NOUVELLES DU FRONT
Il semble que certaines guerres ne doivent jamais se terminer !
Depuis le 9 mai, à la suite d'un atelier avec les étudiants de l'Université occupée de Pau et des Pays de l'Adour, Stany Cambot et l'équipe d'Echelle Inconnue mettent en place sur le campus une exposition en trois parties visant à interroger Smala, la ville de tentes construite par Abd el Kader en résistance à l'invasion de l'Algérie par les troupes françaises au XIXème siècle. Depuis le début de son installation, cette exposition subit chaque nuit une campagne de destruction systématique (photos).
Sommes-nous bien servis ?
Cette première étape de travail autour de la smala s'inscrit dans le cadre d'un cycle appellé Les urbanismes combattants ou politique/polis. Si la politique est la continuation de la guerre par d'autres moyens, la ville est-elle la continuation de la guerre par d'autres moyens ?
À la suite du travail mené en 2003 au moment du contre-sommet du G8 à Evian dans le village altermondialiste de la plaine d'Annemasse, nous avons cherché des antécédents à ce type d'urbanisme mobile et provisoire conçu pour le combat politique. C'est ainsi que nous avons découvert Smala. De cette ville mobile, il ne reste rien ou presque : un plan, deux tableaux et quelques textes.
Comment, dès lors interroger cette ville ?
En tournant autour, en interrogeant chaque document comme une possibilité de la Smala, en en organisant nous-même de possibles reconstitutions dans chaque ville de France où Abd el Kader fut emprisonné.
Première étape : interroger la Smala avec les étudiants de l'université de Pau à travers un texte de Kateb Yacine.
à la présentation du projet nous entendions « Ah ! Abd el Kader, c'est important ici... Il a été bien traité... à la fin, il n'était même plus prisonnier... » On oubliait alors, sans doute, les tombes de ses deux enfants au cimetière de Pau, morts en raison des conditions premières de détention.
Habituellement, quand on parle d'Abd el Kader ici, rendez-vous est pris à sa prison, pardon, au château. Bref, il n'en sort pas et ça se passe bien.
Il semble qu'interroger l'actualité d'une de ses réalisations urbaines, la Smala, à l'extérieur de son lieu d'incarcération, pose le problème tout à fait différemment et réveille autre chose que l'amitié légendaire du Béarn et de l'Emir.
En effet, cependant que nous tentons d'interroger la Smala ici, des opérations nocturnes semblent vouloir rendre hommage à la toile d'Horace Vernet la prise de la Smala d'Abd el Kader par le duc d'Aumale, à moins que ce ne soit plus directement au pillage même de la Smala par l'armée française. Quatre, cinq, six nuits de suite, les tentes-textes installées sur le campus de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour ont été volées, démontées, sacagées, détruites.
Pendant les deux premières semaines l'hypothèse du « zonard » (pour ne pas dire, le type à casquette, le mec de cité ou l'étranger) nous a été assénée, avant que certains s'inquiètent du côté « méticuleux » et systématique des déteriorations, en somme, du travail que cela représentait.
Que saccagent-ils ?
Une installation certes, mais surtout des textes, ceux de Kateb Yacine, de Bruno Etienne, d'Abd el Kader, et accessoirement ceux de stany Cambot, peints sur les toiles de tente.
Que mettent-ils encore à sac ?
Des tentes, perpétrant ainsi une réédition de la prise de la Smala. Un portrait aussi, celui d'Abd el Kader recevant régulièrement des oeufs.
Qu'écrivent-ils ?
« mort aux communistes... », « vive le CPE. »... « ça pue vos tentes » plus récement « forza italia » signant parfois « STO »
Certains, pour nous apporter quelque réconfort, nous disent « c'est bien, c'est que l'art dérange ».
Cela ne nous réconforte pas. L'existence même de ce type de comportement, la lattitude d'action de ce qui semble être une certaine droite aux comportements extrèmes nous inquiète.
Plusieur fois le mot a été lancé FASCISTES, à cause des méthodes, la propension à l'autodafé sans doute. Peut-être un démon plus traditionnel, plus ancien encore : la nostalgie d'un pouvoir expansionniste et colonial jouant le saccage et la répression à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières. Un saccage comme un hommage (certainement inconscient, à en juger par la qualité de la littérature graphitées ici ou là) au duc d'Aumale, à l'armée coloniale, à Thiers peut-être.
En arabe, le verbe ZML – d'où nous vient zmala, smala- signifie entre autre, et en terme militaire, « tracer l'axe du camp ». Peut-être ne peut-on en sortir ? Cette exposition et son saccage semblent le démontrer. Un axe séparant deux camps, ici, se dessine. La mollesse, voire l'absence de réaction, semblent quant à eux démontrer l'incapacité pour beaucoup à choisir le sien.
Nous croyons peu aux pétitions, bien plus à la circulation des idées et de l'information. Cependant, si vous le voulez, si vous le pouvez, contresignez et faites circuler ce texte. Prenez position là où vous êtes, ou là où vous pouvez être.
Stany Cambot pour Echelle Inconnue
Photos :
installation & saccage
http://www.echelleinconnue.net
email :
mel@echelleinconnue.net