Derrière l’Ukraine et les USA, la France est le troisième pays où les dépressions au travail sont les plus nombreuses. A travers trois secteurs professionnels – la banque, les plateformes téléphoniques, la sidérurgie –, le réalisateur Paul Moreira dissèque ces méthodes de travail, de management, d’organisation au pouvoir destructeur. Devant la caméra, les témoignages d’hommes et de femmes écrasés, usés, brisés par leur vie professionnelle. Travailler à en mourir, un documentaire Infrarouge poignant et alarmant.
"Si je reprends le travail, le soir même, je suis hospitalisé" ; "J’ai fait un malaise dans le magasin parce qu’ils m’ont licenciée" ; "Je préfère mourir que d’y retourner"… Des mots échappés d’un sanglot. Au service de pathologie professionnelle de l’hôpital de Créteil, les salles d’attente ne se désemplissent pas. En quatre ans, les consultations pour souffrance au travail ont même été multipliées par trois. Une augmentation significative, symptomatique d’un mal épidémique qu’aucune étude statistique globale ne permet aujourd’hui de réellement quantifier. Le corps médical alerte. L’actualité (la série de suicides au sein de la société Renault) parle d’elle-même. Pour beaucoup de salariés, l’entreprise est devenue un lieu de souffrance, le travail un univers anxiogène, parfois destructeur. Si le harcèlement au travail a souvent été pointé du doigt, les nouvelles méthodes de travail, d’organisation et de management méritent elles aussi d’être mises en accusation.
Les blessés de la finance : Immersion dans l’univers de la banque où règne le culte de l’objectif, du rendement à tout prix. "J’ai été frappé par l’émergence d’une vocabulaire guerrier, explique Paul Moreira. Dans cette guerre, ceux qui échouent doivent faire face à leur honte". Ici, pour être efficace, le salarié doit apprendre à devenir agressif, quitte à oublier sa propre nature. Pour l’aider, des stages de motivation au cours desquels il se retrouve spectateur d’un bien étrange folklore : différentes mises en situation professionnelles – succession de saynètes sordides et caricaturales – jouées par les managers de la boîte. Pour Jean-Marc, conseiller en gestion de patrimoine, le message est rude : "On ridiculisait la manière dont j’avais toujours travaillé". Une dévalorisation professionnelle amplifiée par de nouvelles procédures : communication par écrans interposés, agenda géré à distance… "J’avais l’impression qu’il y avait une espèce de système anonyme qui me broyait et que les hommes ne me reconnaissaient plus". Et celui qui ne parvenait même plus à s’asseoir à son poste de travail finit par s’ "écrouler" lors d’une visite médicale annuelle. Jean-Marc est déclaré inapte au travail. Définitivement. Au sommet de l’échelle hiérarchique, même pression. Quand on demande à Roger, manager, de "traiter les gens à coups de pieds au cul", l’homme, à bout, est victime d’une crise d’angoisse. Aujourd’hui encore, il se sent incapable de reprendre une activité professionnelle. Pour Michel Francoz, psychiatre, les patients font preuve d’une "hypersensibilité, une hyperémotivité, décrites comme des états de stress post-traumatiques, comme après un attentat, une guerre. On retrouve les mêmes symptômes." Sous totale surveillance Claudia, ex-téléopératrice d’un grand groupe de téléphonie mobile, a frôlé la mort de très près quand elle a tenté de mettre fin à ses jours sur son lieu de travail. "Je ne voulais pas mourir mais m’effacer", confie-t-elle à la caméra de Paul Moreira. Un passage à l’acte alarmant quand on sait qu’une étude médicale a récemment révélé que, dans les centres téléphoniques, un salarié sur trois serait en détresse psychologique. Pour Claudia, tout a commencé à cause d’un dépassement moyen de 30 secondes dans ses temps de communication. "C’est très déstabilisant de se savoir écoutée à n’importe quel moment, quand on sait qu’on est dans le collimateur, la faute se trouve toujours". Dans une ambiance de total espionnage, la surveillance est permanente : contrôles des ventes en cours, temps de pause chronométrés, communications écoutées par un superviseur… lui-même surveillé à distance !
Les invisibles de la précarité : Les travailleurs précaires sont les premières victimes de la réorganisation du travail. L’un des ouvriers d’une des sociétés de sous-traitance présentes sur les chantiers d’un géant de la sidérurgie à Dunkerque témoigne : "ils gardent les postes stratégiques. Tout ce qui est travail de saleté, de chaleur, poussières, c’est sous-traité. Le matin, l’après-midi, la nuit… C’est des postes supplémentaires quand on est au repos…Quand ils ont besoin, ils appellent (…) Ca me bouffe les nerfs", ajoute-il. Les intérimaires, une population salariale plus flexible, docile aussi, car non syndiquée… Cette flexibilité, Jean-Luc Pruvost en a fait les frais. Victime d’une crise cardiaque, l’homme est plongé dans le coma depuis un an et demi. Un accident survenu alors qu’il était censé être au repos… En attente d’un CDI, l’homme acceptait les heures sans rechigner dans l’espoir de se faire un jour intégrer. C’est chose faite aujourd’hui. Un rêve contraint, un peu tard, par l’inspection du travail…
- Vidéo : http://www.youtube.com/watch?v=4rEHwhjtEq0
Comment voulez-vous dans ces conditions et avec de tels documentaires contre l'exploitation salariale diffusé sur une chaine TV nationale promouvoir sereinement la journée annuelle du patrimoine du MEDEF : http://www.jaimemaboite.com/
Comme le dirait Paul Anton (je suppose) : C'est une société schyzo...