Préliminaire à toute réflexion sur les troubles en cours

Pour relier les luttes entre elles et les étendre...

Préliminaire à toute réflexion sur les troubles en cours

Messagepar AnarSonore » Dimanche 28 Juin 2009 1:30

Préliminaire à toute réflexion sur les troubles en cours et à venir

Jamais, depuis le début de l’époque moderne, les courants de l’histoire ne paraissent avoir été aussi fluides et lugubres qu’en cette époque indéfinissable, véritable crépuscule de l’élan que le XXème siècle aurait dû concrétiser. Les incantations et les prières à l’histoire, dans lesquelles se complaisent tous les courants “radicaux” ou stalino-gauchistes contemporains, résument en creux le contraire de l’attitude à adopter : s’efforcer de comprendre ce qui advient, indépendamment de toutes les formes de pensée héritées. Pour cela, il faut éviter l’autocensure, et accepter de poser les questions pertinentes que la réalité impose. Eviter tous ceux qui voudraient nous infliger leur catéchisme est une condition de réflexion.

I. Critères minimaux :

Le premier critère est de refuser de cautionner les mensonges politiques dominants

- nous ne vivons pas dans une démocratie (on élirait des délégués mandatés et révocables et non des représentants incontrôlables et dénués de toute responsabilité), et l’Etat de droit n’existe que pour les couches supérieures de la société
- l’utopie du “communisme”, quelle que soit la forme sous laquelle il est présenté, est disqualifiée par la seule incarnation qui ait jamais atteint le stade de réalisation, le panzer- communisme, avec sa panoplie permanente de police secrète, d’idéologie obligatoire, de camps d’internement, de fusillades de masse, etc. Les partisans de cette “utopie” sont ceux qui ont massacré le plus grand nombre d’ouvriers et de paysans dans l’histoire du XXème siècle, alors que les “communistes” prétendaient les défendre.
- la compatibilité entre écologie et croissance n’est pas seulement improbable, tout indique que cette nouvelle forme de promesse ignore délibérément le rapport entre croissance et puissance. La société de croissance ne peut cesser d’exister par elle-même.

Le second critère, qui est une conséquence du précédent, est de se tenir à distance de tous les courants politiques établis, tous ne cherchant qu’à s’intégrer à l’Etat, chacun à sa façon, en général par le biais de la farce électorale, cette mauvaise plaisanterie oligarchique. Ceux qui se résignent à participer au rituel de vote dans les régimes dominés par les oligarchies occidentales se trouvent victimes d’un biais méthodologique irréparable (ils doivent, selon des voies d’une infinie variété, s’aveugler pour justifier leur reddition devant le chantage électoral). Tous ces courants, des conservateurs les plus obtus aux courants “tribuniciens” ou écologistes, voire féministes, veulent au fond participer à l’injustice établie et non la combattre. Mêmes les groupuscules les plus infimes se replient sur un comportement de ce type, en s’accrochant à des discours para- religieux, les incantations remplaçant l’analyse des faits. Le marxisme, pourtant définitivement sclérosé et compromis dans des crimes sociaux-historiques immenses, demeure le moins incomplet dans le genre et survivra longtemps à l’état résiduel, comme tant de discours métaphysiques et religieux, qui sont la principale production intellectuelle de l’humanité comme espèce depuis quelques milliers d’années.

Le troisième critère préalable est de comprendre que le “paradigme” dominant de l’histoire contemporaine est en cours de basculement : ce n’est plus le moteur inégalitaire interne au développement de la société industrielle qui tend à prévaloir, mais les limites externes à celle-ci. Elle se heurte aux bornes matérielles de la biosphère. Il n’a jamais existé de développement “autonome” de l’économie, cette tarte à la crème du marxisme des épigones, qui a prévalu au XXème siècle, et que tous les courants du radicalisme creux ont repris. Tout au long de l’histoire humaine, l’économie est demeurée l’instrument de la puissance ; s’il y a apparente “folie de l’économie”, il s’agit en réalité d’une “folie de l’histoire”. Rien n’impose que l’histoire humaine devienne rationnelle. Elle ne l’a jamais été et ne pourrait le devenir que par un effort concerté et raisonné, comme certaines tentatives collectives apparues au cours du XVIIIème et du XIXème siècle européen l’ont esquissé. L’élucidation des conditions d’une telle démarche collective est le préalable à tout discours pratique.

II. Evénements récents cruciaux qui méritent une analyse spécifique :

1. L’effondrement de l’URSS (avec retour sur l’analyse stratocratique) éclaire l’épuisement irréversible du mouvement ouvrier et la faillite du projet communiste. L’impasse stratocratique éclaire notamment ce qui se produit lorsqu’une société consomme plus qu’elle ne produit, que ce soit dans une production militaire autonomisée, ou une vampirisation de la société par une couche parasitaire, comme dans le cas argentin de la fin des années 1990 ou de certains pays d’Afrique jusqu’à aujourd’hui. La posture des pays occidentaux qui produisent moins qu’ils ne consomment depuis une vingtaine d’années entre dans ce champ d’observation.

2. La manière dont s’est mise en place au cours des années 1970 la dérégulation financière qui a conduit à la globalisation/mondialisation des années 1980-1990. La clé en est que les mécanismes capitalistes sont l’expression d’un chaos historique et ne forment pas en eux-mêmes un “système” impersonnel qu’il suffirait de renverser pour se substituer à lui afin de faire advenir automatiquement l’harmonie sur terre.

3. L’évolution de la rareté des sources d’énergie (pétrole, d’abord) déterminera la future répartition des rapports de puissance. Les “30 glorieuses” ont avant tout été le produit d’une utilisation hasardeuse et presque gratuite de sources d’énergie abondantes, faciles d’accès, et d’usage commode ; et non l’expression d’un “dépassement des contradictions capitalistes” et encore moins un effet des vertus du “travail” qui aurait atteint une qualité nouvelle.

4. La zone musulmane (même si certaines de ses marges sont dépourvues de ressources minérales), ainsi que la zone russe, vivent globalement en prédateurs rentiers des sociétés industrielles. Ces deux zones semblent condamnées à produire moins qu’elles ne consomment et à combler ce déficit par les exportations de la rente minérale, pétrolière, gazière, etc., tant qu’elle existe. Tout problème interne leur paraît provenir des rapports avec leurs clients majeurs. Lorsque cette rente disparaîtra, une période d’inconnu immense s’ouvrira pour toutes les sociétés humaines, mais plus encore pour ces pays.

5. La source fondamentale du dérèglement interne de l’Occident vient de ce qu’il n’a plus d’ennemi immédiat à sa hauteur. Toute sa substance tend en conséquence à être aspirée par le sommet de la société qui n’estime plus nécessaire de ménager les couches dominées. Ces oligarchies aspirent mécaniquement la richesse des nations, mais elles sont incapables de la conserver dans les sociétés sur lesquelles elles règnent. Dans leur avidité et leur empressement myopes, elles la laissent filer soit vers les aires vivant des rentes minérales, soit vers les pays ateliers (Chine, Inde, ...), qui n’ont même pas besoin de remonter les filières techniques : les oligarchies occidentales offrent sur un plateau leurs secrets de fabrication à ces deux Etats-continents, convaincues de pouvoir se servir au passage de cet immense transfert, sans mesurer les effets de long terme.

6. La complicité des populations occidentales et des oligarchies qui les parasitent reposent sur un mimétisme : toutes deux consomment plus qu’elles ne produisent, mais les populations ne bénéficient d’aucune rente à offrir en échange et ne pourront donc voir leur situation durer (les oligarchies occidentales utilisent l’avance technique de l’Occident comme une rente à échanger contre la rente du travail presque gratuit que dilapident des pays comme la Chine et l’Inde). Le ressort de la crise financière puis économique en cours vient précisément de cette sur-consommation collective, qui a permis de toujours différer l’éclatement de contradictions sociales à l’ancienne, qui ne reviendront plus sous leur forme classique. Si les modalités initiales de cette crise paraissent correspondre à un dérèglement classique, tout se met en place pour qu’en 20 ou 30 ans, la substance de l’Occident lui échappe. En ce sens, de même que la crise des années 1973-1979 n’a jamais été résolue, celle qui a ouvertement éclaté depuis 2007 ne finira pas. Nous ne sommes déjà plus dans le “capitalisme”, si tant est que ces mécanismes aient jamais formé un ensemble cohérent que les philosophes aiment à qualifier de “système” : les bourgeoisies occidentales classiques ont fait place à des oligarchies kleptocrates qui stérilisent les sociétés qu’elles “tiennent”. Elles ne se comportent pas comme des “classes”. Là où il y a oligarchie, les regroupements antagonistes ne suivent pas les fractionnements horizontaux de la société lorsque surviennent les moments d’affrontement.

7. Toute migration du centre de gravité de l’économie-monde a eu lieu à travers des conflits considérables. Nous ne nous dirigeons pas vers un tel conflit, il est déjà en cours depuis une dizaine d’années, mais ses acteurs ne vont cesser de changer. La désagrégation des échelles de souveraineté internationales laisse la voie ouverte à l’apparition de conflits de plus en plus graves, sans que l’on puisse déterminer en quel point se focalisera la source du conflit qui initiera la potentialisation de tous les autres. L’extension de la piraterie est un symptôme particulièrement éloquent et sous-estimé de cette évolution vers une désagrégation des échelles de souveraineté internationales. Le djihadisme et les variantes les plus diverses de l’impérialisme musulman (le critère d’identification des courants dispersés qui le constituent, c’est la revendication du califat et l’utilisation du qualificatif “djahiliya” pour toutes les sociétés qui ne correspondent pas à leur prétendu “modèle”) ne seront sans doute que le détonateur de conflits qui les dépasseront bien vite. Si une guerre de grande ampleur devait éclater entre l’Inde et le Pakistan, à la suite d’attentats islamistes, il paraît douteux que la Chine demeure spectatrice, et que la Russie et les Etats-Unis n’interviennent pas à leur tour. La disposition du Hamas à sacrifier par milliers ou par dizaines de milliers les Palestiniens qu’il domine ne se comprend que dans sa perspective idéologique apocalyptique. Certaines remarques émises par quelques dirigeants iraniens laissent entendre que la perspective de perdre les deux tiers de leur population dans une guerre de la fin des temps ne leur paraît nullement inacceptable. Peu importe que les islamistes soient de fait minoritaires en Iran, la question est de savoir si les pires d’entre eux peuvent mettre tout le monde devant un fait accompli dévastateur.

III. Projections hypothétiques

Une simple projection de l’évolution des capacités destructrices des conflits mondiaux donne les aperçus suivants : Première guerre mondiale : 20 millions de morts (directs) Deuxième guerre mondiale : 60 millions de morts (avec une population planétaire d’à peine plus de 1 milliard d’habitants dans les deux cas) Un nouveau conflit de type clausewitzien, c’est-à-dire se maintenant sur la tendance profonde d’extension illimitée des moyens de violence en fonction des capacités techniques disponibles (à la différence de la Guerre froide) devrait causer, en ne parlant que des morts, et en tenant compte de l’augmentation d’un facteur 5 de la population mondiale : 60 x 3 x 5, soit 900 millions de morts au moins (et si l’on envisage le nombre de blessés, ou de personnes atteintes de manière diverses, par les retombées de toutes sortes, le nombre de personnes supplémentaires atteintes dans l’immédiat serait sans doute du même ordre de grandeur). Les séquelles à long terme, dues aux pollutions démentielles qui contamineraient des continents entiers, stérilisant sans doute des étendues considérables de terres arables, sont encore moins évaluables. C’est dire que nous touchons du doigt à la possibilité d’une guerre qui signerait matériellement la fin de l’époque moderne. Une telle éventualité n’est même pas “extrême” (divers degrés aggravés consisteraient en la disparition de toute vie humaine, voire animale et même végétale sur la planète). Il est probable que la plupart des dirigeants ou tout au moins leurs conseillers les moins aveugles sont conscients d’une telle menace et qu’ils reculeront le plus possible devant son déploiement, mais il suffit d’un pôle indifférent à cette prudence pour que des circonstances malheureuses provoquent un enchaînement fatal. Le djihadisme, et certains courants islamistes qui sont déjà en mesure de contrôler des Etats, comme l’Iran (leur trait commun, c’est leur tropisme apocalyptique), s’efforcent précisément de jouer ce rôle de catalyseur catastrophique. Les rassembler, malgré leurs différences, sous l’étiquette de “parti de l’impérialisme musulman” décrit l’aspiration fonctionnelle qu’ils ont en commun : transformer le monde en chaos est leur seule chance de se rapprocher de leur objectif de domination mondiale. Les islamistes de toutes obédiences savent, et ils n’ont pas besoin de le formuler, que leurs succès éventuels ont pour préalable un tel basculement de l’histoire en un chaos sanglant. Depuis la dissolution de l’Union soviétique, il n’y a d’ailleurs pas d’autre force macroscopique qui soit explicitement habitée par ce fantasme de domination mondiale.

Divers indices convergent de façon insistante pour désigner la période 2015-2020 comme la plus périlleuse. Pour qu’un désastre historique se produise, il faut en effet que soient rassemblées certaines conditions “objectives” d’instabilité :

Pic démographique du monde arabo-musulman pour les classes d’âge masculines de jeunes adultes, qui poussera certaines de ces sociétés à prendre des risques de plus en plus inconsidérés, quelles qu’en soient les conséquences, entre 2015 et 2020, ce qui peut ouvrir un boulevard aux tendances apocalyptiques qui les hantent et qui ne sont pas marginales.

Fin de la période de “plateau ondulé” du pic de pétrole, dont l’extraction devrait amorcer une descente rapide dès 2010-2012, ce qui remettra directement en cause la répartition des facteurs de puissance (les potentialités prétendument miraculeuses de l’arctique ne retarderaient que de deux ou trois ans cette échéance !). Il est déjà significatif que la crise économique actuelle survienne au moment de l’apogée d’extraction. Qu’en sera-t-il lorsque cette production sera contrainte à l’attrition ? Une telle redistribution des moyens de puissance n’ayant jamais été affrontée dans la période moderne, son effet déstabilisateur sera sans doute incontrôlable dans un premier temps

Effet de moyen terme de la crise économique en cours (1929 n’a produit pleinement ses effets désagrégateurs qu’au terme de 8 à 10 ans). Celle commencée en 2007 nous mène précisément vers 2015-2017. De plus, tout “redémarrage de la croissance” se heurtera systématiquement aux pénuries d’énergie, ce qui ne pourra produire qu’un effet d’accordéon brutal, ravageur et répété sur la production matérielle, rendant à peu près impossible les “anticipations rationnelles”.

Les problèmes climatiques entraînés par le dérèglement de l’effet de serre ne commenceront à faire pleinement sentir leurs effets qu’après 2030, voire 2050, et n’ont pas à être pris en compte dans ce schéma comparatif et non prédictif. Sa formulation permet de vérifier dans quelle mesure les événements suivront ces tropismes profonds de l’histoire contemporaine ou en divergeront.

IV. Remarques additionnelles :

1. Les antagonismes n’en viendront pas nécessairement à l’usage d’armes atomiques (encore que si des groupes djihadistes en disposaient, ils les utiliseraient sans hésitation). Il est aisé d’imaginer l’usage de toute une gamme variée d’armes de destruction massive, chimiques, biologiques, etc., déjà disponibles, dont la possession tend à devenir diffuse.

2. Il est très probable que des famines importantes auront lieu bien avant ces échéances militaires : depuis 2000, il devient de plus en plus difficile d’augmenter la production agricole mondiale (et ce n’est pas un complot du méchant Occident, même si la production d’éthanol, etc., pratiquée par le Brésil ou les Etats-Unis rapproche l’échéance de la catastrophe). La progression du nombre d’êtres humains et l’évolution toujours croissante de leur consommation carnée est telle que ce nombre commence à excéder les capacités productives des surfaces cultivables, dont l’extension quantitative sera très difficile (les dernières grandes surfaces disponibles se trouvent en Afrique équatoriale et en Amazonie, mais la qualité de ces sols et les effets des déforestations seront particulièrement problématiques). L’intensification des productions semble avoir également atteint ses limites (le miracle de la chimie touche lui aussi à sa fin). Cette question devrait faire l’objet d’un thème spécifique, pour en déterminer les rythmes et la portée.

3. L’Etat-nation a représenté la matrice de la créativité historique de l’Europe, après celle des villes marchandes. Toute cette créativité historique semble aujourd’hui réduite à la “construction d’institutions européennes”, par conséquent dans les strates oligarchiques qui portent ce projet. Les populations occidentales ne veulent plus qu’une chose, d’un irréalisme absolu : la protection et l’extension de la société de consommation, opium exceptionnel qui a pour effet collatéral de laminer l’action créatrice des masses. Celles-ci préfèrent une promesse de quiétude et de bien-être toujours relativement décevante, mais avec une part de réalisation effective, à l’action autonome qui implique d’assumer des responsabilités immenses, au risque de commettre des erreurs abyssales ou de subir des représailles monstrueuses de la part des couches dominantes.

V. A plus long terme :

A moins de croire au miracle historique (ce que les stalino-gauchistes ou les radicaux entendent sous le terme devenu métaphysique de “révolution”, indépendamment de tout rapport avec la réalité concrète), ce n’est qu’une fois la période de trouble mondial qui s’annonce parvenue à son terme endogène que la question d’une prise en main de leur sort “par les masses” pourra de nouveau se poser. Et même alors, cet hypothétique réveil sera lent, de l’ordre d’une génération au moins. Et il faudrait que les capacités d’expressions collectives entrent à nouveau en résonance avec une crise des échelles de souveraineté au niveau non seulement international mais aussi interne aux sociétés. Une telle rencontre, tenue pour acquise et allant de soi dès la période de la révolution française, s’est défaite de façon inexpliquée depuis les années 1970. Ce découplage entre troubles sociaux et crise des échelles de souveraineté est le grand élément historique passé inaperçu au cours des trente dernières années.

De tels rythmes historiques, après la période de troubles qui devrait s’étendre des années 1990 jusque vers 2030/2035, mènent aux alentours de 2070/2080 Ce sera le moment où le déploiement des effets du réchauffement climatique seront devenus un facteur majeur, bouleversant les constantes qu’a suivies l’histoire humaine depuis 5000 ans.

Il est à noter que si l’espèce humaine parvenait à éviter les plus gros écueils détaillés ci-dessus, et qu’elle refusait de prendre collectivement son sort en main, la moins mauvaise solution (en terme de survie collective) passerait probablement par un stade d’unification mondiale, dans un cadre évoquant le modèle des “sociétés hydraulique” (fort décrié par les esprits politiquement corrects, mais dont l’analyse historique a dû admettre la pertinence) : la consommation serait fixée par en-haut et répartie selon une hiérarchie rigide ; l’énergie de référence viendrait de flux et non de stocks (elle serait surtout d’origine solaire, seule source de long terme permettant des quantités suffisantes d’approvisionnement, mais sans effet de puissance concentrée, tant que l’électricité ne se stockera pas). La hiérarchisation et l’aliénation extrêmes que subirait une société devenue effectivement mondiale, ses couches dirigeantes ne rencontrant aucun contre-poids proportionné, évoquerait le modèle antique de l’empire-continent, mais cette fois sans rival de même nature, ni “barbares” à ses portes. C’est alors que l’écologisme pourrait assumer un rôle d’idéologie dominante, comme argumentaire “rationnel” de la pénurie pour le plus grand nombre, quitte à se combiner avec des projets technocratiques de survie, tels que la régulation du flux solaire atteignant la terre par des paravents déployés dans l’espace au moyen d’une myriade de satellites, ou les efforts de “séquestration” du carbone. Ces deux projets d’ingéniérie climatique favoriseraient à un degré exceptionnel l’institutionnalisation d’une bureaucratie mondiale du climat.

Un tel cadre permet de poser les questions fertiles sur les événements en cours, dont l’hétérogénéité défie toute vision “unitaire” de l’histoire humaine :

- il en va ainsi de l’agitation de décembre 2008 en Grèce, effet de l’exacerbation d’une question sociale liée aux “couches moyennes” en ambiance oligarchique, sur fond d’accès à la société de consommation (la comparaison avec le mouvement contre le CPE en France est légitime, mais pas celle avec les violences de 2005, qui tout en étant lié à des mécanismes de régime oligarchique ont fait intervenir d’autres composantes de la société). Il est probable que les revendications en cours en France, et que les syndicats relaient démonstrativement, est de même nature. L’élection d’Obama aux Etats-Unis ne prend sens que dans ce cadre. La volonté de demeurer dans ou d’accéder à la société de consommation est le repère fondamental de toutes ces réactions collectives, dont on peut prédire que, malgré leurs véhémences éventuelles, elles s’efforceront de ne jamais “aller trop loin” (c’est-à-dire rompre avec le régime social existant).

- il en va de même de l’antagonisme insoluble à moyen terme (pas nécessairement à long terme) des zones musulmanes avec leurs voisines et leurs rivales,

- la posture agressive russe, qui sait cependant jusqu’où ne pas aller (cf affaires de Géorgie, ou du gaz passant par l’Ukraine), mérite une attention relative, mais il est peu probable que la Russie veuille se couper de ses clients.

- la crise économique dans tous les centres financiers et industriels, qui est dans sa phase ascendante et dont la profondeur est sous-estimée de tous côtés, va bouleverser les rapports de force et les perspectives, mais selon des lignes imprévisibles.

Paris, le 31 janvier 2009

Source : Batyscaphe (PDF)
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