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Emeutes à Rouen

MessagePosté: Mardi 28 Mar 2006 18:25
par Vroum
Voici un rapide CR par un militant de la FA de Rouen :

40 000 personnes à la manif appelée à 10h30 ce matin, plus qu'en mai juin
2003 (max 35000), moins qu'en décembre 1995 (80 000).
5000 tracts diffés (4000 fédéraux anti CPE, 1000 fédéraux anti EPR)
3000 autocollants diffés
très bon accueil de nos tracts et autocollants

la question de la grève générale est dans toutes les lèvres

notre matériel touche juste

à la dispersion les flics gazent 4000 à 5000 jeunes qui s'attardent et
c'est le début de 4 heures d'émeutes sur les deux rives de la ville.

Du jamais vu à rouen depuis le meeting de Le Pen en 1991.
Je reviens juste (18h30) et c'est pas fini et la soirée s'annonce très
chaude, tous les jeunes sont dans la rue et ne rentrent pas chez eux.

environ 30 voitures retournées
une douzaine de brulées
sol jonché de grenades usagées de pierres et de débris divers
30 à 40 vitrines cassés, quelques magasins pillés
pas d'agressions contre les passants ni contre les manifestants
au moins 50 interpellations pour l'instant, plusieurs blessés
tous les magasins du cente-ville sont fermés, ambiance de ville morte mais
beaucoup de personnes dans les rues vu qu'il n' y a ni métro ni bus

les hélicos de la gendarmerie rasent les toits de Rouen
sirènes partout dans la ville

ambiance de couvre feu digne des événements de novembre...

voilà pour l'heure...

MessagePosté: Mardi 28 Mar 2006 22:33
par Paul Anton
C'est mai 68...

Paris

MessagePosté: Mercredi 29 Mar 2006 0:32
par Federica_M
Grosse manif à paris mais molle molle molle ...

étudiants et lycéens fatigués.

salariés = quasiment que fonctionnaires ... mou mou mou

Arrivée place république, quelques jeunes manifestants s'en prennent à la police (à noter pas d'incident entre manifestants à signaler aujourd'hui). La police les accule dans un coin. Sous la pression de la foule une vitrine tombe. Nuée de flcis en civils. Puis le SO CGT charge les manifestants. S'en prenant systématiquement à tous les noirs ... Racisme intégral !

A la fin de la manif, les CRS et les mobiles ferment la rue Voltaire. Le cortège annar (150-200 personnes) tombe nez à nez sur la ligne de bleus. Echanges de bons procédés (quoique ... des canettes alu vides ... est ce que le jeu en vaut la chandelle ?).

Le problème c'est que derrière eux, remontent des colonnes de rats (on a vu au moins 4 petits groupes très mobiles de 15-20 flics en civils, habillés parfois comme des manifestants "lambda", parfois ou comme des "lascards" ou comme des "autonomes". Ils sont bardés d'autocollants y compris FA ... dans les manifs maintenant il va devenir tricard de se ballader avec des
autocollants d'orga ...)

Ca puait le piège à con à plein nez ...

Ca a pas loupé : 100 arrestations ce soir ...

Il faudrait revoir nos stratégies pour arrêter de nous faire piéger betement. A force de se faire ratisser àla fin de chaque manif, le mouvement radical va finir asseché ...

Sinon à Rouen, les salariés du privé étaient dans la manif ?

Des appels à la grève dans certaines usines ?

MessagePosté: Mercredi 29 Mar 2006 8:05
par miguelito
Pour les appels à la grève dans le privé, il me semble qu'il y a du mouvement du côté des raffineries de pétrole à Port-Jérôme avec piquets de grève, mais cette info est a vérifier.
Il y aurait eu 36 arrestations hier à Rouen.
Beaucoup n'ont pas diffé de tract ni collé d'autocollant. Nous n'avons pas compté le nombres de caillasses envoyés sur la gueule des flics dont certains ont eu très chaud comme les deux batards de la BAC qui se sont fait encercler après avoir serré deux camarades. Les vitrines ont volées en éclat, notamment celles des agences d'intérim. Les commerçants et les gros bourges du centre ville avaient la trouille et la haine contre les gueux. Ces derniers étaient plein de révolte et de joie, la solidarité étaient dans les actes et non plus dans les slogans.
La destruction est une passion créatrice.
Dans une société qui a tué toute aventure, la seule aventure restant est la destruction de cette société.

MessagePosté: Mercredi 29 Mar 2006 9:30
par goldfax
miguelito a écrit:Dans une société qui a tué toute aventure, la seule aventure restant est la destruction de cette société.


Ca mériterait de figurer dans en présentation du forum, sous "ROUGE & NOIR" !! :wink: Je trouve cette citation vraiment belle !

Sinon, les rumeurs que j'ai entendues de mon côté semblent bien fondées, Rouen a été un champ de bataille hier !
J'aimerais avoir plus d'informations, si vous pouvez, les gars !!

En ce qui concerne les remarques de Vroum et Federica... je crois en fait, que l'Etat commence à flipper, car le mouvement dure et il va avoir du mal à gérer la situation si la grève persiste. C'est pour cette raison que BAC, RG et tous les connards de leur espèce s'infiltrent dans les manifs et tendent des pièges !
Vive la grève générale ! Que l'expression ne soit plus un mot, qu'il se concrétise ! Et merde aux cons qui nous oppriment !!

MessagePosté: Mercredi 29 Mar 2006 19:47
par lucien
Vous auriez pu trouver mieux que "connards" ou "batards" pour qualifier ces bleus qui sont, volontairement ou non, effectivement du mauvais coté dans la lutte de classe et qui font très bien leur boulot... Malheureusement pour nous.

Quant à la citation, très bakouninienne, j'émets quelques réserves : ce qui s'est passé à Rouen n'entraîne-t-il pas plutôt le renforcement de cette société ? Comme si taper sur les crs allaient changer quelque chose : ça fait partie de leur travail ! Ce n'est peut-être pas comme cela que se développera l'autonomie populaire ; par contre, "l'ordre et la sécurité" devraient encore faire recette aux prochaines élections.

Je comprends les révoltes de cet automne ; je comprends moins ce discours quand il provient de personnes se prétendant anarcho-syndicalistes. La destruction seule ne suffit pas.

MessagePosté: Mercredi 29 Mar 2006 20:47
par guillermo
bah , Lucien en defense de la police ? Le discours securitaire n'a pas besoin des emeutes pour se renforcer , en plus hier et le jeudi et le jeudi d'avant ce n'est pas de notre coté que la violence a été declonché, et moi je ne me dit pas anarchosyndycaliste , mais ouvrier anarchiste . JE fait que me defendre et ce tout !! ET ETRE FLIC CE NEST PAS UN BOULOT SI TU PENSES QUIL FAUT AVOIR DU PITIE
POUR QUELQUN QUI GAGNE A VIE EN PROTEGENT LES INTERET DE L'ETAT ET DES RICHES ... ALORS JE CROIS QUE CELUI QUE NE COMPRENDS PASA L4ANARCHOSYNDICALISTE CE PLUTOT TOI ... IL FAUT SAVOIR QUE A ROUEN LA SITUATION EST PARTICULIER ET LES OPINIONS A LA PARISIENE LESSE LA POUR LA PRESSE BOURGUOISE !!!
pardon par le ton mais la je suis un peu enerve ...

MessagePosté: Jeudi 30 Mar 2006 0:13
par Paul Anton
Ca grouille également à Caen de flics, de RG…

Je ne veux pas être parano…

Il y a de très grandes chances que les RG se baladent même sur ce forum...

La situation devient tendue et l’Etat nous prépare la nasse…

C’est donc la stratégie de la tension.

Il faut extrêmement faire attention au fait que l’on croit mettre une claque à l’adversaire alors que c’est lui qui se prépare à en mettre une…

Nous ne devons pas nous laisser déborder et envahir par l’émotion au détriment de la réalité socio-historique du moment.

MessagePosté: Jeudi 30 Mar 2006 0:14
par lucien
guillermo a écrit:bah , Lucien en defense de la police ? Le discours securitaire n'a pas besoin des emeutes pour se renforcer , en plus hier et le jeudi et le jeudi d'avant ce n'est pas de notre coté que la violence a été declonché, et moi je ne me dit pas anarchosyndycaliste , mais ouvrier anarchiste . JE fait que me defendre et ce tout !! ET ETRE FLIC CE NEST PAS UN BOULOT SI TU PENSES QUIL FAUT AVOIR DU PITIE
POUR QUELQUN QUI GAGNE A VIE EN PROTEGENT LES INTERET DE L'ETAT ET DES RICHES ... ALORS JE CROIS QUE CELUI QUE NE COMPRENDS PASA L4ANARCHOSYNDICALISTE CE PLUTOT TOI ... IL FAUT SAVOIR QUE A ROUEN LA SITUATION EST PARTICULIER ET LES OPINIONS A LA PARISIENE LESSE LA POUR LA PRESSE BOURGUOISE !!!
pardon par le ton mais la je suis un peu enerve ...
T'aurais mieux fait de me relire avant de t'énerver...

1° J'ai bien dit que les flics étaient contre nous et qu'en plus ils étaient très doués pour cela : j'ai jamais parlé de pitié.

2° Ce vocabulaire réduit à "batards" ou "connards" et ces propos anti-flics me paraissent un peu limites sur un forum public : y'a pas de souci entre nous mais y'a du monde à nous lire, dont les bleus, et nous sommes capables d'analyses un peu plus poussées... Je ne défends donc pas la police : je vous préviens juste...

3° Je n'ai jamais focalisé sur la situation de Rouen et je pensais justement à d'autres situations où des gens qui se prétendent anarcho-syndicalistes (je sais très bien que tu ne te définis pas ainsi) font une fixation sur les bleus, alors même que la violence de ceux-ci ne s'est pas encore réellement exprimée (ce qui n'est pas le cas de Rouen) et qui poussent à cette violence ; bref, ce n'est pas une opinion à la parisienne (merci du compliment), juste un constat, notamment local.

4° La violence fait le jeu du pouvoir, qui l'utilisera pour flinguer le mouvement de révolte (et le pouvoir sait parfaitement la provoquer)... et je n'ai pas lu ça dans la presse bourgeoise...

On en reparle de vive voix.

ca fait du bien

MessagePosté: Jeudi 30 Mar 2006 0:16
par Federica_M
Attention à ce que vous dites sur les blogs !

Ne pas informer la police en donnant des renseignements (nombre de participants à des groupes, prénoms, mail, téléphone)...

Pour le reste, Lucien, même si c'est sur que ca ne sert à rien (à long terme) au moins ça fait du bien, c'est un peu cathartique. Maintenant c'est sur que si ca reste au niveau du défouloir ca ne sert à rien ... Sauf que là le défouloir se prolonge et semble se propager... Et ca devient intéressant !

Nouveau slogan / chanson consensuel :

Si t'es contre le CPE tape sur les bleu !

;-)

MessagePosté: Jeudi 30 Mar 2006 0:21
par lucien
Et pour faire écho à mon propos (reçu via la la liste cntait-info) :

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Blocages de routes réussis en bretagne

témoignage de un ami de lutte de bretagne

ce matin plusieurs blocages d'axes routiers (rocades) ont eu lieu dans des villes bretonnes & principalement à Rennes.

A Rennes 2 blocages qui ont occasionné 40 km de bouchons ce matin entre 7 et 10h les blocages ont été stoppés par les gendarmes mobiles à l'aide de lacrymos mais sans résistance violente des étudiants.

Ca m'a fait marrer à 10h30 quand je sortais de mon taff à carrefour de voir tous les cadres en costume cravate obliger d'allez chercher les rangées de caddies que les bloqueurs avaient "réquisitionnés" pour leur action.

Résultat je sais pas si ça bloque le gouvernement mais au moins ça aide pas le grand capital, pas un pelos ce matin à carrefour d'après le journal il
n'y a pas trop eu d'enervement de la part des automobilistes retardés mais majoritairement d'une solidarité face au mutisme de de (ça en fait des de ) Villepin, bien joué en tout cas

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CE MATIN, blocage du périph parisien

Tôt dans la matinée, une centaine de militants anti-CPE ont bloqué le périph sans violence. Il ont utilisé les plots et divers matériaux d'un chantier voisin.

Le groupe s'est vite dispersé et il n'y a pas eu d'interpellation à ma connaissance.

Voilà l'exemple à suivre et à généraliser, car comme on a pu le constater si on passe un bon moment dans les manifs de masse sur des parcours donnés, le gouvernement s'en fout un peu. Et les jeunes motivés et courageux qui restent à la fin de la manif, se font massivement interpeller.

Il faut agir là où ça fait mal, c'est à dire bloquer la machine économique.
Actions éclairs, blocages divers et variés, peuvent être une bonne piste.

Re: ca fait du bien

MessagePosté: Jeudi 30 Mar 2006 0:27
par lucien
Federica_M a écrit:Attention à ce que vous dites sur les blogs !

Ne pas informer la police en donnant des renseignements (nombre de participants à des groupes, prénoms, mail, téléphone)...

Pour le reste, Lucien, même si c'est sur que ca ne sert à rien (à long terme) au moins ça fait du bien, c'est un peu cathartique. Maintenant c'est sur que si ca reste au niveau du défouloir ca ne sert à rien ... Sauf que là le défouloir se prolonge et semble se propager... Et ca devient intéressant !

Nouveau slogan / chanson consensuel :

Si t'es contre le CPE tape sur les bleu !

;-)
Y'a pas de violences policières à Caen alors je vois pas l'intérêt de la provoquer quand, en plus, les gens mobilisés, lycéens-étudiants, n'y sont pour la grande majorité absolument pas préparés : j'te raconte pas le nombre de blessés ou d'interpellations...

C'est effectivement cathartique, donc ni politique, ni stratégique.

Ah ok ok ok

MessagePosté: Jeudi 30 Mar 2006 0:30
par Federica_M
OK je comprends mieux ce que tu voulais dire Lucien.

Moi je ne sais pas si la violence fait le jeu du pouvoir.

Par contre je pense que ce qui fait son jeu c'est quand cette violence n'est en fait que son spectacle (lancer des canettes en alu vide sur des robocops c'est une image de violence mais pas une violence réelle ...) et que ce spectacle est organisé pour mieux identifier les individus potentiellement susceptibles de passer à l'acte, puis ensuite les serrer et donc les mettre hors jeu.

C'était flagrant à la manif d'hier à Paris : le cortège nanar, le dernier cortège de la manif, est arrivé à la place de la république. Les flics les attendaient, ils avaient mis des barrières avec des CRS pour barrer le boulevard voltaire. Là le cortège au lieu de flairer le piège c'est mis à balancer des canettes vides (les mecs devaient rire sous leur casque ...) sans voir que - pendant ce temps - de véritables bandes de rats en civils
(on a vu au moins 4 ou 5 groupes de 30 civils. Cf les photos de thibautcho pour voir à quoi ils ressembles !)) les prenaient à revers par derrière.
Résultat : tout le monde dans la nasse, 200 arrestations. LEs flics ont pu mettre à jour leur trombinoscope, et en neutraliser pas mal.

Par contre rien à voir avec les véritables scènes d'insurrection de rouen ou de grenoble. La différence c'est que dans ces villes, il s'agit d'actions massives, qui regroupent des gens très diffférents (et pas seulement des mythos ou des romantiques) et aussi que les gens agissent par petits groupes MOBILES !

Une autre différence aussi - certainement - c'est que ce genre de situation ça ne se prépare pas. Soit il y a quelque chose dans l'atmosphère - et ça tu le ressens seulement au moment où les gens sont rassemblés, comme un truc électrique - soit il y a rien. Et dans ce cas là, effectivement, mieux vaut s'abstenir de partir au carton en solo car sinon c'est le retour de boomerang en pleine gueule assuré.

Après quelques principes de bases de stratégie :

- quand on n'a pas la force pour soit, il faut avoir l'effet de surprise (les fins de manif bouteilel de bière c'est pas trop le style ...)

- celui qui choisi le terrain de l'affrontement a déjà la moitié de la victoire assuré (puisqu'il a préparé le terrain à son avantage ... ). Donc si les gars te bloquent, mieux vaut esquiver ...

Le mouvement doit continuer, nous n'avons pas besoin ni de héros ni de martyrs !

Re: Ah ok ok ok

MessagePosté: Jeudi 30 Mar 2006 0:39
par lucien
Federica_M a écrit:Moi je ne sais pas si la violence fait le jeu du pouvoir.
T'as oublié cet automne : toutes les organisations syndicalo-politiques unies contre à la violence dans les cités ?? C'était pas pitoyable ?? Le ptit sarko n'a-t-il pas utilisé cette violence pour se sortir d'une situation gênante ?

Si le gouvernement ne trouve pas vite fait une autre porte de sortie, il utilisera à nouveau la violence pour éradiquer le mouvement... regarde le nettoyage que fait déjà la police (ce que tu décris), en le justifiant par la propagande médiatique des casseurs-agitateurs... On va bientôt pouvoir passer dans la clandestinité !

Violence ?

MessagePosté: Jeudi 30 Mar 2006 1:03
par Federica_M
Pour moi ce dont tu parles n'est pas la violence en soit mais son image ou sa représentation.

Bon ce n'est pas bien grave en fait.

Sinon pour approfondir la réflexion :

http://cnt-ait.info/article.php3?id_article=1068

ENTRE VIOLENCE ET NON VIOLENCE

Par définition une société anarchiste ne peut reposer sur la violence. Or, pour parvenir à une telle société, il y a un préalable (abolir le pouvoir) et une grande question : comment se fera l’abolition de ce pouvoir ? Avec ou sans violence ? Avec violence ? Mais, dans ce cas, l’utilisation de la violence révolutionnaire, une fois le pouvoir détruit, aura-t-elle pour conséquence de rendre impossible l’édification d’une société sans rapports de domination ? C’est là une des questions auxquelles les militants anarchistes doivent s’efforcer de répondre. Cet article est une contribution à cet indispensable débat.

DE LA DYNAMIQUE REVOLUTIONNAIRE

C’est un lieu commun que de prôner une sorte de non-violence politiquement correcte, en imputant à l’utilisation de la violence les échecs des différentes luttes révolutionnaires. Ainsi peut-on lire : "Nous pouvons dire en toute sûreté que plus la violence est employée dans la lutte de classe révolutionnaire, moins cette dernière a de chance d’arriver à un succès réel" [1]. A l’appui de ces affirmations sont évoqués, de manière très furtive et au choix, la Terreur [2], la guerre civile ou la lutte armée voire le terrorisme. Et loin d’approfondir les leçons du passé, on s’enfonce de plus en plus dans des raccourcis faciles, imprégnés d’imagerie scolaire : "Il est criminel de croire ou de laisser croire, que couper quelques têtes et se baigner dans des fleuves de sang d’une guerre civile libératrice annoncée, fera avancer en quoi que ce soit le schmilblik de la rupture avec le capitalisme et celui de l’édification d’une société libertaire" [3]. Ces simplifications sont très utiles depuis deux cents ans à tous les réactionnaires qui utilisent la confusion entre la violence de masse et les épisodes de la Terreur. De là l’exclamation du député Front national Romain-Marie, à la tribune du parlement européen, à l’occasion du bicentenaire de la révolution française : "Le 14 Juillet 1789 a été le début du temps des assassins " [4].

Pour les anarchistes, il est au contraire fondamental de repérer dans l’histoire ces moments de rupture -qu’ils se situent en 1789, 1917 ou 1936- pendant lesquels la population quitte son rôle passif pour passer à l’action. C’est ce que fait par exemple Kropotkine qui, dans son ouvrage "La Grande Révolution", s’attache à montrer l’importance de l’action directe des masses dans la dynamique des événements révolutionnaires. En effet, si la Révolution de 1789 fut une révolution bourgeoise, la bourgeoisie par elle même n’aurait pu détruire la monarchie. Dans cet affrontement avec le pouvoir, comme c’est le cas plus généralement, ce n’est pas le degré de non-violence qui a déterminé le succès, mais très logiquement, le rapport de force qui a permis une dynamique offensive, protéiforme et décentralisée. Dans cet exemple comme dans d’autres, la destruction d’éléments symboliques du pouvoir a joué un rôle déterminant parce qu’elle a permis de libérer de nouvelles formes d’organisation sociale, fonction de l’imaginaire collectif et du niveau de conscience des individus. Entre parenthèses, que la prise d’une forteresse ou la chute d’un mur puissent signer la fin de la monarchie ou du national-communisme nous autorise à dire que le pouvoir le plus féroce contient aussi sa part de fragile subjectivité. Pour revenir à notre sujet, observons que, même lorsque le niveau de conscience est insuffisant on peut assister à des épisodes de révolte massive, certes inabouties, mais qui peuvent tout de même nous éclairer sur la dynamique de masse.

A l’inverse, les épisodes de réaction se caractérisent par le retrait de la scène historique des masses populaires, qui laissent ainsi la place à des fractions politiques. Ces dernières mettent un terme à toute destruction du pouvoir pour, au contraire le reconstruire, le défendre et le conquérir. Le résultat est un mouvement centralisateur, étatique et militariste. Une lecture plus fine de l’histoire montre que ce sont ces mouvements de réaction, et non l’action révolutionnaire, qui produisent la Terreur comme la guerre. Les événements les plus sanglants sont le produit du reflux révolutionnaire (par exemple, la Bataille de l’Ebre, en 1938) et non les causes de son insuccès.

NON-VIOLENCE ET POLITIQUE

La violence révolutionnaire n’est donc autre chose que la quantité d’énergie nécessaire à produire une rupture historique. Mais le discours dominant nous habitue à un concept de violence aussi polyvalent que creux. Ainsi, si l’on en croit les médias, il y aurait des "violences" à l’école tout comme il y a des "violences" en Irak. Inversement, le terme de violence est absent du discours journalistique et politique relatif au Paris-Dakar, quelque soit le nombre de fillettes écrasées par les camions. Le flou est total et cette confusion conceptuelle, loin d’être due au hasard, découle de la volonté des politiciens de tracer une frontière entre ce que le système permet et ce qu’il ne permet pas. Est dès lors réputée violente toute action qui ne rentre pas dans le moule de la protestation "citoyenne", du syndicalisme intégré, ou des autres formes de contestation politiquement correctes. Globalement, le qualificatif "violent" est essentiellement une étiquette qui permet de stigmatiser l’adversaire. Par ce tour de passe-passe, il n’y a de violence que chez ceux qui contestent le système, tandis que les oppresseurs, qu’ils bombardent une cité, affament la moitié d’un continent ou torturent dans les commissariats et les camps, sont toujours les gardiens du droit et de la justice et finalement de véritables non-violents auxquels rien -si ce n’est une regrettable bavure de temps en temps- ne saurait être reproché. Les révolutionnaires qui se prennent à singer cette rhétorique nous font assister à un étonnant spectacle et donnent l’impression de chercher à s’excuser de vouloir renverser l’ordre établi. Coincés dans leur contradiction -puisque la violence révolutionnaire ne peut trouver sa place dans le cadre juridique de la bourgeoisie- ils finissent par élaborer une espèce de théorie de la légitime défense qui justifierait, quand on en aurait besoin, la fin de la non-violence : "Nous devons nous défendre et la violence peut nous être imposée" [5]. Cette banalité, puisée dans les idées reçues, est source de bien des piéges.

La révolution libertaire ne peut triompher que par la participation des masses. C’est cette participation, qui détermine le rapport de force. Plus celui-ci est élevé et plus la violence est limitée. C’est donc quand ce rapport de force est élevé (et non en état de "légitime défense" ou pire, lorsque la violence est imposée par une provocation) que les masses peuvent détruire la légitimité qui permet les conditions de leur exploitation et de leur domination. Ceux qui prônent la non-violence à ce moment là, (quand tout est possible et que la violence peut être très limitée), pour ensuite réfuter la non-violence en période de reflux (par le recours à la "légitime défense"), prouvent deux choses : qu’ils utilisent la non-violence comme concept tactique (et non comme un postulat philosophique qui mériterait d’être discuté autrement) et qu’ils l’utilisent mal. En effet ils sont à rebours de toute la dynamique révolutionnaire, car ils raisonnent en dehors des masses, comme si le mouvement anarchiste devait être coupé d’elles. Certains en arrivent à tant les mépriser, à force de confusion historique et légaliste, qu’ils peuvent tenir des propos, tels que "Les pauvres par eux-mêmes ne peuvent que foutre le bordel" [6], qui constituent la négation même des capacités d’auto-organisation des masses. Ce qui revient à nier la base de la philosophie libertaire.

VIOLENCE ET POUVOIR

A priori, une question est tranchée : On ne saurait penser le pouvoir sans violence. Réciproquement, il faudrait éviter toute forme de violence pour ne pas reproduire les mêmes rapports de domination entre individus. Mais dire cela ne suffit pas à expliquer comment détruire le pouvoir en place. On peut toujours, comme le font certains réformistes et même des radicaux appeler à un non-pouvoir, un contre-pouvoir ou un pouvoir parallèle !! Ce faisant, après avoir reconnu le pouvoir comme violent, ce type de stratégie conduit à se mettre à sa merci et a n’exister que tant que le pouvoir le veut bien. Autrement dit, le fait de réfuter toute forme de violence pour éviter de reproduire le pouvoir est une invitation à subir éternellement la violence de l’État.

Cette façon de tourner en rond provient d’une incapacité à concevoir la société autrement que telle qu’elle existe à ce jour. La question doit donc être posée autrement : Est-ce qu’une société viable, non impuissante, c’est-à-dire capable d’organiser les rapports inter-individuels, ne peut, pour fonctionner, que reproduire éternellement les mêmes rapports de domination ? C’est dans les capacités de l’humain à modifier radicalement les rapports que nous vivons actuellement, à penser d’autres formes de société, dans lesquelles le pouvoir appartienne à l’ensemble de la collectivité, et non à une classe, ne s’impose à personne en permettant à tous de s’impliquer que réside la réponse. Cette capacité collective, l’humanité la possède, comme de nombreux faits le prouvent, que ce soit l’existence fort ancienne de sociétés sans État ou les pratiques contemporaines des collectivités et assemblées (soviets, conseils, collectivités de 1936..). Les anarchistes doivent, à mon avis, tout mettre en œuvre pour faciliter, dans les moments de rupture historique qui se produiront, ce basculement, sous peine de voir se reconstituer, une fois de plus, l’État [7] Car c’est effectivement l’incapacité à produire ce basculement, à abolir les divisions sociales qui, laissant le champ libre à la réaction, est la cause de la reproduction du pouvoir ; et pas, comme on voudrait nous le faire croire, la violence révolutionnaire des masses.

O.

A lire sur le sujet : "La grande révolution" de Pierre Kropotkine ; "La société contre l’État" de Pierre Clastres.


--------------------------------------------------------------------------------
[1] "A propos de la lutte armée" Jipé,C.S., rédaction de Montpellier, n°196.

[2] De la chute des Girondins à celle de Robespierre

[3] "Unité pour un mouve-ment libertaire, brochure, J.M Ray-naud, 2002.

[4] Bernard Marie a des trous de mémoire : le temps des assassins a com-mencé bien avant. Avec l’Inquisition par exemple...

[5] "A propos de la lutte armée" Jipé,C.S., rédaction de Montpellier, n°196.

[6] "Qu’est-ce que le prolétariat ?", Cercle Berneri, A Contre Courant, N°67, Sept 95.

[7] Alexandre Berkmann écrivait à juste titre : "La tragédie des anar-chistes au milieu de la révolution, c’est qu’ils sont incapa-bles de trouver et leur place et leur activité "

Re: Violence ?

MessagePosté: Jeudi 30 Mar 2006 18:28
par lucien
Federica_M a écrit:Pour moi ce dont tu parles n'est pas la violence en soit mais son image ou sa représentation.
Tout à fait mais cette représentation peut bel et bien être utilisée par le pouvoir.
Toute description de la réalité par le pouvoir n'est-elle pas qu'une représentation de celle-ci ? :lol:
Cette conversation va nécessiter la création d'un sujet à part !
En tout cas, à Caen, on est loin de ce qu'il s'est passé à Paris, Rouen, Grenoble ("on veut des bisous")...

MessagePosté: Jeudi 30 Mar 2006 21:18
par goldfax
lucien a écrit:4° La violence fait le jeu du pouvoir, qui l'utilisera pour flinguer le mouvement de révolte (et le pouvoir sait parfaitement la provoquer)...


Justement, c'est pour cela que le pouvoir s'en sert ! :evil:

Et quant aux noms d'oiseaux, je ne vois pas pourquoi on ne les utiliserait pas ! On est anars ou du PCF ? Ils savent très bien que nous ne les portons pas dans notre coeur, n'est-ce pas ? :evil:

MessagePosté: Jeudi 30 Mar 2006 22:00
par Vroum
Une colère générale gagne le pays, à défaut de la grève générale esquivée par les directions syndicales. Une colère qui s’exprime chez les jeunes et chez nombre de salariés avec le sentiment, par procuration d’une délivrance. Tant de coups encaissés pour si peu de coups rendus, tant de défaites, et puis ce quotidien de plus en plus dur, de plus en plus insupportable. Et là, survient l’inespéré, une brèche, enfin la crise est ouverte. Ce sont les étudiants qui entrèrent d’abord dans la lutte, rapidement rejoints par les lycéens, notamment ceux des banlieues et des lycées professionnels, puis par des salariés à travers des journées d’actions. nous sommes donc dans une situation où l’on peut espérer un réveil général. Nous sommes aussi dans un de ces moments où la lutte révèle cette tendance spontanée à se radicaliser, à mettre en pratique l’autogestion, à discuter, se rencontrer et vivre ce que l’aliénation quotidienne réprime et interdit. Si nous somme conscient de ce « possible », le pouvoir l’est aussi ! Il use donc du bâton mais aussi de la manipulation.

La violence. C’est sur ce thème que le pouvoir va tenter de jeter le trouble et la division. Dans toute révolte surgit la violence. Celle-ci crée des divergences au sein du camp des lutteurs. Les partisans et adversaires de la violence s’affrontent et se divisent. Que révèle cette opposition si ce n’est l’expression naturelle et spontanée des individus ? Des jeunes ont découvert avec une certaine intensité la violence anti-policière. D’autres considèrent la violence comme une impasse et ressentent profondément celle-ci comme une pulsion étrangère qui leur est totalement étrangère. D’autres pensent tout simplement qu’ils ne peuvent assumer personnellement cette violence.

Notre intention n’est pas ici de disserter sur la violence. En revanche, il est indispensable, moralement et éthiquement, de rejeter le discours policier utilisé notamment dans certains médias. Au début des troubles, lorsque des manifestants jetèrent les toutes premières canettes et barrières métalliques sur des barrages policiers, le regard médiatique était presque sympathique envers les manifestants.

Le mouvement se radicalisa, s’installa dans la durée tout en se développant. Il y avait donc danger, et le discours changea. Toutes les cartouches de la division furent alors tirées : casseurs, jeunes des banlieues, étrangers au mouvement, anarchistes, gauchistes. Dans certains journaux télévisés et sur différentes chaînes, les mêmes images appelaient des commentaires différents. Ainsi des silhouettes au milieu des gaz lacrymogènes se voient qualifiées « casseurs » par certains journalistes et « manifestants » par un autre … Le message n’est pas du tout le même !

Il ne faut pas oublier l’emploi récurrent de cette formule magique qui explique tout, cette litanie utilisée par les journalistes par paresse, commodité ou servilité : « En marge des manifestations ». Ce langage policier, celui de la division n’a pas à sévir dans le camps de ceux et celles qui luttent. C’est peut-être ce que voulaient exprimer les milliers de lycéens et d’étudiants rennais défilant derrière une banderole « Nous sommes tous des casseurs ».

Rapidement les médias, notamment lors des JT, ont parlé des anarchistes ou plus exactement fait parler des jeunes des anarchistes, le genre premier de la classe qui défend son avenir et de surcroît fayot. Une jeune femme, représentante de la catégorie nommée ci-dessus, pleurnichait sur le manque de sérieux des anarchistes : « C’est la faute des anarchistes qui ont débordé… » Parfaitement, ce qu’il faut c’est déborder. Déborder la simple revendication anti-CPE pour étendre notre champs de réflexions et de revendications à tout ce qui nous aliène et nous opprime, à tout ce qui nous fait rêver et espérer. Oui, déborder les politiciens, leurs magouilles et leurs combines. Oui, faire déborder la vie dans le quotidien mortifère du capitalisme. Oui, déborder les syndicats et reprendre en main nos combats et nos outils de lutte. Un tsunami social, voilà ce qu’il nous faut. Voilà ce qui mobilise toute l’énergie des anarchistes.



voila ce qui sera diffé demain à la fac de Rouen

c'est un article d'un célèbre hebdomadaire qu'il n'est plus nécessaire de citer :D

MessagePosté: Jeudi 30 Mar 2006 23:05
par lucien
Vroum a écrit:
Oui, déborder les syndicats et reprendre en main nos combats et nos outils de lutte. Un tsunami social, voilà ce qu’il nous faut. Voilà ce qui mobilise toute l’énergie des anarchistes.
Tu quittes enfin ton syndicat ?

MessagePosté: Vendredi 31 Mar 2006 7:44
par Vroum
ce n'est pas à l'ordre du jour

d'ailleurs quand je dis "reprendre en main nos outils de luttes", cela n'exclut pas nos syndicats