douddu a écrit:Que je sache tous les militants de base, et je parle de militants (pas d'adhérents ) c'est dire de gens qui savent au minimun où ils sont , pratiquent la participation aux élections pro ou la cautionnent , y compris aux vignolles . Là dessus , qui me semble essentiel , où est le decalage dont tu parles ?
Déjà, tous les militants ne se ressemblent pas. Ta vision sur la question est très manichéenne, à la limite de l'hystérie. Ensuite, contrairement à ce que tu laisses entendre, certains (dont quelques connaissances) ne se font guère d'illusion sur les comités d'entreprises et les élections professionnelles. Ils y participent, c'est leur argument, parce que ce serait la porte ouverte à toutes les dérives patronales (ce qui est logique en somme). Même si cela reste une institution réformiste, que cela ne fait pas avancer la lutte des classes, il n'empêche que cela permet aux travailleurs d'avoir certains droits. Ce qui ne les empêche pas de se battre pour en avoir d'autres, voire plus si affinités. À l'heure actuelle, je pense qu'il est difficile de faire autrement. C'est beau de brandir des slogans "non aux élections professionnelles", etc. Mais on fait quoi à la place ? La grève générale ? Tu le vois bien et tu le sais autant que moi : les exploités ne sont pas prêts ! Ils sont acculés dans la misère et ne bougent pas le doigt d'un millimètre. Un constat tout simple: dans les manifs l'an dernier, ces exploités n'étaient pas dans la rue. Ils bossaient parce que sans boulot, ils ne peuvent pas nourrir leurs enfants, il ne peuvent pas payer leurs loyers, leurs factures... D'autres, au chômage ou en repos hebdomadaire, regardaient, en marge, les manifs passer sous leurs yeux, plus préoccupés à faire fonctionner la société de consommation que de la foutre en l'air, plus désireux de regarder la télévision que de faire des marches interminables. Certes, ce n'est pas la CNT-AIT qui donne ces rendez-vous ponctuels de manifestations baba-coolesques. Mais ce que la CNT-AIT propose: est-ce plus efficace d'un point de vue stratégique ?
Lorsque j'arrive à parler avec des non-syndiqués, ce qui les choque le plus, c'est la division des organisations supposées défendre les intérêts des travailleurs ! En France, grosso-merdo, on doit en compter près d'une centaine. Et à faire la politique de l'autruche, on finit par se prendre un gros coup de pied dans le cul ! La critique est indispensable, mais elle ne doit pas faire oublier que notre adversaire principal, c'est le capitalisme.
Il n'y aura pas de miracle, les exploités ne vont pas se réveiller un matin en se disant: "bah tiens, j'va faire la révolution !"
Je partage tes critiques sur les élections professionnelles, même si j'émets quelques réserves, par rapport au contexte actuel. Les supprimer serait affaiblir encore plus la "classe ouvrière", même s'il ne faut pas se formaliser sur cette illusion. Ce serait l'illustration de plus que le patronat est toujours plus fort. Mais je pense que cette question de stratégie syndicale n'est pas la priorité. LA priorité: c'est le changement de société. Parti, syndicat, anarchosyndicat ou pas ! Le but, c'est le communisme anarchiste. Les moyens ? On fait avec ceux qu'on a sous la main, par l'action directe, par la radicalisation des luttes, par la diffusion d'une propagande plus combative et plus pertinente qui ne se borne pas à répéter des vieux slogans usés sortis de leurs contextes. Et pour cela, il faut arrêter de s'inventer des ennemis parmi nos alliés objectifs. Entre mon collègue cégétiste, sudiste ou vignolles d'une part, et mon patron de l'autre, je ne vais pas me lancer dans les bras du patron, c'est clair pour moi !
Personnellement, je n'adhèrerai plus à aucune organisation. Je l'ai déjà expliqué à un copain de Caen. Là où je bosse, je suis en contact avec des gens de la FA depuis un an. Ils sont au courant que je ne veux pas adhérer à leur organisation. Et on s'entend bien. Je suis en contact régulier avec des gens du NPA, du PC, de la CGT, de SUD... Ils savent qui je suis, mes idées... Certains sont des amis, même si nous ne partageons pas certains détails stratégiques sur comment arriver à la fin désirée. Et je ne me fais pas matraquer la gueule comme tu le dis. Mon objectif personnel est de faire avancer, à mon échelle, le cours des choses, ce qui n'est pas une mince affaire.
Je suis peut-être, à tes yeux, naïf. Mais il est sans doute peut-être plus naïf de croire que l'AIT française (pour ne citer qu'un exemple), qui vient de vivre cette année une deuxième scission, peut à elle seule donner des leçons de révolution et régler son compte au capitalisme. Je pense que tout le monde est dans le même cas, se pose des questions, réfléchit à quelle révolution se vouer. Toutes les organisations politiques sont en crise, vous en avez vous-mêmes encore eu l'exemple cette année. Lorsque le patient est malade, le docteur n'attend pas qu'il meure pour le soigner !
douddu a écrit:A Toulouse en octobre 2010 , quand ils ont vu que la dynamique prenait , SUD et les Vignoles ont tenté leur propre Assemblée concurrente , fiasco total , et je crois tout simplement que c'est parcequ' ils ne comprennent pas combien la population en a assez de leur folklore institutionnel . Par contre ils voient que cela fonctionne sans eux et cela évidemement cela les gêne. Toute cette année dans le monde il a y eu des expériences d'Assemblées Populaires qui ont eu lieu avec un forte participation de gens qui étaient non syndiqués, non organisés , a tel point que nombre de ces assemblées se sont déclarées "Apolitiques " .C'est significatif du fait que cela a largement dépassé les institutions politicosyndicales qui pratiquent l'electoralisme et la représentation . Donc pour exister les AP n'ont pas besoin de ceux qui pensent que ces institutions sont utiles aux exploités , et c'est tant mieux.
Oui. D'accord. Mais le militant est bête (c'est pour cela que je refuse désormais de faire partie d'une orga). Il refuse de voir plus loin que le bout du nez de son organisation. La pédagogie n'est pas valable que pour les enfants. Les adultes en ont également besoin.
Par ailleurs, parlant des AP: ce sont des outils intéressants. Cela se prêtait sans doute bien au contexte toulousain, mais la mayonnaise n'a pas beaucoup monté ailleurs en France.
Par rapport à ta position d'anarchosyndicaliste, je comprends que tu la défendes. Mais moi, ce qui m'intéresse c'est l'autonomie des exploités en lutte. Cela peut paraître paradoxal par rapport à ce que je dis plus haut, mais à mon avis, établir des ponts entre individus de différents milieux politiques devrait permettre de rendre plus vivante la démocratie ouvrière, de partager les expériences, les succès et les échecs... Le but devrait être de faire se croiser ceux qui luttent et de donner un autre sens à ces luttes. Car de toute évidence, le capitalisme a besoin d'une belle euthanasie ! En moins de trois ans, il est de nouveau en crise - non conjoncturelle, mais systémique ! Je manifeste peut-être de l'impatience, comme beaucoup, mais à force d'attendre son coup de grâce, ce système économique pourrait bien retrouver des forces et se relever, d'une façon qui pourrait ne pas plaire à tout le monde (un régime ouvertement dictatorial au lieu de la démocratie ouvertement ploutocratique ou autre, tout est envisageable), et repousser l'éventualité d'une révolution aux calendes grecques. Le capitalisme s'amuse à diviser les exploités. Il est peut-être temps de trouver un moyens que ces exploités trouvent un terrain d'entente pour créer l'alternative à ce système.