A PROPOS DE LA QUESTIN LINGUISTIQUE

De l'Assiette au beurre à Rapaces...

A PROPOS DE LA QUESTIN LINGUISTIQUE

Messagepar NOSOTROS » Lundi 12 Juil 2010 12:46

Je copie / colle ici une tribune libre de Michel onfray, parue dans le Monde et qui est en fait son avant propos à la traduction en espéranto de son Traité d'Athéologie. Ou il s'avère qu'Onfray lit de temps en temps nos publications ou je ne m'y connais pas ... :D (nos amis identitaires régionalistes vont être râvis ... et certains esperantistes qui les soutiennent également !)

http://www.esperanto-sat.info/article1736.html
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Les deux bouts de la langue, par Michel Onfray

LEMONDE | 10.07.10 | 12h58 • Mis à jour le 11.07.10 | 16h11

Michel Onfray

Au commencement était Babel, chacun connaît l'histoire : les hommes parlent une seule et même langue, dite "adamique", celle du premier d'entre eux. Puis ils se proposent de construire une immense tour destinée à pénétrer les cieux. Pareille architecture suppose que les hommes habitant le même élément que Dieu en deviendraient de facto les égaux. Cette volonté prométhéenne agit comme une autre formule du péché originel car, goûter du fruit de l'arbre de la connaissance, c'est savoir tout sur chaque chose, autrement dit, une fois encore, égaler Dieu. Il y eut une sanction pour le geste d'Eve, personne n'a oublié... De même pour celui des constructeurs de Babel : la confusion des langues.

Dieu qui est amour, rappelons-le pour qui aurait la fâcheuse tendance à l'oublier, descend sur Terre pour constater de visu l'arrogance de ces hommes. "Il dit : "Voilà qu'à eux tous ils sont un seul peuple et ont un seul langage ; s'ils ont fait cela pour leur début, rien désormais pour eux ne sera irréalisable de tout ce qu'ils décideront de faire. Allons ! Descendons et là, brouillons leur langage, de sorte qu'ils n'entendent plus le langage les uns des autres." Et Yahvé les dispersa, de là, à la surface de toute la Terre, et ils cessèrent de bâtir la ville" (Gen. 11, 6-7) - où comment semer la discorde...

Dès lors, il y eut des langues, certes, mais surtout l'incompréhension parmi les hommes. De sorte que la multiplicité des idiomes constitue moins une richesse qu'une pauvreté ontologique et politique. On se mit alors à parler local, ce que d'aucuns célèbrent aujourd'hui comme le fin du fin. Je songe aux "nationalistes", plus justement nommés "indépendantistes régionaux", qui font de la langue un instrument identitaire, un outil de fermeture sur soi, une machine de guerre anti-universelle, autrement dit un dispositif tribal.

Précisons que le politiquement correct passe souvent sous silence cette information qu'il n'existe pas une langue corse, une langue bretonne, mais des dialectes corses ou bretons, chacun correspondant à une étroite zone géographique déterminée par le pas d'un homme avant l'invention du moteur. Le mythe d'une langue corse ou d'un unique parler breton singe paradoxalement le jacobinisme honni, car lesdites langues régionales sont compartimentées en groupe de dialectes - j'eus des amis corses qui, le vin aidant, oubliaient un instant leur religion et leur catéchisme nationaliste pour avouer qu'un berger du cap corse ne parlait pas la même langue que son compagnon du cap Pertusato ! Babel, Babel...

La langue régionale exclut l'étranger, qui est pourtant sa parentèle républicaine. Elle fonctionne en cheval de Troie de la xénophobie, autrement dit, puisqu'il faut préciser les choses, de la haine de l'étranger, de celui qui n'est pas "né natif" comme on dit. Or, comme une espèce animale, une langue obéit à des besoins relatifs à une configuration temporelle et géographique ; quand ces besoins disparaissent, la langue meurt. Vouloir faire vivre une langue morte sans le biotope linguistique qui la justifie est une entreprise thanatophilique. Son équivalent en zoologie consisterait à vouloir réintroduire le dinosaure dans le quartier de la Défense et le ptérodactyle à Saint-Germain-des-Prés...


A l'autre bout de la langue de fermeture, locale, étroite, xénophobe, il existe une langue d'ouverture, globale, vaste, cosmopolite, universelle : l'espéranto. Elle est la création de Ludwik Zamenhof, un juif de Bialystok, une ville alors située en Russie (en Pologne aujourd'hui). Dans cette cité où la communauté juive côtoyait celle des Polonais, des Allemands et des Biélorusses, les occasions de ne pas se comprendre étaient nombreuses. En ces temps, déjà, Dieu pouvait jouir de son forfait. Fin 1870-début 1880, l'espéranto se propose donc le retour au Babel d'avant la colère divine.

A l'heure où le mythe d'une langue adamique semble prendre la forme d'un anglais d'aéroport parlé par des millions d'individus, on comprend que la langue de Shakespeare mutilée, amputée, défigurée, massacrée, dévitalisée, puisse triompher de la sorte puisqu'on lui demande d'être la langue du commerce à tous les sens du terme. Vérité de La Palice, elle est langue dominante parce que langue de la civilisation dominante. Parler l'anglais, même mal, c'est parler la langue de l'Empire. Le biotope de l'anglais a pour nom le dollar.

Mais cette langue agit aussi comme un régionalisme planétaire : elle est également fermeture et convention pour un même monde étroit, celui des affaires, du business, des flux marchands d'hommes, de choses et de biens. Voilà pour quelle raison l'espéranto est une utopie concrète à égalité avec le projet de paix perpétuelle de l'abbé de Saint-Pierre, autant d'idées de la raison dont le biotope n'est pas "l'avoir" mais "l'être" - plus particulièrement "l'être ensemble" sans perspective d'échanges autres que de biens immatériels.

L'espéranto propose d'habiter une langue universelle, cosmopolite, globale qui se construit sur l'ouverture, l'accueil, l'élargissement ; elle veut la fin de la malédiction de la confusion des langues et l'avènement d'un idiome susceptible de combler le fossé de l'incompréhension entre les peuples ; elle propose une géographie conceptuelle concrète comme antithèse à la religion du territoire ; elle parie sur l'être comme généalogie de son ontologie et non sur l'avoir ; elle est le voeu d'une nouvelle Grèce de Périclès pour l'humanité entière - car était grec quiconque parlait grec : on habitait la langue plus qu'un territoire - ; elle est la volonté prométhéenne athée non pas d'égaler les dieux, mais de faire sans eux, de quoi prouver que les hommes font l'histoire - et non l'inverse.

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Re: A PROPOS DE LA QUESTIN LINGUISTIQUE

Messagepar goldfax » Jeudi 15 Juil 2010 14:41

Je ne veux pas être rabat-joie, mais ni le Corse ni le Breton ne sont des dialectes. Ce sont des langues. Le seul lien de parenté qu'elles ont avec le français, c'est qu'elles font partie de la famille des langues indo-européennes. C'était le premier point.

Deuxième point. Faut-il préconiser la mort des langues, qui véhiculent tout de même une certaine forme de cultures (je ne parle pas de traditions), qui peuvent permettre un enrichissement tant individuel que collectif ? Normand, je ne parle pas la langue normande, mais je ressentirais bien le besoin d'apprendre l'un des dialectes normands (puisqu'il n'y a pas qu'une seule langue normande, comme pour le Corse, le Breton, etc.) pour étudier des livres d'histoire écrits dans cette langue. Je ne partage pas l'opinion selon laquelle il faut défendre les langues à tout prix. Seulement, lorsqu'elles sont vecteurs de culture, elles apportent une nuance que l'on n'a pas forcément dans d'autres langues. Il est parfois préférable, par exemple, de lire Shakespeare et Cervantés en version originale que leurs traductions française.

Troisième point: il est vrai qu'il n'y a pas une langue corse ni une langue bretonne, mais plusieurs langues ou dialectes (mais ce ne sont pas des dialectes du français) corses et bretons. [Schématiquement, "-lecte": qui a un rapport avec la langue; "dia-": qui a un rapport avec le lieu] Tout comme il y a plusieurs français, en fonction du lieu où l'on habite, du milieu social, etc. L'argument que prend Onfray tombe forcément à l'eau. Une même langue normée possède de nombreuses variantes. Cela est très souvent lexical, mais aussi dans l'accentuation, la syntaxe, etc. Pourtant, les différences entre les dialectes d'une même langue ne signifient pas qu'il est impossible de se comprendre. Les anglophones des Etats-Unis et ceux d'Angleterre ou d'Australie se comprennent. Les Picards et les Marseillais, comme les Parisiens et les Montréalais, se comprennent. La différence enrichit, bien au contraire !

Quatrième point: l'espéranto. Sans aucun doute, je suis pour. Mais est-ce nécessairement afin de pallier les difficultés de communication "intra-nationales" ou "extra-nationales" ? Pour la première, pour ce qui nous concerne, nous avons le français. Pour la seconde, il y a certes l'anglais, mais tout le monde ne parle pas cette langue. L'espéranto permettrait de mettre un terme à cette domination linguistique de l'anglais sur le monde. C'est d'ailleurs, même, la langue de l'élite. Un cadre qui ne parle pas l'anglais ne peut pas évoluer professionnellement.
Le problème, c'est qu'il n'y a aucune volonté politique de faire enseigner l'espéranto dans les écoles et dans les universités. Ce ne sont que des associations, généralement peu subventionnées, qui œuvrent pour le développement de cette langue. Alors qu'elle pourrait permettre de mettre tous les locuteurs sur un même pied d'égalité.

Cinquième et dernier point: ni le corse ni le breton ni le basque, etc. ne sont des langues mortes. Elles ont une existence, qu'on le veuille ou non. Ensuite, tout dépend du contexte dans lequel on les utilise. Là encore, je ne vois pas l'intérêt de décrier les langues régionales alors qu'elles ont, à leur manière, contribué à la construction de la langue française. Le normand en est un exemple, mais pas seulement.
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Re: A PROPOS DE LA QUESTIN LINGUISTIQUE

Messagepar goldfax » Jeudi 15 Juil 2010 15:04

Je ne connais pas l'auteur de cet article, mais il me semble que son argumentation est plus intéressante. D'autant plus qu'il n'est pas non plus opposé à l'espérantisme. Loin de là !

http://www.lemonde.fr/idees/article/201 ... _3232.html

Michel Onfray, dévot de la langue unique
Curieux athéisme, que celui qui se range sous l'autorité des Ecritures pour argumenter, y compris en des domaines qui semblaient depuis longtemps émancipés du religieux. Michel Onfray, dans la livraison du Monde du 10 juillet, fait l'éloge de l'Espéranto et des idéaux attachés à cette langue, à vocation universelle : ouverture, cosmopolitisme, etc. Cela est beau et bon. Il y voit aussi l'accomplissement de l'athéisme dans la mesure, où selon lui, les hommes, en créant une langue universelle, s'émanciperaient des dieux, deviendraient les sujets actifs et non plus passifs de l'histoire. Qu'est-ce à dire ? Ne sont-ce pas les hommes qui forgèrent aussi toutes leurs langues tout au long de leur histoire ? En fait, si l'on suit la curieuse et très indigente démonstration de notre philosophe, on peut légitimement en douter !

Cette démonstration, en effet, repose sur l'exposition biblique du mythe babélien, qui fait de la multiplicité des langues un châtiment infligé par Dieu aux hommes pour les punir de leur velléités émancipatrices. Onfray, en effet, s'en remet à ce passage des Ecritures (à travers évidemment l'exégèse qu'il en fait), pour affirmer que "la multiplicité des idiomes constitue moins une richesse qu'une pauvreté ontologique et politique". Il nous offre ainsi un magnifique exemple de raisonnement (pseudo) philosophique reposant sur des prémisses religieuses et théologiques !

Fort de cette sainte autorité, il vomit des imprécations digne d'un Savonarole républicain contre les "langues régionales", qui occuperaient selon lui l'"autre bout de la langue" par rapport au merveilleux projet de l'Esperanto et seraient des instruments de clôture tribale, d'identité ethnique et de rejet de l'étranger (le mot de xénophobie est même prononcé). Aveuglé comme tant d'autres par l'idéologie, Onfray n'a donc manifestement aucune espèce de connaissance des pratiques effectives de ces langues. Les locuteurs nés dans ces idiomes, jamais ne vous refuseront le français et vous parlent volontiers de leurs expériences d'intercompréhension (contrairement au lieu commun du patois local clos sur lui-même). Les enfants qui découvrent dans les écoles bilingues et immersives le plurilinguisme précoce vivent l'apprentissage de la langue "régionale" dans une relation constante avec d'autres langues vivantes, à travers une philosophie d'ouverture à l'autre, qui est étonnamment proche de celle qui anime le projet espérantiste. Qui plus est, parmi les locuteurs des langues régionales, se trouvent aussi de nombreux espérantistes, qui souhaitent une langue de communication universelle différente de l'anglais, ce qui ne les empêchent pas non plus, par goût et par nécessité, d'être anglophones.

Le plus consternant est sans doute qu'Onfray n'a aucune idée de ce dont il parle, affirmant que contrairement à ce que prétendraient (selon lui) les partisans de ces idiomes, ceux-ci ne seraient pas des langues, mais des "dialectes" hermétiquement cloisonnés, dans un espace mesuré par une journée de marche (car l'espace linguistique de la langue régionale, selon notre grand savant, ne connaît pas les véhicules à moteurs) ! Ces assertions trahissent ignorance et confusion : les langues régionales ne sont en effet pas unifiées et donc elles sont soumises à des variations dialectales plus ou moins importantes. Cela – d'un point de vue linguistique – n'en fait évidemment pas des langues moindres par rapport aux langues unifiées et standardisées comme le français (qui du reste connaissent elles-mêmes des variations, parfois importantes). D'ailleurs, contrairement à ce qu'affirme Onfray, la plupart des locuteurs des langues régionales sont non seulement conscients, mais fiers de cette diversification interne qui fait de leurs idiomes des bouquets de variations dans la morphologie, la phonétique et la syntaxe…

Ce n'est pas un hasard si le concept de langue polynomique, que l'on utilise désormais partout pour les désigner et les enseigner, a été mis au point par un linguiste corse, Jean-Baptiste Marcellesi, confronté à cette variabilité sur l'Ile de beauté. C'est sans doute ce qu'auront essayé d'expliquer en vain à Onfray ses compagnons de boisson corses, dont il me semble parler en vérité de façon fort grossière. Nous autres occitanophones, ne cessons de répéter que notre langue est constituée de dialectes, eux-mêmes soumis à variations, ce qui ne nous empêche pas de nous comprendre et de nous lire d'autant plus aisément que nous bénéficions de graphies communes (mistralienne et "classique"), sans cesser pour autant de nous exprimer dans nos dialectes respectifs. Cette diversification interne, associée qui plus est au bilinguisme, et souvent même au plurilinguisme, est notre richesse, notre ouverture au vaste monde et à la chatoyante humanité dans le jeu des différences. Cette expérience et ce jeu du divers et de la diversification linguistique donnent à penser et à rêver bien des choses ; ils permettent une pensée de l'universel qui ne soit pas réduction totalitaire ad unum, elle permet d'élaborer des formes de démocratie conséquentes où langues et cultures se conjuguent au pluriel. Sur la foi de la Bible, il n'y a là pour Onfray, que "pauvreté ontologique et politique". Nous n'osons imaginer à quoi pourrait ressembler l'utopie radieuse monolingue et monoculturelle qu'il appelle de ses vœux, d'ailleurs tout à fait étrangère à l'esprit de la grande majorité des espérantistes.

Onfray affirme enfin qu'en voulant parler et transmettre les langues régionales, nous serions engagés dans une "entreprise thanatophilique" de résurrection artificielle, en l'absence, dit-il, du "biotope" qui justifierait une telle entreprise, comme si nous voulions, ajoute-t-il, réintroduire les "dinosaures" et les "ptérodactyles". Cette assertion insultante contredit ce qu'il affirme par ailleurs (car c'est bien au présent qu'il dit que ces langues sont des dialectes, varient, etc.) et nie évidemment la réalité : ces langues sont certes affaiblies, mais non pas mortes, aucune n'a disparue, comme le montrent toutes les enquêtes sur le sujet ; et les écoles bilingues laïques, qu'elles soient publiques ou associatives, prospèrent. Mais je note surtout que l'argument souscrit au paradigme biologique et écologique dominant, ce qui montre encore la faiblesse et le peu de rigueur de cette pensée à prétention critique. En général, ce paradigme est invoqué en sens inverse, à travers la formule de "biodiversité linguistique", pour justifier la protection des langues et des cultures en danger, considérées comme des espèces vivantes à protéger. On voit par là comment il est facile de retourner l'argument. Les langues n'ont évidemment rien à voir, sinon par métaphore, avec les espèces vivantes de la biologie. L'espèce dont il est question, en l'occurrence, est l'homme et lui seul.

Il faut cesser de considérer les langues comme des entités vivantes indépendantes des groupes et des individus qui les parlent, arrêter de confondre leur genèse, leur évolution et leur disparition avec celles des êtres animés. Les langues sont ce qu'en font leurs locuteurs et, en partie (d'où l'importance de ce que l'on nomme "politiques linguistiques"), de ce qu'ils veulent en faire : Onfray en donne lui-même la preuve en adhérent au projet espérantiste qui, si on le ramenait au paradigme biologique, deviendrait un pur monstre de laboratoire, ce qu'il n'est pas, dès lors que les locuteurs se l'approprient et le font vivre en effet dans leurs échanges.
Jean-Pierre Cavaillé


A noter la référence à Jean-Baptiste Marcellesi, l'un des inventeurs, avec Bernard Gardin, de la sociolinguistique française. Et tout deux chercheurs à Rouen. Ce ne sont pas, à mon avis, le genre de personnes à défendre l'identitarisme.

Enfin, cela me surprendra toujours que Michel Onfray, bien qu'il ait le droit de s'exprimer sur tous les sujets qu'il veut, se permettre d'énoncer des choses sur lesquelles il n'a aucune connaissance. Je le répète, je ne prétends pas à défendre l'identitarisme. Il me semble simplement démesuré de régler leur compte aux langues régionales sous le prétexte fallacieux qu'elles "divisent". C'est l'usage qu'on en fait qui divise (comme l'exemple du métro à Toulouse ou Montepellier, je ne sais plus). Une langue n'est pas idéologique, c'est l'utilisation qu'on en fait.
La preuve que la diversité linguistique ne nuit pas, c'est que, par exemple, l'AIT existe alors que les membres de toutes les sections parlent des langues différentes. Et en plus, l'espéranto n'est pas parlé par tout le monde ! A mon avis, l'universalisme, ce n'est pas l'uniformisation de tous, mais la conjugaison de tous !
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Re: A PROPOS DE LA QUESTIN LINGUISTIQUE

Messagepar NOSOTROS » Jeudi 15 Juil 2010 16:30

Ce n'est pas que tu es rabas joie c'est simplement que tu n'as pas compris ce qu'a voulu dire Onfray.

Il a dit et fort justement que le corse n'existe pas, pas plus que le breton. il n'y a pas LE corse mais DES corses. Et le breton c'est encore pire avec la division encore plus franche entre gallo et breton bretonnant !

De plus, comme tu le fais remarquer justement il ya aussi des différences socilaes : le français qu'on parle chez Mme de Bettencourt n'est pas celui qu'on parle dans les cages d'escaliers d'HLM ...

Or c'est pour cela que tu te plantes complètement (excse moi ...) quand tu dit que "L'argument que prend Onfray [d'une langue unique] tombe forcément à l'eau.". Car cet arguement précisément n'est pas celui de Onfray mais bien celui des identitaires !!! (autrement dit, vous dites la même chose Onfray et toi ... Ne te laisse pas aveugler par l'anti onfray de base qui sommeille en toi :-) )

A mon avis, l'universalisme, ce n'est pas l'uniformisation de tous, mais la conjugaison de tous !


Précisément ! Tout le projet des soit disant défenseurs des langues régionales c'est justement d'uniformiser les différents dialectes de façon à n'avoir qu'une seule version de la langue. Onfray le dit fort justement dans son texte. Moi même je l'ai déjà souvent évoqués ici ou sur les forums occitanistes. A ce titre l'exemple du basque est parklant puisque le basque unifié à fait disparaitre deux dialectes (je remarque que depuis mes interventions sur ce sujet, la page de wikipedia a été modifiée et qu'ils ont supprimé les noms des deux dialectes éliminés par le basque unifié, remplacé par un sybillin "ce dynamisme ne peut que se faire au détriment des autres formes dialectales dont la transmission entre générations n'est quasiment plus assurée." Ce n'est pas grave, je retouverai la trace des messages déjà publiés sur ce sujet ...)

De la même façon l'occitan unifié est une hérésie : seuls les universitaires le comprennent. Mais les "vrais occitans", mon arrière grand mère par exemple, quand elle entendais le prof de la fac du mirail faire son journal le dimanche matin sur FR3 elle n'entravait que pouic !

de toute façon sur cette question d'universalimse et diversité, zébulopn a trouvé les mots définitifs sur une réponse à Indy toulouse (cf ses messages précédents).

Le problème, c'est qu'il n'y a aucune volonté politique de faire enseigner l'espéranto dans les écoles et dans les universités. Ce ne sont que des associations, généralement peu subventionnées, qui œuvrent pour le développement de cette langue. Alors qu'elle pourrait permettre de mettre tous les locuteurs sur un même pied d'égalité.


Remarque suprenant de la part d'un anarchosyndicaliste ... (même si elle revient en effet en boucle dans la bouche des associations localistes et autres). depuis quand faudrait il attendre quoique ce soit de l'Etat ? Au contraire, le fait que l'Etat ne fasse rien pour aider l'esperanto devrait nous mettre la puce à l'oreille ... L'esperanto ne s'est jamais autant développé que quand il était lié au mouvement ouvrier, et particulièrement à sa frange internationaliste, en ne comptant que sur ses propres moyens et ses propres forces. C'est là aussi la clé de son indépendance ...

Cinquième et dernier point: ni le corse ni le breton ni le basque, etc. ne sont des langues mortes. Elles ont une existence, qu'on le veuille ou non. Ensuite, tout dépend du contexte dans lequel on les utilise. Là encore, je ne vois pas l'intérêt de décrier les langues régionales alors qu'elles ont, à leur manière, contribué à la construction de la langue française. Le normand en est un exemple, mais pas seulement.


Je ne crois pas que Onfray "décrie" les langues régionales françaises. Par contre il fait juste un constat assez lucide et objectif de leur situation sociale réelle (combien de gens font leur course en Breton ?) et surtout de la manipulation politique qui est faite autour de leur instrumentalisation par le pouvoir.

Après il ya en effet un plaisir à apprendre et maîtriser différentes langues. Mais il ya une différence entre ce projet d'approfondissement "culturel" dont tu parles, qui est un projet individuel, et le projet politique collectif qui sous tend la mise en avant de ces langues dites régionales.

En totu cas si ce qui comptait vraiment pour le Législateur c'est l'égalité des langues entre elles, alors les panneaux de rues dans bien des quartiers devraient être pas tant en français et occitan, qu'en français et espagnol, portugais, italien, ou arabe, turc et chinois ... Or si on voit des panneaux en néerlandais et chinois à Amsterdam par exemple, je pense qu'on est pas prêt d'avoir des panneaux en français et arabes en France ...

Car quand l'auteur de la réponse à Onfray nous dit que "les écoles bilingues laïques, qu'elles soient publiques ou associatives, prospèrent", en effet, de la même façon que les autres écoles PRIVEES (mais elles confessionnelles .. l'auteur noie le poisson avec le mot laique ...) ne désemplissent pas : c'est un moyen comme un autre pour la petite bourgeoisie d'éviter que ses enfants se retrouvent mélangé avec les enfants de la racaille pas très blanche sur les bancs de la communale. C'est d'ailleurs remarquable que dans sa réponse Cavaillé ne demande pas le même statut pour les langues dites de l'immigration que pour les langues régionales ...

mais Cavaillé noie le poisson : car s'il nous dit "L'espèce dont il est question, en l'occurrence, est l'homme et lui seul." il prend bien soit d'introduire le différentialisme en parlant de cultures, au pluriel. Et on sait ce qui se profile derrière le multiculturalisme ...
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Re: A PROPOS DE LA QUESTIN LINGUISTIQUE

Messagepar NOSOTROS » Jeudi 15 Juil 2010 17:21

Tiens et puisqu'il est question de la COrse et de sa diversité linguistique, voici ce je viens d'apprendre en consultant Wikipedia :

Langues et parlers en voie très avancée d'extinction : grec de Cargèse,

Cargèse (Καργκέζε en grec, Carghjese en corse) est une commune française située dans le département de la Corse-du-Sud et la région Corse.

En janvier 1676, une petite colonie de 600 Grecs issus du village de Vitylo (actuellement Oytilo) situé au sud du Péloponnèse dans la presqu'île du Magne, fuyant l'occupation turque, s'établirent dans l'arrière-pays de Sagone, à Paomia, situé à 2 kilomètres à l'est de l'actuel Cargèse, après un passage par la république de Gênes qui leur accorda ces terrains abandonnés au maquis (la Corse était alors génoise). Ils furent cependant mal accueillis par les populations locales qui voient en eux des alliés de la république de Gênes et des personnes venues s'enrichir sur leur terre.

En 1732, ils durent se réfugier dans la tour d'Omigna puis à Ajaccio face aux attaques des villageois corses, où Gênes leur offrait des terrains. En 1773, les Grecs reçurent du gouverneur français de l’île, Marbeuf, le territoire de Cargèse et y édifièrent un village de 120 maisons. Une centaine de familles grecques consentirent à s’y établir à partir du mois de mai 1775 [1]. Marbeuf vit le village érigé au rang de marquisat par le roi à son bénéfice, comme marquis de Cargèse. Il fit construire un château au Nord Ouest du village, dans lequel il reçut la mère de Bonaparte pendant plusieurs étés. Certains auteurs[2] y voient d'ailleurs la naissance d'une idylle et la possibilité de voir Marbeuf comme le père géniteur de Napoléon Bonaparte. Le château fut détruit en 1793 par des assaillants corses. Avec les siècles, les mariages mixtes entre les descendants de colons grecs et les corses ont mêlé les deux communautés de Cargèse.


On voit qu'il est de tradition Corses que d'être tout à fait ouverts à la diversité linguistique et culturelle ... Et que par ailleurs la langue Corse a quasiment éliminé le grec par assimilation (et ce avant Jules Ferry ...). mais tiens là les identitaires Corses ne trouvent rien à redire ?
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Re: A PROPOS DE LA QUESTIN LINGUISTIQUE

Messagepar goldfax » Jeudi 15 Juil 2010 17:27

Non, je ne fais pas de l'anti-Onfray primaire. J'analyse simplement son texte par rapport à ce que je connais de la linguistique et de ce que je ressens comme "scientifiquement" juste.

NOSOTROS a écrit:Or c'est pour cela que tu te plantes complètement (excse moi ...) quand tu dit que "L'argument que prend Onfray [d'une langue unique] tombe forcément à l'eau.". Car cet arguement précisément n'est pas celui de Onfray mais bien celui des identitaires !!! (autrement dit, vous dites la même chose Onfray et toi ... Ne te laisse pas aveugler par l'anti onfray de base qui sommeille en toi :-) )


Mais justement, Onfray se plante parce qu'il croyait, au départ, qu'il y avait une seule langue corse. Ah, bah bon sang, il y a un corse du nord et un corse du sud !! Merde alors ! Justement, les langues ne sont pas monolithiques, quelles qu'elles soient, y compris l'esperanto, et leur pluralité fait leur richesse. Mais connaître l'une n'empêche pas de comprendre les autres. Encore un exemple. Un Norvégien, un Danois et un Suédois n'ont pas besoin de connaître la langue des uns et des autres pour se comprendre.
Certes, par ailleurs, les langues régionales se différencient de la langue véhiculaire. Mais comme le dit Cavaillé, le bilinguisme n'est pas nécessairement une source d'exclusion. Comme Cavaillé le dit, et comme je l'ai dit ensuite, la langue n'est pas idéologique. Cela dépend de l'usage qu'on en fait. La langue ne doit pas être un outil de discrimination, mais un outil de communication et d'échange. Et je ne vois pas pourquoi l'occitant, le breton, le corse, le catalan, le galicien, le gaélique, etc. seraient moins des langues de communication que les langues véhiculaires !
De plus, l'esperanto, comme toute langue, évolue immanquablement... Tous les ans, de nouveaux mots apparaissent. Et il existe très certainement des variantes d'un lieu à un autre. Une langue unique dans le monde, ça n'existera jamais. Elle finira, un jour ou l'autre, par évoluer et se transformer au gré des circonstances, aussi diverses que possible.

NOSOTROS a écrit:En ce sens, Onfray à tout à fait raison.

de la même façon que son analyse de dire que le fait de mettre en avant les langues dites régionales accompagne le renouveau du "mouvement identitaire" auquel on assiste en ce moment, politique insidieuse destinée à discriminée ceux qui ne sont pas nés ici, si tu vois ce que je veux dire ...


Tout dépend de la façon qu'on utilise la langue. Si l'usage, si la démarche est identitaire (donc discriminatoire), cela n'est absolument pas pertinent, je partage cet avis. Le passé n'est utile que s'il sert à vivre le présent et le futur. Tu sais très bien que je ne suis pas passéiste.
Néanmoins, il me semble que la langue peut avoir un aspect didactique, pédagogique, avoir une valeur communicative. Cela pour plusieurs raisons:
1) Un enfant bilingue ou plurilingue (quelque soit la langue) apprend plus facilement une langue étrangère. C'est pour cette raison que, par exemple, certaines personnes militent pour le droit des enfants d'immigrés à apprendre leur langue d'origine (notamment parce que leurs parents parlent ces langues).
2) L'apprentissage de certaines littératures, comme cela pouvait l'être pour le grec et le latin, passe parfois par l'apprentissage des langues originales. Par exemple, un type qui voudrait étudier les œuvres de Mistral et qui n'apprend pas le provençal n'a aucune chance de comprendre toute la particularité de son travail (passons sur le nationalisme de Mistral, qui est totalement hors-sujet). C'est sûr, cela n'apporte rien à la lutte des classes, loin de là ! Mais bon, après la révolution, on aura autre chose à faire que de travailler 35 heures par semaine à l'usine !
3) Ces mêmes langues tant décriées peuvent servir à la construction de langues artificielles ! A partir de quoi s'est construit l'esperanto ? Du finnois, du hongrois, du latin, de l'allemand, du français, de l'espagnol, entre autres. L'esperanto, langue internationale, s'est construit à partir de langues nationales.

Là où Onfray est habile, c'est qu'il évite d'opposer les langues régionales aux langues véhiculaires. Et là, je dois avouer qu'il évite un piège sacrément grand.
Celui d'opposer deux types d'identité: l'identité nationale et l'identité régionale. C'était sans doute là le but de son intervention. Le problème est qu'une langue n'est pas forcément liée à un territoire. Le français n'est pas une langue uniquement française. Le français est une langue internationale... De nombreux locuteurs francophones sont Africains, Américains... Idem pour l'espagnol, l'anglais, l'arabe, le portugais, le hollandais... La langue n'est pas l'unique paramètre qui permet de constituer une identité territoriale. Il y en a bien d'autres: le droit du sol, le droit du sang et d'autres conneries du genre. Et aucune langue n'est liée, comme le dit Cavaillé, à aucun gène particulier. C'est pourquoi un petit garçon de Somalie peut aussi bien parler le quecha ou le créole antillais, comme le swahili ou le wolof, comme le basque ou l'islandais, comme l'esperanto ou l'ido !

Je viens de voir ton message sur le Corse...
Oui, je suis d'accord avec toi. Sauf que là, la question n'est pas celle de la langue, mais celle du territoire !
Et tous les Corses ne sont pas des identitaires !

Entre nous, pour quelqu'un qui préfère parler le catalan que le castillan, cela me surprend...
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Re: A PROPOS DE LA QUESTIN LINGUISTIQUE

Messagepar goldfax » Jeudi 15 Juil 2010 17:44

NOSOTROS a écrit:
Le problème, c'est qu'il n'y a aucune volonté politique de faire enseigner l'espéranto dans les écoles et dans les universités. Ce ne sont que des associations, généralement peu subventionnées, qui œuvrent pour le développement de cette langue. Alors qu'elle pourrait permettre de mettre tous les locuteurs sur un même pied d'égalité.


Remarque suprenant de la part d'un anarchosyndicaliste ... (même si elle revient en effet en boucle dans la bouche des associations localistes et autres). depuis quand faudrait il attendre quoique ce soit de l'Etat ? Au contraire, le fait que l'Etat ne fasse rien pour aider l'esperanto devrait nous mettre la puce à l'oreille ... L'esperanto ne s'est jamais autant développé que quand il était lié au mouvement ouvrier, et particulièrement à sa frange internationaliste, en ne comptant que sur ses propres moyens et ses propres forces. C'est là aussi la clé de son indépendance...


Je sentais bien que tu allais me balancer ce genre de chose. Mais, je suis tout à fait d'accord. Ce que je voulais dire, ce n'est pas que l'état devrait le faire, mais plutôt qu'il ne fait rien ! La volonté politique est justement à l'inverse de ce que l'on estimerait judicieux ! Tu savais très bien ce que je voulais dire.

Pour en revenir à la question de la "sociolinguistique" des langues régionales, il est évident que les locuteurs de ces langues sont minoritaires (pour ne pas dire ultra-minoritaires). Après, je n'ai pas étudié la question dans le détail, je n'ai aucun chiffre. Mais on ne fait pas de la linguistique avec des chiffres. Quoique... Les mathématiques sont un langage.
Après, on peut apprendre ces langues par curiosité, par souci simplement didactique, pour étudier l'histoire, la littérature, etc., sans tomber dans le panneau de l'identitarisme et de l'idéologie pseudo-multiculturaliste.
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Re: A PROPOS DE LA QUESTIN LINGUISTIQUE

Messagepar NOSOTROS » Jeudi 15 Juil 2010 18:34

On est bien d'accord !

Mais ce qui est critiqué ici ce n'est pas la "sociolinguistique" mais le projet politique qui se sert de ce pretexte pour avancer ses billes. (mais là aussi je pense qu'on est d'accord)
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Re: A PROPOS DE LA QUESTIN LINGUISTIQUE

Messagepar goldfax » Jeudi 15 Juil 2010 19:52

Tout à fait !
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