Opposons nous au capitalisme et détruisons-le, mais ne rejetons pas la science et la recherche car nous en aurons besoin.
Serj,
le problème de la technoscience n'est pas le problème de la science mais d'une science enracinée dans le procès capitaliste de destruction de l'homme et de la planète et d'exploitation de l'Homme par l'homme. Et en ce sens, le nucléaire est au moteur même du processus.
Aujourd'hui, la plupart des recherches sont pieds et poings liés à la logique du capitalisme, son imaginaire social et historique. Je te conseille à ce titre le texte de la CNT-AIT " sauvons la recherche d'elle-même
" concocté ce me semble par des chercheurs...
Les gens dont tu causes sont des militant(e)s anti-industrialistes. je te conseille à ce titre les textes disponibles sur infonucléaire, la feuille "A trop courber l'échine" ou sur infokiosque.net les textes "du mensonge radioactrif et de ses préposés" ou "OGM fin de partie".
sinon un texte parut dans solidarité n°19:
CONFESSIONS D’UN NUCLEOCRATE.
La destruction par la bombe atomique américaine de la ville japonaise d’Hiroshima en 1945, fut notre première expérience nucléaire de masse. Les êtres humains y furent, et ce de manière rationalisée, transformés en matière humaine en fusion... matière humaine condamnée à devenir cobaye de notre expérience.
Le monde nucléarisé qui dès lors s’est imposé est un Monde dans lequel nos congénères sont devenus entièrement prisonniers de l’expérience : l’avenir irradiant concocté par les premiers tenants de l’industrie nucléaire prenant totalement possession de nos vies et de notre environnement.
Et l’expérience étend rapidement le désastre et finit de soutenir notre domination.
Nos glorieux aïeuls issus de l’appareil de la résistance, gaulliste ou communiste, croyaient réellement à la fiction de l’intérêt général ; nous l’avons rapidement confondus avec nos intérêts particuliers. Le nucléaire, nous a offert du pouvoir.
Cependant, Nous n’en finissons pas de renouveler notre vieux rêve de domination de l’espace et du Monde. Ainsi, le gouvernement Raffarin lance sur notre conseil depuis quelques mois une nouvelle génération de réacteurs nucléaires … l’EPR – European Presureted water Reactor. Cette nouvelle génération de réacteur ne surgit pas par hasard. N’oublions pas qu’en France 80% de la production d’électricité est d’origine nucléaire et que nous produisons même du nucléaire à l’exportation… Or le parc nucléaire arrivera à échéance de renouvellement en 2017 ; il s’agit déjà de préparer l’option de renouvellement du parc pour que le Monde que nous avons soigneusement mis en place continue activement d’exister.
Nous avons présenté l’EPR comme une nouvelle génération de
l’électronucléaire, une génération plus sûre et non polluante puisque ne contribuant pas à l’effet de serre… Pourtant, ici réside une supercherie et une falsification digne de nos plus grandes heures de gloire dans le mensonge radioactif. En effet, l’EPR n’est qu’un prolongement technique et modernisé de centrales déjà existantes type Civaux et Chooz, centrales dans lesquelles de nombreux « incidents » ont été relevés, notamment ces derniers mois.
Cette nouvelle génération de centrale high-tech était promise à deux sites : soit Penly en Haute-Normandie, soit Flamanville dans le Cotentin… Nous avons choisi Flamanville. Le site était pour nous idéal. Non pour des conditions techniques mais bien davantage pour la soumission de sa population aux intérêts qui sont les nôtres. Nous avons offert de nombreuses compensations aux populations qui y vivent: le colonialisme a un prix. Mais, la rentabilité est certaine… deux tranches de nucléaire civil, des sous-marins atomiques, une usine de retraitement, des déchets nucléaires déposés par nos amis anglais dans la fosse des Casquets, et maintenant une nouvelle génération de réacteurs atomiques. Une presqu’île oubliée, en pleine désindustrialisation, prête à se raccrocher à tous nos projets… pour quelques emplois. Une sorte de permis de polluer en paix. Nous y avons si bien travailler la domestication des êtres, que les habitants ont appris à ne plus voir, ne plus entendre, ne plus sentir. Ils condamnent même les éoliennes qui gâchent leurs paysages et oublient les édifices nucléaires qui défigurent les falaises de La Hague… Nous leur avons pourtant donné le goût de l‘esthétique industrielle et de ses raffinements.
A la sortie de la guerre, le CEA avait pris en charge le programme atomique. Rapidement , un corps d’Etat, le corps des Mines, ayant quelque peu perdu de son influence sur les décisions politiques, économiques et sociales, monopolise le savoir et les outils du maintien de son propre pouvoir à travers les divers organismes participant à la nucléarisation du monde.
Cette nucléarisation, militaire dans un premier temps, se fait dans le plus grand secret, intérêt national oblige. Ainsi, le CEA n’a quasiment des comptes à rendre qu’à lui même, du fait de son monopole des compétences techniques et de la logique du secret.
Plus tard, dans les années 70, la France initialement embarquée dans un programme militaire se lance dans un programme civil d’ampleur, et là encore, le corps des Mines est omniprésent. Le corps d’Etat était permanent...
La démocratie nucléaire c’était l’électricité moins les soviets… Si le programme militaire s’est constitué en secret, le programme civil s’est construit tout d’abord sans-les-populations et ensuite contre elles. C’est tout d’abord, le Parlement qui est évincé du détail des décisions : nous ne présentions aucun de nos projet au Parlement, encore moins aux populations… Nous n’avions en aucun cas besoin de leur accord. Les populations locales sont elles-mêmes mises devant le fait accompli. C’est alors leur seule capacité à se mobiliser qui garantira parfois notre recul.
Ainsi à La Hague, les populations locales apprennent la nouvelle de l’implantation d’une usine de retraitement par la presse tandis que les élus locaux sont consultés dans l’urgence, en pleine nuit, la veille de l’annonce à la presse… Les géologues et les experts venant observer le site avaient même parlé de implantation d’une usine de fabrication de casseroles…
Non seulement, nous avons repris l’ethos technocratique si cher aux appareils qui nous fondèrent et aux totalitarismes issus des différents capitalismes industriels ; mais nous en avons prolongé l’idéologie totale : la technologie et la science comme outil d’émancipation et de progrès… compétence, efficacité…
Cependant, en 1986, Tchernobyl finit de démontrer après Three Miles Island que l’expérience se prolonge hors du confinement que nous avions promis… et le nuage radioactif se propage au delà des frontières et dans le temps… aujourd’hui encore, 2 millions de Biélorusse vivent dans des zones hautement contaminées… tandis qu’autour de La Hague des cas de leucémies sont révélés.
Nous avons alors craint que le déferlement des catastrophes ne remettent en cause nos projets. Les philosophes parlaient de fin de la modernité, de remise en cause de ses idoles… Le progrès avait un coût ! Mais rapidement nous nous sommes rendus compte que les désastres nous renforçaient. Davantage de catastrophes, c’était plus d’experts, plus de commissions pour réguler les menaces que nous avions créées… et nous avons alors saisi jusqu’où résidait notre force… surtout lorsque nos ennemis se sont rapidement révélés être des alliés de circonstance – et je ne parle pas ici uniquement des Verts dont il a juste fallu attendre leur propre soumission à l’appétit de pouvoir, dans les ministères où Voynet signait les décrets d’application du laboratoire souterrain d’enfouissement des déchets radioactifs de Bure, ou plus récemment les élus verts au Conseil Régional de Basse-Normandie qui grâce à leur abstention permettaient à la région d’être la seule région de France à demander le réacteur EPR – mais de la contestation intégrée de l’écologisme.
Il était rassurant que le mouvement antinucléaire demeure prisonnier d’un raisonnement pris dans la nasse de la tradition des force de progrès et refuse de poser la question essentielle de la nécessité du développement capitaliste et des chimères techniques qu’il en vient à produire. Il héritait des contradictions essentielles du mouvement social dans son ensemble dont le prolongement est l’idée même de développement durable qui n’a d’autre ambition que de prolonger le développement et les destructions, l’exploitation, l’épuisement des ressources qu’il génère, nouvelle prothèse du devenir capitaliste du monde.
Finalement, eux-mêmes étaient saisi de l’esprit du capitalisme qui nous animait… sauver notre modèle de développement. Nous nous sommes fait nous-mêmes écologistes et défenseurs actifs du développement durable, surtout qu’en matière de durabilité on s’y connaissait… Nos déchets n’avaient-ils pas une durée de vie qui se comptait en millier d’années ? Dans nos communications, le nucléaire est devenu une alternative à l’effet de serre… ce qui nous a permis de renouveler notre image et de développer un nucléaire soucieux de son environnement, clone hybride d’un capitalisme à visage humain.
Nous nous sommes fait apôtres de la gestion des risques. Nous y avons intégré une partie de notre contestation : des scientifiques « indépendants», des socio-anthropologues, des écologistes citoyens… et finalement l’ère atomique qui révèle la catastrophe inhérente, la menace permanente que font peser sur nos têtes les développements les plus raffinés de la technique et de la science déchaînées de tout enracinement social est devenue l‘ère de la gestion technocratique de la catastrophe.
Nous avons même saisi ce que l’on pouvait puiser dans les dédales des théories critiques… et compris que nous pouvions déléguer les outils de contrôle technocratique aux populations elle-mêmes : en Biélorussie le programme CORE tente d’apprendre aux populations à autogérer les risques sanitaires issus de nos expériences.
Nous savons que la société nucléaire est une société meurtrière : meurtrière de ses accidents (Tchernobyl), de ses rejets quotidiens (excès de leucémies autour de La Hague), assassine de la vérité par la falsification des événements qu’elle opère, assassine de la démocratie par la société technocratique pré-totalitaire et policière qu’elle engendre. Elle est le cœur du mode de production industriel capitaliste à l’age atomique, son socle technocratico-maffieux, son bras armé militaire, son délire impérialiste (l’indépendance nationale c’est le pillage de l’uranium africain et la prolongation du colonialisme dans ses formes modernes : soutien direct ou indirect de dictatures, mise en place de réseaux, etc.), elle est l’âme froide de la société techno-scientifique et marchande.
La disparition progressive de Tout Monde authentique, de toute marge d’autonomie est le fruit entre autre de notre travail. Nous nourrissons et nous nous nourrissons depuis longtemps de l’appareil d’Etat, du capital privé, et de leurs appendices consubstantiels : innovations techniques et consommation. Le monde nucléarisé n’est pas séparable des éléments dont il est un moteur mais qui le fondent et le soutiennent dans le même mouvement.
La force de ce Monde c’est que c’est un procès avec et sans sujet; un procès que nous véhiculons et dont nous profitons tant par salaire que par autres récompenses symboliques, mais également un procès qui nous dépasse, nous domine, et contient sa propre puissance. Sa souillure est éternelle, perdure dans le temps et programme notre domination dans l’avenir. Un Monde contaminé est un Monde que Nous devrons continuer de contrôler.
Le renouvellement de l’ère nucléaire c’est la continuation de l’expérience, de ses désastres, mais également de l’état de guerre permanent dans lequel elle plonge le pays. Ces convois sous haute protection militaire et policière. Les secrets et l’opacité qui l’entourent. Le risque autour des centres nucléaires mais également bien au delà, également autour des transports de matières radioactives par mer, rail ou route, à La Hague, Cherbourg, Caen ou ailleurs.
Dès l’origine du programme nucléaire il a fallu faire croire que l’énergie nucléaire était anodine et pour cela en venir à banaliser ses conséquences et son utilisation… « mourir de ça ou d’autres chose » comme l’on dit autour de La Hague. Et nous continuons depuis dans le même sens. Nous diffusons, par exemple, depuis peu, et concrétisant ainsi un vieux projet, le nucléaire au cœur même de notre quotidien… en diluant des déchets faiblement radioactifs dans des métaux comme le récent contrat passé entre Eurodif et FeursMetal nous le permet…et les produits qui sortiront des ateliers seront vendus et remis dans le domaine public sans qu'aucune mention ne permette de les différencier. Le projet est doublement utile : se débarrasser de déchets encombrants et permettre la dispersion d’éléments radioactifs dans notre quotidien diluant ainsi dans le bruit de fond nucléaire de nos futurs rejets, accidents ou catastrophes… ainsi que l’évaluation de leurs effets sur la santé.
Mais, nous travaillons également le langage, notamment dans l’univers publicitaire où les déchets nucléaires deviennent des colis et les catastrophes des incidents… La publicité… ah ! la publicité. Aucun intérêt économique immédiat… on ne vend pas d’uranium ou de plutonium aux masses... mais qu’est-ce que dirons contre Nous des médias à qui l’on a acheté des pages entières ? Et puis le langage… la novlangue. On n’a rarement autant passé de publicité que depuis l’annonce de la relance du programme… et le « traitement » du plutonium américain…
A cette occasion, nous poussons même l’ironie à affirmer que nous travaillons pour la paix, tandis que nous nous édifions chaque jour des armes de destructions massives : dans le programme civil tout autant que dans le militaire puisque les deux sont intimement liés…
De l’art de la guerre nous avons depuis toujours repris un goût prononcé pour le mensonge, le secret et la propagande. Plus nos mensonges sont gros plus ils sont censés fonctionner. Bush déclare qu’il y a des armes de destruction massives en Irak, nous affirmons que le nuage de Tchernobyl s’arrête à nos frontières, que Biélorusses et Ukrainiens meurent de radiophobie, une sorte de peur irrationnelle des radiations… que l’ancienne génération de centrale était sûre et la nouvelle, l’EPR, plus sûre que sûre… l’important c’est l’aplomb et les soutiens symboliques… l’OMS, Charpack, Kouchner, des écologistes repentis.
Les soutiens Nous les avons à tous les échelons du processus de production, et les travailleurs du nucléaire eux-mêmes ont appris comme tout bon otage à aimer ses bourreaux. C’est ce que l’on appelle le syndrome de Stokholm. Les travailleurs contaminés sont appelés simulateurs, les incidents et les dangers tus… Entre Nous et certains syndicats c’est une longue histoire d’amour. Le Comité d’Entreprise d’EDF a servi de réservoir de fonds et de militants à la CGT et au PCF. Nos technocratie alimentaient leurs bureaucraties. Les syndicalistes les plus récalcitrants étaient mutés ou cassés… laissant place à un syndicalisme docile de collaboration de classe.
Contre les dégâts occasionnés par les radiations sur les travailleurs nous nous étions même intéressés un moment aux modifications génétiques et à la possibilité de les rendre plus résistants aux radiations… mais nous n’y sommes pas encore près éthiquement… une sorte de réserve.
Et dès que l’on nous met en cause, nous crions à la théorie du complot , aux racines fascistes des propos… à une sorte de retour à l’origine, à une naturalité. Nous affirmons qu’on ne peut arrêter le train du Progrès, que le nucléaire est nécessaire à la prolongation de notre Monde marchandisé occidental, qu’il n’existe plus d’alternatives crédibles. Et nous sommes d’autant plus crédibles que nous raisonnons dans le cadre du Monde que nous avons contribué à construire, de ses destructions, de sa boulimie énergétique, dans l’emballement d’une métaphysique nucléaire, prolégomènes du désastre sur lequel nous tentons de continuer à proliférer.
Nous affirmons que l’Histoire est finie, et qu’elle est d’autant plus finie que ce procès historique indépassable c’est le procès historique sans sujet dont Nous sommes les sujets.
Dans les zones qui permettent à nos idéaux technocratiques de pleinement s’exprimer nous allons jusqu’à pousser la disqualification de nos adversaires occasionnels à l’enfermement comme pour le Pr Bandajevsky en Biélorussie, dont les travaux révélant la gravité de la situation sanitaire méritait une réponse des plus dissuasives pour lui et ses confrères.
Notre idéal technocratique s’exprime alors avec une violence et un autoritarisme qui Nous déplait, et déplait à notre éducation… Nous lui préférons le mode de domination diffus que nous lui avons substituer en occident, plus instable sur le moment, mais beaucoup plus stable sur le long terme.
C’est vrai que la gestion des déchets issus de l’industrie nucléaire continue de nous poser quelques problèmes… Mais il s’agit comme d’habitude d’externaliser les coûts symboliques et économiques … on reporte sur les générations futures les inconvénients. Après nous le déluge. Nous mettons en avant les Progrès futur de nos recherches et obtenons de nouveaux crédits et éliminons ainsi la concurrence. Nous créons des fictions symboliques, sorte de lendemains qui chantent, comme la fusion nucléaire ou auparavant Superphénix, sorte de flot ininterrompu d’énergie.
Pendant ce temps, nous faisons également disparaître une partie des déchets nucléaires dans les bombardements à Uranium appauvri, que nous avons utilisé d’Irak au Kosovo en passant par l’Afghanistan… disséminant ainsi les déchets de par le monde.
Notre force est notre unité de par le Monde. Nous avons créé une internationale active, l’internationale nucléariste qui depuis longtemps a travaillé à la nucléarisation du monde entier par la prolifération. Pendant que nous signions des traités de désarmement ou de non-prolifération nous disséminions de par le Monde programmes nucléaires civils et militaires… d’Israel en Chine en passant par l’Iran.
Ainsi, Notre Monde ne cesse de proliférer et l’implantation d’un nouveau réacteur à Flamanville permet que se poursuive notre longue marche.
Cependant, nous demeurons persuadés que le danger est là, dans notre contestation radical, dans l’idée d’en finir radicalement avec le nucléaire mais également avec le Monde qui l’entoure. Le danger est chez les ennemis de notre meilleurs des Mondes, de ceux qui cherchent à le fuir, le détruire… ceux qui cherchent à lutter et construire aujourd’hui comme demain un autre Monde.
Un nucléocrate anonyme.