Une réflexion interessante à propos des luttes de sanspap

Pour relier les luttes entre elles et les étendre...

Une réflexion interessante à propos des luttes de sanspap

Messagepar NOSOTROS » Vendredi 15 Fév 2008 18:36

Ci joint la traduction d'un article d'un universitaire italien sur les nouvelles formes de lutte desmigrants.

il ya semble t il un mouvement de lutte auto organisé des travailleurs sans papier en italie (du moins c'est ce qui est dit dans l'article). je vais voir si je peux en savoir plus du côté des copains italiens. Il ya eu aussi récement des grèves des saisonniers en espagne, et la révolte dans les CRA de Patras en grèce. Un mouvement européen se profile t il ?

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Migrants : nouvelles formes d’exploitation et nouvelles formes de lutte.

Lundi 04 Février 2008 12h20.

Entrevue avec Sandro Chignola, Maître de Conférences à la Faculté de Lettres et Philosophie de l’Université de Padoue (Italie).

Depuis le rapport de Médecins Sans Frontières sur les conditions de travail saisonnier jusqu’aux licenciements et aux dommages subis par une centaine de travailleurs des coopératives du fait de la multinationale T.N.T.

Travail, immigration, exploitation, une intéressante grille de lecture proposée par Sandro Chignola.

Le déroulé de ces derniers jours concerne surtout le Padouan et en particulier le licenciement de quatre-vingt travailleurs environ, presque tous étrangers, qui travaillaient pour le compte du colosse T.N.T., travail mis en adjudication à travers le système des coopératives.

Question : Immigration et exploitation font la paire : d’un côté la loi Bossi-Fini, de l’autre la Loi 30, acceptent implicitement l’exploitation des étrangers, réguliers comme irréguliers, que ce soit de la part des coopératives modèle Nord-Est ou que ce soit dans le travail saisonnier des campagnes du Sud de l’Italie, ainsi que le rapport présenté ces jours derniers par Médecins Sans Frontières l’a présenté. Je vous proposerais de partir de là, pour brosser ce tableau de façon synthétique.

Réponse : Il me semble que les deux pierres que tu proposes à la discussion coïncident parfaitement dans l’encollage du phénomène, en ce sens que si l’on regarde y compris la presse courante au sens large, le rapport de MSF relatif à cette condition de semi-esclavage des travailleurs saisonniers dans les campagnes de l’Italie du Sud semble faire tache, comme si c’était là un cas limite par rapport au processus d’intégration des migrants, qui sont ceux-là mêmes sur lesquels sont construites les rhétoriques sur les clandestins immigrés réguliers.

Je me demande, toutefois si le rapport de MSF ne traduit pas tout simplement l’autre face d’une espèce d’intégration impossible qui serait mise en évidence précisément par ce cas emblématique des coopératives de sous-traitance de la T.N.T.

Je me demande, à ce propos, au vu de cet épisode que tu relies justement à Limèna et Padoue, mais est en réalité diffus dans tout le Nord-Est en sachant que, par exemple T.N.T. joue à changer ses propres stocks/magasins de place, ses propres chaînes d’exploitation, entre Vicenza, Padoue et Vérone, selon l’endroit où il est possible d’enfoncer un coin dans les limites de l’auto-organisation des migrants, et donc, je me demande aussi si ce type d’intégration, faite de mécanismes de rachat comme ceux qui associent permis de séjour et contrats de travail, comme la Loi 30 et la précarité, ne manifestent pas au contraire une variété de formes d’invisibilisation, des mécanismes de filtrage et d’exploitation qui rendent beaucoup moins justifiable une apologie des mécanismes d’intégration : là, il s’agit précisément de migrants qui ont un travail officiellement régulier et qui se voient enchaînés à des mécanismes d’exploitation semi-féodaux.

Ce que je trouve emblématique au sujet de ce cas de la T.N.T. n’est pas, pour faire court, la contiguïté entre post-fordisme et organisation du travail hyper-flexible et moderne tel qu’il s’est passé, et a révélé dans des chaînes qui ont à voir avec la logistique, les stocks et la circulation des marchandises et des informations, mais plutôt que ce type d’organisation post-fordiste maintienne en conditions d’exploitation bestiales, ce que je trouve emblématique c’est que là où les travailleurs migrants s’auto-organisent, ils se structurent par une prise de parole qui réclame des droits, ils s’auto-organisent de façon autonome en dehors des syndicats existants, et lorsque l’attaque s’intensifie comme si les mécanismes d’intégration ne seraient possibles qu’en rendant passifs ces migrants et en ne leur reconnaissant pas le précédent de qualification (travail abstrait) qui s’exprime à travers le travail.

Question
: Tu parlais donc de formes d’auto-organisation, de mobilisation et d’initiatives et il me semble que, ces temps derniers, nous assistions à une prise de position très sensible de la part des citoyens étrangers sur nos territoires : je pense à la grève de Brescia qui visait le permis de séjour, je pense aux manifestations et aux mobilisations, et à cette initiative de Limèna : en devançant la T.N.T. devant le Tribunal Administratif on remarque une forte prise de décision de la part de ces migrants citoyens qui n’acceptent plus aucune sorte de rachat. C’est le signe que quelque chose change ?

Réponse : Selon moi, cela signifie essentiellement deux choses, la première regardant les espaces et les temps de notre agir politique et des modalités à travers lesquelles sont réarticulées les démarches de citoyenneté. D’abord ils se trouvaient devant ce fait qu’une des transformations fondamentales du capitalisme et de l’accumulation sur nos territoires se manifeste fondamentalement par cette abolition ou presque des stocks/magasins, par cette externalisation, qui diversifie ses circuits de mise en valeur, d’un capitalisme qui est plus que jamais fait de mobilité des marchandises, chose qui à travers l’autre est aussi mise en évidence par cette grève retentissante des camionneurs, voici quelques mois, qui ont obtenu tout ce qu’ils voulaient par un blocage effectif de toute circulation. Un capitalisme qui se réalise à travers les flux d’informations, l’organisation synchrone de la circulation des marchandises et affublé en son ombre d’un mode de production semi-féodal, comme celui de la sous-traitance dans lequel disparaissaient ces immigrés à travers ces coopératives au profit de la T.N.T.

Travail nocturne, prises de postes démentielles et en l’absence de tout droit, donc, je crois que c’est aussi exemplaire de la façon dont se réorganisent les pourtours de nos territoires, en Europe et à l’échelle mondiale/globale.

Nous sommes habitués à penser les confins comme une barrière qui repère sur le mode binaire qui est à l’intérieur et qui se trouve en dehors, au lieu de commencer à raisonner sur les espaces et les temps de l’organisation politique de nos initiatives pour lesquelles les frontières sont mobiles, elles sont des formes à travers lesquelles se recomposent les mécanismes de filtrage de définition des droits de citoyenneté et du salariat, dont dépendent de toute façon l’organisation des temps et des espaces différents.

Il s’agit de comprendre comment nous devons reformuler nos agendas politiques à l’intérieur de ces raisonnements sur les frontières qui deviennent mobiles, qui ne garantissent plus un dedans, ni un dehors linéaire : un Centre de Rétention Administratif est une forme de frontière, le problème est de comprendre, par exemple, si un CRA est cette espèce de forteresse murée, horrible que nous avons vue à Gradisca ou à Bologne, ou si au contraire le CRA ne serait pas aussi partie de ces formes d’exploitation, de restriction des droits des citoyens qui font d’un CRA une structure mobile non seulement parce qu’externalisée hors d’Europe, mais aussi de nos villes.

Il y a des quartiers entiers qui sont comme les CRA, grandes zones d’attente, comme celles qu’on voyait parfois dans les aéroports internationaux, qui sont ces zones d’attente pour ces travailleurs sans droits dans nombre de nos villes où les caporaux viennent prendre des travailleurs pour les faire travailler, ou où ils viennent prendre des clandestins pour les chantiers communaux, comme ça été le cas très significatif ces dernières années à Reggio-Emilia.

Je crois que de ce raisonnement sur les frontières, sur les espaces et sur les temps différents, sur l’insertion différentielle, on doit faire partir de grands programmes d’enquêtes avec les migrants, pour comprendre comment fonctionnent les nouveaux régimes d’exploitation, comment fonctionnent les nouveaux régimes de restriction ou d’élargissement, selon les conditions et avec quelles marges de manœuvre, des droits des citoyens, afin de coùmprendre par quel côté attaquer cette logique de hiérarchisation qui, selon moi, reproduit les espaces coloniaux dans nos cités, dans nos territoires.

Réfléchir sur ces espaces et sur ces temps signifie dfférencier nos agendas de lutte et les rendre plus souples, chercher à comprendre où l’on peut taper pour faire mal parce que, selon moi, c’est un mal plus grand que nous devons nous éviter, qui n’est pas seulement le racisme explicite des rhétoriques sécuritaires mais ce racisme plus « soft » qui permet la réapparition d’espaces coloniaux dans nos villes.
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