http://www.liberation.fr/page.php?Article=323200«Libération» s'est procuré une circulaire du ministère de l'Emploi adressée aux préfets.
L'inspection du travail sommée de traquer les clandestins
Une allure de mobilisation générale. Les résultats de la «traque aux clandestins» sont insuffisants, scande avec obstination Nicolas Sarkozy Le ministre de l'Intérieur l'a dit fin juillet au comité interministériel de contrôle de l'immigration. Et l'a répété la semaine dernière aux préfets réunis place Beauvau. Vendredi, ceux-ci ont été invités à «accentuer l'effort» en matière d'expulsions. Et comme il faut faire feu de tous bois, les inspecteurs du travail vont eux aussi être mis à contribution.
Ainsi, le mois dernier, Gérard Larcher, le ministre délégué à l'Emploi, a adressé une circulaire à tous les préfets de région, que Libération s'est procurée. Une circulaire qui s'affirme comme une «instruction» visant au «renforcement de la mobilisation des services pour la lutte contre le travail illégal». «En dépit des progrès réalisés, note le texte, le comité interministériel de contrôle de l'immigration, lors de sa réunion du 27 juillet présidée par le ministre de l'Intérieur par délégation du Premier ministre, en soulignant les liens évidents entre immigration clandestine et travail illégal, a constaté que les résultats obtenus étaient encore insuffisants et que la mobilisation des services devait être renforcée».
Pour marquer les esprits, des opérations coup-de-poing sont en prévision. Gérard Larcher ajoute : «Sur ma proposition, le comité interministériel de contrôle de l'immigration a donc décidé qu'il convenait d'organiser dans chaque département, d'ici le 31 octobre prochain, au moins une opération exemplaire de contrôle des sites de travail où sont susceptibles d'être occupés illégalement des étrangers sans titre.»
Comment les inspecteurs du travail réagissent-ils à une telle injonction ? La plupart n'ont pas encore pris connaissance de la circulaire, mais si l'on en croit l'un d'entre eux , en poste à Grenoble, la réaction devrait être extrêmement vive.
Par Nicolas de la CASINIERE
mardi 13 septembre 2005.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=323201Pierre Mériaux, inspecteur du travail et membre du syndicat SNU travail-emploi-formation:
«On devine qu'il y a des charters à remplir»
Pierre Mériaux, membre du bureau national du syndicat SNU travail-emploi-formation et inspecteur du travail à Grenoble, réagit à l'injonction du ministre de l'Emploi.
Par le biais du travail au noir, le ministre de l'Intérieur vous demande de poursuivre les sans-papiers sur les lieux de travail. En quoi êtes-vous choqué ?
Cette circulaire bafoue les traditions républicaines les plus établies et les conventions internationales protégeant les inspecteurs du travail. Des deniers, faut-il le rappeler, dépendent de la convention 81 de l'Organisation internationale du travail, et non pas des préfets. Nous maintenons que les salariés sont les victimes qu'il faut protéger. De plus, il est choquant de voir associer immigration clandestine et travail illégal. Car c'est une contre-vérité flagrante, détournant la réalité constatée par les services officiels. Selon les dernières statistiques de la Dilti (Délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal), seules 7,1 % des infractions pour travail illégal ont concerné des étrangers sans titre en 2001. Et même la PAF (police aux frontières), pourtant spécialisée, ne relève ce délit que dans un quart de ses procédures.
Vous considérez cette circulaire comme une attaque à votre indépendance ?
Régulièrement, le ministre de l'Intérieur tente d'accaparer la lutte contre le travail illégal en la traitant comme une délinquance semblable aux autres. Il est hors de question d'accepter de se voir transformer en force annexe de la Place Beauvau. Avant l'été, on a déjà pointé cette dérive lors de la création de l'Office central de lutte contre le travail illégal, rattaché à la police judiciaire et à la gendarmerie, avec le risque d'atteinte aux droits des salariés par la tentation de «faire du crâne», comme on dit en argot policier lorsque l'on chasse les fumeurs de shit et petits dealers plutôt que les gros trafiquants.
La circulaire évoque des opérations coups de poing...
On devine qu'il y a des charters à remplir. C'est contraire à l'esprit et à la déontologie de notre métier. Les réactions de nos collègues vont être assez vigoureuses. Selon le texte de l'Organisation internationale du travail qui définit nos missions, nous devons rester «maîtres de l'appréciation des suites réservées à nos contrôles». Et nous devons rester «à l'abri des pressions extérieures indues», y compris politiques ou dictées par des intérêts personnels de dirigeants politiques. Le but est idéologique : faire croire que nos malheurs viennent des étrangers. Sarkozy a obtenu 300 postes pour sa sous-police de contrôle de l'immigration clandestine, alors qu'au même moment, l'inspection du travail n'a décroché que 30 postes, et encore aucun poste de terrain.
Vous serez quand même obligés d'obéir ?
On n'acceptera pas de participer à des opérations de contrôle purement policier et au faciès. Il y aura peut-être des poursuites disciplinaires, mais on n'ira pas. C'est le gouvernement qui franchit la ligne jaune des principes républicains du respect de l'indépendance fonctionnelle de l'inspection du travail. On est là pour faire appliquer le droit du travail. Pas pour cibler une catégorie d'étrangers et jouer les supplétifs de la PAF. On travaille déjà régulièrement avec d'autres services, Urssaf, impôts...
Par Nicolas de la CASINIERE
mardi 13 septembre 2005.
C'est vrai qu'il y a quelques temps le petit Nicolaï avait choisi de pratiquer une politique d'immigration sélective selon des critères professionnels correspondant aux marchés de l’emploi.