On peut critiquer la sémantique du moindre article. les vôtres ne seraient pas exempts de reproches. L'essentiel est ailleurs. L'essentiel est élémentaire et Gilles Deleuze le rappelle fort à propos de façon bien liminaire parce qu'il paraissait alors acquis dans les milieux de l'intelligence qu'il doit y avoir un accord implicite pour qu'il y ait une discussion véritable. Il paraissait... C'était un autre temps... Nous n'en sommes plus là, à peu près nulle part, l'heure est à la grande oeuvre pathétique d'un petit peuple qui est figé dans le repli identitaire et dans l'intellectualisme inopérant à mesure que la grande oeuvre totalitaire se précise. De petits groupes se forment et s'étripent sur cette seule base du "non c'est moi que j'ai raison". On voit à quel gouffre ces suspectes acrobaties nous mènent: le militantisme est un désert.
Unabomber dont certains considèrent ici qu'il était un fasciste (un terme d'ailleurs qui devient obsession sémantique autrement plus dangereuse que "ploutocratie"), Unabomber a écrit une très belle fable. "La nef des fous"
Pour le reste je laisse la parole à Vérol, hier encore facheusement attaqué ici-même avec le même aveuglement qui vous fait aujourd'hui considérer les copains de la FA pour des ennemis et les patrons agriculteurs et marins pêcheurs pour vos alliés.... je rie doucement...
Aujourd'hui, nous avons les experts de tous poils, qui nous expliquent qu'untel sera victorieux sur bidule parce que les sondages ci et les chiffres ça. ça n'existait pas ça en 1981. On se demandait surtout pourquoi ce jeune était apparu à Nouzonville, avec sa dégaine étrange... C'était une sorte de punk mais avec des cheveux noirs noirs, du fond de teint et du rouge à lèvres pétant...
On l'appelait: "La tarlouze". J'avais des doutes sur cette dénomination balancée sans aucune forme d'analyse de la part des bourrins habituels du quartier...
Julien avait 14 ans, et se baladait avec ses fringues folles (gabardine: de l'espagnol gabardina signifiant justaucorps, croisement degabán , paletot, et tavardina, jaquette, j'adore la définition j'te la mets pour que tu rigoles devant ton café qui pue ou ton thé qui fouette)...
Il était apparu dans le quartier (Celui d'en haut juste sous l'Maroc tu connais pas? Lis les épisodes précédents) avec ses parents, deux personnes obèses qu'on appelait "les gros porcs drogués" parce qu'ils donnaient toujours l'impression de vaciller d'un côté ou de l'autre lorsqu'ils se déplaçaient péniblement dans la rue. Ils avaient la cinquantaine, si bien que Julien n'était qu'un gosse de vieux (gros contraste avec le reste de la population enfantine qui bénéficiait de parents crétins, rustres, ouvriers sans qualif. mais jeunes)... On ne savait pas ce qu'ils faisaient dans la vie. Leur source de revenus était un mystère.
Moi Julien, il me plaisait. Il avait un style comme j'aimais. Le genre que personne n'aime, qui fait chier le beauf, et emmerde un peu le gaucho de classe moyenne quand même... Il tortillait un peu du cul, et ça me donnait des envies... Avec Hutchinson, on parlait souvent de lui dans "l'arbre à clopes". On pompait sur nos Peter Stuyvesant âcres au creux de la gorge... Du haut de nos neuf ans, nous pensions que ce mec était venu de l'espace. Il avait un regard étrange, en fait des yeux vitreux, pisseux même, rouges-rosés par des veines éclatées...
C'était tellement puissant de voir un mec avec les lèvres rouges comme celles des femmes, qu'on s'était mis, de temps à autre, à se caresser légèrement la pine en mordillant des tiges d'herbe (vas savoir pourquoi... C'est aussi con qu'une pub sur une berline de luxe non?). Hutchinson, sitôt ses esprits recouvrés, se mettait à cracher partout autour de lui: "Bahhh putain la pédale c'mec, la grosse pédé! ça m'dégoûte j'dirai à mon père d'le tuer c'pédé."
Pour moi, finalement, un pédé, c'était une femme accessible... Il suffirait d'être pote avec comme avec tous les autres potes, et comme il était pédé, ben on pourrait jouer ensemble, etc.
C'est ainsi, qu'un mercredi après-midi où les potes étaient allés jouer à Pac Man chez Nono l'robot, j'étais sorti, et avais croisé l'objet d'interrogations entre le quartier d'en-haut et le quartier d'en-bas...
Ce qui m'étonna de prime abord, c'est que le Robert Smith de l'époque (je ne connaissais évidemment pas le leader du groupe de neuneus qui deviendra mythique, pour ces mêmes neuneus, quelques années plus tard) était agressif. Très agressif. Malgré le rouge féminin de ses lèvres, sa voix était grave et sèche: "Quoi tu m'veux quoi toi?" avec le lourd accent des Ardennes... Je ne lui voulais rien. Enfin, j'avais envie de devenir son pote, et une fois de temps à temps, qu'il joue ma fiancée, histoire de vivre l'amour tout en n'ayant pas à lutter contre la timidité monstrueuse qui me paralysait devant les filles.
"T'es un pédé toi?
- ça va pas ou quoi?
- Ben pourquoi tu mets du maquillage de femme?
- Parce que j'suis un punk p'tit con t'y comprends rien.
- C'est quoi un punk.
- C'est un mec qu'emmerde la société..."
Sublime. Etrange. Je n'avais jamais entendu parler d'un truc pareil, un truc aussi con et génial... Emmerder la société? Pas un seul des ouvriers du quartier, qu'il fusse au chomedu ou pas, n'avait en tête de penser une chose pareil... Il me paraissait évident que ce mec était un gros malade. Un pédé quand même. Un malade assurément. Mais aussi l'objet de tous mes désirs les jours suivants.
Je me fis des caresses légères les nuits qui suivirent en pensant à sa bouche et à ses lèvres articulant nerveusement: "Un mec qui emmerde la société"...
A suivre... (Ouais j'ai des factures à payer, un appart. HLM à chauffer pour l'hiver... Ecrivain qui disaient, fais écrivain qui disaient...)
Robert de Niro n'est plus un héros... (Toujours en cours d'écriture)
Andy Vérol
http://andy-verol.blogg.org/