http://faqanarchiste.free.fr/secA2.php3#seca213A.2.13 Les anarchistes sont-ils individualistes ou collectivistes ?
En court : aucun des deux ! Ceci est illustré par le fait que les érudits et universitaires libéraux dénoncent des anarchistes comme Bakounine d'être collectivistes quand dans le même temps, les marxistes accusent Bakounine, et les anarchistes en général, d'être des individualistes.
Sans surprise, les anarchistes rejettent ces deux idéologies absurdes.
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Pour les anarchistes, l'idée que les individus devraient se sacrifier pour le « groupe » ou pour « le plus grand bien » est absurde.
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Par conséquent, les anarchistes admettent que l'individu est l'unité de base de la société et que seuls les individus peuvent avoir des intérêts et des sentiments. Cela veut dire qu'ils opposent le « collectivisme » et la glorification du groupe. Selon la théorie anarchiste, le groupe n'existe que pour aider et pour développer les individus qui y sont impliqués. C'est pourquoi nous tenons tant à ce que les groupes soient structurés de manière libertaire — seule une organisation libertaire permettant aux individus d'un groupe de pleinement s'exprimer, de gérer directement leurs propres intérêts et de créer les relations sociales qui encouragent l'individualité et la liberté individuelle. Donc bien que la société et les groupes modèlent les individus, ces-derniers sont la vraie base de la société. Ainsi, Errico Malatesta dit :
« Quelle est la part respective de l'initiative individuelle et de l'action sociale dans la vie et dans le progrès de la société humaine ? [...] Affirmer comme certains le font que c'est grâce à l'initiative individuelle que le monde des hommes peut fonctionner, c'est passer désormais pour audacieux. [...] Ce qui existe réellement, c'est l'homme, c'est l'individu : la société ou collectivité - et l'Etat ou gouvernement qui prétend la représenter - ne peuvent être que des abstractions vides si elles ne sont pas des ensembles d'individus. C'est de l'organisme de chaque individu que tirent nécessairement leur origine toutes les pensées et tous les actes des hommes, pensées et actes qui d'individuels deviennent collectifs quand ils sont ou deviennent communs à beaucoup d'individus. L'action sociale n'est donc ni la négation, ni le complément de l'initiative individuelle : elle est la résultante des initiatives, des pensées et des actions de tous les individus qui composent la société. [...] La question n'est donc pas vraiment de modifier les rapports entre la société et l'individu ; la question n'est pas d'accroître l'indépendance individuelle aux dépens de l'ingérence de la société, ou celle-ci aux dépens de celle-là. Il s'agit plutôt d'empêcher que quelques individus puissent opprimer les autres ; de donner les mêmes droits et les mêmes moyens d'action à tous les individus ; et d'en finir avec la seule initiative d'un petit nombre qui entraîne nécessairement l'oppression de tous les autres. » [Errico Malatesta, L'anarchie.]
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Tandis que les groupes ne peuvent pas penser, les individus peuvent vivre ou discuter par eux-mêmes. Les groupes et les associations sont des aspects essentiels de la vie individuelle. En fait, comme les groupes génèrent les relations sociales selon leur vraie nature, ils aident à façonner l'individu. En d'autres termes, les groupes structurés d'une manière autoritaire auront un impact négatif sur la liberté et l'individualité des individus qui les composent. Toutefois, à cause de la nature abstraite de leur « individualisme », les individualistes capitalistes ne peuvent pas voir les différences entre les groupes structurés de manière libertaire et ceux structurés de manière autoritaire — pour eux/elles, ce ne sont que des « groupes ».
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En revanche, les anarchistes soutiennent l'« individualisme » social (un synonyme, peut-être plus fidèle, pourrait être « individualité communautaire »). L'anarchisme « insiste sur le fait le centre de gravité de la société est l'individu — qui doit penser par lui-même [ou elle-même], agir librement, et vivre pleinement. [...] S'il [ou Si elle] doit se développer librement et pleinement, il [ou elle] doit être libéré[e] des interférences et de l'oppression d'autrui. [...] Cela n'a rien à voir avec [...] l'"individualisme forcené". ... » [Emma Goldman, ''Op. Cit.'', pp. 442-443.]
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« La liberté que nous voulons », dit Malatesta, « pour nous-mêmes et pour les autres, n'est pas une liberté absolue, métaphysique et abstraite qui, en pratique, se transforme inévitablement en oppression des plus faibles ; mais la vraie liberté, la liberté possible, qui est la communauté consciente de ses intérêts, la solidarité volontaire. » [Errico Malatesta, ''Op. Cit.'']
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Ainsi les anarchistes rejettent l'« individualisme » capitaliste car c'est, pour reprendre Pierre Kropotkine, « un individualisme étroit et égoïste, un égoïsme stupide qui rabaisse les individus [et qui n'est] pas du tout un individualisme. Il ne mènera pas à ce qui était établi comme but, c'est-à-dire le développement complet le plus large et le plus parfaitement atteignable de l'individualité. » La hiérarchie du capitalisme résulte de l'« appauvrissement de l'individualité » plutôt que de son développement. À cela les anarchistes opposent « l'individualité qui atteint le meilleur développement individuel grâce à la plus haute sociabilité communiste dans ce qui concerne à la fois les besoins primordiaux et les relations avec les autres. » [Pierre Kropotkine, dans ''Selected Writings on Anarchism and Revolution'', p. 295, p. 296 et p. 297. ] Pour les anarchistes, notre liberté est enrichie par ceux qui nous entourent quand nous avons avec eux une relation d'égal à égal et non de maître à esclave.
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Le collectivisme, qui est la suppression implicite de l'individu, revient finalement à appauvrir la communauté, puisque les groupes n'existent que grâce aux individus qui les composent. L'individualisme, qui est la suppression explicite de la communauté (c'est-à-dire les gens avec qui vous vivez), revient finalement à appauvrir l'individu, puisque les individus ne peuvent pas exister en dehors la société.
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