Cahier 38 : AUTONOMIE POPULAIRE ET DESOBEISSANCE CIVILE...

Sommier théorique et affinités idéologiques !

Cahier 38 : AUTONOMIE POPULAIRE ET DESOBEISSANCE CIVILE...

Messagepar Paul Anton » Mardi 13 Jan 2009 21:26

AUTONOMIE POPULAIRE ET DESOBEISSANCE CIVILE :
LES AUTOREDUCTIONS EN ITALIE


I. Introduction :

L’anarchosyndicalisme se réfère à une analyse globale de la société. Il se base sur le fait que tous les phénomènes économiques, politiques et sociaux interagissent, s’interpénètrent dialectiquement par le jeu des contradictions qu’ils engendrent et stimulent.
L’anarchosyndicalisme appuie et défend la constitution systématique de comités de lutte, fonctionnant sur le principe de la démocratie directe. L’anarchosyndicalisme privilégie un comportement de l’individu qui réfute toute verticalisation de ce dispositif structurel des exploités, des opprimés en lutte. L’anarchosyndicalisme avance donc le concept d’autonomie. (La CNT-AIT de Caen édite les cahiers suivants : n°8 "Anarchosyndicalisme et autonomie populaire" et n°22 "Techniques de luttes". Ces cahiers se cantonnent surtout aux lieux de travail.)
La précarité et la flexibilité vont connaître encore de beaux jours. Ces deux phénomènes inhérents à la logique du capital empêchent la constitution d’un rapport de force favorable aux exploités et aux opprimés.
Il est important que les anarchosyndicalistes expriment l’idée d’ouvrir une perspective de lutte sociale située hors de l’entreprise.
Je prendrai l’exemple de l’Italie des années 69-75, où se sont déroulées des luttes sociales marquées par l’empreinte de la désobéissance civile. Celle-ci s’était manifestée par le phénomène des autoréductions.

II. La situation de l’Italie dans les années 59-69, rappel:

En Italie, l’année 1959 se caractérise par un regain des luttes ouvrières. Les heures de grève rejoignent les moyennes de 1948.
Le développement du modèle fordiste se traduit par l’industrialisation massive du nord de l’Italie, nécessitant en partie une main-d’œuvre qui provient des régions les plus pauvres. Elle modifie la composition sociologique de la classe ouvrière. Malgré cela, le modèle fordiste ne parvient pas à éradiquer la conscience de classe des ouvriers. Au contraire, le poids de l’inflation, qui revient en 1964, provoque une ébullition de la lutte, dont le signe avant coureur est l’assaut de "piazza statuto" (le siège du syndicat local, équivalant de Force Ouvrière) par les ouvriers portant les revendications suivantes : une réduction significative du temps de travail, une augmentation du salaire pour tous ne s’effectuant pas sur le calcul d’une hausse de la productivité et du rythme des cadences, une remise en cause de l’échelle du salaire. Les syndicats réformistes n’auront que faire de ces revendications exprimées.
Le 30 mars 1968, les 100 000 ouvriers de la Fiat se mettent en grève et s’organisent par le biais des assemblées générales et du refus des délégués, facilitant l’apparition des comités unitaires de base, afin d’intensifier la pression sur les syndicats réformistes. Le dispositif structurel des ouvriers se met en branle et s’autonomise.
L’accord du 26 juin 1969 ne calme pas le jeu, puisque les ouvriers élèvent des barricades en affrontant la police à "Corso Traiano". Agnelli déclenche, le 3 septembre, une immense vague de mises à pied. Les syndicats réformistes entament, quant à eux, un processus de rapprochement et incorporent dans leur plate-forme la plupart des revendications ouvrières sous le regard attentif du PCI. Car le but est de peser dans le cadre des négociations contre les patrons, de façon à reconquérir une crédibilité auprès du prolétariat en lutte. Les patrons se montrent de plus en plus embarrassés par la marche de la situation. Ils décident même d’avaliser une hausse élevée des salaires pour doper à nouveau le pouvoir d’achat (en jouant sur le jeu de l’offre et de la demande). Cette concession passagère ne vise, dans un premier temps, qu’à restaurer le consensus social au niveau de chaque unité de production. Les patrons souhaitant recouvrer le taux de profit d’avant l'agitation de la lutte, pour mieux préparer la contre-offensive, qui va se concrétiser par le prélude de la restructuration.
Cependant, le scénario ne se déroule pas comme prévu. Le comportement de l’ouvrier spécialisé ou de l’ouvrier masse de l’usine Fiat de Milan se répercute, puis s’impose, en devenant une référence exemplaire. L’Etat italien, voyant que la situation ne cesse de se dégrader, réagit à son tour par la promulgation de l’épargne forcée, de la hausse du coût du crédit et de l’élévation des prix et au recours à la violence par l'utilisation de nervis fascistes, sous les bons offices des services secrets. C’est le début de l’"état massacre" et de la "stratégie de la tension" qui précipitent le pays sur l’itinéraire latent de la guerre civile. L’Italie, aux yeux du reste des gouvernants de l’Europe, apparaît très dangereuse, voire contagieuse, étant donné que la pérennité même des investissements (nationaux et internationaux) s’en trouve affectée. Le chancelier de la RFA en appelle encore à l’établissement d’un cordon sanitaire dans le but de la disjoindre du reste du continent. Mais au fond, la bourgeoisie italienne ne fait que payer les échecs répétés de ses aïeux : l’adaptation du régime politique, le décollage et l’essor industriel de la fin du XIXème siècle, la création d’un empire colonial …

III. Le mirage de la "casa integrazione"

Les patrons, devant le fait accompli, usent d’un nouveau subterfuge par la modification du régime de la "casa integrazione" qui ressemble partiellement à notre "Assedic". La "casa integrazione" fut mise en place au sortir de la seconde guerre mondiale. Elle ne peut être employée que lorsqu’une entreprise endure le coût de problèmes techniques n'étant pas du ressort de son patron et de ses ouvriers. La "casa integrazione" assure en principe 60% du salaire de ces derniers pendant trois mois. Le cadre d’attribution de la "casa integrazione" va s’élargir largement durant ces années par le choix des législateurs. Son recours s’applique dorénavant lors de crises économiques locales ou sectorielles de l’activité industrielle. L’allongement de la durée d’indemnisation passe à six mois. Celle-ci peut être, d'autre part, renouvelable tous les trois mois sur une simple décision du patron. L'allocation de l’ouvrier se fixe dès lors à 80% du salaire. N’oublions pas que le créancier principal de cette opération demeure l’Etat italien. Les patrons désillusionnés y jettent leurs maigres espoirs. Voici quelques chiffres : 8 739 000 heures (d’allocations) en juillet 1974, 9 870 000 en septembre 1974. Agnelli se permet même le luxe de mettre 71 000 ouvriers en "casa integrazione" vers l’automne 74, sans en référer à l’Etat ! Néanmoins, l’effet se fait sentir dès le début du mois de janvier 1975 puisque le refus d’aller au travail ne représente plus que 10 % à la Fiat. Pourquoi s’absenter lorsqu’on est payé à ne rien faire ? Le nombre d’ouvriers en "casa integrazione" plafonne aux alentours de 800 000 tandis qu’il y a un million de chômeurs.
Certains néo-réformistes et révolutionnaires pensent que le haut niveau de protection sociale traduit un rapport de force favorable pour les exploités et opprimés, se stimulant par l’intermédiaire d’une dynamique élevée de la lutte de classes, ce qui astreint la bourgeoisie et le patronat à redistribuer une partie de la plus-value.
Si personne ne disconvient que l’amélioration des conditions matérielles d’existence est louable, nous devons dire que la "casa integrazione" a été une illusion dans le contexte de l’Italie des années 70. Cette institution a permis aux patrons de retourner la protection salariale contre le travailleur. On se rappellera que sous la présidence de Giscard d’Estaing, le gouvernement avait pu pacifier les entreprises et engranger corrélativement la restructuration par une indemnisation des licenciements économiques à hauteur de 90 % du dernier salaire lors de l’amorce de la nouvelle crise cyclique.
Les plus conscients des prolétaires italiens jetés dans la lutte s’aperçoivent des limites du combat dans l’entreprise. Ils opèrent aussitôt un déplacement vers l’espace de la cité. Les prolétaires italiens vont s’appuyer sur l’expérience antérieure de la crise du logement des années 50. La jonction "intra" et "extra" entreprise se réalisera pour s’étendre ensuite à d’autres aspects de la vie courante.

IV. Le logement :

La reconstruction entraîne un flux migratoire intense, modifiant l’urbanisme des villes du pays lorsqu’elle s’enclenche après le deuxième conflit mondial. La capitale reçoit l’arrivée en particulier d’expatriés du Latium. Mais une loi promulguée sous le régime fasciste leur interdit l’accès aux logis dans le centre historique. Le PCI, désireux de contrebalancer le pouvoir municipal détenu entre les mains de la droite, va s’employer à canaliser le mécontentement des nouveaux arrivants, qui s’entassent à la périphérie et vivent dans des conditions détestables.
En 1950-51, les premières occupations d’habitations se produisent au niveau des quartiers romains, tels que Primavalle, Laurentino et Pietralata, contre l’amplification de la spéculation immobilière. Les "consulte popolari" se mettent en place sous le contrôle tangible des conseillers municipaux, des parlementaires du PCI - PSI. Ceux-ci se contentent juste de revendiquer l’intervention de l’Etat, pour que ce dernier bloque les loyers et injecte des crédits supplémentaires en direction du secteur de la construction publique. Or, l’aide de l’Etat ne se débloque pas et la part allouée au logement passe même de 25 % à 12 %. En général, les occupations visent l’institut pour la construction économique et populaire. La corruption et le clientélisme vont de paire sous la houlette de la démocratie chrétienne et du centre. Les "consulte popolari" ne se limitent finalement qu’au rôle de pression envers les pouvoirs publics. Car le PCI ne veut en aucune manière s’écarter de la voie parlementaire. On peut, malgré ça, assister à quelques grèves de loyer en 1964. Quant aux investissements publics des HLM, ils passent à : 16,8% en 1960, 6,5% en 1965, 7% en 1968, 5,1% en 1969, 3,7% en 1970 !
En 1969, 70 000 prolétaires s’entassent dans des taudis putrides, tandis qu’on recense 40 000 appartements vacants. Ces derniers ne trouvent pas de locataires ou d'acheteurs en raison du prix. Ce paradoxe incroyable encourage de nouvelles occupations d’habitations. Elles entendent incarner une récupération du salaire réel par la réappropriation. Les occupations d’habitations du quartier de Tufello s’étendent à d’autres : Celio, Ostie, Nuova ostia. Ce type d’action se coordonne au niveau du comité d’agitation de banlieue pour se dégager de l’emprise du PCI, qui ne tarde pas à se désolidariser.
Pendant la grève générale du 19 novembre consacrée à cette question du logement, le PCI ne peut prendre la tête du cortège, rythmé par le mot d’ordre suivant : "Ou vous nous donnez les logements ou bien nous les prenons nous-mêmes" ! L’Etat analyse la situation et craint que la croissance des occupations d’habitations renforce le CAB et amplifie l’affaiblissement du rôle attribué au PCI. L’Etat dépêche 1500 CRS, en tenue de combat, qui multiplient les évacuations afin d’enrayer ce phénomène. Simultanément, il concède aux revendications du PCI et des "consulte". D’autres villes sont aussi affectées comme Nichelino. Voici un tract qui a été réalisé le 10 juin par les étudiants, les ouvriers et les comités de locataires en lutte sur cette question :

TRAVAILLEURS DE NICHELINO,

L'heure est venue de donner une riposte aux patrons.
S'ils nous ont entassés dans cette ville c'est pour pouvoir nous exploiter dans l'usine avec des salaires de misère et des horaires prolongés et pour pouvoir récupérer une bonne partie du salaire avec le loyer qu'ils nous font payer pour les quatre murs dans lesquels nous dormons.
Dans beaucoup d'immeubles de Nichelino, les comités de locataires ont déjà refusé tous ensemble les augmentations de loyer et les charges abusives.
Sur cette base, ces mêmes comités appellent à
- UNE GRANDE MANIFESTATION DE PROTESTATION POUR LE BLOCAGE IMMEDIAT DES LOYERS
- L'ARRET  TOTAL DES EXPULSIONS.
C'est une première étape vers la REDUCTION DES LOYERS. Mais notre lutte n'est pas isolée ; unissons-la avec celle que les ouvriers de la Fiat sont en train de mener.
Il ne faut plus permettre aux patrons de récupérer, avec les augmentations de loyer, les augmentations de salaire que nous leur arrachons dans l'usine.
Voilà pourquoi la lutte des locataires de Nichelino est la même que celle des ouvriers de la Fiat, la même que celle des ouvriers de toutes les autres usines.
Rejoignons tous les comités de locataires et PARTICIPONS EN MASSE À LA MANIFESTATION pour faire connaître notre lutte et pour la faire reprendre par tous les travailleurs de Nichelino et des autres villes.
LA MANIFESTATION PARTIRA À 18 H. DU CARREFOUR VIA TORINO ET VIA XXV APRILE, VENDREDI 13 JUIN
A partir de 17 heures à la maison du Peuple, via Primo Maggio 18, fonctionnera une garde d'enfants pour que toutes les femmes puissent participer à la manifestation.

A la fin de cette manifestation aux cris : "Dans l’usine, à la maison : un même patron", "blocage des loyers, "arrêt des expulsions", les ouvriers et les étudiants décident d’occuper la mairie, afin d’accentuer le rapport de force en leur faveur. Ils occuperont ce lieu jusqu’à leur délogement par les forces répressives de l’Etat italien.

V. Le transport :

Les exploités qui utilisent le bus pour se rendre à l’usine se retrouvent insatisfaits du coût et de la qualité du trajet. Ils ne vont pas hésiter à entamer la lutte, en ayant recours à l’autoréduction. Ce moyen de transport s’administre sur le principe de la concession : des entreprises privées peuvent gérer un service public avec l’accord de l’Etat. Celles-ci servent de pompes à finance pour alimenter le compte bancaire de la démocratie chrétienne. Exemple : Monsieur Aqui administre la concession des transports du nord de Milan et reçoit neuf milliards de subventions chaque année et n’en dépense que deux. Le résultat de cette gestion amène des conditions déplorables : l’absence de confort, la rigidité des horaires, la durée du déplacement, etc., ce d’autant plus que beaucoup d’exploités effectuent une longue distance. La région de Bergame dénombre 40 000 exploités qui se rendent tous les jours à Milan, elle seule comptant 250 000 "pendolari".
Déjà en 1953, une lutte des "pendolari" de Bergame a lieu. Ils ont obtenu gain de cause en occupant les voies ferroviaires. Togliatti, le premier secrétaire du PCI et ministre de la justice dans le gouvernement d’unité populaire, avait fait voté une loi interdisant cela en 1947 ! 1971-72, les ouvriers et les étudiants de Bergame Precia imposent : l’électrification, des allocations communales pour les abonnements, l’augmentation du nombre de trains, de wagons par la grève et l’édification de barrages, tandis qu'à l’automne 1973, la région de Porto Marghera est le théâtre d’une opération du PCI et des syndicats, visant à canaliser les aspirations de la lutte en l’amenant sur l’aspect de la régionalisation.
Les ouvriers et les étudiants ne sont pas dupes. Les barrages refleurissent sur les routes. Des comités de "pendolari" s’organisent dans les bus. Les lycéens et les étudiants déclenchent des grèves dans les principaux établissements de cette région, réussissant à bénéficier de la gratuité dès la fin du mois de décembre. Par la suite, les "pendolari" exigent qu’elle s’applique à tous, puisque le paiement d’un abonnement autoréduit apparaît même dérisoire.
A Milan le 26 août 1974, le gouvernement régional décide d’augmenter de 60% le prix des transports. Face à cela, le comité unitaire de base lance une grève sauvage à l’Aziendale di Transporti Milanisi, la principale entreprise de transports milanais. Le 20 septembre, un appel est lancé par la Federacione di Lavoratori Metalmecanicci, en dépit du désaccord exprimé dans les conseils d’usine par les délégués de la Federazione Italieni Operai Metalmecanicci, pour l’autoréduction. Le mouvement des "pendolari" ne cesse d’accroître son influence sur les ouvriers. Environ dix mille personnes voyagent les premiers jours en réglant le précédent tarif. La FLM se charge de vendre des tickets, portant son tampon, aux portes des bus, des usines et dans les conseils d’usine. A la fin du mouvement, le nombre de participant atteint 40 000. Cela aboutit à un accord annulant l’augmentation, malgré le travail de sape des syndicats représentatifs et institutionnels. Les déclarations de la FIOM et de la CGIL sont sans ambiguïté : "Le mouvement ouvrier a dépassé le stade de la lutte passive, et l’expérience montre qu’à ce type de lutte il manque deux choses pour être vraiment efficace : elle ne réalise pas l’unité des travailleurs et elle ne peut être une lutte de masse – Nous condamnons ce type d’initiative corporatiste qui ne trouve pas l’adhésion des masses et n’a aucun objectif politique".

VI. La nourriture :

Durant l’année 1974, l’inflation plafonne à 18%. Par contre coup, les ouvriers réclament la fixation de prix "politiques", c'est-à-dire ce que doit payer l’ouvrier pour une denrée, car l’inflation (qui se répercute sur les prix à la consommation) est vécue comme le moyen d’annuler les hausses de salaires. En juin, les premiers mouvements de Boycott des magasins s’organisent à Maestre et Venise. Dans le quartier Villagio San Marco de cette dernière, les ménagères réussissent à imposer par la lutte une baisse de mille lires sur quatorze produits de première nécessité valant huit mille lires. "Un comité des prix" se constitue par les ménagères, dont l’objectif est d’examiner les variations du coût de l’alimentaire sur le budget familial. Il programme une dizaine d’interventions dans les supermarchés et coopératives. A Milan, la population ouvrière passe sans aucun état d’âme du boycottage à la réappropriation collective, violente si nécessaire, remettant en question le cadre de la propriété privée, comme l’affirme l’extrait de ce tract distribué lors d’une action : "Les biens que nous avons pris sont à nous, comme est nôtre tout ce qui existe parce que nous l’avons produit". Les jeunes exploités étendront ce type d’action aux boutiques de vêtements et de disques. Il s’agit d’aller vers le communisme immédiat.

VII. Le téléphone :

La gestion du téléphone est octroyée à une société d’Etat : la SIP. Son développement revient aux grosses sociétés multinationales qui décident d’entamer une restructuration pour dégager de nouveaux investissements destinés à l’émergence du secteur "quaternaire" : péri-informatique, banque de données… jugé plus lucratif que le téléphone. La Sit-Siemens déclenche une automatisation de la production des centrales téléphoniques. Sa décision se répercute sur une bonne partie des ouvriers de ce secteur, qui se retrouvent au chômage technique, et les utilisateurs, car leurs factures subissent une majoration. La SIP se justifie au nom d’un soi-disant déficit, qui atteint les trois cent milliards. Cela ne l’empêche pas de verser quarante milliards de bénéfices à ces actionnaires, tout en s’acquittant d’un maigre paiement de l’impôt évalué à trois milliards au lieu des quarante-sept milliards prévus !
Par voie de tract, le 8 avril 1975, la FLM de Turin exhorte à l’autoréduction : "Nous devons organiser la lutte en autoréduisant les notes de téléphone, en nous bornant à payer le tarif d’abonnement. Cela afin d’obliger le gouvernement à lier le problème du téléphone et des investissements, de l’emploi et des tarifs". L’appel de la FLM de Turin n’est pas relayé par les autres syndicats. La raison : les élections régionales et le fait que les coupures de lignes vont s’opérer depuis les centraux téléphoniques. Ils ne veulent prendre aucun risque en cas d’actions très dures. Vers la première semaine d’avril 75, un groupe d’usagers réalise un coup d’éclat à Milan en s’introduisant dans un central téléphonique pour détruire les enregistreurs d’unités avec des barres de fer, ce qui permet à tout un quartier de téléphoner gratuitement. En réponse, l’Etat italien promulgue une loi autorisant les policiers à se servir de leurs armes à feu sur quiconque "est surpris à rôder autour d’un bâtiment public". Cependant, on ne procédera à aucune coupure durant les six premiers mois d’application de cette loi.
A la fin du mois de septembre, la SIP réengage l’offensive en coupant plusieurs milliers de téléphones dans les banlieues de travailleurs de Rome. La riposte ne se fait pas attendre : une charge de plastique fait sauter le central de la Via Shakespeare, le 13 octobre : 14 000 lignes de téléphone, incluant ceux des ministères et de la présidence, sont inutilisables. L’opération se répète le lendemain dans la ville de Gênes. Il n’y a qu’une seule cible dans ces deux cas : les quartiers bourgeois ! On comptera, dans la semaine, vingt-sept attaques contre des centraux. Quatre réussiront. Au final, l’anecdote la plus intéressante : des magistrats ordonne à la SIP de rétablir les lignes d’usagers pratiquant l’autoréduction, au vu du non respect de la loi !

VIII. RVI (Renault véhicule industrie), grève de 1979 :

J’ai été amené, au cours de mes recherches, à feuilleter le mémoire d’histoire de Cédric Leroy, consacré à la décennie des grèves ouvrières : 1968-79. Je me suis arrêté sur le passage d’une grève à RVI-Caen, menée en mai-juin 1979, durant laquelle avaient flotté des drapeaux rouges et noirs. J’ai eu la chance de croiser un ancien militant du comité des travailleurs révolutionnaires, cité dans son mémoire. Cet individu m’a accordé un entretien, en juin 2005, pour témoigner de cette persistance à l’expression de la radicalité et de l’autonomie dans le mouvement ouvrier.
Paul Anton : En quelle année as-tu intégré RVI ?
M.B : 1974, au mois de juin, en tant qu’ouvrier spécialisé.
Paul Anton : Pourquoi as-tu entrepris cette démarche ?
M.B : J’ai décidé de quitter Moulinex pour rentrer à RVI, devenue une citadelle rouge depuis les événements de Mai 68. D’importantes luttes revendicatives se développaient.
Paul Anton : Est-ce qu’il y a eu une autre raison essentielle ?
M.B : La grande majorité des jeunes salariés de cette usine de camions ont été radicalisés par les événements de Mai 1968.
Paul Anton : Tu as constaté le résultat de la mixtion de la décentralisation, du baby-boum et du modèle fordiste.
M.B : Exact !
Paul Anton : Avais-tu une expérience de lutte ouvrière ?
M.B : J’en avais une puisque j’avais déjà travaillé à Moulinex où j’ai participé à plusieurs luttes très dures. Je tenais à préciser que j’avais été, dans un premier temps, un jeune lycéen imprégné par les événements de Mai 1968 : les manifestations impressionnantes, les occupations d’usines, les affrontements violents…
Paul Anton : As-tu rejoint un syndicat pendant cette époque ?
M.B : Oui, j’ai adhéré à la CFDT peu de temps après mon entrée à RVI.
Paul Anton : Ta prise de carte à la CFDT paraîtrait étonnante aujourd’hui.
M.B : Sûrement ! Mais, la CFDT était très combative à cette période. Un courant autogestionnaire existait même en son sein !
Paul Anton : Si nous revenions à RVI, que tu m’expliques la mise en place du comité des travailleurs révolutionnaires !
M.B : Volontiers. On observait que les syndicats n’incitaient pas à la lutte et qu’ils entendaient faire exprimer le mécontentement vers un jeu de soutien au programme commun de la gauche. Leur principal objectif était de le réorienter dans le mécanisme électoral et parlementaire pour mieux limiter, annihiler complètement, le recours à l’utilisation de la grève, qui s’accompagnait parfois d’autres actions des salariés contre les patrons et les petits chefs.
Paul Anton : Et l’impact ?
M.B : Nous l’aurons dès l’enclenchement du processus de lutte, en touchant un certain nombre de camarades syndiqués CGT, CFDT et non syndiqués.
Paul Anton : A propos de l’étiquetage politique ?
M.B : Il a été hétérogène : des trotskystes, des maoïstes, des libertaires et beaucoup de camarades qui ne se reconnaissaient dans aucun parti. Ce point commun nous a conduit à éditer des tracts, réalisés sur notre appréciation de la lutte en cours. Ceux-ci ont reçu un écho favorable chez les travailleurs combatifs.
Paul Anton : Quelle méthode d’intervention utilisiez-vous ?
M.B : Défiants vis-à-vis des appareils syndicaux, les membres du comité des travailleurs révolutionnaires privilégiaient la discrétion, en diffusant les tracts subrepticement, à l’intérieur des ateliers par exemple. Nous intervenions de manière individuelle mais coordonnée lors des assemblées générales, des meetings et des débrayages d’ateliers. Nous insistions sur le fait de promouvoir un mode de fonctionnement qui privilégie la constitution d’un comité ou d’un collectif de lutte, pour stimuler une hausse des revendications. Nous exprimions aussi les idées d’autogestion, de contrôle ouvrier, du refus de produire de l'équipement militaire et le rejet de l’idéologie du travail salarié…
Paul Anton : Bref, l’idée des soviets !
M.B : Vraisemblablement !
Paul Anton : Combien étiez-vous à cet instant ?
M.B : Environ une centaine de membres actifs, mais il m’aurait été difficile d’évaluer le nombre des sympathisants. Je pense qu’il a pu se chiffrer à quelques centaines. Notre impact s’amplifiera pendant la phase dure du conflit. Le comité des travailleurs révolutionnaires, via les piquets de grève, deviendra ouvertement la structure organisatrice et référenciée parmi les travailleurs combatifs. Aucune décision ne pouvait se prendre en dehors du cadre des assemblées générales. Le comité des travailleurs révolutionnaires a été, à ce moment, en adéquation totale avec la lutte. La propagande anarchiste s’est manifestée. Certains grévistes ont découvert qu’ils partageaient une large sympathie pour cette idéologie. C’est pour cela qu’apparaît le drapeau noir à coté du drapeau rouge pendant toute la durée des piquets de grève ! Ils seront hissés en haut du mât tandis que plusieurs milliers de grévistes entonneront l’Internationale ! La CGT, outrée, a tenté d’imposer la présence du drapeau tricolore. Les grévistes l’ont brûlé car ils n’admettaient que ces deux couleurs : le rouge (le mouvement ouvrier) et le noir (l’anarchisme) !
Paul Anton : les syndicats ont-ils eu une posture unanime ?  
M.B : La CGT et FO ont été très embarrassées et la CFDT a soutenu le conflit tout en étant divisée. Le vrai problème était que celui-ci concernait les OS. Ce conflit n’arrivait pas à s’étendre aux autres salariés, dont une majorité inactive avait tergiversé sur le fait de soutenir ou de s’opposer au conflit, le bénéfice profitant à chacun en cas de victoire. Soucieux des élections syndicales, les syndicats se sont retrouvé écartelés entre une majorité inactive et une minorité offensive qui maintenait la tradition historique de lutte ouvrière à RVI. Les syndicats n’ont pas souhaité courir le risque de se mettre à dos l’une ou l’autre. Leur existence s’en trouvait liée.
Paul Anton : Le comité des travailleurs révolutionnaires dominait, si j’ai bien compris !
M.B : Oui, l’AG des piquets de grève menait la lutte et les syndicats se voyaient obligés de négocier indirectement avec le comité des travailleurs révolutionnaires. Je rajouterai que la démarche visant à la création du comité des travailleurs révolutionnaires ne s’est pas arrêtée qu’à RVI. Elle s’est mise en marche sur d’autres lieux : SMN, PTT, CHU, Moulinex. Une réelle dynamique d’auto-organisation s’est ébauchée vis-à-vis des syndicats et des partis politiques de gauche, qui posaient, à terme, leur légitimité à encadrer et représenter les exploités.
Paul Anton : Quelle a été l’analyse des grévistes ?
M.B : Ces derniers se sont posé le dilemme suivant : arrêter ou continuer ! Nous n’entraînions pas la totalité des salariés de notre côté. La direction avait joué sur le pourrissement et les syndicats s’étaient trouvés dans l’expectative. Les grévistes ont décidé de monter l’action d’un cran en proposant l’occupation de l’usine et ont envisagé d’étendre le conflit au niveau de l’agglomération. C’est à partir de ce moment là que la situation a changé très rapidement. La direction a essayé de mobiliser les non grévistes avec l’appui des cadres et de certains petits chefs. Lors d’une marche vers l’entrée principale de l’usine, ils ont tenté d’enfoncer le piquet de grève, qui tenait bon malgré les heurts violents.
Paul Anton : Que s’est-il passé ensuite ?
M.B : Les forces de l’ordre ont accompli leur besogne quelques temps plus tard, pour rétablir le libre accès à l’entreprise, en dégageant les camions qui obstruaient les entrées.
Paul Anton : Cédric Leroy a mentionné, dans son mémoire, l’intervention les forces de l’ordre à la demande effective des syndicats.
M.B : Il était tout à fait possible que les syndicats souhaitaient, d’une façon active ou passive, le concours de la police pour liquider ce conflit qu’ils ne maîtrisaient pas. Les relations entretenues par les deux camps ont d’ailleurs été de plus en plus inquiétantes, risquant d’instituer un climat très nuisible dans les conditions de travail. Il ne faut pas oublier que RVI était l’entreprise phare de la région. Je n’ai pas su si la CGT et FO sont intervenues directement. Mais si c’était la réalité : rien n’a filtré ! Au sujet de la CFDT, la polémique entre Guy Robert[32] et Norbert A était connue. Guy Robert indiquait que Norbert A avait agi afin de favoriser l’intervention des forces de l’ordre.
Paul Anton : Qu’est-ce que vous avez décidé ?
M.B : Le comité des travailleurs révolutionnaires s’est fondu dans une structure dénommée "Débordement", en utilisant le même mode d’intervention. Son audience s’avérera importante pour continuer d’inquiéter les syndicats et la direction.
Paul Anton : Et la gauche est arrivée au bord du pouvoir ? Alors ? J’imagine que tu n’as pas fait la fête le 10 mai 1981 !
M.B : Avant cet événement, les syndicats, les partis de gauche, en y incluant l’extrême gauche trotskyste, ont placé leurs espoirs dans la réalisation du programme commun, contribuant largement à la démobilisation des travailleurs. Nous assistions à une décrue des luttes dures (ou directes). Cela a été le point mort ! "Débordement" a tenté de briser le mirage social-démocrate. Nous devions atteindre quelques années pour que celui-ci cesse.
Paul Anton : La réaction des patrons ne s’est pas fait attendre !
M.B : Ils ont profité de la nouvelle période, avec l’appui tacite de la gauche politico-syndicale, afin de nettoyer les entreprises des éléments radicalisés et révolutionnaires, qui étaient mutés continuellement d’un poste à l’autre à RVI. La hiérarchie appliquait une logique de plus en plus disciplinaire, usant de techniques connues d’isolement, pour affaiblir psychologiquement les travailleurs combatifs. L’amoindrissement du rapport de force a permis à la direction de liquider le noyau révolutionnaire. Personnellement, comme d’autres, soumis à ce genre de traitement, j’ai choisi de quitter RVI en empochant l’indemnité de licenciement plutôt que d’attendre la faute grave.
Paul Anton : Ce qui explique en partie la faiblesse des luttes actuelles.
M.B : En effet, la réaction patronale s’est exercée minutieusement envers les éléments radicaux sur l’ensemble du territoire, surtout dans les établissements dits sensibles : les entreprises, les administrations, la fonction publique, etc. Tout cela a montré nettement qu’en dernier recours, la social-démocratie était l’allié du capital, n’hésitant pas à anéantir les forces révolutionnaires, pour que ce dernier continue de renforcer l’extraction de la plus-value garante du taux de profit. 

IX. Interview de Paul Mattick par le quotidien Italien
"Lotta Continua" en octobre 1977 :


Cette interview permet de saisir la situation de l’époque, caractérisée, dans une moindre mesure, par l’évolution des appareils de la gauche politico-syndicale, qui promulgue une logique d’intégration (au jeu) collaborationniste. Nous sommes en 2005 et constatons que ces appareils de la gauche politico-syndicale sont des appareils idéologiques bourgeois au service du capital. Il est aujourd'hui impossible de renforcer et de développer une perspective révolutionnaire en escamotant le rapport "soumission/rupture" entretenu par le prolétariat avec la social-démocratie et le néo-léninisme. Les exploités et les opprimés ne pourront combattre leur aliénation qu’en provoquant un conflit ouvert avec ces appareils de la gauche politico-syndicale. Cela induit, de fait, une pratique autonome du dispositif structurel des exploités et des opprimés, d’où l’objet de ce cahier.      
L.C : Tout semble indiquer que nous sommes entrés dans une nouvelle période de grave crise économique et sociale. Quels en sont les traits par comparaison avec la crise des années 1930 ?
P.M : Les raisons fondamentales de la crise actuelle sont identiques à celles de toutes les crises du système capitaliste. Mais toutes les crises présentent aussi des caractéristiques spécifiques en ce qui concerne leur apparition, les réactions qu’elles provoquent et leurs conséquences.
A l’origine de ces traits distinctifs se trouvent les transformations structurelles du capital. Une crise survient en général à la suite d’une période d’accumulation convenable, au cours de laquelle les profits produits et réalisés ont suffi à assurer le maintien d’un rythme d’expansion donné.
Cet état de prospérité capitaliste exige des gains de productivité constants et assez élevés pour contrebalancer le déclin relatif de rentabilité qu’entraînent les transformations structurelles du capital. La recherche du profit, que les capitaux individuels effectuent sous le fouet de la concurrence, donc à l’aveuglette, ne peut que se poursuivre sans tenir compte des transformations intervenues dans le rapport capital/travail inhérent à la composition sociale du capital.
La crise fait irruption quand la disproportionnalité entre la fraction du profit destiné au capital social et le taux d’accumulation voulu interdit toute nouvelle expansion. Cette disparité de base, mais indéterminable par voie empirique, se fait sentir au niveau du marché sous forme d’un défaut de demande effective, lequel n’est qu’une autre expression pour désigner le défaut d’accumulation, de cette accumulation dont dépend la demande effective.
Avant 1930, on remédiait aux dépressions économiques par des procédés déflationnistes, autrement dit en laissant libre cours aux lois du marché dans l’espoir que la baisse d’activité aurait tôt ou tard pour effet de restaurer l’équilibre de l’offre et de la demande, et partant de rétablir la rentabilité du capital.
La crise de 1930 fut cependant trop profonde et trop dispensieuse pour qu’on pût s’en tenir au laisser faire traditionnel. On y fit face par des procédés inflationnistes, autrement dit par des interventions de l’état, appelées à déboucher sur la guerre, pour restaurer l’économie mondiale au moyen d’une centralisation à outrance, accomplie au détriment des capitaux nationaux les plus faibles, autant que d’une destruction systématique du capital sous ses formes à la fois monétaires et physiques. Financées comme elles l’étaient par le déficit budgétaire, c'est-à-dire par des techniques inflationnistes, ces interventions avaient des résultats encore et toujours déflationnistes, mais d’une tout autre ampleur qu’autrefois, quand on s’en remettait passivement aux lois du marché. La longue crise puis la deuxième guerre mondiale, et les destructions massives de capital qui les accompagnèrent, créèrent les conditions d’une période extraordinairement longue d’expansion dans les grandes puissances industrielles d’occident.
Déflation et inflation aboutirent l’une et l’autre au même résultat, un nouvel essor du capital, et servirent de la sorte et tour à tour à sauvegarder la stabilité économique et sociale ainsi acquise. Le financement par le déficit budgétaire, par le crédit en d’autres termes, permet certes de stimuler une économie en stagnation. Mais il est impossible de maintenir le taux de profit de cette façon là et de perpétuer ce faisant les conditions de la prospérité. Ceci étant, le mécanisme déclencheur de crise inhérent à la production du capital était appelé à se remettre en place de lui-même : simple question de temps.
A l’heure actuelle, il est manifeste que l’octroi de crédits destinés à relancer la production constitue non pas une solution définitive à la crise, mais une politique au coup par coup dont les effets positifs ne peuvent être que temporaires. Faute d’aboutir à un véritable, un évident essor fondé sur des profits accrus, cette politique est voué à un échec dont elle contient en elle-même le germe.
La médicalisation keynésienne a tout bonnement engendré une nouvelle situation de crise, assortie d’inflation et de chômage également croissants, et l’un comme l’autre tout aussi préjudiciables au système capitaliste. La crise en cours n’a pas atteint jusqu’à présent l’ampleur dévastatrice de la précédente qui, pendant les années 30, devait conduire de la dépression à la guerre.
Tout en étant incapables de mettre fin au marasme actuel, les mesures anticrises pallient jusqu’à un certain point la misère causée par la baisse d’activité. Mais, dans le cadre d’une économie en stagnation, ces mesures deviennent elles-mêmes autant d’éléments contribuant à détériorer celle-ci par la suite. Ne rendent-elles pas plus ardue la reconstitution d’une base de départ pour un nouvel essor ? De même, la dépression qui va croissant à pour conséquence de restreindre à proportion la part d’intégration internationale que l’économie capitaliste doit à des arrangements monétaires et à des politiques commerciales d’inspiration libérale. Et les tendances au protectionnisme aggravent encore l’état du marché mondial.
Etant donné que la crise ne peut être que jugulée qu’aux dépens de la population laborieuse, la bourgeoisie se voit contrainte de mobiliser tous les moyens dont elle dispose, économiques aussi bien que politiques, pour réduire le niveau de vie des travailleurs. La montée du chômage, tout en pesant sur la situation, ne suffit pas à faire baisser les salaires autant que l’exige le rétablissement de la rentabilité du capital. Pour arriver à ce rétablissement, préalable obligé à la reprise de l’expansion, il faut comprimer les revenus des couches non capitalistes, diminuer le budget dit social, etc. Bien qu’une inflation accélérée ait cet effet là, pareille politique trouve aussi ses limites dans « l’anarchie » croissante de la production capitaliste et de la société en général. Bref, l’inflation comme politique permanente menace l’existence même du système.

Gauche et eurocommunisme

L.C : A ce propos, comment vois tu le rôle de la gauche, et plus particulièrement du parti communiste ? Quelle est selon toi la signification de l’eurocommunisme ?
P.M : Il faut distinguer entre la gauche objective, c'est-à-dire le prolétariat comme tel, et la gauche organisée, qui n’est pas de nature strictement prolétarienne. Au sein de cette dernière, le parti communiste, tout du moins en Italie, détient une position dominante. En ce moment ci, toujours en Italie, c’est lui qui le plus probablement détermine la politique de la gauche, malgré l’opposition des formations situées à sa gauche ou à sa droite. Mais le P.C. n’est pas une organisation communiste au sens traditionnel : depuis longtemps transformé en mouvement social-démocrate, en parti réformiste, il vit en symbiose avec le capitalisme et donc s’offre à le servir.
Son objet pratique est de satisfaire les aspirations bourgeoises de son corps dirigeant, les besoins de sa bureaucratie, tout en faisant office de médiateur entre le travail et le capital en vue de maintenir le statu quo social. Le fait qu’il rencontre une adhésion massive en milieu ouvrier indique que les travailleurs ne sont pas prêts à renverser le système, ou n’y tiennent pas, et désirent à la place arriver à un accommodement avec lui. Illusion, assurément, mais qui va dans le sens de la politique opportuniste du P.C. Une dépression prolongée risquant de détruire le système, il est essentiel pour le parti communiste, autant que pour les autres organisations réformistes, d’aider la bourgeoisie à en finir avec la crise. C’est pourquoi il s’efforce de couper court à des actions ouvrières susceptibles de freiner, voir d’empêcher, le redressement du capitalisme. Dès que ce dernier se trouve mis en danger par des mouvements de la classe ouvrière, que le système en proie à la crise ne saurait contenter, la politique réformiste et opportuniste du P.C. revêt un caractère ouvertement contre-révolutionnaire.
L’eurocommunisme cher au P.C. est dépourvu de toute signification parce que le communisme est une catégorie non pas géographique mais sociale. Ce terme vide recouvre une tentative, de la part des P.C. européens, de différencier leurs attitudes actuelles d’avec leurs politiques passées. C’est une manière de proclamer que le vieux but capitaliste d’Etat depuis longtemps enterré en pratique a été abandonné au profit de l’économie mixte propre au capitalisme d’aujourd’hui. Eurocommunisme, cela signifie la recherche d’une reconnaissance officielle et d’une intégration totale au système en place, lesquelles impliquent naturellement une intégration aux divers Etats nationaux que compte le territoire européen. Une manière aussi de faire acte de candidature à des responsabilités accrues dans le cadre du système capitaliste et de son gouvernement, de s’engager en outre à respecter le degré limité de coopération atteint dans le contexte européen par les nations capitalistes et à s’abstenir de toute initiative risquant de compromettre le consensus apparent entre l’Est et l’Ouest.
Il s’agit en l’occurrence non pas d’une rupture catégorique avec la partie capitaliste d’Etat du monde, mais de consécration du fait que ce camp là, vise à s’intégrer plus complètement au marché mondial, malgré les différences qui subsistent entres systèmes de capitalisme privé et de capitalisme d’Etat.

L’efficacité révolutionnaire

L.C. : Quelles possibilités d’action révolutionnaire, ou d’action visant à préparer une révolution, existe-t-il ? Quelles possibilités vois tu pour les travailleurs, les chômeurs, les étudiants, les formations gauchistes ?
P.M : Les actions révolutionnaires sont dirigées contre le système comme un tout pour le renverser. Ce qui présuppose une dislocation du corps social, hors de tout contrôle politique. Jusqu’ici, pareilles actions ne sont produites qu’en liaison avec des catastrophes sociales, telles celles qu’engendrent des guerres perdues et l’état de désagrégation économique qui va de pair avec elles. Cela ne veut pas dire que ce genre de situation constitue un préalable absolu à la révolution, mais revient à constater l’ampleur de la désintégration sociale qui précède les soulèvements révolutionnaires. La révolution doit forcément impliquer la majorité de la population. Et c’est la nécessité, non l’idéologie, qui met les masses en mouvement. L’activité qui s’ensuit produit son idéologie révolutionnaire propre, en vue de discerner ce qu’il y a lieu de faire pour sortir victorieusement de la lutte contre les défenseurs du système. A l’heure actuelle, les possibilités d’action révolutionnaire sont extrêmement faibles, parce que les chances de succès sont nulles.
Instruites par l’expérience, les classes dirigeantes s’attendent à des éruptions révolutionnaires et se sont armées en conséquence. Leur puissance militaire n’est jusqu’à présent nullement menacée de dissensions intestines ; politiquement, ces classes jouissent du soutien des grandes organisations ouvrières et de la majorité de la population. Elles n’ont pas encore épuisé les possibilités de manipuler l’économie qui s’offrent à elles ; malgré une concurrence internationale toujours plus âpre pour des profits en voie de contraction à l’échelle internationale, elles demeurent unies dans le monde entier contre les soulèvements prolétariens partout où ils pourraient surgir. Les régimes soi disant socialistes participent eux aussi à ce front commun : pour sauvegarder les rapports de classe, les rapports d’exploitation qui leurs servent de base. Au stade de développement où nous sommes, une révolution socialiste semble plus que douteuse. Il n’en reste pas moins que toute activité des travailleurs visant à défendre leurs intérêts propres possède un caractère potentiellement révolutionnaire, étant donné que le capitalisme se trouve dans un état de délabrement susceptible de durer longtemps. Vu le manque de données utiles, personne ne saurait prévoir quelles dimensions la dépression est appelée à prendre. Mais chacun est confronté à la crise et doit y réagir : la bourgeoisie à sa manière, la classe ouvrière de façon opposée.
En période de relative stabilité économique, la lutte ouvrière elle-même à pour effet d’accélérer l’accumulation du capital, en forçant la bourgeoisie à adopter des méthodes plus efficaces pour accroître la productivité du travail et conserver de la sorte le taux de profit voulu. Les salaires et les profits peuvent s’élever de conserve sans que cela nuise à l’expansion du capital. Mais une dépression met fin cependant à cette hausse simultanée (quoique inégale). Pour que le processus d’accumulation puisse redémarrer, il faut d’abord que la rentabilité du capital soit rétablie. Désormais, la lutte entre le travail et le capital met en cause l’existence du système, liée qu’elle est à l’expansion continue de ce dernier.
Objectivement, les luttes économiques ordinaires revêtent des implications et donc des formes politiques, parce qu’une classe ne peut l’emporter qu’au détriment de l’autre. La classe ouvrière n’a nul besoin de concevoir sa lutte comme la voie de la révolution ; dans le cadre d’un capitalisme en déclin persistant, ses luttes prennent des connotations révolutionnaires, et cela complètement en dehors de toute prise de conscience. Bien sûr, il se peut que les travailleurs acceptent de se contenter d’une part diminuée, dans certaines limites, du produit social, serait ce uniquement pour éviter les misères d’une lutte prolongée contre la bourgeoisie et son Etat. Mais voilà qui risque fort de ne pas être suffisant pour nourrir un nouvel essor économique et mettre un terme du même coup à la croissance du chômage. Tout en étant inhérente au système, la division entre travailleurs en activité et en sans travail se transforme en source de difficultés pour le capitalisme, dès lors qu’il y a montée du chômage dans un contexte de stagnation et de déclin économiques. Quant aux moyens de réagir à la crise, tout ce qu’on suggère aux travailleurs, c’est de s’unir tous tant qu’ils sont, avec ou sans travail, dans des organisations placées sous le contrôle direct, et de se battre pour leurs besoins immédiats, sans tenir compte de l’état de l’économie ni de la collaboration de classe du mouvement ouvrier officiel. En d’autres termes : de mener leur lutte de classe avec autant d’acharnement que la bourgeoisie mène la sienne. Au grand moyen de l’action de celle-ci, son appareil d’Etat, il faut opposer une puissance plus considérable encore, ce qui ne peut se faire au début que par une dislocation continue du processus base même de la puissance capitaliste et par une poussée implacable des sans travail visant à extorquer à la bourgeoisie leurs moyens d’existence.
Quant aux étudiants d’extrême gauche et aux groupes révolutionnaires, s’ils veulent avoir une efficacité quelconque, il faut s’immerger dans le mouvement des travailleurs et des chômeurs : non pour réaliser un programme à eux, mais pour mieux cerner le sens de la lutte des classe qui se profile à l’horizon et les directions qu’elle est appelée à prendre en raison des lois immanentes de la production du capital.

Violence et action de classe

L.C : D’après toi, quel est le rôle de la violence, de la lutte armée en particulier, dans l’action militante ?
P.M : Ce n’est pas une question à laquelle on peut répondre en attribuant à la violence un rôle ou positif ou négatif. La violence est immanente au système et donc une nécessité pour le travail autant que pour le capital. De même que la bourgeoisie ne subsiste qu’en vertu de sa mainmise sur les moyens de production, de même il lui faut la défendre par des procédés extra économiques, grâce à son monopole des moyens de répression. Un refus de travail suffit à priver de sens les moyens de production, car le profit capitaliste n’a pas d’autre origine que le processus du travail. Entre le travail et le capital, il n’est donc pas question de lutte purement économique : la bourgeoisie ne manquera pas de recourir à la violence chaque fois que cette lutte menacera son existence en risquant de compromettre sérieusement la rentabilité du capital.
Voilà qui interdit aux travailleurs toute espèce de choix entre la violence et la non violence dans la lutte des classes. C’est la bourgeoisie, en possession de l’appareil d’état, qui en décide ainsi. A la violence il n’est possible de répondre que par la violence, même s’il faut se battre avec des armes inégales à l’extrême. Il s’agit en l’occurrence non d’une question de principe, mais bien de la réalité, de la structure propre à la société de classes. Cependant, la question posée est de savoir si les éléments radicaux doivent ou non prendre l’initiative de la violence au cours des luttes anticapitalistes, au lieu de laisser à la bourgeoisie et à ses mercenaires le soin d’en décider.
Certes, il peut y avoir des situations auxquelles la bourgeoisie n’est pas prête à faire face et où un heurt violent avec ses forces armées se termine à l’avantage des révolutionnaires. Mais toute l’histoire des mouvements d’inspiration radicale montre avec la dernière netteté que des victoires aussi fortuites restent sans lendemain. La bourgeoisie finira toujours par avoir le dessus sur le plan militaire, sauf si le mouvement révolutionnaire prend une ampleur telle que l’appareil d’état lui-même en est affecté, ses forces armées se divisant ou se dissolvant. C’est seulement en conjonction avec de grands moyens de masse, qui font littéralement voler en éclats l’édifice social, qu’il devient possible d’arracher au classes dirigeantes les moyens de répression et du même coup les moyens de production. La futilité évidente de confrontations armées par trop inégales n’a pas empêché qu’il s’en produise. Qui plus est, dans certaines situations, pareilles confrontations peuvent déclencher des réactions en chaîne et déboucher sur des mouvements de masse du genre qui sert en général de préalable à la violence révolutionnaire. Voilà pourquoi il est si dangereux d’insister sur la non violence et de faire de la violence l’apanage de la classe dominante. Mais cela concerne des situations véritablement cruciales (non pas celles que les pays capitalistes connaissent actuellement) et aussi des forces suffisamment armées pour pouvoir tenir le coup pendant très longtemps. Dans le cas contraire, de telles actions reviennent à un suicide collectif pur et simple, chose dont la bourgeoisie s’accommode volontiers.
On peut les louer d’un point de vue moral, ou même esthétique, mais elles ne servent nullement la cause de la révolution prolétarienne ; tout où plus entrent elles un jour dans le folklore révolutionnaire. Psychologiquement, il est difficile sinon impossible pour des révolutionnaires de s’élever contre la futile mise en œuvre de la justice de classe par des groupes ou des individus terroristes. Marx lui-même, pourtant contempteur déclaré du nihilisme sous toutes ses formes, ne cachait pas son admiration pour les exploits terroristes du groupe russe de la Volonté du Peuple. De fait, que le contre terrorisme de certains groupes révolutionnaires soit voué à la futilité est une chose, qu’il disparaisse pour autant en est une autre. Ses adeptes ne sont pas animés de la conviction que leurs actions déboucheront directement sur la transformation de la société ; ils ne se résignent pas à laisser sans réplique le perpétuel terrorisme de la bourgeoisie, voilà tout. Et une fois lancés dans le terrorisme illégal, le terrorisme légal les contraint à la fuite en avant jusqu’au dénouement tragique. Cette famille d’esprits est elle-même un produit de la société en crise et une réponse à sa férocité toujours accrue. Se joindre au chœur des voix bourgeoises pour condamner également le terrorisme d’un point de vue prolétarien, ne rime à rien. Il vaut mieux constater sa futilité, et rechercher des moyens plus efficaces d’en finir avec la permanente terreur capitaliste par des actions de classe du prolétariat.

X. Conclusion :

Les questions d’ordre tactique et théorique posées aux salariés à notre époque sont de savoir : Pourquoi ? Comment ? Sur quoi ? Contre qui lutter ?
Ce cahier a tenté de montrer que les luttes dans l’entreprise et la cité sont de même nature, car les rapports de production et de consommation s’édifient sur des contradictions identiques, dont la contradiction basée sur le rapport capital/travail, induisant la relation exploités/exploiteurs. Les conditions de travail se juxtaposent aux conditions d’habitat et les réalités de salaires sont identiques à celles du pouvoir d’achat : inégalitaires. La propriété privée des moyens de production légitime aussi la propriété des moyens de consommation. C’est dire si la lutte doit embraser l’ensemble des rapports de la sphère sociétale. Cela conforte le concept globaliste avancé par la CNT-AIT.
Les luttes salariales dans leurs manifestations radicales, tant en Italie qu’à RVI, révèlent l’opposition inconciliable des intérêts du prolétariat et de la bourgeoisie, ainsi qu’une divergence entre le prolétariat radical et les appareils de la gauche politico-syndicale. Ce cahier rappelle les traits saillants de cette problématique relative à notre époque.
De nos jours, certains tentent d’opposer l’autonomie populaire et l’anarchosyndicalisme. Ceci constitue plusieurs inepties dans le raisonnement. La CNT-AIT se réfère aux principes suivants : "la résistance populaire autonome", "le rejet des institutions étatiques et bourgeoises", "la lutte des classes", "l’action et la démocratie directe". On en déduit que l’autonomie populaire et l’anarchosyndicalisme sont de même essence.
Au sujet de la violence et de la radicalité, nous renverrons le lecteur à l’interview de Paul Mattick pour nous démarquer d’un folklore entretenu par ceux qui confondent la radicalité des masses et des groupuscules autoproclamés, d’autant plus que leur radicalité se limite au verbiage gauchisant et à des quolibets anti-policiers.
A ceux qui rejettent l’intérêt des revendications immédiates, en se déclarant anti-syndicalistes et, par contre coup, idéalisant les luttes italiennes des années 70, nous leurs rappellerons que si l’anarchosyndicalisme n’a pas encore vaincu le capitalisme : ce constat historique s’applique aussi à l’autonomie. Bien des adeptes de cette époque là, qui s’en revendiquent aujourd’hui, procèdent par méconnaissance. Ces luttes étaient agencées justement sur le versant des revendications immédiates, dans le cadre de la restructuration. De fait, le caractère révolutionnaire ou non des revendications immédiates est à analyser entièrement dans le contexte produit par la situation économique : les revendications immédiates sont acceptables dans la phase de croissance fordiste pour les tenants du capital et les mêmes, lors d’une crise cyclique conjoncturelle et/ou structurelle, peuvent entraîner une accélération des antagonismes de classes, puis déboucher sur un conflit majeur. Ce processus observé dans l’Italie des années 70 aurait pu aboutir à l’enclenchement d’une transformation révolutionnaire comparable à l’Espagne de 1936.
Il faut se méfier d’une rhétorique à la mode qui se glose de "La société du spectacle"et d’un néo-situationnisme, car tous les faits sociaux et historiques doivent être contextualisés et mis en situation. Il est nécessaire de rompre avec un pseudo-gauchisme qui n’établit aucun lien dialectique entre les faits, pour leur adjoindre l’éclectisme. Ce pseudo-gauchisme préfère le fétichisme de la nostalgie, le placage de principes et de mots d’ordre en dehors du mouvement du réel, les grandes messes spectaculaires à la multiplication d’actions concrètes dans le champ social.

Paul Anton, Caen 2005.
 
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Note :
Il arrive bien souvent que les mêmes questions resurgissent épisodiquement sur le prolétariat en lutte. Ces questions : pourquoi ? Comment ? Sur quoi ? Contre qui lutter ? Par un rappel de certaines luttes, ce cahier signifie une constante : l’auto-organisation, l’autonomie, la désobéissance civile et la globalité du combat, toujours au cœur des luttes d’hier et d’aujourd’hui. Chacun pourra juger de la pertinence de l’anarchosyndicalisme.
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Messagepar non defini » Jeudi 29 Jan 2009 15:29

C'est une constante chez le mâle de croire au pouvoir, à la domination. Il n'a pas encore compris que c'était son égo qui l'obligeait à la violence.

Puisque c'est le capital (ou la propriété) qui est cause des violences exercées sur les humains pourquoi ne supprimons nous pas cet article de loi? Sous prétexte que ça fait parti des "droits humains" (article 17) Nous pourrions au moins le limiter! En accord avec les peuples premiers ce serait le droit d'usage qui délimiterait nos profits.
Je demande une vraie réflexion sur ce que "la propriété" génère comme fausses sécurités et comme aliénations du vivant. C'est parce que nous sommes propriétaires d'une maison avec jardin que nous pensons que notre avenir assuré?

Je crois aussi que l'être humain croit au "mérite". Il organise sa vie en vue de son ascension sociale, il se projette dans le champ social grâce à son égo et au lieu de vivre pleinement ce qui le réjouit, il s'enferre, se paralyse, se sclérose dans des illusions.

Je ne dis pas que j'ai la vérité, je constate seulement que la façon dont nous sommes organisés provoque le chaos et la souffrance du vivant. Il n'y a pas que les structures qui nous font souffrir, nos propres préjugés, conceptions, peurs sont à l'origine de nos calcifications. Personne ne nous a dit qu'il était facile de vivre.
Peut-être qu'il faudrait enseigner qu'avant de devenir libre (quoique né libre) l'individu doit d'abord prendre conscience que son environnement n'a pas la vérité puisque les vieux sont convaincus qu'il faut mourir.
Que lui, jeune individu, doit à son tour, imaginer sa propre façon d'inventer sa vie. Pour cela il doit d'abord s'émanciper, puis s'autonomiser par rapport à son environnement (et ne pas adopter de conduites addictives,) devenir indépendant grâce à son effort personnel car c'est l'effort qui instruit sur la réalité. Il ne faut pas considérer l'effort comme une épreuve mais comme l'incarnation de la réalité dans son propre corps et ce n'est qu'après un long parcours qu'il aura accès éventuellement à la liberté. Beaucoup de personnes croient que la liberté n'existe pas ou pensent que ce n'est qu'une illusion. NON. Elle est le prix que l'on remporte après beaucoup de péripéties, mais elle en vaut la peine. Je constate que la liberté(définie par l'article 4 de 1789) est au cœur du processus du vivant
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Messagepar Paul Anton » Vendredi 30 Jan 2009 13:06

Hum... oui.
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Messagepar non defini » Lundi 02 Fév 2009 9:00

Paul Anton a écrit:Hum... oui.



OUI
La liberté est Notre vocation. Non nous ne sommes pas des animaux à vouloir imposer par la violence ou l'argent (qui n'est que le symbole de la domination) notre façon de voir, d'interpréter, de travailler.
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Messagepar douddu » Lundi 02 Fév 2009 9:23

Beaucoup de personnes croient que la liberté n'existe pas ou pensent que ce n'est qu'une illusion. NON. Elle est le prix que l'on remporte après beaucoup de péripéties, mais elle en vaut la peine. Je constate que la liberté(définie par l'article 4 de 1789) est au cœur du processus du vivant


Tout a fait d'accord .

A la réseve de la référénce a l' art 4 de 1789 que je ne connais pas , je me méfie en effet de la production des constituants dont les plus avancés ne visaient qu'a une monarchie "a l' anglaise" .
douddu
 

Messagepar non defini » Lundi 02 Fév 2009 9:30

Paul Mattick répond aux questions:
Quelles possibilités d'action révolutionnaire, ou d'action visant à préparer une révolution, existe-t-il?
PM répond: les actions révolutionnaires sont dirigées contre le système comme un tout pour le renverser. Ce qui suppose une dislocation du corps social "
(Lorsque chaque individu grâce à sa totale autonomie indépendance d'esprit et liberté d'actions représente à lui tout seul "un monde" l'état, le système, la bourgeoisie, la hiérarchie, cette foire que les anciens ont appelé "monde", n'existent plus.)
Question: quel est le rôle de la violence, de la lutter armée dans l'action militante?
PM:"la violence est immanente au système autant pour le travail que pour le capital. Un refus de travail suffit à priver de sens les moyens de productions, car le profit capitaliste n'a d'autre origine que le processus du travail."

Peut-être faudrait-il se poser la question quelle finalité donnons-nous au travail? Et comme ce n'est pas les vieux qui peuvent répondre (puisqu'ils n'ont jamais envisagé que le travail lié à l'argent n'avait aucun sens, ils n'ont jamais voulu prendre conscience de la mesquinerie, de la méchanceté, de la violence qui était faite au vivant) je laisse les jeunes répondre à cette question.
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Messagepar Paul Anton » Mercredi 11 Fév 2009 12:35

Je saisis mieux....

Oui, tu as raison sur la finalité du travail. J'ai d'ailleurs rédigé ce texte :

http://cnt.ait.caen.free.fr/forum/viewtopic.php?t=4535


Sur les jeunes... c'est aléatoire à mon sens.
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