L'Etat veut-il tuer Internet en France ?

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L'Etat veut-il tuer Internet en France ?

Messagepar Dan » Mardi 24 Avr 2007 20:51

L'Etat veut-il tuer Internet en France ?
par Philippe Jannet
lisible ici :arrow: http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 116,0.html

Discrètement, en marge de la campagne, le gouvernement prépare un décret qui, s'il était appliqué, tuerait l'Internet "made in France". En effet, sous prétexte de surveiller au plus près les internautes, un décret d'application de la loi sur la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004, exige que les éditeurs de sites, les hébergeurs, les opérateurs de téléphonie fixe et mobile et les fournisseurs d'accès à Internet, conservent toutes les traces des internautes et des abonnés au mobile, pour les délivrer à la police judiciaire ou à l'Etat, sur simple demande.



Au-delà du coût incroyable que cette conservation représenterait, cette mesure ne pourrait que déclencher une défiance immédiate des Français à l'égard de leur téléphone mobile ou fixe, comme à l'égard des acteurs français d'Internet, assassinant instantanément l'économie numérique française, pourtant décrite comme stratégique par nos chers candidats.

Le décret en préparation exprime le fantasme "Big Brother" : tout savoir sur tout et tous, même l'impossible. Selon ce texte, les opérateurs téléphoniques, les fournisseurs d'accès à Internet, les hébergeurs et les responsables de services en ligne (sites Web, blogs, etc.), devraient conserver pendant un an à leurs frais toutes les coordonnées et traces invisibles que laissent les utilisateurs lors d'un abonnement téléphonique ou à Internet, lors de leurs déplacements avec un téléphone allumé, lors de chaque appel ou de chaque connexion à Internet, de chaque diffusion ou consultation sur le Web d'un article, d'une photo, d'une vidéo, ou lors de chaque contribution à un blog.

En substance, devraient être conservés les mots de passe, "pseudos", codes d'accès confidentiels et autres identifiants, numéros de carte bancaire, détails de paiement, numéros de téléphone, adresses e-mail, adresses postales, le numéro de l'ordinateur ou du téléphone utilisé, le moyen d'accès à un réseau, les date et heure d'appel, de connexion et de chacune de leurs consultations ou contributions sur un site Internet.

A tant vouloir être exhaustif, le texte imposerait d'identifier quiconque, en France, aura mis en ligne, modifié ou supprimé une virgule dans son blog, un "chat", ou sur le Web. Techniquement, on peut, certes, tenter de savoir qui s'est connecté à un site et constater sur Internet ce qu'il diffuse à un instant donné.

Mais en cherchant à conserver la trace de la publication d'un contenu qui aura, par la suite, été retiré, le texte impose de facto de mémoriser systématiquement tout ce qui est mis en ligne, modifié et supprimé sur "l'Internet français". De l'avis unanime des spécialistes, c'est économiquement et techniquement impossible. Même les Etats-Unis de George W. Bush et leur "Patriot Act" post-11-Septembre n'ont jamais envisagé pareille conservation ou réglementation, qui soulèverait sans doute l'opinion publique américaine d'aujourd'hui, mais s'opère sans bruit en France.

Le coût, aussi bien pénal qu'économique, d'un tel dispositif serait colossal pour la France. En cas de résistance, ou juste de passivité, la sanction encourue est lourde : les fournisseurs d'accès à Internet ou les sites Internet français qui ne conserveraient pas toutes ces données seront passibles de 375 000 euros d'amende et leurs dirigeants, d'un an d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, sans compter la fermeture de l'entreprise, l'interdiction d'exercer une activité commerciale, etc.

Lors d'une réunion organisée en catimini le 8 mars 2007 par les ministères de l'intérieur et des finances - le ministère de la justice jouait, une nouvelle fois, les absents -, certains professionnels ont fait valoir, notamment, que cette conservation leur coûterait très cher en stockage informatique et en moyens humains. De plusieurs dizaines de milliers à plusieurs millions d'euros par an de perte nette.

Pourtant, la plupart des sites Web, les Web radios, les blogs, la vidéo à la demande ou mobile, sont encore en quête d'un modèle économique pérenne. Déjà insécurisée par la complexité des enjeux de propriété intellectuelle, l'économie numérique de demain - celle du contenu et pas seulement de l'accès - serait encore fragilisée par une telle surenchère réglementaire franco-française.

En imposant aux entreprises françaises d'être des auxiliaires de justice ou des "indics", l'Etat fragilise tout un pan de l'économie de demain et de la démocratie d'aujourd'hui, en favorisant qui plus est, la domination déjà outrancière des grands acteurs internationaux de l'Internet, qui ne seront pas impactés à l'étranger. Jusqu'alors, seuls les fournisseurs français d'accès à l'Internet et hébergeurs étaient soumis à cette exigence et l'Etat, qui avait promis des compensations financières aux coûts induits par une surveillance des moindres faits et gestes de leurs clients, met tant de mauvaise grâce à s'acquitter des indemnités dues que certains d'entre eux ont renoncé à en réclamer le règlement, préférant envisager la délocalisation pure et simple de leurs activités...

Ces menaces proférées par quelques poids lourds de l'Internet en France font sourire Bercy, qui semble n'avoir pas encore compris qu'Internet est un réseau mondial dont de nombreux prestataires peuvent s'établir et payer leurs impôts presque où bon leur semble.

Il reste que la confusion des genres est totale. Toutes les données conservées seraient accessibles à la police administrative (RG, DST, etc.) comme à la police judiciaire, pendant un an. Les réquisitions administratives pour la "prévention du terrorisme" seraient également conservées un an dans des fichiers tenus par les ministères de l'intérieur et de la défense. Les réponses à ces mêmes réquisitions - nos traces, donc - seraient, pour leur part, conservées pendant trois ans supplémentaires et communicables à la police judiciaire.

Ainsi, des données récoltées sur la base de requêtes administratives initialement motivées par la prévention du terrorisme pourraient se retrouver dans le dossier d'un juge d'instruction en charge d'une affaire de droit à l'image, de diffamation ou de contrefaçon, par exemple, sans que les personnes mises en cause par des traces informatiques vieilles de 4 ans, puissent connaître - ni contester - l'origine ou la pertinence de ces données, ni le contexte dans lequel elles avaient été recueillies, en dehors de toute procédure judiciaire, sans magistrat ni contradictoire, quatre ans auparavant.
Dan
 

L'Etat veut-il tuer Internet en France ?

Messagepar clown » Mercredi 25 Avr 2007 0:54

si on m'avait dit que je trouverai un article du "monde" intéressant....

Après le vigipirate, la LSQ, la "prévention de la délinquance", une autre perle de derrière les fagots, la liberté est en train de fondre littéralement et les gens vont aux urnes comme pour fêter ça.

BORDEL !
clown
 
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Messagepar Dan » Mercredi 25 Avr 2007 2:25

il y a en fait deux pages à cet article
la deuxieme est ici :arrow: http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 5-1,0.html

ce truc est rééllement flippant, l'Etat est en train de transformer tout les relais entre les personnes en indics

putain de monde de poucaves!
Dan
 

Messagepar tomatok » Mercredi 25 Avr 2007 10:51

j'ai lu ça, j'ai entendu un petit reportage de france info ce matin sur le sujet... et j'ai toujours pas tout compris

1) ils parlent des "les hébergeurs et les responsables de services en ligne (sites Web, blogs, etc.)"
:arrow: dans la mesure où les fournisseurs d'accès à internet fichent DEJA chacune de nos connections, je ne vois pas ce que le décret apporte ? je ne le comprends absolument pas...

2) justement sur ce qui existe déjà, les fournisseurs conservent les traces de nos connections pour les fournir à un juge si celui-ci le demande (dixit france info tout à l'heure). est-ce bien cela ? pour le nouveau décret, il est question de conserver les données de 1 à 4 ans. qu'en est-il à l'heure actuelle ? nos fournisseurs d'accès doivent-ils conserver les traces de connection indéfiniement ou doivent-ils détruire ces documents au bout d'un certain délais ?

si quelqu'un peut m'expliquer...
tomatok
 
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Messagepar Léa » Dimanche 13 Mai 2007 19:13

L'astuce réside dans la différentiation d'un fournisseur d'accès internet (FAI) et l'hébergeur d'un site, blog, forum, etc.. (publication).

Les FAI ramassent le pactole financier des connections internet en offrant un accès "libre" à internet (bande passante) moyennant argent (abonnements+quelques services). Les FAI ne sont pas responsables de ce qui transite sur la bande passante car il ne veulent pas en avoir le contrôle dans une certaine limite.
Les hébergeurs "assurent" le réseau internet en hébergeant des sites, blogs ou autres. Mais les hébergeurs sont juridiquement responsables de ce qui est publié sur les sites ainsi hébergés (au même titre qu'un éditeur dans la presse).
Dans ce sens, restera qu'à mettre la pression sur un éditeur (hébergeur de publications virtuelles publiquement accessible) indépendant et/ou associatif, pour soit qu'il ferme le site/blog, soit qu'il dénonce l'auteur/les auteurs afin de rejeter les responsabilités juridiques sur l'auteur d'un texte (les 2 à la fois sont aussi possible).

En gros et pour caricaturer, c'est la même problématique dans le monde du livre et de la presse entre un auteur (d'un livre par exemple) qui signe avec un éditeur, lequel va faire imprimer le livre grâce à un imprimeur sous contrat. Le contrat de l'imprimeur est d'imprimer X nombre de livres selon les termes du contrat fixés entre l'imprimerie et la maison d'édition. Mais la responsabilité de l'imprimeur n'est pas de valider le contenu du livre, puisque cela est du ressort contractuel entre l'éditeur (avocat) et l'auteur lui-même. Idem pour la distribution qui est sous contrat de distribuer le livre de tel maison d'édition sans être pour autant responsable du contenu du livre, puisque ni le distributeur, ni l'imprimeur ne détiennent les droits d'auteur, ni l'un ni l'autre ne peuvent donc être tenu pour responsable (d'une certaine manière) pour le choix du support médiatique de l'éditeur.
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Messagepar tomatok » Dimanche 13 Mai 2007 20:21

salut Léa le retour ! :wink:
merci pour les précisions mais ça ne répond pas à ma question : puisque les fournisseurs d'accès disposent déjà des adresses visitées par chacun de leur client, qu'est-ce que le fait que les hébergeurs soient contraints de le faire également va-t-il changer concrètement ? c'est ça que je ne comprends pas...
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Messagepar Léa » Mardi 15 Mai 2007 2:50

2 sécurités valent mieux qu'une :twisted: ...
Essayent d'envisager que le FAI est uniquement responsable du flux et des connections (le contenant) alors que l'herbergeur est partiellement responsable de ce qui fait le flux (le contenu). L'auteur serait alors l'unique responsable de la production de ce contenu.

Voici deux liens qui j'espère t'éclaireront :
:arrow: http://fr.wikipedia.org/wiki/Gouvernance_d%27internet (La Gouvernance d'internet)
:arrow: http://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:Droit_de_l%27Internet - Pages dans la catégorie « Droit de l'Internet »
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Messagepar tomatok » Mardi 15 Mai 2007 19:58

ok merci, j'regarderai tes liens après manger !
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