Donc :
Réforme du droit syndical : Elire au lieu d’agir ?
À l’heure de la réforme de la représentativité, il nous a semblé opportun de revenir sur cette fameuse représentativité. Quelle est-elle ? Qu’induit-elle ? La possibilité de discuter, contester, vivre au sein de son entreprise va-t-elle changer ? Aujourd’hui, le gouvernement veut à nouveau définir quel syndicat peut exister dans l’entreprise et lequel ne peut pas. Si, pour la CNT, c’est aux travailleurs de choisir comment ils veulent s’organiser, la répression nous oblige aussi à prendre en compte le cadre juridique, pour qu’un travailleur syndicaliste ne soit pas synonyme d’un travailleur licencié.
Jusque là, rien à dire ...
Si cette réforme est importante pour tous les travailleurs, et donc pour la CNT, elle est également déterminante dans la lecture du nouvel équilibre social que souhaite instaurer le gouvernement. L’évolution de l’entreprise précurseur des évolutions de la République ? Certainement. C’est-à-dire entre autres une République « respectant les critères républicains ». Et quid de ceux qui pensent que cette République, fondée sur une démocratie indirecte, n’est autre, justement, qu’une dictature camouflée ? Quid de toutes formes de pensées révolutionnaires ? Une loi sur la représentativité qui musèle toutes formes de réflexion sur le fond des problèmes, voici ce que nous impose le gouvernement.
Juste deux remarques incidentes : d'une part il faudrait faire suivre à l'auteur le texte paru dans le journal de la fédé culture spectacle disant qu'ils était temps de dire que défense de la Répulique et anarchosyndicalisme n'était pas incompatible ... d'autre part, demander à la République qu'elle laisse ses détracteurs s'exprimer et s'organiser librement contre elle ... C'est confondant de naïveté ou d'imbécilité. (au choix).
Quant à dire que la loi instaure un nouvel équilibre... Touchant ... Ainsi jusque là nous vivions dans un équilibre parfait entre classes ... on est content de l'apprendre ! La loi n'instaure pas un nouvel équilibre, elle adapte ses outils pour préserver le déséquilibre existant entre les classes ... Belle confusion de l'outil et de l'objet ... Bon, passons, car c'est après :
Avant la réforme
Le cadre, c’est la représentativité et donc, pour nous, cela signifie la possibilité de créer une section syndicale dans l’entreprise, conquête de mai 68. Le délégué syndical a le pouvoir de négociation, mais il est désigné et révocable par le syndicat, et donc convient assez bien à une organisation anarcho-syndicaliste comme l’est la CNT.
Oui, même si on peut encore en discuter.
...
Jusqu’à aujourd’hui, seuls CFDT, CFTC, CGT, CGC et FO étaient présumés représentatifs et ne pouvaient être contestés, même avec un seul adhérent. Pour les autres comme la CNT, il fallait, si la désignation du délégué syndical était contestée (par le patron ou par un syndicat « représentatif » !), prouver sa représentativité en remplissant des critères déterminés après guerre : les effectifs, l’indépendance, les cotisations, l’expérience et l’ancienneté du syndicat, l’attitude patriotique pendant l’occupation, et l’audience liée aux résultats aux élections professionnelles, qui va devenir déterminante dans la réforme.
C'est là où ça devient intéressant :
prouver sa représentativité [passe par remplir ] des critères [tels que] : les effectifs, l’indépendance, les cotisations, l’expérience et l’ancienneté du syndicat, l’attitude patriotique pendant l’occupation, et l’audience liée aux résultats aux élections professionnelles
Sauf que cette condition obligatoire de résultat électoral ("et") est (était) FAUSSE.
Et oui, c'est une jurisprudence CNT contre COMATEC du début des années 90 (je retrouverai la référence) qui précisément établit que représentativité et résultats électoraux sont déconnectés et que pouvait être déclaré représentatif un syndicat qui n'obtenait pas de résultats électoraux ou ne se présentait pas !
Mais au lieu de pousser leur avantage que leur conférait cette jurisprudence, toute la stratégie des Vignoles depuis cette date est de s'être présentés aux élections systématiquement pour obtenir la représentativité dans le privé. (avec procès épuisants à la clé etc ...)
Cf leur texte de présentation sur leur site :
4) La question des élections professionnelles.
Cette question, comme nous l’avons vu, s’est trouvée au coeur de la scission de 1993. Le problème qui s’est posé à nous était simple. Soit nous maintenions des principes inflexibles de refus de participation à ces élections (en particulier parce que les élus ne sont pas révocables), mais nous renoncions de fait à la possibilité de créer des sections syndicales (sans DP, il est pratiquement impossible d’acquérir la représentativité, sans représentativité il est impossible d’ancrer une section syndicale en raison de la répression patronale). C’est ce choix qui a été fait par la CNT-AIT. Soit nous nous réservions la possibilité d’y participer, cela autorisait une stratégie de développement de sections syndicales et de construction d’un syndicat de masse, tout en nécessitant une vigilance particulière.
Ainsi, du fait de cette stratégie de participation électorale revendiquée, les Vignoles préparaient la planche sur laquelle ils glissent aujourd'hui. Ainsi, l'auteur du texte à beau jeu de pleurnicher contre la "République qui musèle toutes formes de réflexion sur le fond des problèmes". Au contraire, la République ne fait que répondre au souhait des Vignoles de voire se développer un syndicalisme de masse et représentatif via les élections professionnelles.
Las, on sait bien qu'à ce jeu, les Vignoles ont déjà perdus : ils ne représentent rien dans les entreprises, pas plus que nous , et leur état groupusculaire ne trompera définitivement plus personne.
Maintenant, ils leur reste deux issues possibles :
- soit ils font la fuite en avant, et je jettent à corps perdus dans les futures batailles électorales, et ils vont finir par se recroqueviller ou par rejoindre SUD (déjà de nombreux tenants de la position SR ont fuis à SUD ou sont repartis à la CGT).
- soit ils assument une position anarchosyndicaliste, c'est à dire de rupture, et rejettent toute forme de participation électorale pour finalement se trouver sur la position qui a été la notre depuis 1993 , et alors il se pourraient que nous ayons des choses à nous dire.