[Brochure] Qui a tué Ned Ludd?

Pour relier les luttes entre elles et les étendre...

[Brochure] Qui a tué Ned Ludd?

Messagepar Dan » Mardi 18 Nov 2008 1:12

Qui a tué Ned Ludd?
Sur la naissance du syndicalisme et sur son utilité pour le pouvoir.

Image
Ce texte de John Zerzan, bref exposé sur les révoltes luddites du XIXe siècle en Angleterre est en fait un plaidoyer contre le syndicalisme, vu ici comme outil de la collaboration de classe dés sa naissance en Angleterre. Une partie de l’histoire du syndicalisme souvent négligée mais qui pourtant révèle sa véritable nature : sa nature d’outil du pouvoir pour détruire et saboter les luttes et la spontanéité des exploités. Il est précédé d'une introduction au texte de Non Fides et est suivi d'une chronologie orientée du syndicalisme.

La brochure est téléchargeable et lisible en ligne:
Sur le site de Non Fides :arrow: http://www.non-fides.fr/spip.php?article75
Sur Infokoisques.net :arrow: http://infokiosques.net/spip.php?article624
Dan
 

Messagepar Dan » Mardi 25 Nov 2008 16:50

pas de réactions? :(

je pensais que ça plairait aux anarcho-syndicalistes moi. :)
Dan
 

Messagepar NOSOTROS » Mardi 25 Nov 2008 18:15

Tout d'abord il y a une erreur majeure de traduction. Je n'ai pas le texte anglais sous les yeux, mais il me semble qu'il parle de "union" et non de "syndicalism" .. Or "union" c'est le trade-unionisme et non le syndicalisme (lequel existe en anglais en tant que "syndicalism"" précisément ...)

Comme il est bien dit ici :http://www.eco-action.org/dod/no10/books_hydra.htm

As John Zerzan has pointed out in 'Who Killed Ned Ludd?',[1] the very point which traditional Marxists pick as the marking the beginning of working class history and proletarian struggle, is exactly the point at which it is effectively dead and buried within the mechanisms of union negotiating and electoral politics.


La critique de Zerzan vise avant tout le milieu marxiste anglo-saxon, influencé par le trade-unionism ... La transposition dans le milieu syndicaliste latin, qui a une tradition et une histoire radicalement différente, c'est reprendre la confusion propagée par Lénine entre trade-union et syndicalisme ... (1)

C'est tout à fait manifeste quand il dit "le syndicalisme s'établit sur le divorce entre le travailleur et le contrôle des moyens de productions". (p 14) Bullshit, comme on dit outre manche ! C'est le Trade Unionisme qui - en effet - reste cantonné à la question des revendications salariales et autres reformettes.

Le syndicalisme, surtout quand il est révolutionnaire, au contraire s'établit sur la totale FUSION entre le travailleur et le contrôle des moyens de production.

Après la différence entre syndicaliste et anarchosyndicaliste tient au fait que pour les premiers c'est le syndicat qui sera l'outil de contrôle, alors que pour les anarchosyndicalistes, ce sera ce que les travailleurs (et les autres) veulent bien en faire ...


D'ailleurs en réponse à Zerzan qui affirme "les hommes de gauche passent sous silence la finalité du pouvoir direct des producteurs" cet extrait des statuts de la CNT AIT (écrit en 46, sur la base d'un texte de 1926 lui même issu d'un texte de 1906 ...) :

Demain doit être aux producteurs, groupés ou associés, en vertu de leurs fonctions économiques. L’organisation politique et sociale surgira de leur sein. Elle portera en elle-même tous les facteurs de réalisation, organisation, cohésion, impulsion et action.


Quant à la finalité poursuivi, il ne s'agit pas de "quantification" ni de réalisation d'objectifs d'un plan quinquennal, mais juste la satisfaction des besoins, matériels comme moraux :

N’ayant pour unique ambition que d’être les pionniers hardis d’une transformation sociale dont les agents d’exécution et de direction oeuvreront sur le plan du syndicalisme, les syndicalistes désirent que leur mouvement, vivant reflet des aspirations et des besoins matériels et moraux de l’individu, devienne la véritable synthèse d’un mécanisme social déjà en voie de constitution où tous trouveront les conditions organiques, idéalistes et humaines de la révolution prochaine, désirée par tous les travailleurs.


Quant aux néo-luddites et à la destruction de ce vieux monde, je citerai un des plus fameux, qui a poussé l'expérience collective un peu plus loin que le Zerzounet, un certain Durrutti :

"nous ne craignons pas les ruines, car nous portons un nouveau monde dans nos coeurs".

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(1) d'ailleurs il serait intéressant de mettre en rapport avec les descriptions de l'organisaton des Luddites que nous donne Zerzan le fameux "hommage à la catalogne" de Orwell :

Ainsi qunad on lit que William Cobbett écrivit au sujet d’un rapport au gouvernement en 1812 : « Et c’est le fait qui intriguera le plus les ministres. Ils ne peuvent trouver d’agitateurs. C’est un mouvement du peuple lui-même. »

on à l'impression de lire la description de barcelone 1936 par Orwell ...


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sinon j'ai trouvé la liste des crapuleries syndicales bien maigre ...
Capitalismo delenda est
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Messagepar wiecha » Mardi 25 Nov 2008 18:26

Les anarcho syndicalistes n'ont pas attendu John Zerzan pour faire la critique en mots et en actes du syndicalisme réduit à la défense des intérêts du prolétariat conçu uniquement comme "classe en soi ", et destiné à ne jamais dépasser ce stade pour les réformistes sociaux démocrates. Et aussi pour faire celle du syndicalisme version marxiste, dont la différence avec le précédent est que le prolétariat , toujours "classe en soi " devrait accéder à la domination économique et politique, la "classe pour soi", c'est à dire le mouvement par lequel le prolétariat s'abolit et abolit la domination de classes, étant remise aux calendes grecques.

J'avoue ne pas encore avoir lu la brochure, mes précédentes lectures de John Zerzan ne m'en ayant pas donné envie. Je le ferai, les précédents conseils de lecture de Non Fides n'étant pas inutiles, malgré vos maquettes néo gothiques, mais bon les jeunes d'aujourd'hui sont à fond dans le revival années 80 ( vous vous coiffez comme The Cure aussi ?).

Mais je connais Ned Ludd et son époque: ils avaient me semble-t-il une chance objective de détruire la machine, sans se préoccuper d'en connaitre le fonctionnement exact. Ils ont échoué, c'est comme ça.

Ce qui me dérange dans les théories de Zerzan, c'est qu'ils font comme si la technologie était la même aujourd'hui et que rien ne doive changer dans notre analyse.De fait , si d'aventure, nous en arrivions à renverser les dominants, on se retrouverait avec un problème simple: on ne détruit pas une centrale nucélaire ou une usine chimique comme on détruit un métier à tisser. On ne revient pas en arrière juste en coupant les flux, de fait, notamment dans les pays industrialisés et dans les métropoles, cela signifierait probablement des milliers de morts de faim , des incidents en chaine , style incendies, qui aboutiraient probablement à de nombreuses catastrophes écologiques, même si le capitalisme va aboutir au même résultat. Quiconque jardine a bien remarqué que la culture biologique pure est du boulot monstre même pour assurer un semblant d'auto subsistance, que la conservation des légumes est un vrai problèmes, son transport aussi. Ce n'est pas possible de tout changer en trois jours ni même en un an, à moins bien entendu d'envisager l'hypothèse polpotienne, l'autoritarisme et le sacrifice pour des lendemains meilleurs. En tout cas je ne crois pas que tout ça aboutirait à ce que la révolution sociale prenne de l'ampleur, je pense plutôt que la panique pourrait amener à un retour à l'Ordre vite fait, bien fait.

Donc avant de la détruire, il faudra bien se réapproprier massivement la technologie, à moins de confier notre destin à des ingénieurs "révolutionnaires". Et c'est là ou l'hypothèse anarcho syndicaliste, c'est à dire le combat dès aujourd'hui pour la réappropriation de l'ensemble du processus de production, contre la division des tâches, la spécialisation compartimentée me semble utile. Qu'à l'intérieur même de l'entreprise, les salari(é)es créent des collectifs ou il y ait les conditions à la fois pour le combat réformiste pour l'amélioration des conditions de travail mais aussi la création d'un cadre de débats et de décisions sur l'ensemble de la production, ou émerge peu à peu le contraire du corporatisme, c'est à dire une conscience collective globale qui mène aussi à s'interroger sur la valeur de ce qui est produit par le travail qu'on fournit , en termes d'utilité sociale.
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Messagepar Dan » Mardi 25 Nov 2008 20:01

au delà des petites remarques hautaines parfaites pour un cocktail militant chez l'ambassadeur (au moins nous saurons qui contacter maintenant lorsque nous aurons besoin d'un expert es coiffure du milieu militant), nous avons dans cette brochure que tu n'a donc pas lue, publiés une introduction au texte. Si ça peut permettre de t'éviter l'écriture automatique, la voici:

Né en 1943, Zerzan est un anarchiste américain qualifié d’anarcho-primitiviste ou de primitiviste. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont très peu sont traduits en français [1] et dont les thèmes les plus récurrents sont la critique de la civilisation, de la domestication, du langage, de la pensée symbolique (des mathématiques jusqu’à l’art) et du concept de temps ainsi que des sources de ces rapports de domination.

Là où nous ne le suivons pas toujours, c’est lorsque celui-ci propose de substituer à la société industrielle capitaliste, une « société nouvelle » basée sur les modes de vie pré-agricoles comme le modèle du chasseur-cueilleur préhistorique.
La chasse et la cueillette furent les premiers modes de subsistance de l’Homme. Ces activités directement héritées du monde animal, en particulier celui des primates, consistent à prélever sur la nature ce qu’elle fournit spontanément. Elles précèdent l’élevage et l’agriculture et peuvent forcer au nomadisme si les troupeaux qui fournissent la subsistance principale se déplacent ou si les ressources du terroir sont épuisées. L’homme a été un chasseur-cueilleur jusqu’à la révolution néolithique, c’est donc en quelques sortes un retour (à la terre ?) que propose Zerzan… Or nous ne voulons pas d’un « retour », d’une régression de l’humanité tout autant que nous ne voulons pas d’un quelconque pseudo-progés [2]. Par ailleurs nous ne suivons pas non plus Zerzan dans sa mythification bancale (et parfois douteuse) des sociétés dites primitives. Lorsqu’il cite à tire-larigot d’abondantes sources sans plus de précisions que la simple source, sans approfondir et en décontextualisant les auteurs cités, nous pouvons y voir une certaine malhonnêteté rhétorique pour arriver à ses fins théoriques. Il oublie grossièrement par exemple d’évoquer les famines inhérentes à ce mode de vie.

Toutefois la lecture de John Zerzan s’avère très intéressante et sérieuse (lorsqu’il ne tombe pas dans les travers cités précédemment). Zerzan voit la civilisation comme le résultat agrégé d’un processus d’aliénation. Il rejette non seulement l’État, mais également toutes les formes de relations hiérarchiques ou d’autorité. Le travail de Zerzan repose fortement sur un dualisme marqué entre les « primitifs » d’une part, vus comme non-aliénés, sauvages (et donc libres), sans hiérarchie, prompts au jeu et égalitaires au plan social, et les « civilisés » d’autre part vus comme aliénés, soumis à une hiérarchie structurée, suivant un mode de vie domestique (et donc mis en esclavage) et obsédés par le travail.

Si nous tenons à nous dissocier de l’auteur sur certains points, c’est notamment parce que certaines de ses prises de positions ou de ses méthodes d’investigations sont contraires aux nôtres, mais aussi parce que nous avions totalement oubliés de le faire dans une brochure de Kirkpatrick Sale que nous avons précédemment éditée. En effet, Sale, avec ses modes de lutte plutôt spectaculaires et sa tendance (tout comme Zerzan et beaucoup d’auteurs associés au primitivisme) à la mythification du passé [3] ne sont pas pour nous plaire.

Rectification faite, nous vous souhaitons une bonne lecture de ce texte qui sous ses airs très sérieux d’exposé sur les révoltes luddites du XIXe siècle, est en fait un plaidoyer contre le syndicalisme comme outil de la collaboration de classe, dés sa naissance en Angleterre. Une partie de l’histoire du syndicalisme souvent négligée qui pourtant révèle sa véritable nature.

[1] Voir chez l’éditeur l’insomniaque pour les rares traductions (http://insomniaqueediteur.free.fr)

[2] Sur cette question, lire « Le Mythe du Progrès » de Kirkpatrick Sale (ici ou ici)

[3] La révolte luddite : briseurs de machines à l’ère de l’industrialisation de Kirkpatrick Sale aux éditions L’échappée, coll. « Dans le feu de l’action », 2006.
Dan
 

Messagepar wiecha » Mardi 25 Nov 2008 22:06

Pour le côté "hautain" des remarques, tu le prends comme tu veux, il n'y avait rien de "hautain " là dedans, bien au contraire. Même si perso, je ne sais pas maquetter autrement qu'en format simple de type word , je pense que quand on se prend la tête à maquetter mieux c'est aussi pour donner une "image", ou un "message", que ça joue sur le texte, que ça peut même modifier son sens dans une première approche ou l'envie de lire dans un sens ou dans l'autre. Et comparativement au contenu, je trouve que les maquettes de Non Fides, à première vue donnent une impression de "tristesse ", de "fin du monde",font penser effectivement à un courant culturel, musical vestimentaire, littéraire aussi avec un message ultra pessimiste. Quand à ma remarque sur la "coiffure", elle était sûrement très bête, je suis peut-être pleine de préjugés, mais les rares fois ou je me balade en manif, j'ai souvent l'impression que dans les cortèges anarchistes, les codes vestimentaires ont une certaine importance, le côtés "tribu" me semblant aussi présent que dans d'autres milieux notamment jeunes très critiqués pour ça.

Et quand je parles de "jeunes ", ce n'est pas être hautaine, je ne dis pas que les plus âgés en savent plus, mais à mon avis faire comme si les questions de génération n'existaient pas c'est assez démago.

Pour en revenir à la brochure: figures toi que j'avais lu l'intro, bêtement les raisons théoriques et pratiques pour lesquelles des gens peuvent s'intéresser à Zerzan m'intéressent plus que Zerzan lui même. Cest bien pour ça que je je n'ai pas commencé par critiquer ses conceptions notamment sur le langage ou sa vision de la préhistoire.

Ce texte n'est pas le seul où Zerzan parle de Ned Ludd, et par ailleurs les anarchistes italiens dans les années 90-2000 ont beaucoup repris ses conceptions sur la nécessité de la destruction de la technologie, sur son caractère intrinsèquement aliénant, je pense notamment à Bonano, qui a beaucoup écrit sur la technologie informatique et répondait notamment aux courants issus de l'autonomie ouvrière, ceux qu'on appelle les "négristes" qui développaient leurs trucs sur la production immatérielle qui commençaient déjà à aboutir à un néo syndicalisme appliqué aux professions "immatérielles ".

C'est sur la base de ça que j'ai fait ces quelques remarques, avant de lire l'intégralité du texte, ayant eu pas mal de débats sur ces question, et pas sous la forme caricaturale primitivistes/ anti primitivistes, ou syndicaliste/ antisyndicalistes, mais entre gens qui s'écoutent.
wiecha
 
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Messagepar wiecha » Mardi 25 Nov 2008 23:53

Remarques APRES lecture du texte.

Je n'ai pas assez de connaissances historiques pour remettre en cause ce que dit Zerzan , sur la répression anti syndicale d'une part, sur les liens à la base entre entre ouvriers "luddites " et "ouvriers "syndicalistes " pour autant que les uns et les autres se définissaient comme tels à l'époque.

Sur la répression, ce n'est pas l'idée que j'en avais, mais admettons. Mais je trouve que s'appuyer sur le fait que les Luddites étaient pendus quand les syndicalistes étaient réprimés de manière moins dure, pour dire que les premiers étaient plus dangereux pour le pouvoir que les seconds ne tient pas. On ne peut pas utiliser la répression comme un moyen de mesure de la dangerosité de certaines pratiques pour le capital.

Ensuite, je trouve que le passage qui vise à démontrer que le syndicalisme a été l'outil de la pacification est vague et imprécis. Il montre bien que le pouvoir voit la légalisation des syndicats comme une concession pour éviter la révolution mais en même temps, zerzan lui même parle de recrudescence des grèves après la légalisation. Et vu l'époque cette recrudescence s'inscrit dans un cadre international de développement du mouvement ouvrier, donc je ne crois pas que la méthode et l'analyse des employeurs se soit révélée pertinente sur tous les points. D'ailleurs Zerzan parle aussi de la campagne intense menée par certains dirigeants syndicaux pour une logique électoraliste: donc, il me semble que c'est bien la tendance syndicale communiste ou socialiste en germe qui est le principal outil de pacification pas l'ensemble du syndicalisme qui va développer le sabotage et l'action directe pendant toute la période qui suit.

De même ce que dit Zerzan sur le contrôle du travail lui même, son sens est tout à fait vrai: mais c'est là ou je ne vois pas en quoi, il dit, en tout cas dans ce texte autre chose que les anarcho syndicalistes, qui la mettent au centre de leur réflexion, sans pour autant renoncer à la lutte pour que le travail soit moins dur, mieux payé au quotidien. C'est bien ce qui les distingue des syndicalistes classiques, cette histoire de classe en soi et de classe pour soi.

Là, ou par contre j'ai une énorme divergence c'est sur ce qu'il dit sur le travail pré- machines, celui qui produit des pièces de meilleure qualité: il y a un aspect qu'il n'aborde pas du tout ( et je pense qu'au quotidien, les luddites de par leur condition de classe devaient eux le faire ). La production de masse est certes de moindre qualité, c'est la raison pour laquelle la bourgeoisie préfère aller chez le boucher qu'acheter du Charal et préfère les tapis faits main à ceux de chez saint Maclou. Mais , le monde pré industriel est un monde ou une infime minorité accède à l'essentiel , ou on crève de faim, ou un livre est quelque chose qui est encore rare, ou la communication au delà de son voisinage immédiat est un privilège.

Zerzan ne parle pas du tout de cet aspect là dans ce texte et la "solution " qu'il donne dans d'autres se base sur des éléments qui me paraissent peu crédibles sur l'avant civilisation.

Et enfin, il y a la question que je posais avant d'avoir lu ce texte précis : Zerzan met en avant le sabotage et la haine des dirigeants, ainsi que l'aspect organisationnel fluide et anti hiérarchique. Mais sur le premier aspect, j'en reveins à ce que je disais: la révolte luddite se produisait à un moment ou l'hypothèse de la destruction de la machine qui pourrait aboutir à un départ de zéro était valable. Depuis qu'ils ont fait les centrales nucléaires, l'industrie chimique et autres, nous avons un autre problème vraiment essentiel.

Je n'ai pas de réponse toute faite, mais Zerzan n'en parle pas, à moins que je n'aie raté des textes. Et c'est en ce sens que les anarcho syndicalistes même ceux du début du siècle m'apparaissent beaucoup plus riches, plus à même de répondre aux interrogations qui me semblent essentielles, à savoir qu'est ce qu'on fait le jour on s'est débarassés de la hiérarchie mais pas encore de son monde.

Donc, je ne suis pas forcément en désaccord avec l'analyse de Zerzan sur le contrôle du travail et de la production comme un élément essentiel du problème, mais comme souvent dans ce courant, je trouve que sa critique du syndicalisme est très unilatérale et caricaturale, qu'elle met dans le même panier un milliard d'expériences et de théories différentes et souvent contradictoires, et qu'elle donne un peu trop de crédit à la pertinence des stratégies adoptées à tel ou tel moment par la bourgeoisie. Je ne crois pas que le fait que celle-ci pense pouvoir se servir de tel ou tel mouvement jette forcément le discrédit sur celui-ci, qu'elle ait forcément raison dans sa croyance.
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Messagepar NOSOTROS » Mercredi 26 Nov 2008 10:17

De même ce que dit Zerzan sur le contrôle du travail lui même, son sens est tout à fait vrai: mais c'est là ou je ne vois pas en quoi, il dit, en tout cas dans ce texte autre chose que les anarcho syndicalistes, qui la mettent au centre de leur réflexion, sans pour autant renoncer à la lutte pour que le travail soit moins dur, mieux payé au quotidien. C'est bien ce qui les distingue des syndicalistes classiques, cette histoire de classe en soi et de classe pour soi.


C'est que Zerzan, malgré tout son charabia, est un pur produit du moule culturel américain, pour qui rien n'existe en dehors de son petit monde et ses petites références (1). Dans son texte Zerzan ne règle pas son compte au "syndicalisme" mais à ce qu'il connait car il l'a sous les yeux : le trade-unionisme, et en fait derrière l'instrumentalisation du trade-unionisme par les marxistes ... C'est typique du mouvement dit "anar" US et anglosaxon en général. C'est un phénomène qu'on voit apparaitre depuis une quinzaine d'année et qui n'a pas été encore assez analysé à mon sens : comment se fait l'opinion dans le mouvement libertaire international ?

Jusque là, l'opinion générale se faisait essentiellement par l'échange de journaux, de courriers et de rares rencontres militantes. C'était un phénomène assez lent, et dans lequel subsistait des particularités "locales" en terme de militance et d'option politique, même si progressivement avec le temps il y avait une diffusion. La lenteur permettait à chacun de s'imbiber des réflexion et de se faire son opinion.

Or depuis une quinzaine d'année, ce mode de diffusion de la pensée et des pratiques a considérablement évolué avec l'apparition d'internet. Ca a bousculé les façon de faire : d'une part la difussion est aujourd'hui instantannée. De plus, cela donne un net avantage aux groupes "dominants" sur internet à savoir essentiellement les groupes anglosaxons, amplifié par les réseaux "universitaires anar" qui servent ici de caisse de résonnance à ce qui se passe là bas. Or le problème c'est que ce réseau est passablement sur des positions réformardes (Chomsky, Albert, WSM) , ou spectaculaires (black block), et en tout cas pressé de régler des comptes avec les universitaires des réseaux marxistes des années 70 ou les moines militants trotskards type Vanguards ou SWP ... La traduction et la diffusion de ces textes introduit donc dans d'autres contextes des problématiques qui sont complètement étrangères à la réalité sociale, et des façons de faire à la fois standardisées et en même temps insignifiantes car coupées de la réalité sociale qui leur a donné naissance. C'est un peu le Mac Do Anar si on veut ...

J'en veux pour preuve l'absence de réciprocité en terme de traductions dans le milieu anar. En effet, tous les textes anars anglo saxons récents ont été traduits dans toutes les langues possibles. (2) Mais ces mêmes anars anglo saxons ne font pas l'effort de traduire en anglais les textes des anars d'autres langues ... Il n'y a pas vraiment de curiosité intellectuelle dans le monde anar anglo saxon ni de remise en cause de leur prédominance culturelle ...

Ainsi, au lieu d'être un espace d'échange d'idée et d'actions, internet est devenu un rouleau compresseur où la pensée libertaire réformarde telle qu'elle est hégémonique aux US petit à petit s'impose, et devient progressivement la norme ...

(Je ne fais pas un plaidoyer pour un anarchisme "européen" ou "latin", je constate juste un fait ...)


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(1) de la même façon que ses réflexions plus globales se placent exclusivement du point de vue d'un homme occidental ...

(2) c'est particulièrement visible lors de l'émergence de sympathies anars dans des pays n'ayant pas de tradition (asie, afrique) : en général cela se fait par l'intermédiaire d'étudiants, via internet, pour lesquels la lingua franca est l'anglais international. Les textes auquels ils ont accès sont donc en général en anglais et ceux qui sont les plus diffusés et relayés (chomsky etc ...)
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