur dans le monde, soit un fondement interne dans l'esprit. Traitant l'esprit et le monde comme deux pôles subjectif et objectif opposés, l'angoisse cartésienne oscille sans fin entre eux à la recherche d'un fondement. C'est que nous n'avons pas appris à nous défaire des formes de pensée, de comportement et d'expérience qui nous conduisent à désirer un fondement. Et pour peu que l'on ne croie nullement qu'il existe un soi pouvant servir de fondement intérieur, on se trouve obligé de proposer que l'on croie en un soi que l'on sait introuvable, et en un monde auquel on n'a pas accès. La logique de ce raisonnement conduit inévitablement au nihilisme.

Revenons maintenant aux sciences cognitives et plus particulièrement à la perception visuelle déjà évoquée plus haut.

Considérons la question: "Qu'est-ce qui est venu en premier, le monde ou l'image ?" La réponse de la plupart des travaux - d'inspiration cognitiviste et connexionniste - portant sur la vision est indiquée sans ambiguïté par les noms des tâches étudiées. Les chercheur parlent ainsi de "reconstituer la forme à partir de l'ombre", "la profondeur à partir du mouvement, ou "la couleur à partir des éclairages variables". Appelons cette attitude la position de la poule: le monde extérieur a des propriétés prédonnées. Ces propriétés existent en elle-mêmes avant de projeter leur image sur le système cognitif, et la tâche de ce dernier est de les reconstituer de manière appropriée.

Remarquons à quel point cette position semblent raisonnable et combien il est difficile d'imaginer que les choses puissent être différentes. Nous avons tendance à penser que la seule autre possibilité est la position de l'oeuf: le système cognitif projette son propre monde et la réalité apparente de ce monde n'est que le reflet des lois internes du système.

Alors, l'oeuf ou la poule ?

Comme nous l'avons vu pour les couleurs, celles-ci ne sont pas "là au-dehors", indépendante de nos capacités perceptives et cognitives ; mais elles ne sont pas non plus "ici à l'intérieur", indépendantes de notre environnement biologique et de notre monde culturel. Contrairement à ce qu'affirment les tenants du point de vue objectiviste, les catégorie de couleur relèvent de notre expérience ; à l'inverse de ce que soutiennent les partisans de la position subjectiviste, les catégorie de couleur se situent dans le monde biologique et culturel que nous partageons. La couleur, en tant qu'exemple paradigmatique, nous permet ainsi de nous rendre compte qu'à l'évidence la poule et l'oeuf, le monde et le sujet percevant se déterminent l'un l'autre.

C'est précisément cette insistance sur la spécification mutuelle qui nous permet de négocier une voie moyenne entre entre le Scylla de la cognition envisagée comme reconstitution d'un monde extérieur prédonné (réalisme) et le Charibde de la cognition conçue comme projection d'un monde intérieur prédonné (idéalisme).

L'intention de Varela est de contourner entièrement cette géographie logique de "l'intérieur contre l'extérieur" en étudiant la cognition non comme reconstitution ou projection, mais comme action incarnée.
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Messagepar tomatok » Vendredi 19 Jan 2007 0:27

piou piou j'ai fait un effort pour comprendre le dernier post et ce que je crois en avoir compris est très intéressant (le début du post rejoint des trucs (du moins en ai-je l'impression) que j'ai en tête depuis quelques temps sans parvenir forcément à le formuler), mais c'est vrai qu'il faut s'accrocher !
sinon, pour résumer l'oeuf et la poule dans un langage intelligible, en fait tu parles de matrix ? (désolé on a les références qu'on peut :oops: )
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Messagepar Electron libre » Vendredi 19 Jan 2007 0:40

tomatok a écrit:sinon, pour résumer l'oeuf et la poule dans un langage intelligible, en fait tu parles de matrix ? (désolé on a les références qu'on peut :oops: )


Ben moi, c'est à Matrix que je n'ai rien compris !
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Messagepar tomatok » Vendredi 19 Jan 2007 0:51

mdr :lol:
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Messagepar Léa » Vendredi 19 Jan 2007 18:16

Electron libre a écrit:
tomatok a écrit:sinon, pour résumer l'oeuf et la poule dans un langage intelligible, en fait tu parles de matrix ? (désolé on a les références qu'on peut :oops: )

Ben moi, c'est à Matrix que je n'ai rien compris !

Je vais donc essayer de vous faire comprendre le concept de Matrix contre Robocop, avec une brève apparition de Yoda (à voir en écran large) :
:arrow: Dailymotion > Néo vs Robocop

Au fait, j'attends toujours l'explication de Federica au sujet de son explication en quoi le retour du Jedi est un opuscule anarchosyndicaliste :lol: :lol: :wink:

Federica a écrit:je reconnais que ca fait peur
et que ca ne plaide pas en ma faveur ...
mais je peaufine mon argumentaire ...
Alors... Tu l'as peaufiné ton argumentaire :lol: :lol: :wink:
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Messagepar Electron libre » Dimanche 21 Jan 2007 22:14

Pierre Clastre a écrit:Quand, dans la société primitive, l'économique se laisse repérer comme champ autonome et défini, quand l'activité de production devient travail aliéné, comptabilisé et imposé par ceux qui vont jouir des fruits de ce travail, c'est que la société n'est plus primitive, c'est qu'elle est devenue une société divisée en dominants et dominés, en maître et sujets, c'est qu'elle a cessé d'exorciser ce qui est destiné à la tuer : le pouvoir et le respect du pouvoir. La division majeure de la société, celle qui fonde toutes les autres, y compris sans doute la division du travail, c'est la nouvelle disposition verticale entre la base et le sommet, c'est la grande coupure politique entre détenteurs de la force, qu'elle soit guerrière ou religieuse, et assujettis à cette force. La relation politique de pouvoir précède et fonde la relation économique d'exploitation. Avant d'être économique, l'aliénation est politique, l'émergence de l'Etat détermine l'apparition des classes.


Miguelito a écrit:Je note cette citation de Clastres qui dit que sitôt qu'on isole une activité économique dans une société, celle-ci ne peut plus être dite "primitive". C'est ce que j'avais commencé de dire il y a un moment déjà....


Il y a un moment déjà, Miguelito a écrit:L'économie est ce mensonge qui voudrait faire croire qu'il y a une activité séparable, isolable des autres et qui doit guider toute notre existence. Pour nous, il n'y a pas de vie nue, il n'y a pas une activité particulière qui soit isolable des autres mais il y a des formes de vie qui constitue un tout et qui indique un sens et un engagement.


Je suis d'accord mais je ne serai pas aussi catégorique, je dirai qu'il y a des formes de vie qui interagissent et constituent des moments unitaires qui indiquent des engagements possibles, sinon j'ai bien peur qu'UN sens et UN engagement ne se constitue rapidement en UNE activité particulière (activité économique ou pas) isolable des autres et qui finalement guiderait toute notre existence.

Ailleurs, Miguelito nous donne l'énoncé du mensonge de l'économie : "l'essentielle de la vie des hommes consiste à s'organiser pour satisfaire leurs besoins"

Mais, est-ce à dire que le problème de la satisfaction des besoins ne se pose jamais, à aucun moment ?

Nous savons que la société marchande pose à chaque instant ce problème de la satisfaction des besoins : c'est l'obligation pour survivre de monnayer sa propre activité sociale et de satisfaire ses besoins les plus élémentaires sous forme de marchandises qu'il faut payer. En fin de compte ce qui caractérise une société marchande, ce n'est pas l'existence du commerce, c'est la nécessité vitale (la vie nue) pour chacun d'entretenir avec ses contemporains des relations marchandes.

Ce que montre d'ailleurs Pierre Clastres c'est que du fait que l'économie des sociétés primitives ne fonctionne pas de manière autonome, on peut dire qu'elles sont des sociétés sans économie par refus de l'économie. Mais la satisfaction des besoins - ne serait-ce qu'énergétiques - n'en était pas moins effective et certainement vécue de manière unitaire par les individus dans le groupe au sein de la nature environnante.

Il est donc possible de dire que les régimes d'activité des formes de vie - au sens où dormir et rêver sont par exemple des régimes d'activité - satisfassent par moment certains besoins.
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Messagepar miguelito » Lundi 22 Jan 2007 9:42

A partir du moment où la forme de vie constitue un tout, dire qu'elle risque de devenir une activité particulière est un contresens.

Reconnaître que dans chaque forme de vie, et a fortiori dans chaque communauté, la question de la satisfaction des besoins vitaux se pose est une évidence. Qui pourrait survivre sans répondre à ses besoins ? C'est une tautologie ! Par contre, nous affirmons que manger, par exemple, est certes nécessaire mais n'est pas essentiel. Aussi, nous répondons à nos besoins, ou, pour le dire autrement, nous trouvons les moyens de notre subsistance mais seulement parce que nous sommes animés par autre chose : l'envie de vivre pleinement, de réaliser nos fins. A partir de là, la question de la satisfaction des besoins n'est plus séparée du reste de notre existence mais y est imbriquée pleinement. Moyens et fins sont indistincts, imprégnés entièrement de notre façon de vivre (qui, encore une fois, n'est pas isolable de notre façon de lutter)

Pour revenir à cette notion de distinction que faisait Electron libre, il serait préférable de présenter les choses ainsi : ce qui nous anime, c'est le jeu entre les différentes formes de vie, c'est tout le possible que ce jeu contient. La domination aussi bien que la vision révolutionnaire classique qui rêve d'une humanité unifiée réduisent ce jeu à un quasi-rien. Au contraire, nous voulons exprimer jusqu'au bout les contradisctions et les différences qui sont d'ordre éthique.
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Messagepar reno » Lundi 22 Jan 2007 13:23

Ce que dit surtout Clastres, c'est "avant d'être économique, l'aliénation est politique". C'est à dire que pour que l'économie se constitue comme sphère séparée (plus qu'autonome) de la vie sociale, il fallut qu'au préalable s'opère la division politique entre dominants et dominés, autrement dit l'apparition de l'Etat. Ce n'est qu'a partir de la qu'une partie du groupe est en mesure de contraindre le reste à produire dans le seul but d'accumuler (ce qui implique d'ailleurs que ce "reste " du groupe obéisse, ce qui nous ramène à la servitude volontaire).
Tout ça pour dire qu'effectivement, on ne peut combattre sur un terrain économique isolé du reste. Et la, c'est vrai que l'expression de "fome de vie" est assez pratique, bien qu'elle n'invente rien de nouveau. Ca correspond à peu près à l'imaginaire social-historique chez Castoriadis.
C'est pour c'est raison que les anarchistes ne sont pas marxistes, et que l'AIT ne pourra jamais fusionner avec des gens trucs comme le CCI (pour répondre à Miguelito, qui aime nous taquiner).
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Messagepar miguelito » Lundi 22 Jan 2007 13:40

Je renvoie le lecteur au sujet consacré au "sujet révolutionnaire". Je ne vois pas en quoi la forme de vie telle que nous la considérons se rapproche de l'imaginaire social-historique chez Castoriadis...

Par ailleurs, la séparation entre politique et économique est elle-aussi fallacieuse : il est évident qu'à partir du moment où l'économie apparaît, la domination a lieu. Mais elle ne la fonde pas, l'économie est une forme prise par la domination, forme devenue aujourd'hui la religion la mieux partagée du monde en terme de nombre de croyants. Et Reno fait bien de parler de servitude volontaire. Non voyons très bien sur ce forum combien d'individus qui se disent révolutionnaires s'avèrent être de vrais croyants et de vrais pratiquants de l'économie !
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Messagepar reno » Lundi 22 Jan 2007 14:24

Ce que je voulais dire, c'est que la forme de vie est à la fois produit et productrice d'un imaginaire.
Pour ce qui est de l'économie et de la politique, je suis d'accord: La distinction entre sphère politique et sphère économique est une connerie (un mensonge, si tu préfère). L'économie n'est que la forme actuelle de la domination. Autrement dit, l'économie est aujourd'hui la forme d'organisation politique dominante, ce qui fait qu'on ne peut distinguer l'économique d'un coté et le politique de l'autre. La lutte contre la domination est donc la lutte contre l'économie comme forme de vie. Ce que nous refusons, c'est d'être des acteurs économiques dans la méga-machine qu'est la société du spectacle (qui n'est rien d'autre que le capitalisme a un certain stade), déshumanisante par essence, et ce à quoi nous aspirons, c'est à une vie authentique, qui n'est réalisable que par l'autonomie( D'ailleurs, la CNT-AIT se positionne pour l'autonomie populaire; elle n'en na pas le monopole, pas plus que se qui se revendique "les autonomes").
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Messagepar miguelito » Lundi 22 Jan 2007 14:49

Oui, mais encore faut-il donner un contenu à l'autonomie. Il en est qui ont une vision économiste de l'autonomie et qui la rêvent éternelle, à l'instar de tous ceux qui souhaitent "une autre société".

D'autres, dont je fais partie, souhaitent régler une question très épineuse : que faire de son autonomie une fois que l'ennemi est balayé ? D'ailleurs, poser ainsi la question a-t-il un sens ? L'approt sans doute le plus important de la téléologie moderne est d'appuyer sur ce fait : nous ne pouvons pas faire l'expérience de l'infini. Aussi est-il absurde d'imaginer un monde sans fin, quand bien même celui-ci serait communiste. D'où toute la question, ou plutôt tout le débat consistant à agir en vue de la fin de tout. Vaste question dont la réponse est à expérimenter, dont toutes les hypothèses sont à mettre à l'épreuve de la vérification pratique. Voilà en tout cas le genre d'interrogation qui fait fuir tous les religieux qui croient en l'infini et dont les programmes ne divergent que sur des détails, l'essentiel étant d'éterniser ce monde.
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Messagepar Electron libre » Lundi 22 Jan 2007 17:55

miguelito a écrit:A partir du moment où la forme de vie constitue un tout, dire qu'elle risque de devenir une activité particulière est un contresens.


Encore une fois je suis d'accord, et c'est bien pour cela que j'ai reformulé ta proposition: pour évité tout contresens.

Ailleurs, miguelito a écrit:Dans plusieurs de ces textes réunis dans le recueil portant le titre Moyens sans fins, Giorgio Agamben rappelle que « les Grecs n’avaient pas un terme unique pour exprimer ce que nous entendons par le mot vie. Ils utilisaient deux termes sémantiquement et morphologiquement distincts : zoé, qui exprimait le simple fait de vivre commun à tous les vivants (animaux, hommes ou dieux), et bios, qui signifiait la forme ou la manière de vivre propre à un individu ou à un groupe. »
Agamben emploie le terme de forme-de-vie afin de désigner une vie qui ne peut jamais être séparée de sa forme, une vie dont il n’est jamais possible d’isoler quelque chose comme une vie nue.


Tout de suite après,

Giorgio Agamben a écrit:Une vie qui ne peut être séparée de sa forme est une vie pour laquelle, dans sa manière de vivre, il y va de la vie même et, dans son vivre, de son mode de vie. Que signifie une vie - la vie humaine - dans laquelle tous les modes, les actes et les processus du vivre ne sont jamais simplement des faits, mais toujours et avant tout des possibilités [souligné par l'auteur lui-même] de vie, toujours et avant tout des puissances. Tout comportement et toute forme du vivre humain ne sont jamais prescrits par une vocation biologique spécifique, ni assignés par une nécessité quelconque, mais, bien qu'habituels, répétés et socialement obligatoires, ils conservent toujours le caractère d'une possibilité, autrement dit, ils mettent toujours en jeu le vivre même. C'est pourquoi, en tant qu'il est un être de puissance, qui peut faire et ne pas faire, réussir ou échouer, se perdre ou se retrouver, l'homme est le seul être dans la vie duquel il y va toujours du bonheur, le seul être dont la vie est irrémédiablement et douloureusement assignée au bonheur. Mais cela constitue d'emblée la forme-de-vie comme vie politique.


Varela, quant à lui, a écrit:Nous sommes toujours contraints par le chemin que nous avons frayés, mais il n'y a aucun fondement ultime qui prescrive chacun de nos pas.
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Messagepar Federica_M » Mardi 23 Jan 2007 0:09

Varela, quant à lui, a écrit:

Nous sommes toujours contraints par le chemin que nous avons frayés, mais il n'y a aucun fondement ultime qui prescrive chacun de nos pas.

Voilà, c'est exactement le sens de la pensée taoiste et - en poussant un peu - cela rejoint la spiritualité jedi qui - comme je le démontrerai un jour - est l'anarchosyndicalisme du XXI siècle.

(désolé de pourrir une discussion par ailleurs passionnante mais c'est un jeu de ma forme de vie :-) )
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Messagepar Federica_M » Mardi 23 Jan 2007 0:16

J'ai peut être mal compris mais il ya qq chose de contradictoire dans tes interventions Miguelito :

tu dis nous sommes animés par autre chose [c'est donc inconscient ? puisque tuy utilises la forme passive ] : l'envie de vivre pleinement, de réaliser nos fins. Puis tu rejettes les religieux qui "croient en l'infini "

Je trouve cela un peu petit et réducteur d'avoir cette vision "finaliste" des choses ... Aspires tu à un "the end" terminal ? Mais n'est ce pas là justement un état de stase, dont j'avais cru comprendre qu'il fallait le combattre ?

Moi qui pensait au contraire que ce qui nous anime c'est un désir sans fin ... Quelle déception ...
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Messagepar miguelito » Mardi 23 Jan 2007 9:24

Où est la contradiction ?

Par ailleurs, tu parles de la pensée taoïste comme si elle était uniforme. Je pense au contraire que dans le taoïsme, nous trouvons des éléments contradictoires avec des implications politiques radicalement divergentes (par exemple, sur la notion de "non-agir")
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Messagepar Federica_M » Mercredi 24 Jan 2007 13:59

ce que je ne comprends pas par rapport à tout ce que tu as écrit jusqu'ici c'est que tu t'assignes une "fin".

Ensuite il me semble que la "pensée taoiste" n'est pas uniforme mais elle est unifiée (le mot ne correpsond pas du tout à ce que je veux exprimer, mais dans l'immédiat je n'en vois pas d'autre : je veux dire qu'elle repose sur des principes communs (unifiés) à tous ceux qui la partagent. Sinon, comment pourrais tu identifier et regrouper sous un même dénomination tout ce qui concerne la pensée taoiste ...)

L'anarchisme c'est la même chose ...
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Messagepar miguelito » Mercredi 24 Jan 2007 15:48

Je ne m'assigne pas une fin, je pars du constat que tout à une fin. A partir de là, c'est une belle connerie que de rêvasser à une société éternelle, à une suspension du temps bref, au paradis sur terre quelque soit la représentation que l'on s'en fait.

Donc, agissons en connaissance de cause et posons que nous avancons vers notre fin. Vaste question, personne ne peut dire ce que peut être cette fin, cet achèvement ou pour le dire encore autrement : cet accomplissement.
Par conséquent, l'histoire reste à faire et out l'enjeu est de savoir comment nous parviendrons à répondre à cette question concernant notre fin, comment nous paracheverons en pratique notre théorie. Tout est à faire...


Pour le taoisme, s'il peut être dit "unifié", puisqu'on parle bien d'une pensée taoïste, il est traverser de divergences.
Aussi, quand tu dis que l'affirmation "nous sommes toujours contraints par le chemin que nous avons frayé" est le propre de la pensée taoïste, j'objecte qu'une autre pensée taoïste pourrait bien considérer que nous nous frayons un chemin à travers la contrainte (il faut se mouvoir comme l'eau qui épouse la forme de ce qui tente de la contraindre).

En conclusion, parler d'anarchisme aussi bien que de taoïsme est une bêtise - ou au mieux une commodité. Car chacun voit bien que tout ça n'est qu'apparence et met à distance tout le possible contenu dans les idées. Par exemple, l'anarchiste qui vote : on pourra dire qu'il est anarchiste parc equ'il milite dans une organisation qui se réclame de ce courant mais, à l'inverse, d'autres donnerons de l'anarchisme une définition qui affirme que cette pensée est en tout opposée à la délégation de pouvoir et que par conséquent on ne peut être anarchiste et voter.

Petits débats pour idéologues. Tant qu'on s'escrime sur ce genre de foutaises, on fait pas autre chose.
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Messagepar tomatok » Mercredi 24 Jan 2007 16:22

miguelito a écrit:(il faut se mouvoir comme l'eau qui épouse la forme de ce qui tente de la contraindre).

mais en disant cela, ne rejoins-tu pas tout ce que tu critiques par ailleurs, à savoir se poser en reflet de ce que nous combattons ? n'est-ce pas contradictoire avec le refus de la lutte de classe, de l'économie ? car l'eau ne déserte pas, elle prend effectivement la forme de son éteau...
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