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Université : débats du 12/12/09

MessagePosté: Mercredi 20 Jan 2010 21:09
par diogène
Jeudi 12 décembre 2009, deux débats à l'université de Caen sur le thème de la « souffrance » du salariat.

Le premier organisé par l'UNEF comptait comme intervenant Gérard Filoche se déclinant à gauche et socialiste. Inspecteur du travail et syndicaliste connu, qui ne ménage pas ses efforts pour défendre les salariés. Son intervention étayée fait le constat sans appel de la gravité de la condition salariale et dresse les objectifs du MEDEF. D'après lui, la précarité est résiduelle car la grande majorité des contrats sont des CDI. Pour réduire la souffrance au travail, il y a un processus historique de réduction du temps de travail. C'est le mérite des gouvernements de gauche d'avoir fait voter les durées légales du temps de travail (allusions aux 40 heures et 35 heures) pour améliorer la condition salariale.

Si on partage certains points du constat de Gérard Filoche, deux questions vont révéler des divergences avec le camarade Gérard.

La première question demande :

quels sont les rapports entre la mondialisation et la situation du salariat en France et si Gérard Filoche à des propositions à ce sujet ?

Gérard Filoche : cela n'a rien à voir, la mondialisation et l'Europe n'ont pas de responsabilité, c'est un prétexte pour des patrons voyous. Rien ne s'oppose à de meilleures garanties salariales. Le sieur Bad... en reste stupéfait et moi aussi.

La deuxième celle d'un CNTiste :

la précarité n'est pas résiduelle et elle croît, même le CDI n'en est plus un. Car soumis à des pressions et à des maltraitements, le salarié pour éviter la démission, la faute grave, la rupture du contrat préfère utiliser le gré à gré du départ négocié pour au moins percevoir ses ASSDIC, voire les multiples statuts s'inspirant du travail indépendant rompu à tout moment par le donneur d'ordre. La réduction du temps de travail ne diminue pas la souffrance mais l'accroît. Par exemple: les 35 heures sont une fumisterie puisqu'en contre-partie on a bloqué la progression des salaires, subventionné les patrons, récupéré les temps de pause et de trajet du poste de travail à la sortie de l'établissement, augmenté la productivité (principalement de la charge de travail en réalisant la production de 39 heures en 35 heures) et renforcé l'annualisation et la flexibilité du temps de travail. Tout cela n'a pas crée d'emploi mais un boulevard à l'intérim et déçu encore un peu plus les salariés (dont certains se sont opposés aux 35 heures). Le mérite de l'amélioration salariale n'incombe pas aux gouvernements de gauche mais aux luttes des travailleurs. En 1936, la grève générale oblige le front populaire à concéder des avantages. En 1968, une autre grève générale contraint le gouvernement aux accords de Grenelle. Constat de droite ou de gauche, les gouvernements durent céder momentanément à cette pression des travailleurs. L'absence d'une pression adéquate depuis une trentaine d'années fait que de droite ou de gauche, les gouvernements dégrade la condition salariale.

Deuxième débat sur la souffrance au travail organisé par l'appel des appels.

Plusieurs centaines de personnes, des connus du microcosme militant, des étudiants, une majorité de travailleurs du social peuplent l'amphithéâtre. De la tribune, le journaliste Patrick Coupechoux va se livrer à un réquisitoire , une attaque, une déconstruction, une critique. Par un discours ample, maitrisé, étayé, didactique, frisant la harangue. IL va captiver la salle et faire constat que la souffrance atteint un niveau effroyable (trouble multiple physiologique et psychologique). La destruction des formes collectives de d'existence, de lutte et de lien social produit l'absence de repères faisant sens. Les gens n'ont plus de base et de sol et par là d'identité, le mouvement ouvrier est écrasé. La médicalisation des rapports du travail occulte l'exploitation, prend place un hygiènisme manipulateur et la biopolitique du pouvoir. Le système est un totalitarisme voulu par le capitalisme financier ultra-libéral. La gauche et l'extrême gauche ont leur part de responsabilité.

Cet état des lieux reçu l'assentiment du public, la CNT y souscrit car il regroupe partiellement le sien. Quand la parole fut donnée à la salle pour le jeu des questions. Les deux premières interventions sont celles de CNTistes qui feront apparaître des différences.

Première intervention :

je ne suis pas d'accord pour parler de souffrance au travail, cela laisse penser que l'on peut ne rien faire, c'est de la logique des choses. Cela induit la victimisation, on se plaint quand il s'agit de combattre. Je préfère la maltraitance car c'est volontaire (condamnable), Le capitalisme est basé sur l'exploitation et la domination. Il n'y a pas que l'économie capitaliste qui assujetti et détruit le lien : "les isoloirs isolent de la politique". Le totalitarisme s'étend à l'ensemble de la société. La science est utilisée pour connaître et manipuler la conscience de chacun, voire les nanotechnologies et la biomètrie comme outils du contrôle social. L'ancienne religion est remplacée par celle de l'Etat. Les appareils idéologiques d'Etat concurrent à l'inégalité et à l'oppression.Réponse de monsieur Coupechoux.

Les mots souffrance, maltraitance et victime sont l'objet de débats parmi nous car en sous-jacents il n'y a pas les mêmes analyses. Je suis assez d'accord avec vous et le reste de votre intervention.

Deuxième intervention :

- Vous dénoncez la médicalisation des rapports du travail, il faut ajouter la partenarisation. Le mouvement ouvrier n'a pas été qu'écrasé, une partie a rejoint les oppresseurs, une autre collabore à sa propre aliénation.

- Le niveau d'oppression, d'exploitation, de souffrance, de dépersonalisation est ancien et variable : de la naissance du capitalisme, de la révolution industrielle à la mondialisation actuelle, la condition salariale est lamentable.

- La production et circulation de la marchandise commence avec le capital productif qui crée le capital financier et la circulation de ce type de capital. Il pourrait réapparaitre une situation résiduelle du capitalisme financier par rapport au capital productif comme dans une économie partiellement étatisé (système mixte) ou totalement (capitalisme d'Etat). Dans ces deux systèmes, le duo exploitation et oppression est aussi fort que dans le libéralisme. Ce n'est pas le cadre juridique de l'exploitation qui fait baisser son taux mais la lutte salariale. En conséquence, la critique de l'exploitation doit être globale et non limitée à la finance libérale.

Une biopolitique négative ne peut s'instituer sans l'Etat

Faire le constat de la situation, c'est bien. Mais que faisons nous ? Quelle proposition pour un autre projet social ? Car tel est l'impératif


Réponse de Patrick Coupechoux

Je suis là assez d'accord. Oui, il faut discuter d'un autre projet social mais ce n'est pas l'objet de cette réunion et cela nécessiterait beaucoup de temps et d'énergie. Je crois que l'urgence pour l'instant est de s'opposer centralement au capitalisme financier ultra-libéral