Médecins du Monde en colère !

Les luttes en France...

Médecins du Monde en colère !

Messagepar goldfax » Mercredi 05 Oct 2005 21:44

Lu sur Infozone :

Lettre ouverte du Docteur Françoise Jeanson, Présidente de Médecins du
Monde, à Monsieur Nicolas Sarkozy, Ministre de l'Intérieur


Paris, le 06 septembre 2005

Monsieur le Ministre,

Des femmes, des hommes et des enfants sont morts ces dernières semaines du
fait de leurs conditions de logement précaires. Mettant en avant la sécurité
des familles vivant dans des squats, vous procédez à une vague d'expulsions,
sans pour autant annoncer les mesures de relogement d'urgence qui devraient
les accompagner.
Le mal logement entraîne une série de pathologies, parmi lesquelles l'intoxication
au plomb, avec ses séquelles cérébrales irréversibles, les pathologies
respiratoires, les atteintes dermatologiques. Sans parler des morsures de
rats, et de la cohabitation avec les cafards. Autant de misères indignes de
notre pays.

Mais le non logement ne peut être une réponse !

En tant que médecins, nous avons l'obligation de vous rappeler les
conséquences de la vie dans la rue sur la santé. Le dossier « Pas de santé
sans toit ni droit » que nous avons publié en octobre 2002, résultat des
observations des Missions France de Médecins du Monde, montre sans équivoque
l'augmentation significative des traumatismes, des infections respiratoires,
et des troubles psychiques chez les personnes à la rue.
Mettre des gens à la rue, c'est aussi interrompre leur accès aux soins, les
traitements des maladies chroniques, les campagnes de vaccination.
Pensez-vous, Monsieur le Ministre, que la rue est un logement plus adapté,
pour ces femmes et ces enfants, qu'un taudis !
A titre d'exemple, à la suite de la décision préfectorale de couper l'électricité
mi-août rue de la Tombe Issoire, des voisins nous ont demandé de venir
examiner les enfants. Ceux ci étaient en bonne santé, et bien suivis.
Cependant, nous avons constaté l'état de détresse psychique des enfants
vivants dans l'obscurité et l'impossibilité des mères de leur donner des
repas chauds. Enfin, ces familles s'étaient progressivement organisées : au
lieu des plaques électriques, d'instables réchauds à gaz, au lieu des
lampes, des bougies. Dans ce cas, Monsieur le Ministre, le danger, c'est
bien cette coupure d'électricité qui l'a créé.
Pensez-vous, Monsieur le Ministre, que les familles sont responsables de l'état
de délabrement des abris qu'elles trouvent, faute de mieux, et des dangers
qu'elles y encourent?
Et maintenant, l'expulsion !
Les familles, et leurs jeunes enfants, se retrouveront-elles dehors après
les 8 nuits d'hôtel promises? Ce seront alors les dangers de la rue, et son
cortège de violences, qui les étreindront, au mépris des conventions
internationales ratifiées par la France qui prévoient un haut niveau de
protection des enfants.
Monsieur le Ministre, pensez-vous que ces victimes ont commis des délits et
sont coupables ? et en particulier, parmi ces victimes, les étrangers qui
assument, souvent en silence, les tâches les plus ingrates de notre société
? La pauvreté est elle un crime ?
Alors quelle issue proposez-vous à ces familles ? quelles solutions pour les
reloger et leur garantir la sécurité qui incombe à votre charge de ministre
au sein du gouvernement ? La vérité, c'est qu'il n'existe pas de proposition
concrète de relogement au delà de quelques jours d'hôtel. Les habitats
sociaux manquent cruellement et toute la chaîne, de l'hébergement d'urgence
aux CHRS (Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale) et au logement
pérenne est bloquée. Personne n'arrive à obtenir de logement, alors qu'en
2002, deux millions de logements étaient vacants en France. A titre
d'exemple, la ville de Neuilly sur Seine, ne regroupe que 3% de logements
sociaux là où la loi SRU en impose 20%. Comment allez vous rattraper ce
déséquilibre ?
Il y a trois ans déjà, le collectif pour une « Couverture Logement
Universelle » demandait des états généraux du logement, et faisait des
propositions concrètes. Les états généraux ne se sont jamais tenus et les
promesses faites en matière de logement social sont systématiquement «
oubliées ». Nous voyons aujourd'hui les conséquences de ce désintérêt.
Monsieur le Ministre, notre action en France nous met quotidiennement au
contact de situations de grande précarité. Notre pays n'a pas besoin d'une
politique qui travestit les plus vulnérables en boucs émissaires mais d'une
politique qui permette à tous de vivre dignement dans la France du 21ème
siècle.
Monsieur le Ministre, quelle réponse apportez vous à cette urgence ?


Docteur Françoise Jeanson, Présidente de Médecins du Monde
goldfax
 

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