Logiciels libres - Il n'a de libre que le nom

Site de la CNT-AIT Caen et forum Rouge & Noir, Internet, p2p, logiciels libres...

Logiciels libres - Il n'a de libre que le nom

Messagepar Léa » Mercredi 05 Juil 2006 10:35

Jean-Dominique Giuliani affiche clairement sa mauvaise foi dans Libération.

Le mythe libertaire du logiciel à code ouvert est un dangereux contresens pour l'industrie.

Il n'a de libre que le nom

La mairie de Paris accueillait, le 26 juin, la manifestation «Paris Capitale du Libre». Ainsi le mythe libertaire des logiciels à code ouvert, improprement appelés «libres», vise-t-il désormais, au-delà des milieux experts, à gagner le coeur du grand public. Enfourchant la thématique à la mode de la gratuité communautaire, il lance un message à tous : l'informatique ne doit pas s'insérer dans l'économie, c'est une liberté de plus et rien d'autre. Ce discours est un mauvais coup porté à l'accès du plus grand nombre à l'informatique, un contresens dangereux pour l'industrie européenne et française du logiciel, une véritable incitation aux délocalisations des services informatiques hors d'Europe.

L'ouverture des codes informatiques peut être utile à la recherche, et le travail communautaire peut parfois contribuer à certains progrès technologiques ; mais peut-on durablement faire abstraction des enjeux économiques et notamment se mettre en marge du droit de la propriété intellectuelle ? Y a-t-il vraiment un avenir pour une «alterinformatique libertaire» où le travail de création serait gratuit ? La liberté se réduit-elle à la gratuité ?

Le principe de la propriété intellectuelle est l'un des fondements de nos démocraties et de nos économies, qui doit être garanti et protégé. La charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen le rappellent solennellement. Remettre en cause ce principe est suicidaire dans un contexte de compétition mondiale accrue.

Or les propos de R. Stallman, le pape autoproclamé du logiciel libre, sont à ce titre édifiants : «Le logiciel propriétaire est immoral et ne doit pas exister...» A la question : «Comment les entreprises développant des logiciels libres peuvent-elles vivre de leurs programmes ?» Il a même commis la déclaration historique suivante : «Cette question ne m'intéresse pas, moi je suis contre la société de marché...»

Si l'Europe et la France veulent disposer d'une industrie du logiciel, qui génère les revenus et les emplois de demain, il faut, au contraire, en conforter les bases et permettre le développement de capacités de production de ces nouvelles «oeuvres de l'esprit». Un programmeur qui invente des solutions a le droit d'être rémunéré en conséquence par la commercialisation de son invention. Il n'est pas obligé de les partager. Il faut donc protéger d'urgence les oeuvres de l'esprit que sont les logiciels, en France et en Europe.

La réalité commerciale de l'industrie du «logiciel à code ouvert» est simple : au lieu de dépenses d'équipement en logiciels prévisibles, permettant l'amortissement maîtrisé d'investissements importants, elle reporte la dépense sur les services nécessaires au «bidouillage» des logiciels «ouverts». L'expérience prouve que ces dépenses donnent lieu à de multiples rallonges, puisque le fruit de ce travail n'est pas «stabilisé», et ne s'insère pas dans une relation économique normale qui en garantit la sécurité juridique et opérationnelle. C'est ainsi que le ministère des Finances français vient de signer avec fierté le plus gros contrat au monde de maintenance informatique sur logiciels ouverts, pour un montant de 39 millions d'euros. Ce qui fait de ces «logiciels gratuits» les logiciels les plus chers de l'histoire ! Transmettons au Parlement et à la Cour des comptes qui apprécieront, sur la durée, la pertinence de l'expérience.

Le logiciel «libre» n'est donc pas vraiment libre. Poussé par les multinationales du service informatique, grandes consommatrices de crédits de maintenance et de développement, «l'open source» vise maintenant les administrations publiques, vaches à lait bien commodes dans un secteur où la concurrence est rude. Il serait naïf que les administrations pensent qu'elles acquièrent une indépendance à l'égard des éditeurs de logiciels alors qu'elles sont bien plus dépendantes des sociétés de services.

D'une dépendance à l'autre, chacun choisira. Mais préférer la solution qui obère le développement d'une véritable industrie européenne du logiciel est fort peu judicieux. Privilégier le service sur la création, c'est comme choisir de construire des stations services et ignorer l'industrie automobile. Préférer les services, c'est aussi favoriser les délocalisations.

L'activité de création des logiciels est fondée sur la recherche et peut donc être davantage «fixée» sur un territoire. L'activité des services informatiques peut être réalisée n'importe où, spécialement là où la main-d'oeuvre est moins coûteuse. IBM, par exemple, annonçait en juillet 2005, l'embauche de 14 000 personnes en Inde en même temps que ses plans sociaux européens. Mais elle n'a aucun projet semblable du côté de l'édition logicielle car «déplacer des usines de conception d'un logiciel est très difficile».

Par ailleurs, la sécurité informatique est devenue un enjeu considérable dans nos sociétés. Nous avons besoin de produits bien définis, connus, garantis, qui engagent la responsabilité d'acteurs économiques stables. Nous devons aux citoyens la sécurité des échanges sur l'Internet. Cela exige des procédés de plus en plus sophistiqués, qui coûtent très chers, et ne peuvent être financés que par de vrais éditeurs qui savent ensuite les commercialiser au profit du plus grand nombre.

Le véritable défi à relever, c'est celui de la diffusion la plus large possible de l'informatique dans notre économie pour en accroître la compétitivité et les performances. En particulier, dans les petites et moyennes entreprises. Dans ces conditions, promouvoir le logiciel qui n'a de libre que le nom est une mauvaise action économique. Nul travail intellectuel n'est gratuit et tout travail mérite salaire. Ne nous laissons pas entraîner par la mode ultralibertaire dans des domaines aussi stratégiques que l'industrie du logiciel.

Ce serait sacrifier l'économie du savoir au motif d'une prétendue liberté qui prend le risque de la mort de nos industries du futur. Derrière les illusions, la réalité serait beaucoup moins belle.
Dernier ouvrage paru : l'Elargissement de l'Europe, PUF 2005.


Par Jean-Dominique Giuliani président de la fondation Robert-Schuman, membre du Conseil consultatif de l'Internet.
Article paru dans libé en ligne Mercredi 5 juillet 2006 - 06:00
:arrow: Libé rebonds > Il n'a de libre que le nom

Les réactions n'ont pas tardé suite à cette article en ligne. Je pense que les réactions de la "communauté" (ouverte) du logiciel libre ne vont pas tarder non plus, y compris la réaction du Parti Pirate...
Elu par cette crapule
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar lucien » Mardi 17 Oct 2006 21:00

Léa : pourrais-tu nous mettre cette contribution dans le sujet Logiciels libres (je supprimerai ton sujet ensuite) ?
Ca permettra de relancer la discussion sur la question.
Merci !
Avatar de l’utilisateur
lucien
 
Messages: 3012
Inscription: Dimanche 31 Oct 2004 15:32
Localisation: Caen

Messagepar Léa » Mercredi 18 Oct 2006 8:53

Je voudrais bien mais en ce moment j'ai des gros problèmes avec mon PC qui me lâche progressivement : un problème avec les bases de registre window$ :oops: :oops: (et je suis un peu paumé !). J'arrive un peu à me connecter sur le net, mais je dois tout restaurer :cry: ça m'apprendra à jouer les apprentis-sorciers avec window$, j'ai fais trop le malin en installant trop de trucs + ou - inutiles, des expériences foireuses, des mauvaises manips, des désinstallation loupé, etc... enfin pas de virus c'et purement ma faute, puis mon PC prend de l'âge :roll: pourtant ça ne vieilli pas une macine :lol: Je te laisse le soin de faire le copier/coller pour moi et de suprimer l'article doublon de trop et d'effecer ce post informatif.

Ah au fait, concernant les quotes en rouge : tu peux pas les mettre en bleu/bleu foncé à la place et faire en sorte que les liens soient en rouge dans le texte. c'est un avis perso car lire du rouge sur du blanc ça "flash" un peu trop pour mes petits yeux.

nb - il va me falloir au moins une semaine pour récupérer mon PC, car en plus chaque dossier déplacer génère un problème de redondance cyclique sur le second HDD qui du coup se déformate en même temps : ça vous donne un apperçu dans la galère (virtuel) dans laquelle je me trouve :cry:
Elu par cette crapule
Avatar de l’utilisateur
Léa
 
Messages: 2363
Inscription: Samedi 19 Fév 2005 21:16
Localisation: Pas très Loin. Derrière toi !

Messagepar Invité » Mercredi 22 Nov 2006 16:44

Le mythe libertaire du logiciel à code ouvert est un dangereux contresens pour l'industrie.

Il n'a de libre que le nom

La mairie de Paris accueillait, le 26 juin, la manifestation «Paris Capitale du Libre». Ainsi le mythe libertaire des logiciels à code ouvert, improprement appelés «libres», vise-t-il désormais, au-delà des milieux experts, à gagner le coeur du grand public.


en même temps,
si le texte titre que les "logiciels libres sont un contresens" pour l'industrie
ce qui est indéniable ... surtout si ils ce veulent un "mythe libertaire" :wink:

pourquoi s'etonner que les industialistes démolissent leur image :?:

justine
Invité
 

Re: Logiciels libres - Il n'a de libre que le nom

Messagepar apar » Dimanche 30 Oct 2011 14:35

Les Propos de stallman sur les logiciels libres.

L'informaticien et activiste Richard Stallman est le père du logiciel libre. Ses combats : le respect de la vie privée et les libertés informatiques. Entretien.


L'utilisation des données personnelles de ses abonnés par Facebook, le long combat contre la loi Hadopi, le rôle des réseaux sociaux lors de révolutions arabes... Les batailles pour les libertés numériques et le respect de la vie privée sur Internet ont marqué l'actualité cette année.

Ce combat, l'informaticien et activiste Richard Stallman l'a commencé il y a trente ans, en inventant les logiciels libres : libres d'être copiés, examinés, distribués et modifiés.

A 58 ans, l'Américain incarne le visage alternatif, libertaire et anarchiste de l'informatique. Electron libre et trublion insaisissable, vu comme un messie par certains, comme un doux illuminé par d'autres, il est en tout cas une des voix les plus écoutées dans le monde de l'informatique.

Que pensez-vous de la loi Hadopi ?

La loi Hadopi relève de la guerre contre le partage. Les éditeurs veulent imposer leur système : le partage direct entre les gens est l'ennemi de leur pouvoir. Ils sont disposés à éliminer tous les obstacles, même les principes fondamentaux de la justice, comme par exemple le principe « aucune punition sans vrai procès ».

Ils ont modifié l'Hadopi pour introduire un faux procès, qui ne peut rien faire sauf vérifier qu'il y a une accusation. C'est une mesure injuste.

S'il fallait donner un conseil au (futur) président de la République en matière de libertés numériques ?

Il faut voter pour un candidat qui s'est déclaré en faveur de la suppression d'Hadopi et de la Dadvsi. Ils ont choisi un nom imprononçable en espérant qu'on l'oublie, mais c'est une autre mesure injuste dans la guerre contre le partage, qui a pénalisé la seule possession des programmes libres capables de rompre les menottes numériques.

Dans les autres pays, ils ont interdit la distribution ou parfois seulement la distribution commerciale de ces programmes, mais seule la France punit de prison la seule possession de ce programme.

Quelles menaces fait peser Facebook sur la liberté des utilisateurs ?

On peut faire le contraste entre Facebook et les logiciels libres. Avec les logiciels, il y a deux possibilités :

* soit les utilisateurs ont le contrôle du programme,
* soit le programme a le contrôle des utilisateurs. Et quelqu'un a le contrôle de ce programme : son développeur, son propriétaire... lequel a donc du pouvoir sur ses utilisateurs.

Les utilisateurs méritent toujours d'avoir le contrôle du programme qu'ils utilisent, individuellement et collectivement.

Quelles sont les conséquences pratiques de cette perte de liberté ?

Le logiciel « privateur » [généralement, les logiciels édités par des entreprises. Ils sont aussi appelés logiciels propriétaires, ndlr] impose un système de colonisation numérique.

Ccomme n'importe quel système colonial, il pratique la stratégie du « diviser et dominer ». On peut voir la division des utilisateurs dans l'interdiction de redistribuer des copies du programme, et on peut voir la domination dans l'impuissance des utilisateurs, qui ne peuvent pas changer le programme parce qu'ils n'ont pas accès au code source [l'ensemble des instructions rédigées en langage informatique qui font fonctionner le logiciel].

Les programmes privateurs cachent souvent des fonctionnalités malveillantes. Windows a des fonctionnalités de surveillance, mais c'est aussi le cas de Flash Player, l'iPhone, le Kindle d'Amazon...

Il y a aussi des portes dérobées [fonctionnalités cachées dans un programme, ndlr] : Windows en a une, par laquelle Microsoft a le pouvoir d'imposer des changements de logiciel. Microsoft est tout puissant sur les machines dans lesquelles Windows tourne.

Concrètement, ça peut faire quoi ?

Regarder, supprimer ou altérer n'importe quoi. Sans pouvoir voir le code source, on ne sait pas de quoi est capable cette porte dérobée, on ne sait pas si elle est universelle.

Dans un logiciel libre, on peut aller voir s'il y a des fonctionnalités cachées, et les corriger. Même en connaissant une fonctionnalité malveillante dans un logiciel privateur, les utilisateurs restent impuissants.

Dans le logiciel libre, la communauté est capable de se protéger. Pas parfaitement, mais au moins, avoir le contrôle des programmes qu'ils utilisent est une forme de défense.

Facebook, c'est différent : Facebook n'est pas un logiciel, c'est un service. Tu ne peux pas avoir de copie de Facebook dans ton ordinateur. Tu ne peux pas avoir l'espoir d'avoir le contrôle : deux utilisateurs de Facebook ne peuvent pas avoir le contrôle de ce que fait Facebook en même temps. Les questions éthiques sont différentes.

Quels sont les dangers d'un service comme Facebook ?

Il y a deux abus qui peuvent être commis par ce service :

* pour l'utiliser, il faut envoyer des données personnelles : le service peut abuser de ses données ;
* le service peut aussi faire de la surveillance pour recueillir des données qu'on ne donne pas volontairement. C'est le même résultat que l'utilisation d'un logiciel privateur, mais par un autre chemin.

Le seul remède que je connaisse, c'est de ne pas utiliser ces services, de ne pas communiquer ses données.

Un réseau social éthique serait un réseau qui avertirait régulièrement ses utilisateurs de ne pas y mettre les données qu'ils ne voudraient pas voir devenir publiques.

Richard Stallman à Saint\-Etienne, en novembre 2008 (NicoBZH/Flickr/CC)

Pour l'utilisateur normal, c'est compliqué de changer de programme ou de le modifier !

Il y a beaucoup de personnes âgées qui ont déjà migré. Ce n'est pas si difficile, il ne faut pas exagérer la difficulté.

Les gens qui ne veulent pas changer exagèrent la difficulté pour avoir une excuse. Utiliser les logiciels libres n'exige pas l'étude du code source.

Si tu as envie, tu peux le faire, c'est ça la liberté, mais il ne s'agit pas d'un devoir ni d'une obligation que d'étudier le code source. On a aussi l'option d'utiliser le programme tel quel.

La bataille du logiciel libre oppose les entreprises et la liberté du peuple. Ça me rappelle un peu le mouvement des Indignés, notamment ceux d'Occupy Wall Street.

Notre lutte fait partie d'une lutte plus large qui est la lutte contre l'empire des entreprises. Le pouvoir injuste des entreprises est apparu dans les années 60 et 70 dans l'informatique. Mais à ce moment-là, les informaticiens étaient très peu nombreux, la question ne se posait pas encore.

Aujourd'hui, presque tout le monde utilise l'informatique et les logiciels privateurs. Si le logiciel n'est pas libre, ce sont les entreprises qui ont le contrôle et qui abusent de leur pouvoir.

La lutte que j'ai commencée en 1983 est un aspect de la grande lutte contre l'empire des entreprises. J'ai lancé cette lutte dans le domaine de l'informatique, d'autres l'ont lancée dans d'autres domaines.

D'un côté, Internet et l'informatique sont des outils de liberté d'expression et de création formidables, mais de plus en plus de choses nous fichent, nous privent de nos libertés. Dans quelle direction allons-nous aujourd'hui ?

Je crois que la direction générale est négative. Il y a vingt ans, elle était positive. La volonté des Etats a changé. Il y a quinze ans, la Chine a imposé la censure à Internet.

Et nous pensions évidemment que ce n'était pas une surprise qu'une dictature impose la censure, mais que les pays libres ne le feront jamais. Mais maintenant, des pays comme la France, l'Angleterre ou les Etats-Unis ont imposé de la censure ou sont en train de le faire.

Aujourd'hui, la France est un pays libre, « électroniquement » parlant ?

Avec la Dadvsi et l'Hadopi, la France n'est pas un pays libre. Dans un congrès, un représentant international des éditeurs de disque a déclaré qu'il trouvait la pédopornographie idéale comme moyen d'imposer la censure d'Internet.

Il faut résister à cette chasse aux sorcières. La censure est une injustice contre les droits de l'homme.





un peu illusoire son "appel au vote pour un candidat qui serait contre les lois de censure"... mais le reste de son analyse peut avoir du sens.
"tout ce qui provoque la haine contre l'oppression et suscite l'amour entre les hommes, nous approche de notre but" Malatesta.
Avatar de l’utilisateur
apar
 
Messages: 242
Inscription: Mercredi 08 Juil 2009 6:34


Retourner vers Rayon informatique

cron