Sauver la planète pour sauver le capital ?

Pour relier les luttes entre elles et les étendre...

Sauver la planète pour sauver le capital ?

Messagepar Dan » Mercredi 10 Oct 2007 15:40

Entre autres manœuvres gouvernementales, l'automne 2007 aura été marqué par l'organisation d'un médiatique « Grenelle de l'Environnement », opération ayant un but évident de pacification sociale sur le front environnemental. Au delà du vieux coup de l'union sacrée, cette opération pourrait bien n'être qu'une étape dans un plus vaste projet visant à créer une ONUE (Organisation des nations unies pour l'environnement) et instaurer une « gouvernance écologique mondiale ».

C'est que la crise écologique est aujourd'hui arrivée à un point où les tenants de l'État et du capital ne peuvent plus la nier comme ils pouvaient encore le faire il n'y a pas si longtemps. L'imposture de l'abondance capitaliste, qui s'édifie sur la dévastation de la planète et de ses ressources, et sur l'oppression d'une grande partie de l'humanité, pourrait bien se trouver démasquée aux yeux de ceux et celles qui y croient encore. Pour éviter une désillusion générale potentiellement déstabilisatrice pour le système, les discours écologistes sont donc repris et adaptés à ses besoins, ce qui explique la vogue actuelle du développement durable dans toutes ses variantes, qui passe d'autant plus facilement que les mouvements écologistes ont toujours eu un versant réformiste s'accommodant bien d'un capitalisme « écoresponsable ».

Diverses innovations technologiques sont présentées comme les solutions miracles aux problèmes écologiques présents. En réalité, des intérêts capitalistes ayant présidé à leur développement, elles constituent surtout des marchés promettant d'être juteux (agrocarburants, énergies « propres », dépollution, etc.), sur lesquels se ruent les entreprises converties à la « croissance verte » et à l'écoresponsabilité. Dans le même temps où les industriels sont présentés comme les acteurs modèles du sauvetage de la planète, en dépit du fait qu'ils restent les principaux pollueurs et dévoreurs de ressources, les consommateurs sont rendus individuellement responsables des problèmes écologiques, culpabilisés et sommés de « consommer éthique » et faire tous les « petits gestes qui vont sauver la planète ». Mais tout ceci ne pourra au mieux que ralentir l'inéluctable intensification d'une crise écologique déjà bien amorcée.

En l'absence d'un changement rapide et profond (c'est-à-dire révolutionnaire) de la société, on risque donc de voir émerger de plus en plus nettement un environnementalisme technocratique imposant ses solutions technologiques d'en haut tout entretenant une façade démocratique trompeuse. Comme toujours, ce sont surtout les classes dominées, ici et ailleurs, qui feront les frais de cette évolution et qui subiront le plus fort des conséquences écologiques (pollution, changements climatiques, etc.) tandis que les nantis pourront perpétuer un mode de vie hyper-consommateur et pseudo-hédoniste.

Il reste malgré tout difficile de prédire exactement de quoi sera fait l'avenir. Dès lors l'imagination peut s'emballer. Le spectre d'un effondrement catastrophique du système plane et peut autant pousser à la révolte que paralyser d'angoisse. Si elle prédominait, la peur, qui est souvent mauvaise conseillère, pourrait jeter les citoyens inquiets dans les bras du premier « sauveur » venu. Et justement on voit déjà d'anciens chefs d'État des pays les plus industrialisés (Al Gore, Chirac...) se faire aujourd'hui les apôtres d'un nouveau capitalisme pseudo-écologique.

Ce « capitalisme vert » et techniciste est toutefois un dangereux leurre, car le principal souci de ceux qui le vantent reste la préservation du système capitaliste tout court. Ils ne se soucient du sort de la planète que parce qu'il faut la préserver un minimum pour que l'exploitation continue. Cela ne dérangera certainement pas les maîtres du monde si la conservation de leur place privilégiée doit se faire au prix du sacrifice d'une partie de ceux qu'ils dominent, qu'il s'agisse d'humains opprimés, d'autres espèces ou d'écosystèmes entiers. Voilà pour les révolté-e-s un motif supplémentaire de révolte, et pas des moindres, car ce qui est en jeu c'est aussi la possibilité pour notre espèce et beaucoup d'autres de se sortir saines et sauves de ce qui se trame, d'hériter d'un monde qui soit encore physiquement vivable et où une vie agréable reste possible pour tous et toutes, et pas seulement pour une élite.

À l'opposé d'un environnementalisme de plus en plus manifestement technicien et autoritaire, il est donc vital qu'émerge aujourd'hui un écologisme émancipateur qui s'oppose à ce système en pleine mue éco-capitaliste. Plutôt que de rester dans le sillage de divers réformismes capitalistes « verts », les écologistes qui se veulent radicaux devraient donc s'attacher à la construction d'un écologisme autonome, révolutionnaire dans ses visées, qui ne soit pas dupe des discours sur le développement durable et cherche à faire sortir le monde de l'âge du capital, de l'État et de l'industrie sans rien attendre de la politique électorale. La réappropriation de la société par tous et toutes devra se faire de façon sélective car tout n'est pas bon à garder dans le vieux monde. Pour un partage démocratique de la vie et des fruits du travail il sera nécessaire de rompre à la fois avec les logiques boulimiques de la société de consommation et les logiques destructrices de la société de production à tout prix. Pour cela il importe que les consommateurs réalisent qu'il sont aussi des producteurs exploités et qu'en favorisant l'exploitation des autres ils favorisent la leur. Et que les producteurs réalisent qu'ils perdent non seulement leur vie au travail mais qu'en plus leur production détruit la vie des autres.

Un courant éco-anarchiste devrait également se préoccuper d'étendre la volonté de libération à l'ensemble du vivant (humain-e-s, autres espèces, écosystèmes) sans pour autant négliger les dominations et antagonismes de classe présents au sein des sociétés humaines (exploitation des travailleurs, oppression de genre, ostracisation des « étrangers », etc.). On pourra pour cela s'inspirer de divers courants écologistes radicaux (écologie sociale, écologie profonde, etc.) en évitant toutefois de verser dans l'anthropocentrisme, le misanthropisme, la religiosité (traditionnelle ou new-age) et autres dérives que l'on a parfois pu reprocher, à tort ou à raison, à certains groupes. L'intégration des notions de libération animale et de libération de la terre dans une critique de la société capitaliste et industrielle pourrait nous permettre d'envisager à terme une humanité émancipée de toute hiérarchie sociale, et capable de laisser à la nature (cette partie du monde susceptible d'exister plus ou moins indépendamment de la sphère des activités humaines) un espace où elle puisse continuer d'exister de façon relativement autonome.


Abattons la capitalisme pour sauver la planète !




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Dan
 

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