Le territoire dynamique

Pour relier les luttes entre elles et les étendre...

Le territoire dynamique

Messagepar AnarSonore » Jeudi 04 Mar 2010 11:19

Qu’est-ce qu’un territoire ? Une première réponse amènerait à dire qu’il s’agit d’un espace géographique donné. Certes, mais il n’est pas que cela. Il se détermine également et surtout par les personnes qui y vivent et véhiculent avec elles leurs modes de pensées et d’actions. Le territoire apparaît alors comme un espace géographique lié à une activité humaine et sociale.

Allant plus loin dans l’approfondissement de cette analyse, nous pouvons avancer que le territoire n’est que la résultante des interactions sociales. Les frontières dites géographiques, déterminées plus ou moins aléatoirement, apparaissent alors pour ce qu’elles sont : des frontières fluctuantes déterminées par des réseaux sociaux (au sens sociologique du terme) des acteurs (c’est-à-dire des individus) qui le composent. En fonction de leurs capital social, c’est à dire des autres individus qu’ils connaissent, de leurs liens avec des personnes pouvant se situer parfois en des lieux très différents et très éloignés, ces acteurs sociaux créent un espace de référence abstrait, une territorialité, qui n’est pas contenue sur une surface restreinte dans l’espace.

Cette vision moderne du territoire met en exergue les imbrications potentielles de différentes territorialités et de différentes cultures qui, nous y reviendrons plus loin, détermineront à leur tour de nouveaux champs territoriaux spécifiques.

Découlant d’une analyse objectives et empirique de la réalité, le territoire apparaît pour ce qu’il est : un « construit social » (pour reprendre la terminologie sociologique), une résultante des interactions et activités sociales et humaines. Composé socialement, le territoire est ainsi un territoire en devenir, en mouvement permanent, « biologique » pour ainsi dire et vivant. Loin de l’image statique, de la citadelle qu’il faut défendre, qu’en donnent tous les conservateurs, il n’est que ce que les individus qui y exerce une activité en font.

Le territoire n’est en fait rien d’autre qu’un lieu (spatial ou virtuel) de rencontre et d’échange de différentes subjectivités d’individus. Allons même plus loin et remarquons que toute composante culturelle spécifique liée à un espace géographiquement donné n’est que le produit de rencontre intersubjectives. Notons ici que c’est bien de ces rencontres, qui fluctuent au grès du temps et du hasard, que se dégage une pensée originale, solide et forgée dans les consciences.

Qu’en est il alors de la formation, de l’évolution et de la progression du patrimoine culturel et des us et coutumes plus ou moins spécifiques qui sont habituellement rapportés à un espace géographique donné ?

Nous retiendrons pour notre part, en empruntant des outils au géologique pour comprendre le géographique, un raisonnement s’appuyant sur la stratification territoriale, ce qui permet d’obtenir une vision dynamique - synchronique plus précisément - du territoire, illustrant le fait qu’un territoire donné à un instant « t », se trouve être différent de ce même territoire à un instant « t+1 ».

A l’instar de la géologie, le territoire peut s’envisager comme une accumulation de strates, reposant les unes sur les autres, mais, plus qu’en géologie, s’interpénétrant à l’extrême. Ainsi, les avancées technologiques, scientifiques, philosophiques, les migrations, l’évolution générales des mœurs, font se transformer progressivement les territoires. Ceux-ci obtenant leur relative spécificité d’un moment en fonction de la superposition et du mélange des différentes évolutions.

L’histoire et le progrès (ou la régression) [1] de chaque espace géographique suivent ce processus d’accumulation (ou d’amenuisement, voire de destruction) [2] et d’échange des connaissance et des subjectivités.

Suivant ce raisonnement nous pouvons alors développer la notion d’immanence territoriale. Les normes, us et coutumes, de référence sur un espace géographiquement délimité sont labiles et se voient évoluer en fonction des individus qui le composent. Ces normes se trouvent être immanentes à la communauté des individus qui participent socialement à la détermination de ce territoire. C’est bien ici l’ensemble des individus se rencontrant sur un espace donné qui déterminent et mettent au point en commun, consciemment ou pas, les normes en vigueurs qui leurs semblent justes.

Toute notion de normes imposées, cherchant à enfermer dans des frontières géographique (qui, nous l’avons vu, sont par essence arbitraires) des espaces et des individus qui y demeurent est donc parfaitement arbitraire elle aussi. Des notions telles que l’État et la Nation, qui découlent de cette vision totalitaire du territoire que nous dénonçons ici, sont de ce fait des impostures.

L’État, les nations, les provinces… rappelons le, ne sont que l’héritage des royaumes anciens, destinés à assoir le pouvoir d’une minorité (le souverain et ses vassaux) sur des ensembles plus vastes de personnes. Ces entités interclassistes niant la lutte des classes, ne visent intrinsèquement qu’à imposer une hiérarchie avec un sommet de privilégiés dominant la base des asservis. Sous-couvert d’appartenance à un groupe artificiellement homogène, elles permettent de maintenir en place les privilèges de certains et de maintenir les autres dans la misère et la servitude.

Divan
Article d’Anarchosyndicalisme ! n°116 — février - mars 2010

Notes

[1] Par exemple, pour l’Occident, la période du moyen-âge chrétien, régression massive par rapport au monde gréco-romain.

[2] Il est de bon ton pour certains de se lamenter sur toute disparition de pratiques culturelles. Pour nous, avant de se lamenter, il convient de passer ces pratiques au crible de la critique. La disparition de pratiques culturelles aussi communes dans l’histoire de l’humanité que l’anthropophagie, l’esclavagisme et la traite des êtres humains ainsi que les sacrifices humains ou le bandage des pieds des petites chinoises nous apparaissent à l’évidence comme un progrès et non comme une atteinte à la « diversité culturelle ». Nous espérons que toutes les pratiques dites culturelles d’humiliation, d’exploitation, d’oppression, pour ancrées qu’elles soient dans l’histoire et dans des contextes culturels suivront rapidement le même chemin vers les poubelles de l’histoire.
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