Premier manuel scolaire libre - Interview Sésamath

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Premier manuel scolaire libre - Interview Sésamath

Messagepar Léa » Mardi 14 Mar 2006 15:58

Sortie du premier manuel scolaire libre - Interview Sésamath

Les logiciels libres ont ouvert la voie et dans leur sillage on ne compte plus les initiatives qui s’en inspirent.

Voici que Sésamath, association de professeurs de mathématiques, nous propose pour la rentrée prochaine rien moins qu’un manuel scolaire libre pour la classe de Cinquième !

Réalisé avec OpenOffice.org et placé sous licence libre (la GNU-FDL), il est le fruit d’un travail bénévole et collaboratif de plusieurs dizaines d’enseignants.

Vous le trouverez très bientôt non seulement en ligne dans son intégralité et accompagné d’un site du maître offrant de nombreux compléments (animations, fichiers de géométrie dynamique ou tableur...) mais également sous la forme d’un vrai livre en partenariat avec l’éditeur Génération5 (mai 2006 - env. 10 €, soit quasi moitié moins que la concurrence). C’est cette dernière version qui sera proposée à la commande aux élèves des collèges de France et de Navarre et nous espérons qu’ils seront nombreux à l’adopter.

Framasoft, créé par un professeur de... maths, se devait de saluer l’événement comme il se doit en vous donnant de plus amples informations sous la forme d’un entretien avec Noël Debarle l’un des animateurs du projet.


Framasoft : Pouvez-vous nous présenter brievement le projet ainsi que l’association Sésamath et son action ?

Noël Debarle : Sésamath [1] est une association de professeurs de mathématiques dont le but est de diffuser et d’encourager la production de ressources pédagogiques gratuites sur Internet pour l’enseignement des mathématiques.
À ce jour, près de 17.000 personnes se sont déclarées utilisatrices de ressources de Sésamath et plus d’une centaine d’enseignants prennent une part active dans son action.
Le Manuel Sésamath 5ème [2] est, comme son nom l’indique, un manuel scolaire. Il répond aux directives du Ministère de l’Education Nationale le définissant. Sa principale originalité réside dans le fait que, tout en étant édité pour la rentrée prochaine (à un prix modique), il est et restera disponible sur Internet, sous licence GNU-FDL [3].

Pourquoi ce choix de la licence libre ?

Tout d’abord parce qu’elle correspond parfaitement à l’esprit véhiculé par l’association. Si le but est de partager les ressources, pourquoi interdire à l’utilisateur de les modifier ou de les partager à son tour ?
Par ailleurs, le recours à cette licence s’est imposé dès la constitution de l’équipe de rédacteurs des "cahiers Mathenpoche 6ème" [4], premier ouvrage libre de Sésamath. En effet, c’est suite à un appel auprès des utilisateurs de Mathenpoche [5] que des collègues ont répondu présents et se sont mis au travail.
La licence libre permet un travail collaboratif très efficace et serein.
De plus la philosophie générale du libre, en autorisant et légitimant le partage de connaissances, nous semble intrinsèquement liées aux valeurs fondatrices de toute action éducative.

En quoi le processus d’élaboration d’un logiciel libre a-t-il servi de modèle ?

Le logiciel Mathenpoche n’a pas seulement servi de modèle pour le Manuel Sésamath. Il a joué un rôle fédérateur sans lequel le projet n’aurait jamais vu le jour. Ce sont les utilisateurs de Mathenpoche et des autres ressources de Sésamath qui forment l’équipe de rédaction.
Les fonctionnements des deux projets sont en effet très proches : une liste de diffusion qui réunit l’équipe, un système qui permet la mise en ligne progressive des travaux et donc la relecture, un système de validation...

Quels sont d’après vous les points communs mais également les différences qu’il peut y avoir entre un logiciel libre et un "manuel libre" ?

Dans les deux cas, ce sont des données numériques. On peut donc faire fonctionner les mêmes modèles de développement.
Dans notre problématique de profs de maths, il y a tout de même une différence fondamentale. Développer un logiciel demande de grandes compétences techniques qui sortent de notre domaine professionnel. Alors que l’élaboration d’un manuel en est beaucoup plus proche. La grande majorité des professeurs de mathématiques utilisent à l’heure actuelle un traitement de textes. Cela nous permet donc de recruter des bonnes volontés à grande échelle. Chaque collègue peut nous rejoindre, avec une formation au départ assez faible.
En ce qui concerne les supports, il y a également une différence de taille. Un logiciel a la même qualité si on le télécharge sur Internet, ou si on l’achète sur CD. Dans le cas des documents écrits et d’une utilisation régulière, il est intéressant pour l’enseignant de se procurer la version reliée du commerce. Le confort d’utilisation est plus important, et le coût plus faible.

Outre son originalité d’élaboration et de diffusion, pensez-vous également que son contenu le soit ? Vous êtes vous calqués sur les manuels existants ou bien êtes-vous partis dès le départ sur quelque chose de sensiblement différent pédagogiquement parlant ?

Alors que l’usage des TICE est absent ou reste anecdotique dans la plupart des manuels, le Manuel Sésamath a été pensé pour accompagner l’usage des ressources proposées par Sésamath. Il suit le même découpage en chapitre que Mathenpoche, et l’usage des TICE en fait partie intégrante. Il fait appel fréquemment à l’utilisation de logiciels de géométrie dynamique, de tableurs, ou d’instruments virtuels.
Une autre originalité : pour chaque chapitre, le manuel propose des activités en groupe.

Comment ce manuel a-t-il été élaboré ? En quoi les nouvelles technologies ont-ils été utiles et ont favorisé la collaboration, l’échange et le partage ?

Les nouvelles technologies n’ont pas seulement été utiles à la création collaborative, elles en forment le socle.
Lorsque les rédacteurs se regroupent en équipe, ils ne se connaissent que par des échanges de courriels. L’association permet ensuite d’organiser des rencontres, mais c’est une infime partie du travail qui s’y fait. Les rencontres "physiques" permettent essentiellement de renforcer la cohésion du groupe.
Pour monter le projet, quelques membres de Sésamath en définissent les grandes lignes, puis un appel est lancé sur nos listes et/ou dans notre lettre d’information hebdomadaire. On s’aide mutuellement à régler les problèmes techniques et la prise en main des différents outils, puis chacun prend en charge une "fiche", c’est à dire une série d’exercices ou d’activités dans un chapitre donné (de 1 à 6 pages). Les ébauches sont mises en ligne régulièrement et sont relues, critiquées et corrigées en équipe.

Comment se passe la validation ? Qui décide en bout de chaîne des versions finales ? Avez-vous déjà testé des parties du manuel in situ avec de vrais profs et de vrais élèves ?

Il y a une ou deux personnes qui prennent le rôle de celui qui tranche et valide. Ce rôle est attribué assez naturellement à ceux qui s’investissent le plus et dont les avis emportent souvent le consensus.
Tous les rédacteurs étant enseignants, les travaux sont en effet testés par plusieurs classes et les remontées sont aussitot prises en compte.
Les productions étant mises en ligne aussitot, tout prof de math est susceptible de donner son avis, éventuellement après une utilisation en classe. Dans la pratique, ils le font surtout quand on lance des appels explicites. _ L’occasion pour moi d’en lancer un : jusqu’au 15 mars, nous avons spécialement besoin de relecture et de tests puisque le manuel est complet et que le premier tirage ne pourra plus être modifié après cette date.

Avez-vous rencontré des difficultés avec votre hiérarchie ? Est-ce que les inspecteurs de mathématiques voient cette opération d’un bon oeil ?

Le mieux est de leur demander ! ;-)
Je n’ai pas eu pour l’instant d’échos négatifs. Et je crois savoir que certains inspecteurs se sont montrés plutot favorables.
En tout cas, nous sommes à l’écoute de toute critique, et sommes bien entendu tout à fait prêts à en tenir compte pour d’éventuels autres manuels ou d’autres versions.

Avez-vous rencontré des difficultés avec votre éditeur ? A-t-il compris et accepté que le manuel se retrouve sous sa forme numérique totalement libre sur internet ? Accepte-t-il le fait qu’un autre éditeur puisse également en proposer une version papier si bon lui semble ?

Aucune difficulté pour la simple et bonne raison que dès nos premiers contacts avec Génération5 [6] ], il était clair que les contenus seraient sous licence libre.
À l’époque, il s’agissait du logiciel Mathenpoche, puis il y a eu les Cahiers Mathenpoche. Je ne crois pas que Génération5 regrette la confiance qu’ils nous ont accordée puisque le bilan est pour l’instant satisfaisant. Chacun trouve des avantages à ce partenariat.

Avez-vous connaissance d’un projet similaire en Europe, dans le monde ? Êtes-vous en contact avec des collègues hors de France ?

Je n’ai pas connaissance d’un projet similaire. Grace au logiciel Mathenpoche, nous avons quelques contacts avec des collègues de pays francophones. À noter que TracEnPoche [7] participe au projet européen Intergéo visant à uniformiser les formats de différents logiciels de géométrie dynamique.

Avez-vous conscience d’être des pionniers ? Avez-vous conscience que si toutes les matières se mettaient à agir de même pour tous les niveaux alors c’est une véritable petite bombe potentielle dans l’édition scolaire classique que vous posez là !

Je pense qu’il faut rester modeste.
D’une part, l’hypothèse que vous faites est très forte. La rédaction de ce manuel s’appuie sur la communauté des utilisateurs de Sésamath et celle des utilisateurs de Mathenpoche. Celles-ci ont mis baucoup de temps à se construire, dans un contexte favorable. Il n’est pas certain qu’il soit simple de reproduire ce modèle dans d’autres disciplines. En maths, nous avons deux avantages : nous sommes nombreux ; nous pouvons construire facilement des exercices et activités, sans faire appel à des documents ou illustrations qui ne seraient peut-être pas simple à mettre sous licence GNU-FDL.
D’autre part, je ne pense pas que notre modéle d’édition soit fondamentalement en opposition avec le modèle classique. Ce que nous cherchons à montrer, c’est qu’en étant ouvert, on rencontre facilement l’adhésion de nombreux collègues qui sont prêts à donner du temps et de l’énergie pour améliorer les ressources existantes. A condition bien sûr que ces ressources soient accessibles à tous. Je ne pense pas qu’une petite structure comme la notre ait les moyens de faire du tort aux éditeurs scolaires. Par contre, elle peut faire évoluer leur manière de voir.

Avez-vous conscience qu’un tel manuel et ses futures extensions puissent aider les pays francophones dont le système scolaire manque de moyens. Je pense à certains pays africains notamment ?

Ce n’était pas notre objectif premier, mais s’il peut y avoir de tels effets, ce serait vraiment formidable.

Comment seront répartis les bénéfices des ventes ?

Puisque le fait de faire connaître le Manuel par l’intermédiaire de nos sites et de notre lettre hebdomadaire favorise les ventes, Génération5 verse des royalties à l’association Sésamath (0,45 € par exemplaire vendu). Cet argent sert essentiellement à financer les rencontres des différents projets, en toute transparence, puisque les comptes de l’association sont disponibles sur son site.

Avez-vous déjà prévu et anticipé la suite ? Avez-vous déjà planifié d’autres niveaux pour le futur ?

Le niveau 4ème est d’ores et déjà en préparation, afin de se donner un temps de relecture le plus long possible.

Quels sont vos attentes et vos objectifs par rapport à ce projet ? Comment pouvons-nous vous aider ?

Nous n’avons pas d’objectif chiffré. Notre but, c’est d’enrichir le contenu disponible sur Internet, et d’essayer d’améliorer la qualité des ressources éditées.
Nous avons réussi à créer une forme nouvelle de travail collaboratif entre enseignants : c’est d’ores et déjà un succès. Evidemment, si l’édition de ce manuel était également un succès, de nouvelles perspectives s’ouvriraient pour l’association. Sa santé financière permet de soutenir de nombreux projets pleins de promesses. Un modèle économique viable serait sans doute de nature à favoriser d’autres initiatives de ce genre, par exemple dans d’autres disciplines...
La meilleure façon de nous aider, c’est de faire connaître notre action. C’est ce que vous faites en publiant cet article, et au nom de Sésamath, je vous en remercie.

[1] http://www.sesamath.net/
[2] http://manuel.sesamath.net/
[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/GNU_FDL
[4] http://lescahiersmep.sesamath.net/
[5] http://mathenpoche.sesamath.net/
[6] http://www.generation5.fr/
[7] http://tracenpoche.sesamath.net/


:arrow: Source : http://www.framasoft.net/article339.html
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