Sur la casse du service public...

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Sur la casse du service public...

Messagepar anarced » Vendredi 05 Oct 2012 17:17

TOUT COMMENCE MAINTENANT

Traduction d'un article de Francisco Ortiz, membre de la section syndicale des Services Publics de la CNT à Cordoue paru dans CNT Nº EXTRA OTOÑO 2012. L'article concerne donc la situation espagnole mais l'analyse qui y est faite me paraît tout aussi valable ici.

L'objectif de cette brève analyse est d'expliquer la transformation que subit notre système public afin d'éliminer des droits et de privatiser des services, le tout sous le couvert et la justification de la crise économique.
Les services publics, tels que nous les connaissons aujourd'hui, vont disparaître dans assez peu de temps. Leur financement et les conditions de travail de leurs employés vont subir de profondes transformations qui vont s'amplifier dans les prochaines années pour aboutir à un système de couverture minimale ou nulle, payé directement -en plus des impôts- par les utilisateurs eux-mêmes et accompli par des travailleurs précaires, tant dans leurs conditions d'exercice que dans leur indépendance vis à vis du gouvernement.
Avec l'argument de la crise, le pouvoir politique et le pouvoir financier -si tant est qu'ils soient séparés- ont entrepris une révision tant de la forme que des fonctions des administrations, qui ne questionne pas seulement le vague concept d'État-providence, mais qui remet en question les piliers du système public et par conséquent, ce que nous connaissons encore comme droits fondamentaux des individus.
C'est la perception généralement restreinte de ce phénomène qui explique que l'opposition sociale et syndicale à cette réforme est encore fragmentée, avec des résultats plutôt faibles et apparemment peu intéressants pour les citoyens, les travailleurs et les usagers du secteur public.
Par leur façon de décrire et d'expliquer la crise, le gouvernement et les institutions européennes ont fait de la dette publique le grand problème, en occultant et en déformant les véritables raisons de la crise. Le gaspillage évident des administrations pendant la dernière décennie a contribué, sans doute, à alourdir la facture de notre « pays », mais il est complètement faux que le développement actuel des services publics et les droits sociaux sont les coupables de notre situation. Et il est encore plus faux de dire que, si nous acceptons la perte de droits que nous sommes en train de subir, alors nous « obtiendrons » l'équilibre des comptes et l'élimination du déficit.
Toutefois, ces arguments pénètrent facilement et, malgré la protestation occasionnelle ou l'opposition à telle ou telle mesure, font peser sur la société le poids de la résignation, de la culpabilité générale et, surtout, une sorte de croyance stupide, selon laquelle notre «sacrifice» permettrait aux dirigeants de « nous sortir de la crise ».
Mais la réalité, c'est que les gouvernements, promus par le pouvoir financier et largement
aidés par les entrepreneurs, ont lancé une vague de coupes sombres, de répression et de modifications législatives qui ne visent pas à sortir de la crise, mais à réformer en profondeur le système actuel.
Il n'y a aucune raison de penser que la perte de droits que nous subissons, et que nous allons continuer à subir, va s'arrêter ou s'inverser lorsque la «croissance» sera de retour, c'est plutôt le contraire, il est à prévoir qu'ils poursuivront le dégraissage du personnel, la réduction des fonctions et des protections publiques jusqu'à leur transformation complète.
Nous ne pouvons pas oublier que les services publics actuels trouvent leur origine dans la menace que représentaient jusque dans les années 70 une classe ouvrière organisée et une société mobilisée. Maintenant que la classe ouvrière a été réduite à néant et que la société est fragmentée en mille intérêts divers et souvent contradictoires, rien ne les oblige à maintenir une structure de redistribution. Le concept de justice sociale -ou du moins, la tendance à l'égalité des droits et des obligations entre les citoyens- a complètement disparu du discours de la nouvelle Europe, pour être remplacé par celui de la productivité et de la compétitivité; en fin de compte, par la vénalité. Par ailleurs, le concept d'une administration indépendante des changements politiques et des intérêts des partis est également balayé, tant il est ignoré que ce modèle a émergé pour atténuer ou du moins limiter, le caporalisme, le clientélisme politique et le confidentialisme, ce vers quoi nous nous dirigeons à marche forcée.
Comptant sur tous ces facteurs, les gouvernements trouvent aucun obstacle à éliminer des droits, supprimer des avantages, privatiser des services et des entreprises publiques, réduire et précariser le personnel du secteur public et remplacer l'administration par des structures liées aux partis au pouvoir, plus dociles, plus opaques, moins contrôlées et dont la performance est basée sur des critères commerciaux et non de service public.
Les gouvernements agissent avec le secteur public comme s'il était sa propriété. Ils ne se comportent pas en gestionnaires, mais en propriétaires. Pourtant, les services publics n'appartiennent ni à l'État, ni au Gouvernement, ni aux partis mais à la société, aux individus. Les coupes sombres et les réformes en cours ne sont pas un réajustement pour améliorer l'efficacité des services ou la productivité des travailleurs mais pour liquider les droits que le peuple a obtenus il y a des années et qu'il se laisse aujourd'hui voler.
Introduire le non-remboursement des médicaments, réduire ou éliminer les prestations de base, augmenter les frais liés à l'éducation ou limiter l'accès à la santé, c'est mettre un prix sur les couvertures sociales de base, qui ne peuvent pas être soumises à des critères de rentabilité, puisque leur rentabilité réelle consiste à fournir des prestations sociales pour les gens d'ici et non d'augmenter des recettes pour payer la dette des capitalistes d'Europe et du monde. Sommes-nous vraiment conscients que nous nous dirigeons vers ce type de société?
Dans cette situation, il est ridicule de dire que l'État-providence -un mythe fabriqué par le pouvoir et
qui repose sur l'ignorance-, n'a jamais été bon pour tout le monde, ni même pour la majorité, et qu'il est soudain regretté par quelques uns qui n'en ont jamais profité. Ou dit d'une autre façon: la difficulté -ou simple impossibilité- de trouver un emploi a relégué au deuxième plan la réalité du travail: Comment parler d'exploitation ou de précarité quand le travail, quel qu'il soit, est vu comme le privilège de quelques-uns? Pouvons-nous continuer à nous mobiliser avec les mêmes schémas qu'il y a une dizaine d'années? Dans ce cas, on pourrait dire qu'un arbre nous cache la forêt, ou mieux, qu'en regardant un arbre, nous oublions qu'il existe une forêt.
L'avalanche de réformes et de coupes sombres provoque une réduction du cadre imaginaire de ce
que nous considérons possible, par conséquent de ce à quoi nous pouvons aspirer comme société et comme individus. Et si nous continuons à adapter nos revendications à ce que nous considérons comme «possible», en limitant notre protestation dans l'immédiat, nous aurons une coupe sombre chaque jour, une catastrophe à chaque Conseil des ministres, sans être capable de faire une proposition réellement dirigée contre le modèle social qui nous est imposé; il suffit de rompre avec cette espace du « possible » pour que nos luttes, celles des travailleurs et de la société, puissent occuper le devant de la scène et remporter des succès.
Les jeux d'enfants finissent jamais.
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