Marx et la sortie de l'économie : Refuser l'anti-capitalisme

Pour relier les luttes entre elles et les étendre...

Marx et la sortie de l'économie : Refuser l'anti-capitalisme

Messagepar clement h. » Jeudi 02 Nov 2006 19:22

Marx lit-on dans le dernier numéro du journal La Décroissance, est un " père " pour les objecteurs de croissance. Certes l'article en question est bien fait, mais il faut aller beaucoup plus loin. Finalement l'auteur de l'article ne connait Marx qu'au travers des oeillières marxistes, et c'est bien dommage, car il méconnait l'essentiel de ce que Marx a voulu dire.

Qu'est-ce que Marx apporte à la décroissance ? Voilà une question. D'abord il faut se dégager de toutes nos représentations et préjugés ques nous avons sur Marx et considérer que " les marxismes sont l'ensemble des contre-sens qui ont été faits sur Marx " (Michel Henry).

Ce que dénonce Marx dans l’économie, c’est que le travail n’est plus un travail vivant où le travailleur laisse batiffoler sa subjectivité créatrice qui fonde pourtant ce qu’est la valeur de ce travail concretement vécu (et finalement le vécu fonde ce qu'est toute valeur possible... L'éthique est toujours d'abord une esthétique). Dans la société économique (de la valeur d’échange), le travail ne se connaît plus au travers de son effort subjectif vécu, mais au travers des représentations économiques qui représentent ce travail au travers d’un volume horaire, de l’argent qui sera le salaire, des " coûts du travail " et de production... etc. Il faut alors parler avec Marx, de la génèse transcendantale de l'économie, l'économie comme sphère auto-référentielle de représentations économiques qui se prennent pour la réalité. Comme s'il existait naturellement une réalité économique (ce que croient les marxistes comme les ultra-libéraux). La réalité économique n'existe pas. Elle est une construction de l'imaginaire.

Le salariat pour Marx, n’est ainsi pas seulement dégueulasse par le seul fait que la condition juridique du salarié est sa subordination, mais d’abord parce que le salaire est l’objectivation d’une vie pourtant inobjectivable. Le travail du travailleur vivant qui est représenté par le salaire est alors réduit à une marchandise.

« Le travail est donc une marchandise que son possesseur, le salarié, vend au capital [c’est-à-dire la plus value]. Pourquoi le vend-il ? pour vivre. Mais le travail est aussi l’activité vitale propre au travailleur , l’expression personnelle de sa vie. Et cette activité vitale il la vend à un tiers pour s’assurer les moyens nécessaires à son existence. Si bien que son activité vitale n’est rien pour lui sinon l’unique moyen de subsistance. Il travaille pour vivre. Il ne compte point le travail en tant que tel comme faisant partie de sa vie ; c’est bien plutôt le sacrifice de cette vie. C’est une marchandise qu’il adjuge à un tiers. C’est pourquoi le produit de son activité n’est pas le but de son activité. Ce qu’il produit pour lui-même, ce n’est pas la soie qu’il tisse, l’or qu’il extrait de la mine… c’est le salaire… Voilà l’ouvrier qui, tout au long de ses douze heures, tisse, file, perce, tourne, bâtit, creuse ou charrie des pierres. Ces douze heures de tissage, de filage, de perçage, de travail au tour ou à la pelle ou au marteau à tailler la pierre , l’ouvrier les considère-t-il comme une expression de son existence, y voit-il l’essence de sa vie ? Non, bien au contraire. La vie commence pour lui quand cette activité prend fin, à table, au bistrot, au lit. Les douze heures de travail n’ont pas de sens pour lui. » (Charles Henry Marx, in Travail salarié et capital, in Œuvre complète, Pléiade, p. 204-205).


Dans le salaire, le salarié n’est plus cette relation intérieure (subjective) au produit. Dans le salaire, la réalité économique s’est substituée à la réalité de la vie. Des luttes ouvrières et altermondialistes pour l’augmentation et la défense du salaire, un autre texte de Marx écrit qu’elles « sont inséparables du salariat, où le travail est assimilé aux marchandises et par conséquent assujetti aux lois qui règlent le mouvement général des prix » (Pléiade, p. 527). Voici comment Marx analyse l’argent (les mots entre crochets sont de moi ; les soulignés sont de moi) :

« Il représente uniquement ce qui est général, il n’implique donc absolument aucun rapport individuel avec son propriétaire ; sa possession ne développe aucune qualité essentielle de son individualité, car cette possession porte sur un objet dépourvu de toute individualité ; en effet le rapport social [dans la relation économique du vendeur et de l’acheteur] existe en tant qu’objet tangible et extérieur que l’on peut acquérir machinalement et perdre de même [C’est que dans la Méga-machine les relations sociales ne sont plus que machiniques]. Son rapport avec l’individu est donc purement fortuit. » (Grundrisse, I, p. 162)

La valeur d’échange (qui prend la forme du prix, du salaire, et donc de l’argent) est une valeur générale et universelle. C'est à dire une abstraction de la valeur réelle et vécue, une négation totale de la valeur de l’effort subjectif. L’humanisme est ainsi comme la valeur d’échange, elle ne connaît pas ce qui est concret et vécu. Tout y est général, générique, universel. L'humanisme c'est l'humanisme de la marchandise. Marx montre bien une des conditions de possibilité de l’intégrisme économique dans la phrase qui suit : « Il ne peut y avoir d’industrie universelle que si chaque travail produit la richesse non pas sur une forme déterminée [par la vie subjective] mais générale, c’est-à-dire si le salaire de l’individu est payé en argent, sinon il n’existe que des formes particulières… du travail » (Grundisse, I, p. 16). Formes particulières, c’est-à-dire à chaque fois singulières et individuelles, car l’effort subjectif du travailleur (du patron comme du mineur) est à chaque fois vivant et inobjectivable (qui peut oser sentir à la place de celui qui est concerné par ce sentir en tant que tel ?), et que personne ne peut vivre à la place de l’autre. Face à la généralité universelle de la valeur d’échange (et de sa plus-value) et de l'humanisme bourgeois, Marx affirme la primauté ontologique de la particularité originaire propre à la subjectivité in-dividuelle et à chaque fois singulière.

Dans l’économie (c’est-à-dire la théorie de la valeur objective) et dans son ex-croissance, le capitalisme (la plus-value), l’existence de l’humain - devenu comme dans l’humanisme, un humain générique, reproductible, interchangeable et donc exploitable à l’identique de façon illimitée -, est réduite à une simple définition économique. Dans le salaire, l’humain est une marchandise en tant qu’il est soumis aux lois du marché. Voilà comme Marx décrit ce qu’est le salaire :

« Les besoins de l’ouvrier ne sont donc pour l’économie que le besoin de l’entretenir pendant le travail et cela de façon à l’empêcher simplement de mourir. Le salaire a donc le même sens que l’entretien, le maintien en état de tout instrument de production… la production produit l’homme non pas seulement comme une marchandise… l’homme avec la détermination marchandise, elle le produit, conformément à cette détermination, comme un être dépourvu de tout caractère humain » (Manuscrits de 44, p.72).


L’humain, c’est-à-dire nous tous qui hantons les rouages de la Méga-machine techno-politico-économique comme autant de spectres qui vivons de notre vie déjà morte, est réduit à de la chair à canon pour l’Economie devenue Monde. Il nous faut donc ré-instituer par la seule puissance de la vie instituante, de sa joie de vivre et d’être toujours en vie (et non par des lois qui nous aliènent toujours plus), le sens et l’individualité qui ont été abolis dans la séparation de l’individu et de la valeur d’échange lorsque la valeur vécue (vitale) est devenue la mortifère valeur d’échange. Il nous faut un travail fait de jouissance subjective immédiate, ici et maintenant. Une activité réellement créatrice et puisse réaliser pleinement la vie de l’individu vivant.

Vouloir renverser le capitalisme, c’est-à-dire le système de la plus-value (cette production indéfinie de la valeur pour elle-même, donc sa croissance illimitée) ne suffit pas, pensait Marx. Il faut renverser la condition de possibilité même de la plus-value, c’est-à-dire la valeur d’échange qui est le fruit d’une représentation économique qui prétend objectiver l’inobjectivable qu'est l’effervescence de la vie auto-affective. C’est donc non seulement le « système de la plus-value » (capital-isme) qu’il faut mettre à bas, mais surtout le « système de la valeur », c’est-à-dire l’économie (l’ « Invention de l’Economie » comme dit S. Latouche) sur lequel le capitalisme se fonde. La décroissance est donc non seulement un anti-capitalisme mais aussi et surtout (et c’est ce qui fait que cet anti-capitalisme est plus profond que tout le fourrage militant de l’Extrême-Gauche), le temps de la sortie de l’économie ouvrant l’horizon de l’ « après-économie » (S. Latouche). L’élément économique, c’est-à-dire la valeur d’échange en elle-même et pour elle-même qu'est l’existence même de l’argent, ne doit plus subsister dans la société de décroissance (On appelle le fait que la valeur d'échange vaut en elle-même et pour elle-même, l'autonomie de l'économique, c'est-à-dire le système de la plus-value - le " capitalisme ").

Mort à l’Economie ! Que la vie l’emporte !
clement h.
 
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Messagepar Edgar » Vendredi 10 Nov 2006 10:49

Oui Marx voulait mettre fin au capitalisme et à sa loi de la valeur, mais pour le dépasser et construire un système sur les bases acquises par le capitalisme, à savoir la fin de la pénurie et la production socialisée.

Alors que la décroissance rêve d'un temps où le capitalisme n'existait pas encore. C'est un retour en arrière, à la production indivdualisée alors que le capitalisme a mis à l'ordre du jour de l'histoire, la possibilité d'une production socialisée, qui existe aujourd'hui mais qui repose encore sur la division de classe, et donc l'exploitation, et qui peut devenir une VRAIE production socialisée au bénéfice de tous selon leurs besoins, et que seule l'organisation de la production capitaliste empêche de réaliser.

Abolissons le salariat, abolissons la production capitaliste, mais ne revenons pas en arrière dans l'histoire humaine en ré-individualisant la production.

Le communisme va rendre au producteur son outil de travail. Mais de manière sociale, "communiste".

Le communisme n'a pas sa recette dans les régimes du passé, même pas le communisme primitif, un commnunisme de pénurie. Il reste à inventer.
Edgar
 
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Messagepar miguelito » Vendredi 10 Nov 2006 11:15

Pfffuuuuut !!!!
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Messagepar Edgar » Vendredi 10 Nov 2006 12:15

miguelito a écrit:Pfffuuuuut !!!!

:lol:

- soupir désabusé assorti d'un mouvement de tête de gauche à droite ?
- coup de sifflet arbitral ?
- nourriture trop chargée en féculents ?

:wink:
Edgar
 
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Messagepar miguelito » Vendredi 10 Nov 2006 13:30

Mais t'es très drôle toi ! Non, c'est un excès de conneries économicistes à la sauce marxiste qui me fait pêter et roter. C'est tellement indigeste ces trucs...
Alors mon p'tit gars, si tu viens poster ici pour nous raconter l'histoire version lutte de classes, si tu viens nous bassiner avec ton prolétariat et sa mission salvatrice, si tu viens nous faire chier avec ta VRAIE production socialiste et tout le toutim, on n'a pas fini de tourner en rond.
Le mieux, si tu veux débattre, serait que tu répondes aux arguments exposés ici par diverses personnes destinées à montrer que l'économie est une idéologie, une vision mensongère du monde plutôt que de nous faire part de tes petites recettes pour que le prolétariat puisse accéder aux manettes.
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Messagepar Edgar » Vendredi 10 Nov 2006 15:09

Charmant.

Un des premiers à faire publiquement et de manière assumée la critique de l'économie politique, c'était Marx. C'était peut-être pas le seul, mais il n'y a jamais eu d'ambiguité chez lui sur la nature idéologique de l'économie politique.

Après, si tu ne veux pas discuter avec moi, je préfère largement, plutôt que de lire les mêmes arguments au mot près que j'entends chez LO, chez la LCR ou chez les stals. Je ne pensais pas trouver la même chose ici.
Edgar
 
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Messagepar miguelito » Vendredi 10 Nov 2006 15:18

Mais t'as pas bien lu : j'ai dit sur un autre débat que je ne souhaitais pas revenir sur la confrontation avec le CCI. Par contre, ta critique des arguments anti-économie exposés ici est la bienvenue.

Voyer à montrer que Marx avait à peine effleuré l'économie dans la critique qu'il en a fait et que les situationnistes n'ont pas su dépassé Marx sur ce point. Et le simple fait que toutes les tendances du marxisme - à quelques exceptions près (précisons qu'on peut s'alimenter à la pensée de Marx sans être pour autant marxiste) - sombrent dans la gestion et l'économie suffit à le montrer.
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J'adoooooore !

Messagepar Federica_M » Vendredi 10 Nov 2006 16:57

J'adooooooore (danser au bal du Louxor ... euh non je m'égare) comment Miguelito tu t'appropries le forum. :-)

J'aimerai comprendre ce que Edgar entend par "production socialisée". En effet, je trouve que sa critique contre la production individualisée touche assez juste, en tout cas éveille des résonnances (même si j'ai du mal à les décrire précisément) sur des choses que je ne comprends pas dans l'Appel ou autre. (je ne parle pas ici des notions de gestion des merdes de ce système . Du nucléaire socialisé restera du nucléaire ... Il faudra donc trouver le moyen de s'en passer, et vite. La question n'est pas là).

On a eu le prémisse de ce débat au camping l'été dernier : être anti-industriel, est ce que cela veut dire revenir type de production artisanal (individualisé) ? ou bien faut il réflechir à d'autres modes de production, mais dès lors lesquels ? Production socialisée et produciton industrielle, est ce la même chose ?

C'est quelque chose que je ne perçois pas bien dans la vision que tu peux avoir, Miguelito : comment conçois tu l'organisation de la production ?(merci de ne pas me traiter d'économiciste à dix cents d'euros. Tu as reconnus toi même dans un post précédent que pour faire pousser des légumes, il y avait une organisation à avoir).

Pour reprendre toujours le même exemple (désolé mais il me semble parlant) : s'agit il pour chacun de faire son propre jardin ? Et qui fabriquera les outils ? (cf l'intervention sur le couteau lors de la dernière journée Ni CPE Ni CDI à Paris) Tous forgerons ? (et en même temps tous agriculteurs ?)
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Messagepar miguelito » Lundi 13 Nov 2006 9:24

Voilà exactement une question de militants pour les militants. Il faut avoir dans ses petits cartons un modèle type de société, où tout est prévu, chacun dans sa petite case, il n'y a plus qu'à signer !

Nous posons la question autrement : nous consitutons des mondes, des réseuax, des liens. Dans ce mouvement, nous tâchons de nous doter de ce qui nous est approprié, tant pour assurer au mieux notre subsistance que pour nous rendre offensif contre ce qui restreind notre liberté.

Nous ne disosn pas : un jour, après le Grand Soir, nous instaurons LA Société Communiste Mondiale. Nous savons d'ores et déjà ce que chacun fera (on ne leur a pas poser la question mais c'est pas grave) Non, ailleurs j'ai dit que notre volonté n'est pas d'instituer la société mais de nous armer pour vaincre l'ennemi tout en expérimentant entre-nous le communisme. Voilà ce que tu ne peux comprendre, obséder que tu es par l'organisation intégrale de tout. Voilà sans doute pourquoi tu sembles plus sensibles à la prose militante duCCI qu'à des textes comme l'Appel...
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Messagepar Federica_M » Lundi 13 Nov 2006 10:43

Miguelito,

je suis à équi distance des deux et non par "sensibilité" mais par raisonnement ... désolé d'avoir une approche politique et non mystique.
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Messagepar miguelito » Lundi 13 Nov 2006 11:32

Ah ouais !! C'est vrai que nous n'avons le choix qu'entre raison ou sensibilité...
La sensibilté, c'est aussi une façon d'user de sa raison. C'est une façon d'être disposer aux choses, d'être ouvert au monde. Penser, c'est juger et on juge autant qvec sa raison qu'avec ses sens. Si tout n'était question que de raisonnement et non pas aussi d'inclination, les débats politiques seraient beaucoup plus simples...

Quant à l'idée qui voudrait réduire la prise en compte de cette sensibilité à du mysticisme, j'y vois une dérive rationaliste plutôt navrante.
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Messagepar miguelito » Lundi 13 Nov 2006 11:34

Dans l'Appel il est dit qu'on ne peut comprendre notre démarche sans réaliser une vraie révolution dans l'idée même de politique...
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Messagepar Federica_M » Lundi 13 Nov 2006 13:26

Au delà de l'Appel (qui est - comme son nom l'indique - un cri lancé, quelque chose d'immatériel, une succession de mots prononcés et qui mettent en mouvement de l'air, produisant ainsi une onde sonore) j'ai besoin de matérialité. Excuse moi d'être aussi terre à terre. Je ne me contente pas de mots.

Je comprends bien l'idée de changer la façon de voir la politique, le fait que ce soit ici et maintenant, que l'on s'organise de façon autonome y compris pour sa substistance. OK. Ca a été rabaché 10 000 fois, et je pense que tout le monde est d'accord. En gros ça revient à faire une collectivité autonome.

Mais ce que je voudrai comprendre c'est comment tu conçois les liens de ces collectivités entre elles ? Comment tu passes au stade d'organisation et de coopération/coordination supérieur, au delà du strict périmètre de la communauté ? S'organiser en communauté autonome à une dizaine - ou meme une centaine de personne - c'est assez facile à concevoir. Mais comment tu fais dans une ville de 30 000 habitants ? Et plus ? Et comment les collectivités règlent entre elles les problématiques qui sont transversales ? (notamment les questions d'utilisation des ressources, l'environnement, etc ... cf interventions précédentes)

Cela inclus une autre problématique : est ce que chaque collectivité autonome se doit aussi d'être autarcique ? (Rejettant ainsi le concept de spécialisation ?)

[si j'étais méchant, je dirai que les collectivités autonomes le peuvent aujourd'hui parce qu'elles bénéficient de ce que le système autour à produit ... Elles n'ont donc pas à faire leurs outils, il suffit d'en récupérer ou d'aller les voler à Casto. Mais ce mode de fonctionnement est il viable sans le système capitaliste qui l'environne ? La question avait commencé à être abordée lors dela dernière rencontre Ni CPE ni CDI, un intervenant disait que contrairement aux esclaves salariés, lui était libre du système marchand car il volait. Quelqu'un lui a fait remarquer qu'heureusmeent qu'il y avait des esclaves salairés pour produire la boufffe qu'il volait et lui permettre ainsi de survivre ... Tiens, à mon tour de faire dans la provoc : la marge autonome est elle - comme la démarque inconnue dans les grandes surfaces (celles ci estiment qu'elles auront tant d'euros de vol dans l'année, donc elles en tiennent compte de facto dans le prix affiché : c'est la démarque inconnue.) - une variable d'ajustement du système et donc à ce titre prise en compte par lui ?]

En deux mots : comment tu articules l'autonomie avec la complexité ?

Je n'ai pas de réponse; Il ne s'agit pas de chercher à te coller. Mais d'essayer de comprendre et d'aller plus loin dans l'élaboration que des simples appels, certes sympathiques même si grandiloquents.
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Messagepar miguelito » Lundi 13 Nov 2006 13:48

Mais t'es têtu toi ! Tout commence ici et maintenant, tu sembles en être d'accord. Comme je le souliganis plus haut - et comme cela transparait dans ton anecdote au sujet du voleur - nous sommes pris dans des conditions qui ne dépendent pas que de nous. Aussi, nous faisons avec. Et si nous parvenons à faire en sorte qu'un nombre conséquent de persones s'organisent pour mettre fin au système de domination, il faudra faire avec les ruines de celui-ci. Voulir à tout prix régler la question du comment nous ferions n'apporte rien. D'abord parce que nul ne sait comment les choses se dérouleraient. Ensuite parce que l'important est de s'organiser maintenant, avec les moyens qui sont les nôtres, plutôt que de gloser sur des choses dont nous ne pouvons par définition pas avoir la maîtrise.
La question de l'autarcie, il me semble y avoir répondu ailleurs. Nous inscrivons notre démarche dans une visée de combat. Qui dit combat dit deux choses : la "relation" avec l'ennemi combattu et la nécessité d'établir les solidarités pour être pus fort. Pour ce second point, il n'y a pas de recette miracle : on donne ce qu'on peut et on reçoit ce que les autres peuvent donner. Le tout est de se mettre d'accord sur la façon dont tout ça est mis en commun et dans quel but (et je répète, notre but n'est sûrement pas d'instituer LA société. C'est ça le politique (et non pas la politique). Quant à la question des moyens matériels qui t'obsède tant, là encore les choses sont simples : nous faisons en fonction de la situation, au vu des conditions générales. Si l'on peut poquer à l'ennemi ce qui peut nous servir, faisons le. Si nous sommes en mesure de le faire nous mêmes, faisons le. Sachant que nous ne pouvons sacrifier à une prétendue efficacité nos aspirations profondes. Voilà la raison pour laquelle nous ne nous mettons pas en position d'édicter comment il faut nourrir 6 milliards de personnes. Nous cherchons à savoir comment nous nourrir nous mêmes, c'est déjà pas mal ! Vouloir tout organiser, tout prévoir, tout panifier à l'échelle mondiale, c'est une préoccupation de gouvernants. Quand tu prends l'exemple d'une ville de 30 000 habitants, nous posons la question différemment : quel territoire pouvons-nous occuper et comment pouvons-nous nous y organiser ? Le quartier voisin est en mesure de nous couper l'arrivée d'eau ? Nous attaquons ce quartier ou bien nous allons vivre ailleurs si nous sommes trop faibles. Il n'y a rien de compliquer la dedans.

Ce que tu dis sur la marge est vrai dans une cetaine mesure. Tant que ça reste maîtrisable, le pouvoir contrôle. C'est la même chose que pour les alternatives : tant que ça ne remet pas le système en cause, tant qu'il y a une tolérance réciproque, pas de problème. Notre but premier étant de ruiner la domination, tu te doutes bien que l'autarcie et la tolérance ne sont pas notre tasse de thé.
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Messagepar Federica_M » Lundi 13 Nov 2006 17:58

OK je vois. La encore rien à dire. C'est clair et cohérent, et je m'y retrouve.

En fait tu conçois la communauté autonome comme un groupe de combat autonome. Une unité de forces spéciales, infiltrées derrières les lignes ennemies...

Mais je vois deux objections à cette approche :

1) elle me fait penser à une version dégénérée de la théorie foquiste, le mythe du soulèvement des masses en moins. Or, je vois mal comment tu pourras abattre l'ennemi - y compris militairement parlant - sans généralisation de l'offensive à un moment donné. OK, tu peux mettre en place des cellules dormantes et des groupes autonomes mobiles de combat, mais bon ça reste des piqures de moustiques. Et si une fois l'attaque menée, le groupe se retranche dans sa grotte, le système de domination reste bien en place ... et va se venger sur ceux qui restent dans le système, qui n'auront alors que de cesse que de mettre fin aux aventures des justiciers de l'ombre ... (ne pas oublier que le Ché a été donné par des paysans boliviens ...).

Sauf - bien sur - si l'objectif premier réel c'est de satisfaire son propre désir de puissance et/ou de régler sa contradiction personnelle à vivre dans un monde invivable. Mais là on ne fait plus du politique mais de la psychothérapie.

2) que feras tu en temps de paix ? (la grande difficulté de tous les groupes de combats, guerillas, etc ... a été justement ce retour à une vie "nomale", moins "intense" peut être.) Comment entrevoies tu ta reconversion ?

Evidemment tu vas me répondre qu'il n'y aura de paix que lorsque la domination aura été anéantie. Etre constamment sur le pied de guerre, en phase d'alerte vigilante, c'est usant (physiquement mais aussi moralement). Il faut pouvoir tenir ...
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Messagepar Edgar » Mardi 14 Nov 2006 9:28

Salut à tous les deux,

j'aime bien ta façon de mettre les choses en question, Federica, c'est une méthode dans laquelle je me retrouve parfaitement.

Le combat que prône Miguelito me semble, sans provocation aucune, mais les mots sont parfois durs, un combat d'arrière-garde. Il s'agit de survivre dans une société en décomposition, en sauvant ce qu'on peut sauver. Tu le dis toi-même : pas question de se préoccuper de sauver six milliards d'humains. Désolé mais ça me choque ! De la même façon que tu dis qu'il faut faire avec le capitalisme, qu'il est là et qu'on ne le maîtrise pas. ça me semble contradictoire avec ce que tu me répondais par ailleurs sur le cadre national, mais c'est une parenthèse que je referme.

Sauver six milliards d'humains n'est pas une préoccupation de gouvernants, justement nos gouvernants ne s'en préoccupent pas. C'est la préoccupation première de la classe ouvrière, dans son être politique. Et ce n'est pas en revenant à un modèle du passé, les communautés, que l'on y arrivera. Parce que ce modèle était adapté au niveau de développement des forces productives de la période, et au nombre d'êtres humains qui peuplaient alors la planète (au plus quelques millions non ?).

Le modèle reste à construire, il doit se construire sur les ruines du capitalisme en espérant que celui-ci n'aura pas trop détruit dans sa spirale d'effondrement actuelle ce qu'il a construit avec le sang et la sueur des ouvriers. Il doit constituer un pas en avant dans l'histoire humaine, et tout modèle qui se construit autour d'un repli communautaire constitue une réaction négative à la crise capitaliste et est d'essence, encore une fois sans provocation, petite-bourgeoise.

Je répète que je ne viens pas là provoquer mais défendre mon idée du communisme comme vision progressiste et de masse. Et en défendant cette idée je ne peux qu'heurter la vision contenue dans cet appel de manière brutale parce que particulièrement opposée. Ce qui ne me paraît pas être pour autant une entrave à la discussion. J'espère être compris.
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Messagepar miguelito » Mardi 14 Nov 2006 9:50

Le fait de vouloir constituer des communautés n'est nullement incompatible avec le fait de tisser des liens entre ces diverses communautés, de créer des réseau afin d'organiser la lutte ensemble. Nous n'avons jamais nier cet aspect, bien au contraire. Ce que nous propageons, ça n'est pas un modèle à reprendre clés en mains mais des signaux destinés à montrer que n'imoorte qui peut se rendre offensif, que n'imorte qui peut commencer par sortir de son isolement en allant justement vers les autres avec lesquels il sent qu'il pourra faire quelque chose. Ce sont aussi des signaux qui manifestent une certaine intensité qui interpelle autrui. Quand dans la rue quelque chose se passe, qui appelle autrui, qui parle directement non seulement à sa tête mais aussi à son coeur (réflexion et émotion) c'est plus fort qu'une diff de tract qui laisse souvent indifférent, non ?

Que ferais-je en temps de paix ? Bah j'sais pas ! Tu voudras jouer au scrabble avec moi Federica ?

Pour Edgard : merci de tes petits compliments (j'adore le "petit bourgeois")
Se préoccuper des 6 milliards d'individus est un rêve de gestionnaire qui prétend avoir la solution pour l'ensemble de l'humanité, rien que ça ! Au contraire, l'autonomie laisse à chacun la possibilité de faire sa propre expérience. En l'occurence ici, prendre le problème par le bout des 6 milliards, c'est encore une façon d'ajourner son engagement concret dans la lutte, c'est mettre de la distance et ça sert à justifier les théories les plus dégueulasses comme l'économie.
La classe ouvrière c'est pas mal comme modèle du passé ! Je ne vois pas en quoi l'idée de communauté que nous défendons serait quelque chose du passé. Qu'elle emprunte des éléments au passé est une évidence, mais elle a appris aussi tout ce qui rendait ces vieilles communautés oppressantes sous divers aspects. Enfin, je n'ai personnellement pas la prétention d'établir un modèle, je ne suis en effet pas partisan de l'avant-gardisme éclairé.
Faire avec le capitalisme signifie ici : opérer en son sein puisuqe de toute façon nous n'avons pas le choix. Cela ne veut pas dire accepter ses présupposés et sa loi. Par contre, voulir s'organiser sur une base de classe, c'est accepter sa loi, celle de la séparation du genre humain en classes.
Il ne s'agit pas de se replier sur soi, je l'ai assez démontrer me semble-t-il. Pour autant, il ne s'agit pas de prétendre être d'accord avec tout le monde. Encore une fois, l'idée de paix universelle et éternelle est un doux mythe pour gogos.
Rassure-toi, tu es bien compris, c'est bien pour ça que je suis en tout opposé à ta vision des choses.
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Messagepar Federica_M » Mardi 14 Nov 2006 21:09

OK, on commence :

alors je tire :

acnoammrcunhiisme

Mot compte triple :-)
Federica_M
 
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Messagepar clement h. » Mercredi 15 Nov 2006 14:57

Les marxismes sont depuis longtemps l'ensemble des contre-sens qui ont été fait sur Marx.

Ces marxismes et l'ensemble des pseudo-luttes spectaculaires du mouvement ouvrier partidaire et syndical, se sont ainsi opposés depuis toujours au b-a-ba de l'analyse de Marx : en d'autre terme ils se sont opposés au capitalisme. Bigre ! s'opposer au capitalisme mais quelle affaire !

La critique de la plus-value chez Marx n'est que la répétition d'une critique beaucoup plus radicale que celle que fait naivement l'anti-capitalisme : la critique des conditions de possibilité de l'échange. Comment l'échange est-il possible ? A partir de quels présupposés épistémologiques ? A partir de quel négatif ontologique ?

La plus-value, et son système, le capitalisme, ne sont que la mise en système d'une valeur d'échange non seulement permettant en elle-même les conditions de possibilité de l'échange, mais surtout pour elle-même : la valeur d'échange pour la valeur déchange, c'est la plus-value, c'est le fric pour le fric, dans le cycle A-M-A' dont parle Marx.

Or cette critique du capitalisme a été prise pour l'alpha et l'oméga de la critique que fait Marx. Une vulgate grasse et vulgaire s'est constituée là dessus depuis un siècle, où l'on réclame pour seule critique un meilleur partage équitable du gateau constitué par l'ensemble des valeurs d'échange. La logo-machie marxiste et marxienne n'a qu'un seul mot à la bouche, une critique moralisante : les vilains patrons, les gros méchants spéculateurs, les gentils ouvriers et militants.

Or Marx nie totalement la possibilité même d'un tel anti-capitalisme économiciste. Car ce qui pose problème à Marx ce n'est pas finalement le capitalisme, mais la condition de possibilité de ce capitalisme, sur quoi il se fonde dans ses présuppositions : l'échange marchand.

Une plus-value, comme valeur d'échange en elle-même et pour elle-même, présuppose dans son existence même, d'être d'abord une valeur d'échange. Donc la critique ne doit pas porter sur l'inéquitable distribution de la plus-value (prende aux " riches " pour donner aux " pauvres "), mais sur la critique de son fondement : la théorie de la valeur objective. Pour permettre l'échangeabilité de deux produits, il faut qu'il puisse devenir équivalent. Il faut que les termes de cet échange puissent être égaux pour être échangés. Or Marx pose à partir de la mise en évidence de la praxis des individus vivants, la mise en abstraction de leurs travaux vivants : c'est le travail abstrait que mesurent les représentations économiques qui sont le procès de valorisation des produits finis de ces travaux aboutissant à leur valeur d'échange.

Le problème pour Marx n'a jamais été le profit, mais la valeur objective en tant qu' " abstractions réelles " des travaux vivants dans du travail représenté. Critiquer le capitalisme sans remettre en cause les conditions économiciste de possibilité de l'échange, c'est comme pisser dans un violon. Le problème n'est pas non plus la lutte des classes qui déterminerait les conditions de possibilité de cet échange. La valeur objective comme condition de possibilité du moindre échange, précède et institue les classes et non l'inverse (voir Anselm Jappe là dessus, dans Les Aventures de la marchandise. Pour une nouvelle critique de la valeur. Denoel, 2003) Car la question de la possibilité même de l'échange n'est pas une question historique mais une question a-priorique. La question de la possibilité de l'échange s'est depuis toujours posée. La lutte des classes, comme produit des catégories de base de la possibilité de l'échange (ce qu'on appelle " l'invention de l'économie " ou la " genèse trascendantale de l'économie "), c'est donc non pas la contestation mais la réalisation, l'extension infinie et la fin forcée de l'économicisation du monde.

Comme le disait Marx dans La critique du programme du parti ouvrier allemand, ou P. Lafargue dans La Religion du Capital, l'anti-capitalisme est la maladie infantile de la sortie de l'économie, de l'échange, de l'argent (comme mesure générale de l'équivalence). Il est aussi, comme l'ensemble du catéchisme marxiste, le tombeau de la subjectivité radicale et celui de la planète. Comme l'écrit JC Michéa il est aussi l'explication de l'impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche. Il faut alors sortir Marx de la prison marxiste, c'est-à-dire décoloniser l'imaginaire économiciste et progressiste de l'ensemble de la Gauche.
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Messagepar Edgar » Mercredi 15 Nov 2006 15:41

Il y a du vrai dans ce que tu dis. ça pourrait être dit plus simplement aussi : beaucoup de ceux qui se disent marxistes ne le sont pas, non pas seulement parce qu'ils se limitent à vouloir réformer le capitalisme alors que Marx limitaient ces réformes strictement dans le temps, mais aussi parce qu'ils ont rompu avec l'internationalisme en soutenant un camp contre un autre, parce qu'ils s'opposent dans le fait à toute émancipation de la classe ouvrière dans ses luttes, etc.

Le capitalisme n'est pas fondé sur l'échange en tant que tel. Il est fondé sur l'échange marchand, c'est-à-dire que la valeur d'un bien n'existe que dans l'échange, que le profit n'existe que s'il y a échange.

Cet échange marchand, basé sur la réalisation de besoins solvables, ne suffit pas à condamner l'échange en soi. Autant il est totalement illusoire de vouloir établir un "échange équitable" dans une société de classe, puisque l'existence même de classes sociales est la manifestation d'un échange inégal fondé sur un développement des forces productives d'un point de vue historique, autant il est illusoire de vouloir abolir l'échange pour abolir le capitalisme. L'organisation capitaliste, dont fait partie l'échange marchant, est aujourd'hui en contradiction avec le développement atteint des forces productives, qui a sorti l'humanité de la pénurie. Mais en détruisant le capitalisme, ce cadre contraignant qui entrave toute poursuite de ce développement, on ne mettra pas non plus fin à l'échange, mais fin à l'échange marchand, ce qui est tout-à-fait différent.

Il y aurait beaucoup à dire mais au départ je voulais dire une seule chose très courte : qu'il y a des marxistes qui pensent que la revendication d'une meilleure répartition des richesses, un échange plus équitable, dans le capitalisme est non seulement une abérration, mais surtout un mensonge ; que ceux qui se fondent sur le marxisme pour revendiquer cela ne sont pas des marxistes, mais des ennemis de la classe ouvrière. Que Marx n'a jamais fait de l'économie politique, mais la critique de l'économie politique.
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