Les sans-papiers en appellent au ministre de l'emploi
LE MONDE | 14.04.05 | 14h18 • Mis à jour le 14.04.05 | 14h19
IL est plus de 18 heures, ce mercredi 13 avril, et la petite centaine de sans-papiers quitte le siège de la Fédération française du bâtiment (FFB), rue La Pérouse dans le 16e arrondissement de Paris. Après avoir obtenu d'une délégation de l'organisation patronale l'engagement "sur l'honneur" qu'elle appellerait le ministre de l'emploi, Jean-Louis Borloo, pour intercéder en faveur des 123 dossiers de sans-papiers, dont "70 % travaillant dans le bâtiment."
Trois heures plus tôt, la petite troupe emmenée par Jean-Claude Amara et les militants de l'association Droits devant !!, rejointe par les infatigables médiateurs que sont le généticien Albert Jacquard et l'évêque Jacques Gaillot, pénétrait dans les locaux luxueux de la FFB.
Coiffés de casques de chantier jaune vif, de nombreux sans-papiers, clandestins du bâtiment, étaient venus réclamer "justice".
Les slogans ont fusé : "Ni pitié ni assistance, dignité et résistance", "Qu'est-ce qu'on veut ? Des papiers. Pourquoi ? Pour travailler..." Les immigrés se sont relayés au mégaphone, ont témoigné de leur volonté de travailler légalement et ont dénoncé leurs employeurs qui, disent-ils, se servent de leur statut de clandestin pour les "exploiter".
"À LA MERCI DU PATRON"
Fatou est arrivée en France en 1998. Cette Malienne d'une quarantaine d'années fait du ménage pour une société de sous-traitance : "On est à la merci du patron qui sait, quand il nous embauche, que nous n'avons pas de carte." Fatou gagne 200 euros nets par mois pour deux heures de ménage par jour.
Fofana, lui, vient de Guinée. Victime d'un accident sur un chantier, en 1998, il a perdu son travail. Clandestin, il ne peut survivre 400 à 500 euros par mois que grâce à des petits boulots, dans un sex-shop ou aux puces de Clignancourt.
La confrontation avec le ministère de l'intérieur et les préfectures ne débouchant que rarement sur les régularisations espérées, l'association Droits devant !! a changé de stratégie : elle souhaite désormais établir le lien entre travail et titre de séjour et se tourne donc vers le ministre de l'emploi.
Cette action, raconte M. Amara, est partie des propos tenus dans Le Monde du 20 janvier par le président de la FFB, Christian Baffy. Il avait expliqué que le bâtiment n'arrivait pas à couvrir ses besoins en main d'oeuvre, et que "le seul moyen" était "de faire appel à des travailleurs étrangers."
"Plutôt que de promouvoir les quotas qui institueront une immigration Kleenex et alimenteront un précariat qui se généralise, il convient d'attribuer un permis de travailler permanent", répond l'association. Elle a donc imaginé que les employeurs de clandestins pourraient intercéder auprès de M. Borloo qui, lui-même, interviendrait auprès du ministère de l'intérieur.
"Pourquoi aller chercher des gens sur des quotas, alors qu'ils sont déjà là", demande doucement Mgr Gaillot. "C'est par le droit au travail qu'ils seront régularisés." Albert Jacquard craint, lui, une nouvelle concurrence "entre immigrés".
Rémi Barroux
Article paru dans l'édition du 15.04.05
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-638963@51-639105,0.htmlParis, mercredi : Sans Papiers, Rassemblement et Occupation
Tandis que le 9 ème Collectif organisait un rassemblement devant l' Assemblée Nationale, afin d' être reçu par des parlementaires représentant l'ensemble des formations politiques, une centaine de Sans Papiers, occupaient sous les banderoles de Droits Devants !, la Fédération française du bâtiment.
Le Président de la FFB, M. BAFFY, avait déclaré, dans une interview au quotidien Le Monde du 20 janvier, que faute de main-d' oeuvre, il faudrait faire appel à des "travailleurs étrangers", alors que des milliers de Sans Papiers sont déjà en France et ne demandent qu' à travailler légalement... Immigrés des quotas et clandestins, une nouvelle concurrence au profit du patronat ?
http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=35328
