Marie Humbert
Interview - Le combat pour mourir dignement mené par Chantal Sébire, défigurée à vie par une maladie incurable, ressemble à celui mené par Marie Humbert pour son fils Vincent. Cette dernière témoigne sur LCI.fr
Marie Humbert souhaite que la France "arrête l'hypocrisie" et "légifère" dans ce domaine, comme vient de le faire le Luxembourg.
Alexandra GUILLET - le 28/02/2008 - 14h46
LCI.fr : En 2003, vous avez aidé votre fils tétraplégique, Vincent, à mourir. Que vous inspire l'histoire de Chantal Sébire, défigurée par une maladie incurable et évolutive, et qui demande au chef de l'Etat de l'aider à partir dignement en lui accordant l'euthanasie?
Marie Humbert : Quand je l'ai vue témoigner sur France 3, ça m'a retourné. C'est une maman traumatisée qui ne sait plus quoi faire. Elle ne veut pas que ses trois enfants l'aident car elle sait que c'est traumatisant aussi pour eux. Elle a fait exactement comme Vincent en demandant l'euthanasie au président. Mais comme pour nous, malheureusement, je pense que ça ne donnera rien du tout. Avant de contacter les médias, avec Vincent, nous avions attendu pendant trois longs mois une réponse de l'Elysée. Il ne faut pas être humain pour ne pas accorder à cette dame ce qu'elle veut. C'est incroyable.
LCI.fr : Allez-vous tenter de contacter Chantal pour l'aider ?
Marie Humbert : Je ne suis rentrée que ce matin de Guadeloupe. Je vais voir cela aujourd'hui avec mon association "Faut qu'on s'active". Cela fait deux nuits que je pense à ce que je pourrais lui dire. Je ne vais pas lui dire "Venez vous battre avec nous et patientez". C'est impossible".On ne peut pas dire à quelqu'un de faire comme ci ou comme ça. C'est à elle de trouver la solution toute seule.
LCI.fr : Son médecin traitant a déclaré qu'il refusait d'agir contre la loi, bien que sa conscience lui commandait d'aider sa patiente à mourir ?
Marie Humbert : Avant le cas de mon fils Vincent, la loi était pire qu'aujourd'hui et le docteur Chaussoy a quand même pris le risque de l'aider à partir. Je pense que ce médecin aurait pu essayer de l'aider, d'autant qu'elle est soignée à domicile. Si vous saviez tous les gens qui se font aider en catimini. C'est cela qui est abominable. Il faut se cacher, ne le dire à personne. Alors que ces gens demandent juste à partir plus vite, entourés de leur famille.
LCI.fr : Le Luxembourg vient de légaliser l'euthanasie. En France, depuis votre combat, nous avons la loi Leonetti de 2005. Il faut aller plus loin ?
Marie Humbert: La loi Léonetti n'a rien résolu du tout ! Elle ne sert que pour les personnes en fin de vie. Elle propose d'arrêter tous les traitements et l'alimentation. Ce qui veut dire qu'au bout de deux jours, beaucoup partent, mais qu'au bout de 7 jours, il y en a qui ne sont toujours pas partis et qui crèvent petit à petit de faim. Si cette loi avait existé du temps de mon fils, jamais, oh non jamais, je n'aurais accepté de l'appliquer!
Vous savez, toutes ces histoires relancent à chaque fois le débat, mais à chaque fois le soufflé retombe. Et pendant ce temps là, il y a des tas de gens qui souffrent. C'est lamentable ! Ça va faire comme pour l'avortement. La France a été l'un des derniers pays d'Europe à l'accepter. L'euthanasie est légalisée aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg. Il y a des pourparlers en cours en Espagne et en Italie et dans plein d'autres pays d'Europe. La France va encore être la dernière. Alors que ce n'est pas une question politique. Droite ou gauche, on s'en fout. Il suffit d'être pour le respect de l'être humain. Si la médecine ne peut rien faire pour nous et que l'on en a marre de souffrir, on doit pouvoir choisir de partir. Encore récemment, j'ai une dame qui m'a écrit pour me dire que son fils atteint de sclérose en plaques de façon dramatique, venait de se suicider à l'âge de 36 ans sans rien dire à personne pour que personne ne puisse être considéré comme complice. C'est atroce. C'est cela qu'on laisse faire. Il faut arrêter l'hypocrisie et légiférer.