Pour une révolution de l'anarcho-syndicalisme

Sommier théorique et affinités idéologiques !

Pour une révolution de l'anarcho-syndicalisme

Messagepar riveira » Mardi 30 Mai 2006 18:16

Je poste ici un texte qui se veut polémique sur l'anarcho-syndicalisme.

Je ne pourrais pas en dire tout le mal qu'il mérite parce que je me suis malheureusement endormi au milieu.

De loin et en diagonal ça m'a l'air juste un peu moins révolutionnaire que la CFDT en 70.

Si vous avez un peu plus de courage que moi :
------------------------------------


Pour une révolution de l’anarcho-syndicalisme : éléments polémiques
samedi 20 mai 2006.

Gallion Cyrille


« Il y a chez ces gens là quelques chose de négligé, de la désertion au combat » Bernie Bonvoisin, Trust 2001 « Révolutionnaires »

Revue les Temps Maudits n°21, mai-septembre 2005

Le texte qui suit est une ébauche d’un travail que nous devons accomplir au plus vite. Dans le camp progressiste en général, aucune idée nouvelle, aucun nettoyage de fond, aucune analyse des échecs n’a sérieusement émergée depuis des décennies. L’échec du camp progressiste est attribué trop souvent à la force du système en place. C’est trop facile et fait fi du sens volontariste de l’histoire. Nous ne devons avoir aucun tabou et remettre tout en cause afin de dégager une approche de ce qu’est l’anarcho-syndicalisme ou le syndicalisme révolutionnaire - 1 - aujourd’hui.

I,Ce que nous ne voulons pas : le salariat

Nous avons beau retourner le problème dans tous les sens, le système économique dans lequel nous vivons est et ne peut-être qu’inacceptable. Même s’il permet à un plus grand nombre (dans les pays riches) d’avoir un niveau de vie matériel de plus en plus aisé ; le système capitaliste repose sur le travail salarié. Cela signifie que des individus sont obligés de se subordonner à d’autres pour recevoir un salaire et vivre. La majorité des individus perdent leur autonomie et leur liberté au profit de quelques uns.

Le contrat de travail contredit dans la sphère de la production, l’égalité formelle que nous avons en tant que citoyen.

Même si la liberté de citoyen reste fictive, elle existe potentiellement, tandis que la relation employeur/salarié est fondamentalement négative et inamendable. Pourtant dans notre vie cette relation contractuelle au salariat est autant et même plus importante que celle de la citoyenneté. Le travail reste que l’on le veuille ou non, la base de toutes sociétés, ce, que l’on soit dans une société ultra-technicisée ou dans une société de type chasseur cueilleur. Il est donc fondamental que la relation démocratique englobe également et réellement la sphère du travail. Le salariat outre la fausse liberté contractuelle d’un salarié vis à vis d’un employeur, est également la perte de l’autonomie collective où quelques uns seulement détiennent le pouvoir de décision.

Pourquoi critiquer le salariat - 2 - et le qualifier d’antidémocratique ?

Le salariat ne diffère pas essentiellement de l’esclavage ou du servage. L’adhésion volontaire au salariat est largement illusoire dans un monde où d’autres solutions sont impossibles. En ce sens bien des travailleurs indépendants, artisans et autres travailleurs non salariés, subissent directement ou indirectement le salariat - 3 -. En fait dans les coopératives malgré le fait d’évoluer dans le droit du travail identique au reste de la société, le salariat que nous dénonçons n’existe plus. La problématique qui s’y pose est celle de l’immersion dans un monde de la concurrence, mais nous y reviendrons.

Nous distinguons deux définitions du mot de salariat :

1, celle où un travailleur se met au service d’un employeur par contrat, recevant une partie du produit de son travail à travers le salaire mais ne disposant que très peu, voir pas du tout de pouvoir de décision quant à l’organisation de ce travail (investissement, conditions de travail, et de la redistribution des éventuels profits).

2 : celle ou à partir du revenu du travail les salariés mettent en commun une partie de leur salaire pour édifier un système de protection social.

Ici notre critique du salariat s’attache à la première définition en cela que le pouvoir de décision du travailleur(se) est nié.

Ce que nous rejetons du salariat c’est son essence même et pas seulement ses conséquences. Le mouvement ouvrier a longtemps dénoncé le salariat comme source d’appauvrissement, montrant par là même les conséquences du capitalisme à une époque donnée et lorsque la paupérisation n’a plus été le corollaire systématique du capitalisme, la critique s’est effondrée - 4 -.

Une partie de l’extrême gauche a cherché en vain le prolétariat dans le lumpen, dans les exclus en tout genre, tandis que les salariés avaient accès à la corne d’abondance de la société de consommation.

Notre critique du salariat ne doit pas être basée sur la compassion mais sur la raison.

Comme pour le servage et l’esclavage, l’enchaînement à un contrat de travail ne signifie pas systématiquement misère et douleur. Les économies antiques reposaient sur l’esclavage, contrairement aux images d’Epinal tous les esclaves n’étaient pas mal nourris et battus. Nombre d’entre eux avaient des niveaux de vie très élevés, bien supérieurs à bien des hommes libres.

Bien sur nous sommes révoltés des conditions de travail inacceptables, il y a deux milles ans pour les esclaves dans les mines comme aujourd’hui pour les salariés surexploités et nous combattrons toujours ces conditions.

Mais entendons nous bien, il faut dissocier les souffrances résultant de la surexploitation, qui sont une des conséquences du système capitaliste mais pas son essence, du salariat lui même. Le capitalisme arriverait sous la pression à ne plus faire souffrir les salariés et leur obtenir à toutes et tous un niveau de vie correct, que nous nous battrions tout de même pour son abolition. Nous ne voulons pas d’un système capitaliste amélioré, comme nous ne voulions pas d’un esclavage plus humain au XIX siècle - 5 -.

Le capitalisme met en situation de subordination la plus grande partie de l’humanité : directement par le salariat, mais également les restes de la paysannerie mondiale indirectement, et bien des travailleurs qui n’ont pas le statut de salarié. N’y aurait-il plus qu’un seul % de salariés pour satisfaire les besoins du monde entier et avec toutes les satisfactions matérielles possibles et imaginables pour ce 1% de salariés que le capitalisme resterait inacceptable. Combattre le capitalisme ne signifie pas que nous croyons qu’il n’y aura plus de souffrances ou de misère sur cette planète (et les autres). Aussi inacceptables qu’elles soient, ces conditions inhérentes à la condition humaine - 6 - resurgiront sans cesse et devront perpétuellement être combattues. Ce qui importe c’est de tendre vers des inter-relations le plus démocratiques possible dans la sphère de production et de rendre la relation de subordination du contrat de travail caduque en répartissant les pouvoirs de décision. Là encore ce n’est pas l’idée du contrat en lui même qui est à combattre. L’individu qui rejoint un collectif de travail a tout intérêt à ce que la relation entre lui et le collectif soit contractualisée.

Le type de salariat produit du capitalisme est à rejeter, tandis que celui développé dans un combat contre le capitalisme à étendre. Une des définitions du capitalisme est l’absence de démocratie dans la sphère du travail. Pour nous l’absence de pouvoir de décision est plus important que la mauvaise répartition des bénéfices du travail. Le vol de la plus value (marotte des marxistes) est une conséquence du capitalisme et pas son essence.

Un propriétaire d’un moyen de production ne ponctionnerait rien et répartirait tout aux salariés de manière équitable que le problème resterait entier : ce sont ceux qui travaillent qui doivent décider !

Nous sommes fondamentalement opposé au capitalisme pour ces raisons quel que soit sa forme (social-démocrate, néolibéral...).

Cependant le capitalisme par sa forme économique et par les idéologies qui le sous-tendent est devenu à un tel point prégnant, que nous en sommes en train de passer de la volonté de son rejet, à la résignation face à sa puissance, à son acceptation comme système le moins pire et enfin à son évidence comme système naturel. Souvent celles et ceux qui le critiquent passent pour des arriérés. Mais nous devons nous en prendre à nous même, à force de montrer l’état de la cage nous avons fait oublier la cage elle-même. L’esclavage est si doré pour certains que la cage en est devenue invisible.

Mais il y a des êtres humains pour qui, aussi grande et aussi confortable que soit cette cage, elle reste et restera toujours inacceptable ! Nous faisons partis de ceux là : à de nous de voir comment agir.

Rajoutons un point, il est un fait que depuis deux siècles la misère s’est accrue dans certaines parties du monde. Souvent l’anticapitalisme, dénonce cette misère comme une conséquence essentielle du système capitaliste et non comme une conséquence conjecturelle. Nous posons la question simplement, est ce le capitalisme qui détruit et pille une partie de la planète où l’impérialisme civilisationnel de l’occident ? Que l’occident vive en mode de production capitaliste ne démontre en aucun cas que ce soit le capitalisme par sa substance qui en soit la cause ! L’impérialisme a existé sous bien d’autres modes de production économique.

Après avoir rappelé contre quoi nous luttons nous allons essayer d’étudier comment. Auparavant il convient de critiquer un certain nombre de préjugés.

Des travers sont spécifiques à ce que d’aucuns nomment improprement le mouvement social, travers qu’il convient de dénoncer comme démagogiques voir populistes.

Incapable d’être en prise réellement avec la majeure partie de la société, le seul moyen pour certain de se faire entendre sont les déclamations de facilité.

II La relation au politique : contre les idées toutes faites

Ces travers sont communs à toute la gauche, partis, syndicats, associations...

Premièrement la voie politique ou politicienne. A la CNT (mais pas seulement) le politique est tant rejeté que nous ne savons plus lequel et pourquoi. Il s’agit là d’une attitude quasi-religieuse.

Ce qu’historiquement nous (la partie antiautoritaire issue de la première internationale) rejetons c’est le parlementarisme comme incapable de transformer la société en profondeur, pensant que le syndicalisme est à même de le faire, de tout faire. Le rejet traditionnel du parlementarisme s’est étendu avec la naissance du bolchevisme au rejet du parti politique, car celui ci a cherché à contrôler le mouvement syndical (ce qu’il a largement réussi).

En effectuant un bref bilan depuis l’apparition du mouvement ouvrier, à première vue, il est difficile de dire si le parti est un moyen supérieur au syndicat pour arriver à l’émancipation ou l’inverse. Une société non capitaliste n’existe nulle part sur la planète, excepté chez quelques groupes isolés (Amazonie, océan pacifique) mais il est certain que ce n’est pas grâce au mouvement ouvrier !

Les deux expériences qui ont été le plus loin dans la déprise du capitalisme et dans l’épanouissement des individus, sont des expériences libertaires paysannes ( Ukraine, Californie mexicaine) anarcho-syndicalistes (Espagne) et les évolutions social-démocrate des sociétés nordiques (Suède, Norvège, Finlande...). Les premières ont duré de quelques semaines à deux ans et les secondes quelques décennies. Dans les deux modèles les syndicats et les partis ont joués des rôles importants. Si les sociaux démocrates et les syndicalistes révolutionnaire s’accordent sur le rôle néfaste du bolchevisme quand à la liberté individuelle, ils se sont opposés sans cesse l’un à l’autre dans une lutte fratricide - 7 - alors qu’ils ont avancé généralement de pair.

Les anarcho-syndicalistes très présents jusqu’à la seconde guerre mondiale sur tous les continents ont été éliminé aux sens politique et bien souvent physique du terme.

Les socio-démocrates ont disparu également, se diluant dans le social libéralisme passant du réformisme à l’acceptation du capitalisme.

Il est ici utile de pointer les définitions des termes révolutionnaires et réformistes, termes souvent galvaudés afin de se comprendre. Les révolutionnaires et les réformistes sont deux attitudes du mouvement ouvrier. Le but est le même : arriver à une société sans classe et sans état, la parousie communiste dans toute sa magnificence. Les révolutionnaires pensent vain les détours et croient créer la société révolutionnaire, soit par la grève générale expropriatrice, soit par la prise du pouvoir d’Etat, soit par les deux. Les réformistes espèrent par étape successives transformer la société capitaliste en une société socialiste. L’action syndicale obtenant d’un coté des droits de plus en plus importants, et la prise « démocratique » du pouvoir d’Etat permettant des avancées législatives au détriment de la bourgeoisie.

Voici stricto sensu les différences entre les communistes réformistes (socio démocrates, socialistes, syndicalistes) et les communistes révolutionnaires (communistes, anarchistes, socialistes, syndicaliste révolutionnaire). A posteriori la lutte entre les deux branches paraît absurde puisqu’un progrès de l’une permettait un progrès de l’autre et que la frontière est difficile à placer. Les socialistes par exemple étant dans l’une ou l’autre attitude selon les pays. Et pensons, que par endroits le prolétariat avait sa carte dans plusieurs organisations que nous pensons concurrentes ou tout du moins incompatibles, voir être adhérent à plusieurs syndicats !

Aujourd’hui ces mots là sont employés sans tenir compte de leur définition et certains nomment réformistes des pro-capitalistes partisans d’un capitalisme plus humain et nous appelons révolutionnaires les piètres restes du mouvement ouvrier, réformistes compris. La distinction entre réformiste et révolutionnaire (au sens véritable des mots) n’est plus d’actualité, si jamais elle l’a été, au vu du faible nombre d’individus partisans d’un changement social mais surtout au vu du bilan historique négatif des deux méthodes. Ni les réformistes ni les révolutionnaires ne sont arrivé à établir une société sans classe, non seulement de par leur rivalité absurde, mais également parce que le système dominant a su rallier idéologiquement le plus grand nombre. Et quand parfois l’anticapitalisme était dominant idéologiquement, la guerre de classe (révolutionnaire ou réformiste) a tournée quand même à la défaite du mouvement ouvrier avec ses monceaux de cadavres.

Serait-il enfin temps de s’interroger sur tout cela ? S’extirper de l’accusation mutuelle réformiste/révolutionnaire, pour s’avouer que les deux voies étaient promises à l’échec ? De même que le bilan antiautoritaire/autoritaire est tout aussi négatif. Si nous consentons à nous revendiquer encore révolutionnaire, ce n’est pas dans la continuité des définitions ci dessus, mais simplement que l’abolition du capitalisme passe par un changement de société car nous sommes dans une société capitaliste (CQFD) !

Il est cependant raisonnable de penser qu’un changement sociétal doit principalement reposer sur un syndicalisme anti-autoritaire. A nous tous de le démontrer. Principalement ne signifie pas exclusivement n’en déplaise aux tenants du syndicalisme-révolutionnaire version Pierre Besnard - 8 -. Mais si nous refusons le syndicalisme-révolutionnaire historique, il est impératif de définir un syndicalisme révolutionnaire.

Notre syndicalisme n’apparaît pas ex nihilo, il évolue dans un système « représentatif » qu’il faut prendre en compte. Nous ne pouvons empêcher les socio-démocrates actuels, les socio-libéraux, d’être présents. Certains choisiront toujours la voie politique dans l’espoir de changer les choses, il serait de notre part autoritaire de faire comme s’il n’existaient pas.

Si nous examinons tout l’échiquier politique, il est bien différent de l’imaginaire révolutionnaire. Par exemple la LCR est sur les positions du parti socialiste d’il y a trois décennies comme le fait remarquer judicieusement Philippe Corcuff membre de la ligue, lui même, et donc réformiste. Chirac est plus progressiste sur beaucoup de thèmes que l’extrême gauche parlementaire des années 1880. Il y a rétrécissement vers le centre de la pensée politique. Autant cela laisse de la place à un syndicalisme révolutionnaire renouvelé, autant ce dernier doit tenir compte d’une opinion « centrisée » afin de rester intelligible. Enfin il nous faut faire attention à ne pas se faire le réceptacle des scories marxisantes des années 60 et 70 (maoistes, ultragauche...) comme malheureusement le montre certaines attitudes, slogans et réflexions.

Il faut cesser d’être dans une posture religieuse ou haineuse, vis à vis des socialistes et de leur satellites en criant au social-traître. C’est une perte de temps, un affaiblissement réciproque, une culture de l’impuissance bêlante.

Il nous faut donc critiquer le social libéralisme mais de manière intelligente, pour ce qu’il est : un pouvoir d’état de plus en plus impuissant face à l’économie mondiale et parce que pouvoir forcément corruptible. Nous ne pouvons pas lui attribuer tous les maux, ni en faire un bouc émissaire nous détournant de notre propre vacuité.

Soyons cohérents : si nous rejetons tellement le parlementaire, car médiateur entre les deux classes et donc obstacle à l’action directe, pourquoi sommes nous si attentifs aux lois qui sont votées ? Si nous étions tellement surs de la capacité de l’action directe à tout faire dans le monde dans lequel nous vivons, que faisons nous à dénoncer les projets de lois ? Nous sommes malheureusement obligé de reconnaître sans cesse le rôle du politique dans un sens : celui de nous pondre des lois plus coercitives ? Pourquoi, a contrario n’avons nous jamais la lucidité de reconnaître les avancées qui ont été faites par le pouvoir politique ?

Si le syndicalisme reste pour nous le centre de l’action ouvrière, d’autres choisissent et choisirons toujours la voie politique. Que cela contrarie nos plans c’est un fait ! Mais nous héritons de l’Histoire avec toutes ses paramètres. Ce n’est pas nous qui choisissons où sont posées les pièces de l’échiquier, même si nous sommes libres de choisir l’avenir.

Nous ne sommes pas seuls en tant qu’anarcho-syndicalistes face aux pouvoirs, la prétention au changement social prend diverses formes, et surtout nous ne le serons plus jamais : à moins de tomber dans une dérive totalitaire qui serait contraire à nos principes et notre fonctionnement. Le mouvement syndicaliste ne doit pas nier le politique, ni la division syndicale, mais au contraire réfléchir comment faire avec - 9 -. Faire avec n’est pas pactiser. Il ne s’agit pas ici d’appeler à voter pour les « socialistes » ou les « verts » mais force est de constater leurs existences et leurs rôles dans le système y compris dans la contestation de ce système. Il est malheureux qu’en dehors des schémas bolcheviques ou sociaux -démocrates sur les relations partis politiques/syndicats, les anarcho-syndicalistes n’aient pas encore été capables de définir clairement un modèle. Le magma alter mondialiste actuel n’est certainement pas une solution. Et pourtant l’enjeu est là ! Qui n’a pas entendu les tenants de la gauche politique, communistes en tête, s’inquiéter de la dérive syndicaliste révolutionnaire du mouvement social refusant d’être un marche pied pour la gauche et l’extrême gauche. Les communistes crient à l’impasse et ils ont raison, car la cœxistence pacifique et auto neutralisante prônée par un certains nombre de leaders non affiliés à des partis politiques n’a pas de débouchées. Si les communistes ont raison dans leur critique de l’altermondialiste, ces derniers ont raison dans leur critique du rôle du parti politique en général et très particulièrement du parti stalinien !

L’appareil et le discours de la gauche parlementaire est sortie de la sphère révolutionnaire/réformiste mais sa base électorale ne l’est pas entièrement. D’un autre coté les partis trotskistes et communistes, tout en ayant des revendications sociales démocrates restent d’origines bolcheviques et seront toujours un repoussoir pour les partisans de la liberté individuelle. De même c’est faute d’un projet révolutionnaire (ou altersocial pour faire jeune) crédible que nombre de sociaux démocrates deviennent socio-libéraux et non par ralliement joyeux au capitalisme. Le choix est vite fait pour quelqu’un de sensé entre nos « démocraties » et la vision d’une société version Polpot.

Sachant que nous refuserons toujours la mainmise du parti sur le syndicat mais que nous ne pouvons ignorer l’existence du parti, ni nous paralyser l’un l’autre, il nous faut réfléchir à d’autres relations. Cela ne peut venir que du syndicalisme révolutionnaire mais il y a urgence à faire cette réflexion. Des pistes existent, notamment en tenant compte des réflexions d’Horiacio Prieto après la guerre civile Espagnole (pas forcément de ses conclusions) ou bien de celles de la SAC (suédoise) dès les années cinquante.

Une chose est certaine, le capitalisme existe sous des régimes politiques différents et vivre sous Pinochet, n’est pas identique que de vivre sous Jospin ou bien Raffarin, comme vivre dans la Chine contemporaine n’est pas synonyme de vivre en Angleterre. Si il n’y a pas d’émancipation possible par l’électoralisme, les conditions d’une émancipation, elles, peuvent être déterminées par le droit de vote, conditions elles mêmes permises par l’existence d’un mouvement social revendicatif.

III Sortir de la culture de l’indignation

Changer les choses concrètement existent par trois voies : la guerre, l’action parlementaire ou l’action syndicale (coordination, collectif ou conseil, cela reste un syndicat). L’alternative concrète à l’action parlementaire est donc logiquement le syndicalisme puisque nous excluons la guerre.

Car aucune société libre ne peut reposer sur un passif de violence. Ce qui nous fait dire en aparté que la révolution espagnole était sans issue dans une version antiautoritaire. La victoire militaire des anarchistes avait de grande chance de se poursuivre avec une dictature sur l’ensemble de la gauche et une extermination de la droite.

Si la CNT et toute une série de mouvements plus ou moins structurés autour d’un mouvement dit social -10 - refusent la voie politique - 11 -, c’est théoriquement qu’ils choisissent un autre mode d’action : mais rien n’est moins sûr.

Un certain nombre de personnes prennent l’organisation syndicale ou une autre pour : ni plus ni moins qu’un mégaphone ! Ils se servent de l’Organisation afin de hurler au monde leur impuissance et leur frustration. Confondant souvent leur absence de maturité personnelle avec le désir que l’Organisation soit leur voix.

Tous sont passés maître dans l’art de médiatiser, faire connaître, dénoncer toutes sortes d’injustices.

Quand je dis tous, je pense à une partie de la CNT, mais également et surtout à toute une myriade d’associations diverses, groupes écologistes, politiques d’extrême gauche, anarchistes, qui mettent en commun leur impuissance. S’est t-on un jour demandé pourquoi des actions d’associations ultra minoritaires arrivent à être médiatisées si aisément quoiqu’elles en disent, tandis que le quotidien des luttes syndicales est tu ? Prendre pour prétexte la dérive spectaculaire des médias n’est pas suffisant, et le tout à chacun syndical n’est pas plus idiot que des associations comme AC ! ou le DAL et font preuve d’autant d’imagination que tout le monde. La réalité est que la médiatisation d’une lutte de chômeurs, pour le droit au logement - 12 -, est moins dangereuse pour le système que les luttes dans le secteur de la production.

Si dans la forme de ces dénonciations des choses intéressantes se font, il n’est pas convenable de nommer par exemple une occupation d’ASSEDIC de l’action directe -13 - ! Aussi utile que parfois ça puisse être, ce n’est pas de l’action c’est de la dénonciation, de la médiatisation ! Par ces actions nous espérons que le pouvoir politique culpabilisé et à qui nous ne voulons surtout pas parler va modifier la loi ou son application ! En fait d’action directe nous sommes en plein lobbying, qui est le mode d’action le moins démocratique qui soit. Cela ressemble à une partie de billard, c’est tout !

De l’usage des manifestations

A l’origine, une manifestation permet de compter le nombre de gens en grève et voir ainsi quelle capacité a le mouvement. Elle sert aussi par la proximité des uns et des autres à ragaillardir les troupes. Actuellement la manifestation a pour but de montrer via les médias combien de gens dénoncent telle ou telle choses. Aujourd’hui sans sa représentation médiatique la manifestation n’existe plus.

Premièrement, si les médias ne jouent pas le jeu, le politique s’inquiète peu des conséquences de la manifestation si ce n’est pas dans un secteur industriel ou de service important : sans média, les manifs de sans papiers, de chômeurs, contre le nucléaire, n’ont aucun poids. Mais plutôt que de s’inquiéter si c’est un bon mode d’action, le mouvement social dénonce les médias devenus complices du pouvoir ! Ce qui sous entend que les médias auraient été auparavant du côté du mouvement social. Cela n’a jamais été vrai ou si peu ! Mais surtout faire reposer toute une stratégie de développement sur l’apparition médiatique est d’une grande bêtise.

Premièrement, les médias étant soit autonomes, soit proches du pouvoir, notre apparition ressort de leur bon vouloir. Il n’est pas sérieux d’avoir des bases de développement aussi aléatoires. Deuxièmement, les médias montrent ce qu’ils veulent. Mais surtout, c’est sans compter avec les effets pervers de cette médiatisation. Non seulement cela maintient nombre de gens dans la lutte par procuration. Mais également cette culture de l’indignation, cette mise en avant du misérabilisme, à force d’être utilisée finie par être contre productive. Lassés de voir les chômeurs (un infime partie) manifester, de plus en plus de gens justifient l’état des choses : et finalement on ne saurait réellement leur reprocher, puisque ces défilés en tout genre n’apportent que deux réponses : des slogans ou de la charité.

Nous savons tous les limites du caritarisme : urgence et aveuglement. Le syndicalisme n’est pas une organisation caritative. Même si une œuvre syndicale comme un « secours syndicaliste » n’est pas inimaginable avec un syndicat plus conséquent que ne l’est la CNT aujourd’hui en terme d’adhérents. La réponse la plus immédiate au chômage d’un camarade de la part de son syndicat reste de lui trouver du travail.

Le syndicalisme doit éviter l’état d’urgence qui permet d’avaler toutes les couleuvres. Les forces étant limitées, il faut choisir entre courir à l’urgence sans cesse (et en plus une infime partie de l’urgence) et construire des outils. Même si l’un est lié à l’autre hic et nunc, il ne faut pas confondre la souffrance humaine et l’exploitation capitaliste.

La souffrance (maladie, guerre, famine...) a toujours existé, et il s’est toujours trouvé des humains pour la combattre. Les révolutionnaires font pour la plupart partie des gens qui veulent combattre cette souffrance. Ce combat peut et doit être immédiat, mais il ne doit pas être confondu avec l’objectif révolutionnaire lui même : abolir l’exploitation salariale. Le combat contre la misère peut et doit émaner du mouvement révolutionnaire, il fait partie de ce mouvement. Ce combat par ses victoires contre la souffrance doit alimenter le mouvement lui même, mais il n’en est pas l’objectif. Le premier combat a des allures d’urgence qui ne doit pas détourner du travail sur le long terme : construire le mouvement révolutionnaire.

Quand aux slogans creux qui donnent des solutions à tout, le mouvement dit social en regorge, tournant ainsi sur lui-même. Le seul mérite de cette agitation misérabiliste est d’apporter des voix aux partis de gauche que ces mêmes organisations combattent la plupart du temps !

IV Les pensées toute faites

Préambule : la spécificité de la pensée anarcho-syndicaliste implique une démarche intellectuelle particulière. Il faut sortir du binaire révolutionnaire classique pour entrer dans la finesse du ternaire. Il y a l’état actuelle des choses, il y a un point de fuite dans l’horizon nommée société utopique. Ce que prône l’anarcho-syndicalisme ce n’est pas de passer d’une société à une image de société (se serait impossible), mais de tendre vers. En respectant un certain nombre de principe et par les moyens nous sommes toujours dans un deuxième temps intermédiaire. C’est pourquoi toutes nos actions et réflexions doivent se placer dans cette perspective : Est ce que nos actions et revendications ne vont pas en contradiction avec notre « tendre vers » ? - 14 -

1, Les services publics

Le mouvement syndicaliste et ouvrier a historiquement une pensée élaborée sur le rôle de l’Etat. Malgré cela nous sommes actuellement à la remorque d’un salmigondis d’extrême gauche se bornant à la défense des services publics par la défense de l’Etat. Premièrement cela tient à une énorme confusion entre le concept d’Etat providence et l’Etat lui même. Rappelons qu’une grande partie de notre système de protection social nommé à tort Etat Providence était jusque il y a peu en dehors du contrôle de l’Etat.

Les slogans sur la défense des services publiques sont souvent ambiguës. Parfois ils sous tendent que les salariés du privé sont moins performants et maladroitement ils renforcent la coupure public/privé dans l’esprit des salariés. Si nous avons des choses à dire sur la nécessité évidente de service public, nous n’avons pas à suivre sans réfléchir des slogans du style : Non aux privatisations ! Pourquoi être contre les privatisations ? Y avons nous sérieusement réfléchi ? Qu’est ce qui préoccupe les salariés de ces secteurs, est ce la mission de service publique qui risque d’être moins remplie ou leurs conditions de salariés qui risque d’être précarisés ? Assumer que l’on défile pour défendre de meilleures conditions de travail aurait le mérite de mettre en évidence que les conditions de travail dans le public ne tombent pas du ciel et sont le fruit de décennies de syndicalisme - 15 -. Ce qui importe dans le problème d’une privatisation ce n’est pas qui est le propriétaire mais le risque d’aggravation vers un productivisme à court terme et une précarisation du contrat de travail. Or le degré du curseur productivité que fixe le propriétaire d’une industrie de service n’est pas lié à sa nature de propriétaire (Etat ou actionnaire privé) mais au degré de résistance dans son industrie, c’est à dire à la conscience syndicale d’y celle.

Les partisans du tout Etat oublient de rappeler qu’une machine bureaucratique prend aussi sa plus value tout comme un capitaliste privé. Que la corruption des politiques existe dans les services publics à intérêt privé comme ceux d’état ! Le réel problème ce n’est pas l’étatisation ou la privatisation mais l’absence de démocratie à l’intérieure de ces structures et le manque de syndicat !

En fait quand nous manifestons pour la défense des services publics nous manifestons notre impuissance à développer le syndicalisme ailleurs que dans le service public. La surenchère de syndicats dans ces secteurs en est l’exemple le plus frappant, des dizaines de syndicats différents dans l’éducation nationale et 0,5% de syndiqués dans le bâtiment ! Le repli sur l’idée de l’Etat comme rempart national à la rentabilité montre également que nous croyons impossible de développer un syndicalisme international. Défendre l’Etat contre la mondialisation, c’est oublier premièrement que ce sont largement les Etats qui organisent ce grand marché et deuxièmement que lorsque l’Etat n’a pas de résistance syndicale dans ses services publics et bien il y cherche également la productivité maximale.

Et quand à l’efficacité des services publiques, qu’ils appartiennent à l’Etat ou au privé, ce n’est pas la philanthropie de l’un ou de l’autre, qui le porte mais le degré de conscience politique et syndicale de la population. Un syndicalisme interprofessionnel fort a pour conséquence un lien social fort et donc « on » ne touche pas aux service publics.

Qu’une entreprise appartiennent à l’Etat ou un groupe privé cela reste dans les deux cas un bien potentiellement collectif - 16 -.

Un bien est potentiellement collectif de par son existence et réellement collectif s’il est géré collectivement. La gestion autoritaire des biens de l’Etat font que ce qui appartient à l’Etat n’est pas plus collectif que ce qui est privé. Dans les deux cas, les potentiels propriétaires sont les salariés mais que l’on prive de leur droit de décision. Les propriétaire véritables sont ceux sans lequel cet outil ne peut fonctionner : dans le cas d’un service public, il s’agit des salariés au sens interprofessionnel comprenant les travailleurs et les usagés. Le profit se fait non par la propriété légale mais par le pouvoir de décision. Souvent les deux se sont recoupés, mais cela tend de plus en plus à être dissociés. La nationalisation n’est pas forcément l’étape entre le privé et le socialisé.

Cette idée héritée de la gauche socialo-communiste (programme commun) s’inscrit dans une vision que nous rejetons. Il n’y a pas plus de démocratie, entendu comme pouvoir de décision des travailleurs, dans les entreprises nationalisées. Ce qu’historiquement, nous pouvons reconnaître aux nationalisations ce sont parfois l’obtention de meilleures conditions de travail. Mais en quoi un meilleur salaire - 17 - est-il une étape vers plus de pouvoir décisionnel ? S’il est fait abstraction des rapports de force syndicats/employeurs, le droit est plus favorable aux salariés du privé qu’à ceux du public dans bien des cas. Ainsi licencier un ou une salarié d’une boîte après quelques décennies coûte bien plus cher que la révocation d’un fonctionnaire. Les fonctionnaires sont relativement protégés parce qu’il y a des syndicats combatifs (et encore dans bien des cas, il s’agit d’une image du passé) dans la fonction publique.

C’est pourquoi lorsque nous défendons l’Etat par des slogans et revendications rapides, nous devrions être plus clairs, c’est une défense tactique, se servir d’un ennemi contre un autre ennemi. Et que nous ne devons pas oublier que l’Etat a été et peut redevenir autant répressif que des actionnaires privés.

Partage du travail

Les slogans sur le partage du temps de travail sont inexacts voire dangereux. Dire que le travail est une masse définie que nous pouvons planifier d’en haut rejoint historiquement purement et simplement la gestion bolchevique ou fasciste du travail : en un mot étatique. Le travail n’est pas une valeur ni un but en soi, c’est une nécessité pour vivre. Mais de la nécessité autant faire un plaisir.

Si nous partons de ce principe, une société plus démocratique cherchera à supprimer tout travail inutile - 18 -, à rationaliser la production et dégager du temps libre. Tout ce que l’on peut diminuer comme travail abrutissant est à faire. Il est vrai que la quantité de travail à fournir par individu peut et doit diminuer mais cela n’est pas en lien avec le fait de travailler tous. Si tout le monde doit travailler s’il veut recevoir de la collectivité, il est peu probable que tout le monde veuille faire exactement ce que la société demande au moment où elle le demande : en système capitaliste comme non capitaliste il y a toujours un volant de chômeurs lié à la pression économique mais aussi à la liberté de changer d’activité. Si le travail était un tout, une matière première que l’on peut manipuler, alors cela signifierait que le slogan de Lepen, « trois millions d’immigrés dehors égal trois millions de chômeurs en moins » est techniquement viable. Mais outre le caractère immoral de ce slogan, nous savons bien que l’économie ne fonctionne pas comme cela. Les besoins dans un secteur ne le sont pas dans un autre ou à tout moment. Nous ne sommes pas pour une société de la croissance industrielle, en raison des pollutions générées notamment. Par contre une société ayant un taux de croissance positif en terme de santé, d’éducation, de culture, oui il y a encore des besoins énormes qui justifient ce mot de croissance. Dans ce cas de figure, n’en déplaise aux étatistes, le besoin comblé suscite un autre besoin, et plus il y aura d’activités riches, plus cela en créera. Plus des individus travaillent (peu importe le nombre d’heure) plus il y a besoin d’autres travailleurs. La demande sur la baisse du temps de travail se justifie amplement à elle seule par le désir de ne pas centrer sa vie autour du travail pas la peine de s’enfermer dans des hypothèse pseudo économistes ou populiste. Le fait que nous devons tous travailler, tient dans la nécessité que chacun participe au collectif duquel il reçoit, pas la peine de lier ceci à la réduction du temps de travail.

Il convient de nous différencier des slogans sur le partage du travail, et de nous en tenir à notre slogan : travaillons tous, moins et autrement, tout en marquant le fait que le tous et le moins ne sont pas liés.

L’interdiction des licenciements

D’où vient ce slogan ? De nouveau il révèle de facto l’impuissance syndicale à s’opposer de l’intérieur à des restructurations. Mais souvent il oublie la parole des intéressés eux mêmes.

Aujourd’hui c’est méconnaître le ressenti dans le monde du travail et n’écoutez que les militants, souvent liés à des organisations politiques. Face au travail pénible ou ennuyeux le droit de pouvoir se faire licencier reste une soupape essentielle. L’isolement, la faiblesse du syndicalisme, la perte de l’espoir en des luttes collectives, le non sens de beaucoup d’activités, font qu’en cas de soucis, le licenciement est une libération. Toute permanence syndicale juridique a nombres d’appels du style « comment me faire licencier et toucher le chômage ? ».

Pareillement, lors de nos interventions juridiques en cas de licenciement - 19 -, jamais ou rarement le ou la salarié(e) ne veut que l’on fasse revenir l’employeur sur sa décision. Un nombre important de salariés veulent une seule chose : que l’employeur paient le maximum pour le licenciement ! Ce qui importe aux salariés, c’est que l’on fasse le calcul du montant des ASSEDIC, des indemnités de licenciements et du préavis de licenciement.

Notre but n’est pas de préparer une société étatique ou un poste de travail serait plus important que le choix de ce travail. N’entendez vous jamais les voix dissidentes et parfois majoritaires lors des restructurations qui revendiquent le droit à partir à cinquante cinq ans, d’autre qui calculent le temps de chômage possible avant la préretraite, d’autres plus jeunes qui pensent que trois années de chômage cela reste bon à prendre avant de retourner au chagrin, « on se débrouillera pour retrouver du taf » ? Ce discours est beaucoup plus important que l’on croit et c’est là où l’on sent la différence entre une organisation sur le terrain et une organisation ou un média qui ne livre que le message officiel « l’ouvrier ou l’ouvrière ne peut que pleurer quand on le vire après trente ans sur la même chaîne ». Jean Pierre Levaray, dans ces derniers livres - 20 - montre bien la différence entre le ressenti et la parole publique dans la question des licenciements dans les usines. Or si un syndicat ne doit pas avoir de langue de bois et ne pas ressasser la bonne parole de gauche, c’est bien la CNT. Il y a d’un côté ce que l’on sent confusément devoir dire « le licenciement c’est la misère » et de l’autre ce que l’on pense « le licenciement c’est un peu de temps gagné sur des emplois mortifères ». Idem pour les chômeurs : où face à l’assistante sociale et aux « responsables », l’on crie misère, on prend une posture qui est attendue en face, et de l’autre, entre soi, l’on murmure que l’on est pas prêt du tout à accepter n’importe quel travail à n’importe quel salaire. Aussi impolitiquement correct que ce soit, la CNT doit porter ce discours. Nous n’avons pas à endosser en plus radical la logomachie d’extrême gauche attendue des médias. Interdire les licenciements c’est surtout accorder encore plus de pouvoir à l’Etat, notamment en matière de planification. Est ce ou serait ce à l’Etat de savoir et gérer par en haut la question de l’emploi ? De plus le corollaire logique de l’interdiction du licenciement, serait le placement obligatoire des chômeurs. Il ne me semble pas que l’Etat forçant les entreprises à embaucher tel ou telle salarié(e) soit du goût de tous les salariés. Concordant avec le schéma bolchévique de gestion étatique il est normal que les organisations d’extrême gauche abondent dans ce sens.

Mais cette notion d’interdiction se trompe à mon avis de cible. Cela signifie que ce qui compte c’est une place dans un travail, une occupation en échange d’un salaire que l’état ou le patron s’occupe du reste !

Or je pense que nous nous défendons des choses légèrement différentes : Premièrement il faut un revenu et c’est en cela que les licenciements sont à contester de quoi allons nous vivre ? Deuxièmement le travail doit pouvoir être choisi, c’est une donnée fondamentale. L’interdiction des licenciements nie l’individu dans ces choix. Cela lui dit « n’importe quel travail pourvu que tu ais un boulot ». L’interdiction des licenciements ou l’obligation du placement étatique est une atteinte à la liberté des individus. Restons pragmatique : qui voudra rentrer dans une boîte aux conditions de travail incertaines, où il sait qu’il ne pourra sortir que par la démission et donc sans droit aux ASSEDIC ?

La société évolue, et pas seulement en raison du capitalisme, les besoins dans la production également. Nous ne voulons pas d’une société figée, dirigée, où nous sommes dans la même boîte toute sa vie, avec un emploi sécurisé mais vide de sens.

Face aux licenciements, nous avons pourtant nous aussi des arguments. Ici et maintenant, le syndicat est là pour faire respecter le droit et faire payer au maximum le licenciement à l’employeur.

Délocalisation

Les réflexions sur les délocalisations sont du même ordre. Et la complexité des choses empêche de s’opposer aux délocalisations de bloc. La CNT ne cherche pas à défendre l’emploi français ou l’emploi en France, si des véhicules doivent être vendues à des milliers de Km autant les produire sur place (c’est écologiquement plus rationnel). Il est démagogique de dire que l’entreprise automobile le fait uniquement pour des coûts de masse salariale. S’il est vrai que les salaires sont moindres par exemple en Roumanie (mais là il faut s’en prendre autant au syndicalisme Roumain - 21 - qu’au patronat français), la productivité y est de loin inférieure à par exemple la France. Fabriquer une voiture revient plus chère en Roumanie qu’en France, simplement l’entreprise cherche à se positionner de manière plus avantageuse sur le marché Roumain. Enfin le coût de la main d’œuvre ne fait pas tout. En France elle est supérieure et de très loin à celle du Sénégal. Pourtant le marché sénégalais est submergé par le poulet français détruisant ainsi l’agriculture locale. La productivité est un élément essentiel de la guerre économique.

D’un autre coté allons nous bouter hors de France toutes les entreprises qui s’installent dans l’hexagone ? Car en toute logique si nous ne voulons pas que des entreprises sortent nous ne voulons pas qu’elles entrent non plus. Dans la jungle capitaliste, un pays comme la France s’en sort plutôt bien, où les investissements de l’extérieurs sont largement supérieurs aux investissements qui sortent. C’est pourquoi il nous faut un discours à plusieurs niveaux : défendre l’emploi mais avant tout le revenu des salariés dont la boîte ferme, voilà pour le niveau local.

Ceci n’est pas vrai pour toute l’industrie. Lorsque des entreprises fabriquent à l’étranger pour des salaires inférieurs et pour le marché intérieur, deux solutions s’offrent à un pays. Premièrement, fermer les frontières, empêcher l’importation de produits concurrentiels mais également empêcher une main d’œuvre immigrée de venir et de proposer ses services aux salaires légaux les plus bas. Mais en toute logique cela signifie que l’on ne doit pas exporter nos produits sur les marchés extérieurs. Cette première solution est efficace que si l’on exporte et que l’on refuse d’importer. Efficace mais impérialiste, il s’agit de la bonne vieille recette d’enrichir le centre de l’empire par l’exploitation des marches. Cette vision des choses est contraire à celle de l’anarcho-syndicalisme contemporain. La seconde solution est toujours là même, permettre le développement du syndicalisme et des conditions de ce syndicalisme afin de tendre vers une harmonisation des coûts de main d’œuvre. Défendre avant tout le syndicalisme international, mettre en œuvre des idées d’harmonisation par le haut des conditions de travail, afin que les déplacements industriels ne se fassent plus en raison des différentiels de coût de main d’œuvre, voilà l’objectif seul possible sur le long terme.

Gardons à l’esprit que l’élargissement européen à 25 est avant tout une déstructuration complète pour les nouveaux entrants. Malgré quelques délocalisations pour « dumping social », ce sont essentiellement les pays de l’est, Pologne en tête, qui vont se trouver submergés par les produits français et allemands. Ce sont par dizaines de milliers que les entreprises vont couler, jetant à la rue des millions de salariés. Le problème des délocalisations doit au contraire nous forcer à la réflexion internationale et pas à un repli sur la France.

De deux choses l’une et brutalement : un ouvrier français n’a pas plus d’importance pour nous qu’une salariée maltaise. Car autrement nous allons finir par interdire les délocalisations entre régions puis entre départements puis entre communes...chacun chez soi ! Ce qui compte c’est la conscience de la lutte et si l’on se place d’un point de vue moral ou de cœur et bien le notre va à ceux qui se battent tout le temps et pas à ceux qui crachent sur le collectif pour venir pleurer au dernier moment lorsque leur entreprise est menacée. N’oublions pas qu’ils attaquent d’abord où le syndicat est faible !

Les délocalisations existent mais ce qui existe c’est surtout leur médiatisation et la peur qui s’installe chez les salariés. Si beaucoup d’employeurs n’ont pas intérêt pour des raisons de productivité à délocaliser, par contre la peur des délocalisations, les rumeurs en tout genres leur permettent de faire baisser les prétentions salariales des employés. Plus que les délocalisations ce sont les chantages aux délocalisations qu’il nous faut combattre. Les libertés individuelles, trop souvent traités de revendications « petites bourgeoises » par une certaine extrême gauche sont importantes pour permettre les conditions de développement du syndicalisme. Se battre aux côtés de gens qui ne sont pas forcément révolutionnaires pour l’instauration de règles démocratiques (mêmes celles insatisfaisante de la démocratie représentative) en Chine (et ailleurs) est une étape indispensable à la constitution d’un syndicalisme Chinois librement partie prenante d’un syndicalisme international.

V La démocratie syndicale, assemblée générale et collectif

Revenons sur les défauts d’une certaine gauche en France, où règne la dictature de l’informelle et du spontané avec le paradoxe de se nommer pratiques démocratiques !

Critiquons auparavant deux tendances de notre organisation. Une première tendrait à nous faire passer pour une organisation de gauche ou d’extrême gauche, avec ses idées, ayant fait son trou parmi une myriade d’associations, syndicat et partis et participant au fameux mouvement social. Le DAL, LCR, FSU... « hop là on va tous dans le même sens. Respectons nous les uns les autres dans des collectifs d’organisations à travers une démocratie entre nous ». Cette vision est quelque part une vision communautariste qui vise à construire un conglomérat d’organisations, chacune gérant sa part affinitaire. De plus ces pratiques risque de dériver vers une auto-reconnaissance réciproque des organisations. Le « mouvement social » se regarde et existe parce que ses différentes composantes se cooptent. Et parmi cette multitude d’associations une flopée de groupuscules dont le seul but est d’être en bas d’un tract. Il ne nous répugne pas de surcroît de cosigner avec ces groupes politiques dont les programmes sont les mêmes que ceux des pires dictatures ayant existé sur la planète. - 22-

A l’opposé certains camarades sont toujours dans la vision du syndicat hégémonique prêt à remplacer l’Etat du jour au lendemain. Or le syndicalisme est multiple et il le sera encore longtemps, les partis politiques et associations sont également nombreux.

Le mouvement dit social n’est pas la représentation réelle de la société dans son entier, ni même de la société qui résiste et construit, et la CNT ne détient pas non plus la vérité.

Il nous faut donc composer avec un paysage totalement différent d’il y a un siècle et demi ou l’évidence était de construire un seul syndicat. Des gens ont envie de lutter mais se méfient à l’évocation du mot syndicat et nous ne saurions leur reprocher.

Cependant que cela nous plaise où non, il faut réfléchir à ce que peut-être une démocratie au sein d’une organisation, entre les organisations et au delà des organisations. Ainsi, prenons l’exemple d’une intersyndicale départementale, est-il normal que la CNT ou la CFTC ait autant de poids que la CGT ? Les collectifs d’organisations ne sont-ils pas un moyen de contourner la démocratie ? Force est de constater que des individus quittent des syndicats car la démocratie à un certain niveau n’est plus présente et rejoignent des syndicats plus démocratiques qui sont parce que récents, modestes au niveau des effectifs. Mais ajoutons, que d’autres individus quittent ces mêmes syndicats car eux mêmes ne sont pas démocratiques et refusent d’accepter les règles du jeu démocratique et la lenteur qui parfois en résulte. Ces individus, pourront plus facilement faire passer leur idées dans un petit syndicat, car un ou une « fort en gueule » se construit « son » syndicat et l’informel du début excuse beaucoup d’entorses aux règles démocratiques. Un individu qui ne pouvait pas être chef dans un syndicat de milliers d’adhérents même démocratique, peut l’être plus aisément dans le syndicat qu’il construit et se retrouver de manière artificielle à égalité avec d’autres syndicats plus conséquents dans une intersyndicale.

A propos des collectifs

La CNT a pour principe lorsqu’une lutte regroupe plusieurs syndicats et des non syndiqués, de mettre en avant le fait d’abandonner toute étiquette. Nous confondons souvent l’idée de mettre de coté la propagande d’une boutique avec l’abandon du syndicalisme. Il s’agit même parfois de la construction de collectifs, où la CNT est le seul syndicat présent ou presque, parfois elle y est même majoritaire mais a peur de froisser un ou deux individus qui ne sont pas syndiqués. Aussi louable que soit l’intention de ne pas « récupérer » tel ou tel, nous devons réfléchir aux implications de telles démarches. Il peut y avoir des désaccords tactiques à refuser de nommer les organisations présentes et des désaccords de fond. Les raisons tactiques des gens qui ne veulent pas nommer les organisations présentes est souvent malhonnête : ils sont en faiblesse numérique et une apparition au grand jour leur serait dans leur esprit défavorable - 23 -. Ils refusent lors des assemblées générales l’apparition des organisations mais se débrouille pour faire connaître la leur. Le flou leur est favorable, tout le monde sait qu’ils sont présents mais pas combien. Les désaccords de fond sont bien plus sérieux, refuser l’application d’étiquettes part du principe que toute organisation pérenne est inutile que tout peut-être spontané. Il s’agit de nier l’utilité même du syndicalisme.

De par nos expérience de syndiqués CNT, impliqués dans de nombreux collectifs voici quelques réflexions :

Il se construit en deux ou trois semaines, un collectif (intermittent, chômeurs...) de 40 ou 50 personnes. Le fonctionnement est apparemment autogéré, l’AG est le lieu souverain, donc tout va bien...sauf que...le seul syndicat présent qu’il soit deux ou cinq adhérents présents, apporte le premier soutien matériel, tout en poussant à ce qu’une trésorerie autonome se mette en place. Bien que précisant sans cesse que notre syndicalisme refuse les subventions, que nos cotisations sont nos seules ressources et que nombre d’adhérents est inférieur à celui des collectifs, les non syndiqués prennent peu conscience que petit à petit on glisse de la solidarité vers la charité, parce que certains (les syndiqués) donnent beaucoup plus que d’autres.

Autre problème, les tâches de secrétariat ont du mal à sortir du syndicat, faute de repreneurs. D’où résultat, évidant : personne ne veux se syndiquer, ici ou ailleurs (ce qui est le droit de tous) mais ne veux pas non plus donner autant qu’ils en reçoivent, alors le syndicat finit par laisser tomber le collectif (trois personnes n’agissent plus et il n’y a plus rien).

A persévérer on rentre soit dans le mensonge (collectif autogéré, dirigé par des syndicalistes avec des gens qui refuse le syndicalisme). Quand nous disons refuse, il ne s’agit pas de refuser une carte, ou d’être étiqueté, ce qui se comprend tout à fait, mais de refuser l’idée même de syndicalisme, autrement dit refuser de s’impliquer réellement en laissant faire le boulot par ceci même que l’on refuse ouvertement.

Tout les collectifs ne sont pas comme ceux décrits plus haut. Dans certains collectifs des non syndiqués mènent la danse, font tout le boulot, s’investissent énormément, mais ils restent minoritaires et surtout va apparaître un moment une coupure entre ceux qui vont vouloir en rester à la lutte initiale et ceux qui vont vouloir l’étendre. On retrouve donc dans ces collectifs les tendances corpo et interpro que l’on retrouve dans le syndicalisme. De plus ces collectifs sont dès qu’ils peuvent à la recherche de soutien de syndicat, pour former des intersyndicales qui n’en ont pas le nom. Ils sont aussi à la recherche des syndicats pour le coté légal (préavis...). Comme ils sont souvent méfiants des centrales syndicales traditionnelles, ils vont vers la CNT .

Dans ce cas là pourquoi ces collectifs ne se transforme-t-il pas en syndicat ? Seraient-ils confrontés à leur contradiction, faire du syndicalisme sans vouloir en faire ?

Les limites de l’assemblée généralisme

Par ailleurs les collectifs posent d’autres problèmes en terme de démocratie et de lutte. Le fait qu’il y ait une AG souveraine et des mandats impératifs (ce qui est indispensable) n’est pas suffisant à garantir une démocratie, encore faut-il qu’il y ait une discrimination positive envers ceux qui ne sont pas habitués à la parole publique, qu’il y ait une réelle formation des militants pour se protéger des manipulations. Or le syndicat parce qu’il veut s’inscrire dans la durée va chercher à établir des règles plus complexes mais qui assurent une plus grande liberté à ses adhérents, en les protégeant notamment contre les ultramilitants.

Dans les AG, les plus présents, celles et ceux qui n’ont pas leurs enfants à aller chercher à la crèche, les plus aisés à prendre la parole (parfois habitués dans leur cadre professionnel), imposent de facto leurs idées, car ils tiennent plus tard dans la nuit, ils vont à toutes les réunions. Or un groupement de personnes (syndicat ou collectif) ne doit pas se comprendre comme exceptionnel et court mais sur le long terme (même si c’est pour une courte durée). Le militantisme doit prendre en compte la vie amoureuse et familiale des personnes qui luttent, chacun doit pouvoir militer selon ses moyens sans avoir moins de droit au chapitre. Le syndicat (tel que l’on l’entend à la CNT), à mon avis, est une protection par rapport à un collectif, même si ce n’est heureusement pas parfait. Le syndicat doit pouvoir freiner certains de ses adhérents trop dangereux par leur activisme, et au contraire porter un peu d’autres, intimidés.

La CNT par rejet légitime de la bureaucratie a tendance à mettre trop d’importance dans l’assemblée générale souveraine. Il faut prendre du temps, s’assurer que l’ordre du jour a été communiqué aux adhérents auparavant, s’il y a des changements qui n’était pas prévus.

Enfin si dans un collectif il y a des syndiqués et des non syndiqués, cela signifie, que les syndiqués ont plusieurs niveaux de démocratie (leur syndicat ou section et le collectif, alors que les non syndiqués n’en ont qu’un). Cela pose un énorme problème car on ne peut pas demander aux syndiqués de ne pas se réunir ou aux non syndiqués de se réunir qu’entre eux avant la réunion du collectif.

L’investissement militant est peu productif dans ce cadre, car il faut tout recréer à chaque lutte (trésorerie, réseau, les militants ont changé d’adresse depuis les 2 ou 3 ans de la dernière lutte...quels sont les collectifs identiques au niveau national, car aucun secrétariat n’a été assuré du début de la coordination d’il y a trois ans...)

Enfin le syndicalisme confédéré, permet la pérennisation et l’interpro. Si un syndicat fonctionne peu pendant un an ou deux, il y a peu de problème à se remettre en marche car il est lui inscrit dans un réseau permanent et à jour. Dans un syndicat, certains, une fois le danger écarté ou une lutte gagnée, vont se mettre en sommeil, mais cela n’empêche pas ceux qui veulent lutter pour les sans papiers ou d’autres secteurs en lutte, de continuer. Ils sont toujours dans le même niveau de démocratie, tandis que dans les collectifs regroupant des collectifs (eux même regroupant des syndicats, assoc et individus) des syndicats et des individus, il y a tellement de niveaux de démocratie, que la manipulation y est très forte potentiellement.

VI Le romantisme révolutionnaire, la violence

Un mot d’ordre qui nous sied est le refus de perdre sa vie à la gagner, mais cela implique-t-il que nous devons être prêt à mourir pour des idées ?

Nombre d’individus refusent l’approche révolutionnaire car ils ont peur de la violence véhiculée par une certaine vision de la Révolution. Cette vision est largement entretenue par les pouvoirs en place (médias, manuels scolaires) et par certains révolutionnaires romantiques.

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les pouvoirs ont intérêt à véhiculer ces images dans un monde où la vie et l’intégrité physique de chaque individu est devenue si importante.

Les seconds, les révolutionnaires romantiques, sous le prétexte que le système dans lequel nous vivons est le plus meurtrier qu’ai jamais connu l’histoire - 24 -, clament que les violences résultant d’un changement radical (sans même parler des affrontements avec les forces armées, nous pensons tout simplement à la famine par la désorganisation de la production et distribution alimentaire.) sont le prix à payer pour notre libération.

Parmi les romantiques qui n’excluent pas ces violences et pensent qu’elle viendra de « l’ennemi de classe - 25 - » (rares sont ceux qui prônent ouvertement encore la violence), il y en a peu qui s’interroge sur les moyens d’éviter cette violence.

L’idée récurrente comme quoi la violence révèle le vrai visage de la « bourgeoisie » et renforce le mouvement révolutionnaire est malheureusement encore présente dans l’esprit de certains. Du coté de certains marxistes partisans de l’avant-gardisme, il y a une cohérence dans ce schémas : où une minorité active de par son action révolutionnaire attire la répression sur l’ensemble de la population qui donc petit petit va basculer dans le camp du « progrès ». Non seulement ce schémas ne tient pas compte de ce qu’ont à gagner ou perdre les populations, mais c’est surtout une contradiction fondamentale pour la pensée libertaire.

Une société libertaire cela ne s’impose pas !

Malgré tout certains antiautoritaires restent fascinés par l’insurectionnalisme sans en avoir tiré les conséquences. Il s’agit en toute petite partie d’un héritage de la réflexion anarchiste pré-syndicaliste, ou pourtant dès les années 1890 il y a eu un mea culpa de la part du mouvement constatant l’impasse dans laquelle la violence le menait. Mais surtout, c’est l’héritage de la soupe marxiste des années 70, reprenant l’exemple des guérillas révolutionnaires sur la planète. Il y a t-il eu un seul régime politique épanouissant pour l’être humain sorti de ces attitudes ? Peut-on dire, en tant que révolutionnaire que l’on préfère vivre dans la Suède des années 60 que dans la Chine de la même époque ?

Certains anarcho-syndicalistes, n’ont pas assez réfléchi au rôle anti-démocratique de ces mouvements de rue. Qui représentent-ils ? comment sont prises les décisions ? Un exemple : a-t-on analysé les conséquences politiques de ces politiques insurrectionnalistes au sein de la CNT (anarchistes) et l’UGT (socialistes) dans les années trente en Espagne.

Il faut faire sauter cette affirmation comme quoi la stratégie la plus ouvertement provocatrice envers les pouvoirs en place est la meilleure ! Ces mouvements insurectionnalistes, de par leurs répétitions, leur absence d’objectifs concrets, sans compter leurs prix en vies humaines, ont leur part de responsabilité dans l’arrivée du fascisme en Espagne. Cela reste encore une hérésie de le dire, car l’histoire officielle du mouvement libertaire espagnole a été fait par une minorité de ce mouvement. Toutes les questions que nous posons se sont posées au sein de la CNT avant la guerre civile, malheureusement le mouvement libertaire français a été depuis sous le joug d’extrémistes inconséquents et nous en sommes à redire l’évidence.

Plus prêts d
riveira
 
Messages: 74
Inscription: Vendredi 16 Déc 2005 13:40

Messagepar michel » Mardi 30 Mai 2006 19:09

De loin et en diagonal ça m'a l'air juste un peu moins révolutionnaire que la CFDT en 70.


:lol: :lol:
michel
 

Petit biere ...

Messagepar Marcellus » Mardi 30 Mai 2006 23:50

Ce texte c'est pas de la petite biére mais plutôt une tasse d'eau tiéde qui voudrait nous faire passer son réformisme assumé pour une révolution des idées et des pratiques ...

Quelque part l'auteur a raison : ce texte est véritablement une révolution, au sens copernicien du terme : c'est le fait - pour un objet quelconque - de faire un petit tour pour revenir a son point de départ ...

Ceci étant dit, on voit que certains préparent a nous faire avaler la couleuvre qui se prépare pour 2007 a appeler a soutenir le/la future candidate de la Gochunie (cf par exemple les passages tels que "Si les sociaux démocrates et les syndicalistes révolutionnaire s’accordent sur le rôle néfaste du bolchevisme quand à la liberté individuelle, ils se sont opposés sans cesse l’un à l’autre dans une lutte fratricide alors qu’ils ont avancé généralement de pair" Ce nést d'ailleurs pas un hasard si l'auteur explique que les "'expériences qui ont été le plus loin dans la déprise du capitalisme et dans l’épanouissement des individus, sont des expériences libertaires paysannes ( Ukraine, Californie mexicaine) anarcho-syndicalistes (Espagne) et les évolutions social-démocrate des sociétés nordiques (Suède, Norvège, Finlande...)"rapellant que si les premières ont duré de quelques semaines à deux ans, les secondes elles ont durées "quelques décennies", ce qui leur confere une valeur exemplaire superieure. Or il se trouve qu'il y a en Suede une organisation qui sert de modele depuis 50 ans aux organisations reformistes libertaires, la SAC. En filigrane c est ce modele qui nous est propose ici ... la SAC a en effet abandonné toute prétention révolutionnaire pour s'intégrer dans le systeme du welfare state social-democrate en assurant la cogestion avec l'État d'une caisse de chomage, beneficiant pour cela d'une grasse subvention de l'Etat suedois.

On nous invite donc - l'air de rien - signer l'armistice avec la sociale démocratie, comme la SAC en Suéde :

"Notre syndicalisme évolue dans un système « représentatif » qu’il faut prendre en compte. Nous ne pouvons empêcher les socio-démocrates actuels, les socio-libéraux, d’être présents. Certains choisiront toujours la voie politique dans l’espoir de changer les choses, il serait de notre part autoritaire de faire comme s’il n’existaient pas. " Donc a quoi bon vouloir chasser le PS des manifs et autres rassemblements ? Ils y ont leur place

D'ailleurs "Il faut cesser d’être dans une posture ... haineuse, vis à vis des socialistes et de leur satellites en criant au social-traître. C’est une perte de temps, un affaiblissement réciproque" Admirons le "réciproque" ... Attaquer le PS nous affaiblirait ... Tient donc ... pourquoi ? Qu'avons nous a gagner a épargner le PS ?

D'ailleurs "pourquoi n’avons nous jamais la lucidité de reconnaître les avancées qui ont été faites par le pouvoir politique ? " Si on suit l auteur en votant bien en 2007, nous pourrions peut etre ainsi préparer de futures avancees ... D'ailleurs n'appelle-t-il pas de de nouvelles relations entre parti et syndicat ? Le mot n'est pas laché mais on sent bien qu'il est la, sous jacent "soutien critique" ... Comme les trotskards en 81 appelant a voter Mitterand "sans illusion" (pour les moins pires)

Le reste de ce texte est a l avenant ... Rien de nouveau sous le soleil. Il n impressionnera que ceux qui pensent que la valeur d un texte tient a sa longueur ...

En tout cas il est révélateur de l'inquiétude de la sociale démocratie, qui sait que les élections sont de plus en plus serrées et qu'un résultat peut se jouer a qq milliers de voix prés. L'abstention est donc l'ennemi numéro un de ces politicards. La sociale démocratie a donc user de tout ses artifices pour essayer de rabattre vers les urnes le maximum de monde. Ce monceau d'anthologie est une des piéces de leur jeu de manipulation politique.
Marcellus
 

Messagepar riveira » Mercredi 31 Mai 2006 11:08

Je ne suis pas sûr de mon coup, mais il semble que l'auteur de ce truc ne soit pas le clône de Philippe Corcuff (social-démocrate libertaire bien connu des services), mais un membre de la FA.

Pardon d'avance pour la F.A. si je me trompe.

En tout cas marcellus, même de loin, j'avais bien lu la même chose. 8)

A savoir maintenant si c'est de la manipulation ou de la naïveté infantile ?
riveira
 
Messages: 74
Inscription: Vendredi 16 Déc 2005 13:40

Messagepar Paul Anton » Vendredi 02 Juin 2006 11:38

...

J'ai trop de livres à lire en ce moment et je suis en retard...

Ce texte aborde encore la relation du couple organisation révolutionnaire minoritaire (ou minorité agissante) / masse. Je vous conseille de le lire tout en comparant avec le texte de Mattick: organisation et spontanéité.
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
Paul Anton
 
Messages: 3191
Inscription: Lundi 01 Nov 2004 16:19

Messagepar tomatok » Vendredi 02 Juin 2006 14:07

la seule question qui me vient en regardant ce texte c'est : mais que vient faire là la citation de Trust !!!! c'est proprement scandaleux !!! :lol:
pour le reste je me suis contenté du résumé de marcellus qui m'a l'air des plus clairs...
d'après le site des vignoles "Les Temps Maudits est l'organe de recherches anarcho-syndicaliste et syndicaliste-révolutionnaire de la CNT."
bon bah si leurs recherches leurs permettent de réinventer ce qui a déjà été fait depuis des dizaines d'années en suède au moins ils travaillent pas pour rien ! :lol: non mais n'importe quoi, p't'être qu'ils vont abandonner pour de bon toute référence à l'anarcho ? ils se revendiquent de quoi la SAC ? du syndicalisme révolutionnaire quand même ou même plus ??

mouairf sinon quant au fait d'aller voter soc-dém, même quand la peur d'une droite désormais semblable à son extreme peut parfois faire poser la question (oui oui la question m'a traversé l'esprit... :oops: :oops: ) bah les déclarations de la royale remettent bien vite les idées en place : abstention et mort aux cons (et dieu qui est aux cieux sait qu'ils sont nombreux)
tomatok
 
Messages: 1851
Inscription: Vendredi 20 Jan 2006 1:48

Messagepar Laguigne » Vendredi 02 Juin 2006 19:12

Mais... c'est de la Merde!
Comme disait Durruti, faut pas ce laisser abattre...
Avatar de l’utilisateur
Laguigne
 
Messages: 287
Inscription: Mardi 20 Sep 2005 12:56
Localisation: Le Bec Helloïn

Messagepar tomatok » Vendredi 02 Juin 2006 21:20

Laguigne a écrit:Mais... c'est de la Merde!

:lol: :lol: j'adore les commentaires lapidaires de ce genre :lol: :lol:
tomatok
 
Messages: 1851
Inscription: Vendredi 20 Jan 2006 1:48


Retourner vers L'anarchosyndicalisme